Juillet 2010 Par D. MARICQ Initiatives

Un classique de la littérature populaire

On a beau connaître les albums des aventures de Tintin et Milou dessinées par Hergé, on reste stupéfait, en parcourant les cases et les pages de cette célèbre série, du nombre incroyable de références à l’Histoire, à la géographie, aux techniques et aux sciences qui ont marqué le vingtième siècle.
Lire un épisode de cette création légendaire, c’est parcourir par le détail les grands faits de société des dernières décennies, mais aussi revisiter les us et coutumes de bon nombre de nos parents, grands-parents, voire de nos arrière-grands-parents.
Il y a toujours chez le dessinateur Hergé ce parfait et savant équilibre entre le tragique et le comique, l’universel et le particulier, l’extraordinaire et l’ordinaire, le sensationnel et le commun.
Directement influencée par les goûts et les expériences de l’auteur, l’œuvre contient tous les ingrédients du pur récit d’aventures, mais aussi les traces profondes et continues de son propre parcours, vie essentiellement passée dans sa Belgique natale, entre ville et campagne, à la lisière des grandes forêts de chênes ou des doux vallonnements de son terroir brabançon, dans un environnement aux antipodes des steppes glacées ou des déserts brûlants.
La lecture des aventures de Tintin et Milou constitue une véritable aubaine pour tout chercheur soucieux de cerner les grandes tendances et caractéristiques du vingtième siècle, et par extension pour toute personne qui s’intéresse tout simplement au fonctionnement d’une société, qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs.
Diffusée presque partout dans le monde, traduite dans plus de quatre-vingts langues, dialectes et parlers régionaux, cette série dessinée rivalise sans complexe avec de grandes oeuvres de la littérature classique. Nous n’en voulons pour preuve que les très nombreux ouvrages savants et érudits qui dissèquent inlassablement le fond et la forme de cette matière qui semble tellement inspirer, voire fasciner, des spécialistes de toutes catégories, du psychanalyste distingué au sémiologue de renom en passant par le philosophe de réputation internationale.

Reporter, un métier à risques

À l’origine (10 janvier 1929), Tintin est un reporter, au service du Petit XXième (“ toujours désireux de satisfaire ses lecteurs et de les tenir au courant de ce qui se passe à l’étranger ”), mais très rapidement il va se métamorphoser en une sorte de détective justicier. Aidé de son fidèle fox-terrier Milou, il partira dès lors à la conquête du monde pour déjouer les plans de malfaiteurs de toutes natures, déclarant la guerre au grand banditisme et au Mal sous toutes ses formes.
Loin des super-héros à l’américaine qui verront le jour dix ans plus tard (la presse made in USA publie déjà dans les années trente de nombreux comics mettant en scène des Superman (1938), Batman (1939) et autres personnages du même acabit), Tintin est un adolescent âgé au départ d’une quinzaine d’années qui ne peut opposer aux méchants que son courage, sa détermination et son intelligence.
Sportif, capable de déjouer tous les pièges, résistant à toutes les agressions, le petit reporter n’échappera pourtant pas à bien des déconvenues et ses lecteurs le verront ainsi subir d’une aventure à l’autre quantité de coups, de traumatismes et de voies de fait plus ou moins graves.
Une constatation d’ordre statistique s’impose immédiatement: plus le temps passe et moins Tintin, tout comme ses amis d’ailleurs, sera confronté à la violence directe. Un dessinateur âgé d’une cinquantaine d’années n’a sans doute plus la même fougue ni le même entrain qu’un confrère de vingt ans son cadet. Il en est ainsi des aventures du petit reporter à la houppe: l’âge, l’expérience et une certaine philosophie de vie feront de son créateur un scénariste moins enclin à mêler ses personnages à des contextes où l’on fait le coup de poing presque à chaque case ou à chaque page d’un album.
À partir des années soixante, Hergé, comme d’autres grands noms du Neuvième Art, privilégie l’aventure intérieure, la quête spirituelle et la remise en question des grands poncifs de la bande dessinée… Tant pis pour les amateurs de premier degré, d’action musclée, de sensations fortes et d’hémoglobine, tant mieux pour les pionniers d’un genre nouveau qui verra émerger dans la dernière partie du vingtième siècle quelques chefs-d’oeuvre qui auront pour signataires des Comès, Tardi, Moebius, Pratt ou encore François Schuiten.
Mais n’anticipons pas et reprenons le menu par le détail; nous y faisions déjà allusion tout à l’heure, tout est dans l’oeuvre d’Hergé, ou presque. Ainsi en va-t-il du vaste sujet de la santé, santé mentale, physique et de tout ce qui s’y rapporte, des aspects les plus graves aux plus légers et des allusions les plus évidentes aux plus discrètes, aussi inconscientes soient-elles.

