À la demande de l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, l’UCLouvain (Sophie Thunus et Alexis Creten) et l’Université libre de Bruxelles (Céline Mahieu), dans le cadre du Brussels Studies Institute, ont réalisé une étude qualitative sur un ensemble d’initiatives de vaccination de proximité à Bruxelles.Sur la base du credo politique « nous ne laissons personne de côté », les chercheur.e.s ont examiné un certain nombre de projets et d’initiatives qui ont le même objectif : si les Bruxellois et Bruxelloises ne viennent pas aux centres de vaccination, les vaccins viendront à eux. En d’autres termes : si vous ne pouvez pas mobiliser certaines personnes, mobilisez les soins de santé.
De quoi les publics ont-ils besoin ? Comment les acteurs professionnels de la santé et du social participent-ils à la sensibilisation ? Comment les dispositifs contribuent-ils à une approche adaptée à ces besoins ? Comment ces dispositifs sont-ils articulés ? Ce sont les questions auxquelles l’étude tente de répondre en s’intéressant en particulier au sens que les publics et les professionnels donnent à leur action.
Face au débat souvent polarisé entre les pour ou contre la vaccination, cette étude laisse entrevoir des positions plus nuancées. En effet, les lectures qui assimilent telle ou telle catégorie de population à une attitude spécifique par rapport à la vaccination présentent le risque de pousser les personnes hésitantes à afficher plus de résistance.
Ni slogans commerciaux ni promesses politiques, mais de l’information. Ni jugement ni menace, mais des explications
Il ressort de l’étude que l’approche par catégories socio-démographiques (âge, sexe, quartier, niveau socio-économique), employée pour cibler les populations et évaluer les initiatives de vaccination, est contreproductive. Elle accentue les risques de stigmatisation de telle ou telle partie de la population : les jeunes, les habitants de tel quartier, etc. L’étude propose donc de passer d’une approche basée sur ces catégories à une approche fondée sur les besoins. Ceux-ci se résument en trois mots : l’accessibilité au système de santé, l’acceptabilité des outils de sensibilisation à la vaccination, et la confiance dans les prestataires de soins et dans la science elle-même.
Pour sortir d’une communication paternaliste et culpabilisante, l’étude préconise de mettre davantage l’accent sur une communication transparente, claire, et centrée sur la connaissance et la compréhension du coronavirus et du vaccin. Pour éviter que les populations ne se sentent instrumentalisées, les auteur·es suggèrent de remettre la santé publique et la promotion de la santé au cœur de la communication sur la vaccination.
Diversifier les dispositifs, mais les coordonner
Compte tenu de ces observations, les chercheur.e.s encouragent à préserver et à renforcer une offre diversifiée et comprenant : premièrement des grands centres pour une vaccination rapide, deuxièmement des lieux mobiles et pop-up dans l’espace public qui peuvent répondre aux questions des passants hésitants, et troisièmement des lieux où la vaccination est ouverte à la discussion car une relation de confiance existe ou peut se développer entre le prestataire de soins et le patient. Afin de résumer les caractéristiques principales de ces différentes initiatives, l’étude a identifié trois types de dispositifs de vaccination dénommé « l’invitation », « la proposition » et « la relation ».
Cependant, l’étude souligne un manque de coordination qui ne permet pas de tirer profit de la complémentarité de ces nombreuses initiatives. Celles-ci souffrent aussi de l’absence de perspective sur le long terme, ce qui contrarie les acteurs professionnels dans leur volonté d’ancrer la sensibilisation à la vaccination dans des enjeux de santé publique de long terme.
Impliquer les professionnels de la santé et du social comme de véritables acteurs, non de simples exécutants
Les acteurs professionnels ne sont pas de simples « intermédiaires » mais bien des « médiateurs » qui façonnent activement la stratégie vaccinale au travers de leurs recommandations et de leurs actions auprès de la population. L’étude a montré qu’au sein d’un même métier, il existe une hétérogénéité de représentations et de pratiques en matière de sensibilisation à la vaccination. En tenir compte permettrait une meilleure collaboration entre pouvoirs publics et professionnels. La plupart de ces derniers refusent en particulier de participer à des actions perçues comme trop contrôlantes ou réduisant la santé de leurs usagers à la vaccination. La confiance que ces acteurs professionnels ont construite avec leurs publics est en effet une ressource sur laquelle on peut s’appuyer pour déployer des actions plus proactives en matière de sensibilisation à la vaccination mais c’est aussi un rapport fragile, précieux.
Ces recommandations ne permettront pas de rallier tout le monde. Le credo « nous ne laissons personne derrière » n’est, pour ceux qui ont été laissés derrière pendant des générations, rien de plus qu’un appel vide de sens. Pour eux, la confiance est un processus à long terme qui commence par une écoute réelle de ce qu’ils pensent.
Pour consulter le rapport, rendez-vous sur le site de la COCOM (www.ccc-gcc.brussels) > Observatoire de la Santé et du Social > publications > rapports externes > vaccessible.
Cet article est paru initialement sur le site de la Commission Communautaire Commune (COCOM), sous le titre « Vaccessible : une étude qualitative des actions locales de vaccination implémentées en Région de Bruxelles-Capitale face à la pandémie de coronavirus ». Nous remercions l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale pour leur aimable autorisation de reproduction.