Un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis menace la tradition européenne de solidarité et de protection sociale, au profit d’intérêts économiques. Il pourrait également avoir un impact majeur sur nos soins de santé en Belgique. Les mutualités belges sont inquiètes et demandent des garanties.
Début février ont eu lieu à Bruxelles des négociations concernant un accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis. Par cet accord, les deux partenaires souhaitent faciliter leurs transactions commerciales réciproques. Pour y parvenir, ils veulent notamment réduire les tarifs douaniers et harmoniser leurs procédures.
Cet accord de libre-échange comporte des risques non négligeables pour nos soins de santé et notre assurance maladie. Ce qui se trouve notamment en discussion :
Un marché libre pour l’assurance maladie et les soins de santé.
Risque : le droit européen précise aujourd’hui que les règles du marché intérieur ne s’appliquent pas aux services publics et aux services sociaux d’intérêt général. En Belgique, c’est le cas pour l’assurance maladie obligatoire et les activités des mutualités. Les règles nationales, comme la programmation et la reconnaissance des services de santé, pourraient être contestées, ce qui pourrait conduire à une ‘suroffre’ inutile et à faire augmenter le coût des soins de santé.
Des monopoles d’une durée plus longue pour les nouveaux médicaments.
Risque : il faudrait plus longtemps pour que des médicaments génériques (moins chers) arrivent sur le marché. Le prix des médicaments augmenterait.
Les entreprises pourront se tourner vers un arbitrage international si elles estiment qu’une décision d’un pouvoir public porte atteinte à leurs espérances de bénéfices.
Risque : les entreprises pharmaceutiques pourraient réclamer des indemnités aux autorités publiques si ces dernières prennent des mesures visant à garder sous contrôle le coût des médicaments. Si le médicament A est remboursé, mais non le médicament B qui est similaire, le fabricant du médicament B pourrait demander des indemnités.
La politique de prévention serait également mise sous pression. Une campagne contre le tabac, l’alcool ou les aliments jugés peu sains pourrait ainsi donner lieu à des demandes de compensation par les producteurs de ces produits.
La publicité pour les médicaments soumis à prescription et la vente via internet.
Risque : la publicité pour les médicaments soumis à prescription est interdite en Belgique. La vente des médicaments sur internet est soumise à des règles strictes. Un assouplissement pourrait conduire à une surconsommation de médicaments et menacer leur sécurité d’utilisation.
Les mutualités belges sont fortement préoccupées par cet accord de libre-échange. Selon elles, il comporte des risques majeurs pour nos soins de santé. Les mutualités demandent dès lors :
- que les négociations se déroulent dans la transparence et que les citoyens y soient associés;
- que l’assurance maladie et les services de santé soient exclus de l’accord;
- que la politique des médicaments reste une compétence des autorités nationales, afin de pouvoir maintenir un contrôle de la qualité et une politique tarifaire transparente;
- que la promotion et la prévention de la santé soient exclues de l’accord;
- que la santé et le bien-être priment sur les intérêts économiques.
Afin de défendre ces exigences, les mutualités belges unissent leurs forces à celles des mutualités d’autres États membres via l’AIM, la plate-forme de concertation internationale des mutualités.
Concernant le CIN
Le Collège intermutualiste national (CIN) est une association de mutualités composée de représentants des cinq unions nationales de mutualités (Mutualités chrétiennes, Mutualités socialistes, Mutualités libres, Mutualités libérales, Mutualités neutres), de la Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité et de la Caisse des soins de santé de la SNCB. Globalement, le CIN représente tous les assurés sociaux belges, soit plus de 11 millions de personnes.