Septembre 2021 Par Kim DAL ZILIO la MC Initiatives

On a beaucoup entendu parler « des jeunes » durant la crise sanitaire qui a frappé notre pays. Pendant que d’aucuns les accusaient de négliger les précautions sanitaires et de participer à la propagation du virus, de nombreux professionnels travaillant avec ces publics n’ont pas tardé à pointer le manque de communication adaptée à leur égard et se sont alarmés des conséquences désastreuses de la réduction drastique de leur vie sociale et académique sur leur santé mentale. Marie-Marie van der Rest, chargée de communication chez Univers santé, a accepté de revenir avec nous sur la campagne Kot’Vid Friendly, à destination du public étudiant, née dans cette période si particulière.

multicultural friends covered by face masks taking a selfie outdoor new normal friendship concept with young people smiling and having fun bright filter

Genèse du projet : se réinventer en temps de Covid

Lorsque le premier confinement a été annoncé au printemps 2020, face à la soudaineté de la situation,  l’association a dans un premier temps relayé les recommandations officielles des autorités. En parallèle, elle a continué à travailler ses thématiques d’actions habituelles, mais sous l’angle de la Covid-19 et du confinement. Par exemple, en abordant des questions telles que « comment maintenir une activité physique», «comment maintenir ses relations malgré la distance » ou encore, en faisant de la prévention en matière d’assuétudes. Si, à la faveur du déconfinement, les étudiant·e·s ont pu se retrouver à la rentrée, le spectre de la seconde vague s’est rapidement fait sentir.

À cette époque, le Service d’aide aux étudiant·e·s de l’UCLouvain recevait de nombreuses interrogations concernant la mise en quarantaine. L’équipe professionnelle constatait que, si beaucoup d’étudiant·e·s cherchaient à se faire tester pour continuer à assister aux cours et maintenir – autant que faire se peut – une vie sociale, de nombreux malentendus subsistaient quant à la quarantaine, d’autant que les règles évoluaient sans cesse en fonction de la situation sanitaire.

En octobre, en collaboration avec l’UCLouvain, Univers santé a donc imaginé un arbre décisionnel. L’objectif était de rassembler les informations et recommandations officielles, dans un même support de communication visuel, accessible et adapté aux jeunes. Edité sous forme de flyer, le verso répondait à des questions fréquemment abordées telles que « qu’est-ce qu’une bonne mise en quarantaine ? » mais également à des situations plus spécifiques telles que « que dois-je faire si mon co-koteur est malade ? », « cela signifie-t-il que je suis ‘cas contact’ ? »… Les retours sur cet arbre décisionnel se sont montrés très positifs et ont appuyé la nécessité de travailler sur une communication adaptée aux étudiant·e·s dans le cadre de la crise sanitaire. Ainsi a émergé l’idée de créer une campagne collaborative spécifique à ce public : la campagne Kot’Vid Friendly1 .

La campagne Kot’Vid Friendly

Les étudiant·e·s, un public spécifique

Du fait de leur mode de vie, entre cocon familial et premières envolées, les étudiant·e·s rencontrent des problématiques qui leur sont propres. Une partie d’entre eux notamment vit dans des logements communautaires ou kots. Or, comme le rappelle Marie-Marie van der Rest : « nous ne nous rendions pas compte qu’être à 6, 7, 8 dans un logement pouvait donner lieu à des perspectives totalement différentes sur la crise sanitaire, le respect des règles… En colocation aussi, pour les jeunes travailleurs, cela pose sans doute problème. C’est d’autant plus prégnant pour les étudiant·e·s car pour certains, c’est la première fois qu’ils n’habitent plus chez leurs parents. Il y a aussi la situation des étudiant.e.s qui rentrent dans leurs familles le week-end et qui sont soumis à leurs règles. Et puis un kot, c’est parfois moins confortable pour le wifi, pour la cuisine… ». Ces aspects spécifiques à la vie étudiante étaient à prendre en compte.

Outre la question des logements, d’autres éléments liés au public des jeunes entre 18 et 25 ans sont aussi à considérer et à aborder avec eux : le besoin de vie sociale, d’émancipation, de créer un réseau, le stress qui peut être lié au déroulement de l’année et des examens, etc.