Il y a violence et violence…

En feuilletant les pages des albums des aventures de Tintin et Milou, on comprend qu’il n’est pas toujours facile d’être un héros, défenseur du bon droit, de la morale, de la veuve, de tous les orphelins et des peuples opprimés du monde. Parcourant les cinq continents, d’abord seulement flanqué de Milou, ensuite accompagné par le capitaine Haddock, occasionnellement par les Dupond(t), le professeur Tournesol ou encore la Bianca Castafiore, notre jeune reporter en prend bien souvent pour son grade, je dirais même plus , sur sa tronche, aucune partie de sa belle anatomie n’étant vraiment épargnée. Les fans de la série vous le diront, Hergé répugne à la violence gratuite, la vulgarité et les effets inutiles. Toutefois, il ne nous épargnera pas maints effets visuels où les uppercuts disputent la vedette aux coups les plus bas, mais toujours portés pour la bonne cause graphique et celle non moins honorable, du bon déroulement du scénario.
Distinguons malgré tout deux cas de figures: soit les scènes de violence directe et partant, de souffrance directe et celles, plus “impressionnistes”, édulcorées et labélisées “flou artistique” où les grosses baffes et les pifs sanglants font place à une harmonieuse brochette de signes diacritiques, savamment disposés et montrant à quel niveau d’excellence le dessinateur était capable de prétendre avec ses étoiles, petits nuages et autres vibrantes spirales.
Par la même occasion, l’homme évitait ainsi de subir les foudres de la censure, particulièrement zélée dans l’immédiate après-guerre, avec l’entrée en scène, en 1949, de la loi sur la protection de la jeunesse, véritable Inquisition qui cachait mal son nom et encore moins ses véritables objectifs: lutter contre l’influence grandissante de la BD américaine, faisant montre d’un protectionnisme outrancier à l’égard des productions franco-belges.
Quels que soient les modes de représentation de ces scènes de combats, de luttes et de pugilats, les mêmes causes produisent inévitablement les mêmes effets: ecchymoses, lésions, contusions, cocards, bleus, bosses et, dans les cas les plus graves, évanouissement, coma, voire issue fatale. Mais, confronté à ce genre de scènes, Hergé ne fera jamais dans la démesure, jouant presque à chaque fois des attraits de sa marque graphique: un semi-réalisme à la frontière du sérieux et du comique.
Ne perdons jamais de vue que le dessinateur s’adressait d’abord à un public d’enfants et d’adolescents, public qu’il ne fallait en aucun cas choquer par des représentations trop crues de la souffrance, du mal et de la maladie. Si tel avait été le cas, son abondant courrier aurait été truffé de lettres de réclamation. Il fut un temps, pas si lointain, où l’on ne badinait pas avec les codes de bonne conduite et de morale.
De même, lorsque l’inventeur de la ligne claire revenait sur les débuts de sa carrière, il ne cessait jamais de répéter combien tout cela lui paraissait une farce, un feuilleton à rebondissements, sans véritable perspective professionnelle…
Bref, Hergé ne se voyait pas forcément dessinateur de bandes dessinées toute son existence et jusqu’en1934 (rencontre avec le jeune étudiant chinois Tchang Tchong-jen de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et épisode du “Lotus bleu”), ses histoires connurent d’innombrables rebondissements, tenant souvent plus de l’improvisation de dernière minute que du véritable roman graphique. Les personnages, comme les situations dans lesquelles ils évoluaient, tenaient principalement de la caricature et l’univers médical n’échappait pas à cette règle.

