Gembloux accueillait le 8 avril une journée d’études sur cette question cruciale.
Dans son discours inaugural, la Ministre de la Santé Nicole Maréchal rappelait que les moyens alloués à la prévention restent dérisoires comparés à ceux de l’industrie du tabac et au produit des recettes fiscales. Elle soulignait aussi que l’annonce en 2000 par les autorités fédérales de santé publique de la création d’un fonds de lutte contre le tabagisme doté de 500 millions de francs de l’époque (soit un peu moins de 12,5 millions d’euros) n’a pas encore été suivie d’effet. Pire, on évoque maintenant un montant global de 1.859.200 €, dont la Communauté française recevra (peut-être encore cette année) 335.000 €.
Bref, on est loin, très loin du compte!
La matinée, modérée par Frédéric Soumois , journaliste au Soir , vit se succéder quatre interventions intéressantes.
Laurence Kohn (ULB) nous fit d’abord part de quelques résultats frappants de l’enquête sur les comportements de santé des jeunes en âge scolaire (publication annoncée d’ici la rentrée). Les chiffres confirment l’impression qu’on peut avoir à la sortie des cours: les jeunes fument plus qu’avant, et il y a plus de gros fumeurs qu’avant parmi eux. Et il n’y a pas que la cigarette pour poser question, l’alcool et le cannabis ont aussi le vent en poupe.
Elle nous rappela aussi qu’il est illusoire de croire que le fait de fumer ou non est un choix délibéré (ce que prétend l’industrie), mais plutôt la résultante d’une série complexe de facteurs.
Luk Joossens (CRIOC) soulignait pour sa part avec son ironie habituelle que les gentilles campagnes visant les pré-adolescents et mettant en scène des pré-adolescents, de même que les interdictions légales de vente aux mineurs, qui ont la faveur des multinationales du tabac, sont évidemment inefficaces. Pour lui, il existe néanmoins des moyens de ‘faire mal’ à notre ennemi public n°1, comme des augmentations de prix bien étudiées, ou la valorisation de la protection des non-fumeurs.
Daniel Veilleux (responsable du programme De Facto au Québec) vanta, au cours d’un exposé remarquablement illustré, les mérites de la dénormalisation (1), qui consiste à dénoncer publiquement et de façon spectaculaire les manipulations dont est coupable l’industrie. Les jeunes semblent sensibles à une démarche qui met en évidence les vrais responsables. La démonstration était presque trop séduisante pour être vraiment honnête et par moments on avait l’impression qu’en employant les armes du marketing commercial et de la publicité sur leur terrain, ce programme tend à légitimer la manipulation au prétexte que c’est pour le bon motif…
Pour terminer la matinée, et avant une table ronde animée par Axel Roucloux , qui laissa les participants quelque peu sur leur faim, Florence Vanderstichelen (directrice d’Univers Santé) présenta avec l’appui d’un étudiant la démarche concrète du Stop Tabac dans les halls d’auditoire de l’Université catholique de Louvain: campagne de sensibilisation au départ d’une vaste enquête auprès des étudiants, qui vise à inviter au dialogue entre fumeurs et non-fumeurs de façon conviviale et humoristique. Les ingrédients de la réussite: un engagement étudiant fort, un partenariat multiple, une volonté politique des autorités académiques, un volet matériel attractif, et un ton qui exclut la fumée mais pas le fumeur!
Cette journée était organisée par l’asbl Promotion santé et développement durable (voir page 7 de ce numéro), avec la Ville de Gembloux, le Comité prévention assuétudes de Gembloux, Question Santé, et avec le soutien de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.
Christian De Bock (1) Voir l’article ‘La dénormalisation de l’industrie du tabac, nouvelle approche pour la prévention chez les jeunes’, par Axel Roucloux, Education Santé n° 178, avril 2003.