Des besoins identifiés en amont par les étudiants

Outre le Service d’aide aux étudiant·e·s, en contact permanent avec leur public, Univers santé a donc fait appel aux étudiant·e·s avec lesquels l’association avait l’habitude de travailler ses thématiques. « Ce sont des étudiant·e·s qui généralement sont identifiées comme référent·e·s en santé dans leur comité ou collectif respectif. Par exemple, dans un kot-à-projet, un cercle ou une régionale, ils ont souvent dans leur comité une personne qui a la casquette de « sport-santé » ou de « vie saine » ». Finalement, ce sont 3 étudiant·e·s issus de différentes entités (kot-à-projet, régionale et cercle) qui se sont portés volontaires.

La volonté était de partir des problématiques que rencontraient concrètement les étudiant·e·s et de leur vécu pour rappeler les règles d’or en matière sanitaire en adoptant un ton un peu plus décalé et davantage adapté à ce public. « Par exemple, un des étudiants avec lequel nous avons construit la campagne a porté à notre attention un message que nous n’avions pas identifié de prime abord : l’importance de choisir son mode/lieu de vie (dans le contexte du second confinement, ndlr). Il nous a relayé que cela créait beaucoup de difficultés dans les kots parce que certains faisaient la fête la semaine et rentraient chez leurs parents le weekend, créant des tensions avec les étudiant·e·s qui avaient choisi de rester là tout le temps ». De ce constat est né le premier visuel travaillé dans le cadre de la campagne Kot’Vid Friendly : « Choisis ton camp ».

Une communication adaptée dans une approche de réduction des risques

Pandémie oblige, une grande partie de la communication de la communication été relayée principalement via les réseaux sociaux. La campagne dispose d’ailleurs de pages Facebook et Instagram dédiées.

Retrouvez la campagne sur :

En parallèle des messages de prévention qui y étaient diffusés, il a semblé important, dès le départ, de dépasser les seules recommandations sanitaires pour proposer des idées que l’on pourrait qualifier de « kot’vid friendly ». « Par exemple, nous avons proposé une liste de promenades à Louvain-la-Neuve et à Bruxelles qui changeaient des lieux très fréquentés, avec toujours l’idée de ne jamais encourager à se voir à plus de 4 (selon les règles en vigueur à l’époque – ndlr) mais sans être dans le ton négatif ».

À un discours moralisateur, l’association a préféré adopter une approche de réduction des risques afin d’accompagner et de limiter les dommages sanitaires. « Même quand il y a eu, en mars-avril 2021, de plus gros rassemblements, nous n’étions pas dans la condamnation. En revanche, nous étions présents pour rappeler qu’il y avait une possibilité de se faire tester, qu’il y avait des procédures de mise en quarantaine, qu’il fallait faire attention… mais en essayant de ne pas stigmatiser » ajoute notre interlocutrice. Et de compléter, « l’idée n’est pas de cautionner mais bien d’admettre que c’est une réalité bien présente ».

Une attention particulière a donc été portée au ton des messages adressés aux étudiant·e·s en prenant le parti de ne pas dramatiser, tout en rappelant les règles régulièrement. Ainsi, plutôt que d’intimer « évitez les rassemblements », l’association a préféré le message : « compte (sur) tes potes » pour rappeler le concept de « bulle sociale ». Le groupe de travail a également choisi de s’exprimer à la première personne dans ses supports. « Nous avons créé des visuels mettant en scène une personne qui parle en « je », l’idée était de pouvoir s’identifier au message en se disant « ah bon, je ne suis peut-être pas la seule personne à penser ça… » » précise Marie-Marie van der Rest.

Changer de prisme et renforcer la capacité d’agir des étudiant·e·s

Comme le souligne Marie-Marie van der Rest, « nous souhaitions aussi montrer que les étudiant·e·s prennent leurs responsabilités puisqu’on a travaillé avec eux sur la campagne. Ils remontaient les messages qu’ils souhaitaient voir passer pour montrer que tous les étudiant·e·s ne négligent pas les règles sanitaires, que tous ne se retrouvent pas dans des kots à 45 mais, qu’au contraire, la plupart essaient de sensibiliser leurs pairs à cette problématique ».

