Mars 2011 Par Colette BARBIER Données

L’Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH) publiait en octobre dernier le Carnet de bord de la santé des jeunes 2010. Il en ressort chez les jeunes Hainuyers une tendance à l’augmentation de la surcharge pondérale et de l’obésité avec, en parallèle, une mauvaise alimentation et un manque d’activités sportives, surtout chez les filles. Autre fait marquant: les comportements les plus défavorables – tabagisme, consommation d’alcool, manque de sport – le sentiment subjectif d’être en mauvaise santé se retrouvent majoritairement dans les milieux défavorisés.
Le Carnet de bord dresse un état des lieux de la santé des jeunes Hainuyers sur base de deux sources. D’une part, il livre les résultats de l’Enquête transfrontalière sur la santé des jeunes menée en 2004 par l’Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH), résultats qui n’avaient pu être traités jusqu’ici faute de moyens. Cette enquête a été réalisée conjointement dans la province du Hainaut et dans le département français de l’Aisne. Seuls sont présentés dans le carnet de bord les résultats relatifs aux jeunes Hainuyers. Ceux-ci sont des élèves de 5e primaire, de 2e secondaire et de 4e secondaire de l’enseignement ordinaire: réseau d’enseignement communal, Communauté française, libre, provincial, enseignement de transition (général ou technique) et enseignement de qualification (technique et professionnel). 143 classes de 119 écoles ont participé à l’enquête, soit un échantillon total de 2191 jeunes dont 1151 garçons et 1040 filles.
L’enquête 2004 comportait trois modules qui, ensemble, couvraient de nombreux aspects de la santé des jeunes:
-un questionnaire auto-administré portant sur les représentations et la perception de la santé, le bien-être (satisfaction par rapport à son corps, souhait de maigrir, ennui, sommeil, plaintes de santé et consommation de soins), les comportements de santé (alimentation, activité physique, activités de loisirs, consommation de tabac, d’alcool et de drogue), l’information sur la santé et quelques questions sur le contexte socio-économique du jeune;
-un module de biométrie (mesure du poids, de la taille, du tour de taille et de la pression artérielle);
-un module de biologie clinique (profil des lipides sanguins, mesure de la glycémie et de l’insuline).
Cette première enquête a livré quelques grandes tendances qui ont été complétées et confirmées par des données récoltées lors d’enquêtes plus récentes réalisées annuellement, dans le cadre du réseau des Centres de Santé Scolaire Vigies (CSSV), auprès de plus de 1200 jeunes âgés de 9 à 17 ans.

Perception de la santé globale

Pour un jeune sur deux, la santé est importante et est associée au bien-être, à un corps qui fonctionne, à l’absence de maladie. Plus de huit jeunes sur dix considèrent que leur santé dépend d’eux-mêmes. Cette proportion augmente avec l’âge. Une bonne alimentation, bien se couvrir, une bonne hygiène sont les moyens les plus cités pour ne pas être malade. Les garçons mentionnent également l’importance du sport.
Neuf garçons sur dix et huit filles sur dix se déclarent en bonne santé. Cette fréquence diminue quand la situation socio-économique de la famille devient moins bonne. Près d’une fille de 16 ans sur quatre déclare ne pas se sentir en bonne santé.
Parmi les faits saillants, 17 % des jeunes déclarent être touchés par une maladie chronique. Les jeunes se plaignent souvent de maux de tête, de maux de ventre et de dos. Quatre jeunes sur dix déclarent au moins deux plaintes régulières, les filles plus fréquemment que les garçons.
Environ une fille sur deux et un garçon sur quatre ne sont pas satisfaits de leur corps. L’insatisfaction augmente avec l’âge. Le taux de jeunes non satisfaits de leur corps est passé de 29 % en 1997 à 35 % en 2004. L’insatisfaction par rapport à son corps est fortement liée à l’obésité, elle-même liée aux facteurs socio-économiques.

Surcharge pondérale et obésité

Les jeunes Hainuyers n’échappent malheureusement pas à l’épidémie de surpoids et d’obésité qui se développe à l’échelle mondiale.
La fréquence de la surcharge pondérale des jeunes Hainuyers est passée de 22 % en 2004 à 26 % en 2009. L’obésité est passée de 5 % en 1997 à 8 % en 2009. Cette augmentation se marque surtout chez les garçons.
La surcharge pondérale et, en particulier, l’obésité sont plus fréquentes lorsque la profession du père est peu qualifiée ou lorsque le jeune suit un enseignement de qualification.
À 10 ans, 13 % des jeunes présentent au moins deux facteurs de risque modifiables pour les maladies cardiovasculaires (tels la sédentarité, le tabagisme, l’excès de poids, la tension artérielle élevée, le taux de cholestérol élevé…). Cette fréquence passe à 25 % à l’âge de 16 ans. La présence d’au moins deux facteurs de risque modifiables est associée aux facteurs socio-économiques.