La santé: le décor, le matériel et les personnages

Progressivement et surtout à partir des années cinquante, le travail en équipe, les conseils et avis de spécialistes dans les plus variées des disciplines, le recours systématique à des fiches documentaires sur d’innombrables sujets transformèrent peu à peu les approches mal dégrossies des débuts en véritables romans dessinés, romans comportant des profils psychologiques dignes des productions de la littérature classique.
Pourtant, d’un bout à l’autre de la carrière du dessinateur, certains archétypes auront la peau dure. Ainsi en sera-t-il pour les hommes de science, les savants et les médecins. Presque toujours barbus (à l’exception du médecin généraliste des “Bijoux de la Castafiore”) ou porteurs de lunettes (à l’exception de l’officier médecin du Thysville dans “Tintin au Congo”), leurs compétences ne semblent souffrir d’aucune critique. Plutôt efficaces, on ne peut pas affirmer qu’ils dégagent une grande chaleur humaine… Une image sans doute bien en rapport avec la représentation traditionnelle que l’on se fit longtemps de cette profession.
Tous pareils et tous différents, ils ont pour nom Daumière, Fan Se Yeng, Finney, Rotule, Simon ou Triboulet.
Quant aux infirmières, elles n’échappent pas non plus à la règle du formatage: en uniforme impeccable, le col fermé jusqu’au dernier bouton, la mine austère, elles évoquent plutôt un régiment d’infanterie que la corporation des “blouses blanches” souriantes et dévouées, comme nous les connaissons souvent.
À la décharge d’Hergé, on évoquera le politiquement correct qui obligeait les dessinateurs à la plus grande des sobriétés lorsqu’ils représentaient les femmes. Rien ne devait donner lieu à la moindre équivoque, rien ne devait susciter le trouble chez les adolescents “boutonneux et inquiets” de la première moitié du vingtième siècle!
À l’image de leurs occupants, patients et personnel médical, les cliniques et les hôpitaux dessinés sont plutôt tristounets, d’un confort assez relatif et d’un équipement que l’on pourrait qualifier de spartiate. Seule exception qui confirme la règle: la clinique de Nyon (Suisse) dans “L’Affaire Tournesol” qui semble appartenir à une catégorie supérieure, avec ses couloirs rutilants, sentant bon l’encaustique. Les Helvètes ne badinent pas avec la cire: les Dupond(t) en feront immédiatement les frais!
L’aspect général de ces bâtiments témoigne aussi d’une époque où la convivialité et le confort n’étaient pas le souci principal de leurs concepteurs: il est connu que les prisons, les grands établissements scolaires et les hôpitaux étaient conçus selon un même plan architectural inspiré essentiellement par l’esprit de contrôle: il fallait que d’un seul coup d’oeil, un surveillant puisse embrasser du regard la plus grande partie possible de la structure de l’institution.
L’équipement médical est, à de rares exceptions près (voir la chaise roulante du capitaine Haddock dans “Les Bijoux de la Castafiore”), limité à sa plus simple expression: civières, quelques flacons de chloroforme, lits en fer blanc émaillé, tables de consultation et ambulances, voilà pour l’essentiel. Dans ce cas, comme dans ceux qui précèdent, il est bon de revenir sur un principe fondamental: Hergé suggère plus qu’il ne montre; il s’agit avant tout de créer des ambiances, des atmosphères immédiatement identifiables par le lecteur, jeune ou moins jeune. En tentant d’être plus précis, en ajoutant une série de détails documentaires (parfois exigés par le lecteur ou son éditeur), l’artiste n’arriverait en fait qu’à surcharger son dessin et à noyer l’action dans une surenchère de traits et de lignes parasites.