Favoriser le dialogue entre les étudiant·e·s, en dédramatisant certains comportements mais en expliquant aussi pourquoi ils sont dangereux est l’un des objectifs de cette campagne. Les compétences des étudiant·e·s et leur capacité d’agir s’en trouvent ainsi renforcées.

Des relais par les pairs…

Cela permet aussi une meilleure adhésion aux messages de la part des étudiant·e·s eux-mêmes, qui à leur tour seront plus prompts à relayer les messages. La plupart des cercles, régionales ou kots-à-projet ayant également un compte Instagram, « nous avons eu beaucoup de relais des étudiant·e·s qui n’hésitaient pas à diffuser auprès de la population étudiante que nous avons parfois plus de mal à toucher, d’autant que nous sommes souvent associés à l’université » rajoute notre interlocutrice.

Et par le réseau..

En outre, Univers santé a mobilisé son réseau institutionnel pour relayer ses messages. L’UCLouvain a ainsi relayé la campagne auprès de ses étudiant·e·s à plusieurs reprises. De même certains acteurs locaux, telle que la zone de police de Louvain-la-Neuve, ont fait montre d’un intérêt pour cette approche adaptée.

Défis & perspectives

Faut-il le rappeler, cette campagne est née dans un contexte très spécifique : la pandémie, son évolution et les diverses mesures sanitaires qui l’ont accompagnée, souvent dans l’urgence, parfois dans une certaine confusion. Par son caractère soudain et le nombre d’inconnues qu’elle a généré, la pandémie a été le théâtre d’une production d’informations frénétique et continue, dont une partie s’est avérée erronée, incomplète, voire orientée. Née dans l’urgence de faire face à cette pandémie, la campagne Kot’Vid Friendly, caractérisée par sa réactivité à l’évolution sanitaire, n’a donc pas vocation à être permanente.

Cependant, force est de constater que la situation reste fragile et traversée de nouveaux enjeux, tels que la couverture vaccinale de la population.

Dans une perspective plus positive, nous pouvons bien sûr espérer que les activités « en présentiel » reprendront bientôt, ce qui donnera aussi une autre possible dimension à la campagne. « S’il y a de nouveau un retour des animations sur les sites, on pourrait aussi mettre en place ce fameux label : l’activité en question est « kot’vid friendly », pour attester qu’elle respecte les règles sanitaires». Tout cela n’est cependant pas encore à l’ordre du jour.

Un autre défi sera aussi de reconstituer une équipe pour continuer le processus de co-construction de la campagne. En effet, chaque année, la composition des comités change. Et par conséquent, les étudiant·e·s avec lesquel·le·s travaille Univers santé. Un défi, car c’est toute une dynamique à (re)construire, mais également une opportunité comme le souligne Marie-Marie van der Rest : « c’est dommage de ne plus travailler avec eux mais on va découvrir de nouvelles personnes qui auront sans doute d’autres manières de travailler ou de nouveaux messages à identifier ». D’autres étudiant·e·s qui à leur tour, représenteront leurs pairs, car ils partagent leur(s) réalité(s) : « (…)peut être vont-ils avoir de nouvelles choses à nous apporter ou, au contraire, nous diront-ils qu’il faut vraiment qu’on parte sur autre chose parce que la lassitude s’installe, ou qu’il faudra changer l’identité visuelle ou autre pour donner un coup de neuf et que le message soit de nouveau lu et vécu ». Car c’est bien dans cette démarche collaborative, en écho avec les besoins de son public, que réside le succès de cette campagne.

Univers santé

Sur les campus de l’Université Catholique de Louvain (UCLouvain), Univers santé développe depuis 2000 des actions de promotion de la santé en milieu jeune et étudiant, et travaille en partenariat direct avec ses publics cibles, des acteurs et des associations de terrains, des enseignants, des professionnels de la santé, etc. L’association aborde tous les sujets qui concernent les publics jeunes et étudiants : alimentation, assuétudes, vie affective et sexuelle, santé mentale, stress, blocus, santé sociale, etc.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur : univers-sante.be

[1] Pensé d’abord comme un label qui attesterait des lieux ou activités qui respectent les recommandations sanitaires, le projet a dû rapidement se ré-orienter en raison du second confinement.