Alimentation

Le Plan National Nutrition Santé pour la Belgique (PNNS-B) préconise aux jeunes de consommer quotidiennement trois portions de légumes, deux portions de fruits, deux ou trois rations de produits laitiers et au moins une fois par semaine du poisson. Ce programme conseille, en outre, de ne pas consommer frites et croquettes plus d’une fois par semaine. La prise d’un petit déjeuner est, par ailleurs, considérée comme un élément important d’une alimentation équilibrée.
Or, l’enquête révèle que le nombre de jeunes qui consomment un petit déjeuner diminue avec l’âge pour les deux sexes, mais plus chez les filles que chez les garçons.
Un jeune sur quatre ne prend pas de petit déjeuner les jours d’école. Les jeunes qui prennent un petit déjeuner grignotent moins entre les repas. À l’inverse, l’absence de petit déjeuner ouvre la porte aux fringales et incite le jeune à consommer snacks et boissons souvent trop sucrés.
Voici encore quelques observations sur les habitudes alimentaires des jeunes hainuyers:
-seuls 16 % des jeunes mangent quotidiennement des fruits et des légumes. 48 % ne mangent ni fruits ni légumes quotidiennement;
-la consommation quotidienne de légumes est en augmentation et est passée d’un jeune sur trois en 2004 à un jeune sur deux en 2006;
-plus d’un jeune sur deux consomme quotidiennement des laitages;
-45 % des jeunes mangent du poisson au moins une fois par semaine. La consommation de poisson est moins fréquente lorsque l’environnement socio-économique est moins favorable;
-15 % des jeunes mangent des frites quotidiennement. La consommation quotidienne de frites est plus fréquente dans les familles dont le contexte socio-économique est moins favorable;
-les jeunes grignotent trop fréquemment. 57 % des jeunes mangent régulièrement des snacks sucrés et 10 % des snacks salés;
-un tiers des jeunes ne boit pas d’eau tous les jours. Plus de la moitié consomment quotidiennement des sodas.

Activité physique et sédentarité

La proportion de jeunes pratiquant une activité sportive au moins une fois par semaine en dehors de l’école est passée de 81 % en 1997 à 70 % en 2004. 19 % des garçons et 41 % des filles ne pratiquent aucune activité sportive en dehors de l’école. Chez les filles, ce pourcentage augmente avec l’âge.
6 % des jeunes déclarent être dispensés du cours obligatoire d’éducation physique. Trois garçons sur cinq et deux filles sur cinq pratiquent un sport en club.
Les jeunes en surcharge pondérale ou non satisfaits de leur corps participent moins aux activités sportives en club.
Le jeune est plus enclin a faire du sport quand ses parents pratiquent eux-mêmes une activité sportive ou lui recommandent d’en faire.
La pratique du sport diminue quand le nombre d’heures passées devant la télévision, l’ordinateur ou la console de jeux augmente.
Les jeunes dont un seul parent travaille sont proportionnellement moins nombreux que ceux dont les deux parents travaillent à pratiquer une activité sportive au moins une fois par semaine.
Les jeunes dont le père exerce une profession de travailleur manuel non qualifié, de travailleur manuel qualifié ou d’employé peu qualifié déclarent moins souvent pratiquer une activité sportive en dehors de l’école que les enfants dont le père exerce une profession libérale ou de cadre.
De plus, les jeunes de l’enseignement de qualification déclarent moins fréquemment pratiquer une activité sportive en dehors de l’école au moins une fois par semaine que les jeunes de l’enseignement de transition.