Des cases et des bulles pleines de malades…

S’il arrive que les plus terribles des maladies infectieuses soient citées: la peste pulmonaire, le choléra ou la rougeole annoncés par le dément Philipillus (le “prophète” dans “L’Étoile mystérieuse”) en passant par la peste bubonique qui mettra en quarantaine Le Pachacamac dans “Le Temple du soleil”, rien ne semble vraiment mettre en péril la santé de nos amis. Pas même la scarlatine que semble particulièrement craindre l’assureur le plus casse-pieds de l’univers, le très envahissant Séraphin Lampion. Encore moins la psittacose qui aurait pu affecter Milou après la morsure d’un perroquet au début de “Tintin au Congo”.
Bien plus redoutables et fréquents sont les bosses, plaies, traumas et autres problèmes d’agressions corporelles dues aux modes de vie particuliers de Tintin, Milou, le capitaine Haddock, le professeur Tournesol ou encore les Dupond(t). Ces personnages vedettes, comme des centaines d’autres d’ailleurs, sont souvent mêlés à des histoires pleines de rebondissements et d’actions musclées. Quoi de plus normal donc de les voir régulièrement assommés, intoxiqués, blessés, mordus, électrocutés ou encore hypnotisés!
Une constante à travers les années et dans les différents récits: les éléments anxyogènes, les scènes de souffrance, les moments pathétiques sont distillés avec parcimonie et obéissent aux lois du genre humoristique-réaliste qui est la marque de fabrique du dessinateur et une des raisons principales de son succès. Comme une partition musicale bien rythmée, Hergé alterne toujours les séquences de tension et de suspense avec celles qui illustrent son goût pour le burlesque, le comique de situation ou de mots. La charge est en grande partie vidée de sa substance explosive. Rien ne doit être totalement pris au sérieux… Devrait-on comprendre que l’homme aurait toujours cherché à édulcorer son discours, à arrondir les angles, à fuir dans le flou artistique? Un comble pour le grand maître de la ligne claire ! Hergé le démineur ne serait-il décidément qu’un auteur pour des mineurs? Les choses ne s’avèrent pas aussi simples.
Nous l’avons souligné plus haut, plus leur créateur avancera en âge, plus il mettra une sourdine aux péripéties mouvementées de ses créatures d’encre et de papier. À partir des années soixante, sa “comédie humaine” prendra de plus en plus des accents de maturité et, n’ayons pas peur des mots, de profondeur psychologique.
Quelle évolution entre les mouvements très cahotiques, le travail quasi improvisé des premiers épisodes et plus tard, le découpage sophistiqué de récits comme “Tintin au Tibet” ou “Les bijoux de la Castafiore”! Que de différences entre le jeune Georges Remi de l’entre-deux-guerres, scout master jusqu’au bout du béret, royaliste et catholique psychorigide et l’homme mûr et sceptique des seventies qui se passionne pour la peinture d’avant-garde, défend la révolution de mai 1968, admire les Pink Floyd, Reiser, Wolinski et dévore tous les ouvrages qu’il trouve à propos de la psychanalyse et des philosophies orientales!

Une ligne claire trouble?