Tabagisme

En 2009, 6 % des jeunes de 13 ans et 18 % des jeunes de 16 ans se déclaraient fumeurs. À 16 ans, la proportion de fumeuses (23 %) est plus élevée que celle des fumeurs (15 %). Quels que soient l’âge et le sexe, les proportions de fumeurs diminuent depuis 1997 (21 % des jeunes entre 13 et 16 ans se déclaraient fumeurs en 1997 contre 13 % en 2009).
Dans les familles monoparentales et recomposées, les jeunes fument deux à trois fois plus que dans les familles traditionnelles.
Dans l’enseignement de qualification, le tabagisme des jeunes est trois fois plus fréquent que dans l’enseignement de transition.
Plus l’entourage du jeune fume, plus le jeune présente de risques de fumer. À la maison, 60 % des jeunes sont exposés au tabagisme de tiers.
Parmi les raisons qui poussent à fumer, en fonction de l’âge (13 et 16 ans) et du sexe, «se calmer, se déstresser» est la raison la plus souvent évoquée, quels que soient l’âge et le sexe. «Fumer car ses amis fument» est une raison plus souvent émise chez les garçons et les filles de 13 ans (c’est la deuxième raison principale chez ces dernières). À 16 ans, «fumer par habitude» devient la deuxième raison principale et est citée par près d’un fumeur sur deux. Parmi les jeunes fumeuses, une sur cinq déclare fumer pour maigrir ou contrôler son poids.
En 2004, 51,5 % des jeunes fumeurs de 16 ans désiraient arrêter de fumer.
Parmi les anciens fumeurs, plus de huit sur dix ont fumé pendant moins d’un mois et près de neuf sur dix pendant moins de trois mois avant d’arrêter de fumer. Cela montre l’importance d’intervenir dès la première expérimentation car, d’une part, le jeune est en période de choix (continuer ou arrêter de fumer) et, d’autre part, la dépendance n’est pas encore installée.

Alcool

En 2009, 19 % des jeunes de dix ans avaient déjà bu un verre entier d’alcool. En 2004, la bière était la boisson alcoolisée la plus consommée par les 16 ans. À 16 ans, 48 % des garçons et 36 % des filles déclarent avoir déjà été ivres.
La consommation d’alcool et l’ivresse sont plus fréquentes dans les familles disposant de deux revenus et dans les familles monoparentales.
Les jeunes de l’enseignement de qualification déclarent plus fréquemment avoir déjà été ivres que ceux de l’enseignement de transition.

Drogue

En 2004, un jeune de 16 ans sur deux s’était déjà vu proposer de la drogue et plus d’un sur quatre déclarait en avoir déjà consommé, les garçons (31 %) plus que les filles (23 %). La drogue la plus consommée par les jeunes est le cannabis. Comme pour le tabagisme et l’ivresse, le fait de vivre avec ses deux parents et de fréquenter l’enseignement de transition sont des facteurs protecteurs contre l’usage de drogue.

Les jeunes inégaux face à la santé

Les comportements déterminent considérablement l’état de santé d’un individu. Ils se mettent en place progressivement au cours de la vie sous l’influence de l’environnement familial, des différents milieux de vie et de la société en général. Les comportements acquis pendant l’enfance et l’adolescence vont influencer la vie adulte.
L’état de santé et les comportements de santé sont influencés par des facteurs individuels et collectifs. L’environnement socio-économique joue un rôle majeur sur les états de santé dès le plus jeune âge.
L’influence du contexte socio-économique des jeunes Hainuyers sur leur santé et leurs comportements de santé a été évaluée au travers des liens entre les indicateurs de santé et le nombre de revenus professionnels de la famille (0, 1 ou 2), le type de famille (monoparentale, recomposée, biparentale), la catégorie socioprofessionnelle du père (ouvrier non qualifié, employé peu qualifié, ouvrier qualifié, cadre ou profession libérale), la filière scolaire (enseignement de transition, enseignement de qualification).
Luc Berghmans , directeur de l’Observatoire de la Santé du Hainaut, observe que « les comportements les plus défavorables tabagisme , consommation d’alcool , manque de sport , activités de loisir en général ainsi que le sentiment subjectif d’être en mauvaise santé se retrouvent de manière quasi systématique dans les milieux défavorisés . Cela doit nous interpeller fortement quant aux solutions à apporter et nous faire réfléchir sur la manière d’aborder et de traiter ces problèmes . Informer , en particulier les jeunes , c’est bien et il faut le faire , car c’est une façon de se réapproprier la santé , mais ce n’est manifestement pas suffisant . Il est donc nécessaire de mettre en place des programmes plus structurels dans les lieux de vie et avec les responsables de ces lieux de vie , notamment dans les écoles avec la direction et les enseignants , dans les communes et dans le milieu du travail car nous constatons qu’il est non seulement important de travailler sur les jeunes mais aussi sur leurs parents
Colette Barbier
Le Carnet de bord de la santé des jeunes 2010, tiré en 2000 exemplaires, s’adresse aux personnes relais (écoles, associations de parents, responsables communaux, prestataires de soins…). Il est téléchargeable sur le site http://www.hainaut.be/sante/osh/ . Il peut aussi être commandé via le site.