Mais qui est donc ce “Renard curieux” (son totem chez les scouts), ce Georges Prosper Remi né à Etterbeek le 22 mai 1907 et mort le 3 mars 1983 à Woluwé-Saint-Lambert, ce dessinateur autodidacte au destin prestigieux et dont la notoriété commence à croître dès le début des années 30, non seulement en Belgique, mais aussi en France, en Suisse et même au Portugal?
À première vue, un homme sans histoires… mis à part les fabuleux récits qu’il imaginera tout au long de son existence. Toutefois, malgré les nombreuses tentatives de l’intéressé lui-même pour offrir au monde et à ses lecteurs une image aussi lisse que le visage de Tintin, son enfant de papier, il apparaît de plus en plus évident que ce virtuose du crayon a connu des souffrances, voire des traumatismes, dans sa jeunesse et sa petite enfance probablement responsables de nombreux problèmes de santé, tant sur le plan physique que psychologique.
Il y aura ce lourd secret jamais dévoilé à propos de l’identité de son grand-père maternel; il y aura aussi certains chapitres délicats liés à l’apprentissage du scoutisme; il y aura encore l’humiliation ressentie alors qu’adolescent il se fera éconduire par les parents de son premier grand amour… Et il faudrait aussi mentionner les difficultés en rapport avec la conquête amoureuse de celle qui allait devenir le 20 juillet 1932 sa première épouse, Germaine Kieckens.
Et que dire alors de ses problèmes de fertilité qui le priveront à jamais du bonheur d’être parent, et que de commentaires pourrait-on encore faire à propos de l’immense frustration, associée à un profond sentiment d’injustice, alors que les foudres de l’épuration s’abattront sur lui et son entourage à la fin de la seconde guerre mondiale. Et puis, comme c’est très souvent le cas chez les artistes, Hergé fut à maintes reprises envahi par le doute profond, incapable de créer, de dessiner et d’écrire la suite des aventures de ses héros. Sa charge de travail, énorme pendant de longues années, lui jouera bien des tours, de mauvais tours qui le paralyseront littéralement, l’empêchant d’assumer ses responsabilités professionnelles. Dans ces moments-là, Hergé redevenait alors simplement Georges Remi, en proie aux démons existentiels, fourbu et complètement désabusé, allant même jusqu’à haïr au plus haut point son enfant de papier.
La rencontre avec sa seconde épouse le propulsa vers des horizons nouveaux et bouleversa son existence, autant sur le plan professionnel que privé. Par exemple, lui qui n’avait jamais voyagé ( ou si peu ) se mit à faire le tour du monde en compagnie de sa belle et jeune compagne Fanny Vlamynck, coloriste aux Studios Hergé à partir de 1956 et qui deviendra enfin son épouse, en 1977. Mais la liaison avec Fanny connut des débuts également très difficiles Hergé étant partagé entre son nouvel amour et le respect d’une parole donnée à Germaine un quart de siècle plus tôt.
Un profond sentiment de culpabilité le poursuivait et se traduisit notamment chez le dessinateur par de terribles cauchemars et diverses affections psychosomatiques. Fort sensibilisé aux philosophies orientales et à la psychanalyse à partir des années soixante, Hergé entama une thérapie auprès d’un disciple de Jung, pratique qu’il abandonna rapidement pour se remettre au travail, contre l’avis même du thérapeute. C’est ainsi qu’il réussit à boucler un album hors norme “Tintin au Tibet”, très représentatif de l’état d’esprit de son créateur, à la recherche de la pureté et de la sagesse.
L’homme avait enfin réussi à “vaincre le démon de la pureté”.
Hergé nous a quittés le 3 mars 1983, après s’être courageusement battu contre une leucémie. Même très affaibli et conscient de sa fin proche, le dessinateur ne se départit jamais de son formidable et très british sens de l’humour: ainsi, lorsqu’il devait se rendre à l’hôpital pour une transfusion de sang, il prenait congé de ses hôtes en disant “Bon sang ne peut languir”…

Conclusion

Sous son apparente simplicité, l’oeuvre d’Hergé est d’une incroyable richesse en références en tous genres et le domaine de la santé n’est pas en manque d’exemples, à chaque page ou presque, dans chaque aventure vécue par Tintin et ses amis, mais aussi, dans les autres séries que nous n’avons pas eu l’occasion d’évoquer dans cette trop brève présentation. Il est dès lors vivement conseillé de vous replonger dans les albums de Quick et Flupke ou dans ceux de Jo, Zette et Jocko, série trop méconnue et qui pourtant recèle d’abondantes perles graphiques et scénaristiques.
Rarement, un dessinateur de bandes dessinées n’aura autant investi de lui-même dans son travail. Hergé a déclaré un jour: “ Tintin , c’est moi ”. On serait bien tenté de le croire, tant la charge affective et psychologique de l’auteur se devine dans ses cases et ses bulles. Lorsqu’on met en perspective les événements de la vie d’Hergé, ses préoccupations, ses joies et ses peines avec les péripéties vécues par ses héros, on est frappé de voir à quel point la réalité et la fiction se rejoignent, se recoupent et s’éclairent mutuellement. Ce n’est pas un hasard si autant de psychanalystes, de psychologues, de sémiologues, de sociologues et de simples curieux se sont penchés sur un tel phénomène. Mais je m’en voudrais de terminer par une note trop cérébrale cette petite réflexion qui n’a finalement qu’une seule ambition: celle de vous inciter à une (re)lecture assidue des tribulations du petit reporter à la houppe, l’indémodable Tintin!
Dominique Maricq
Article basé sur le texte d’une conférence donnée par l’auteur le 27 novembre 2009 à l’occasion de la parution du numéro 250 d’Éducation Santé.
Dominique Maricq est responsable des archives aux Studios Hergé et auteur de nombreux ouvrages sur la bande dessinée en général et sur l’oeuvre d’Hergé en particulier. Il a réalisé récemment le catalogue et l’audioguide du Musée Hergé de Louvain-la-Neuve ( http://www.museeherge.com ). Il publiera cet automne ‘Hergé côté jardin’ évoquant la place du Brabant wallon dans la vie et l’œuvre de l’auteur de ‘Quick et Flupke’.