Problème de communication, faible niveau de littératie, manque d’accès aux soins de base et défiance envers le corps médical. Les femmes détenues pâtissent de multiples insuffisances. Un rapport leur donne voix au chapitre.
Si l’incarcération est évidemment difficile pour toute personne, les femmes incarcérées peuvent rencontrer des difficultés supplémentaires comparées à celle des quartiers pour hommes. I.Care a choisi de rendre publique la parole de 17 femmes incarcérées ou qui ont connu la prison. Elles relatent le choc de l’entrée en prison, l’impossible intimité, la faible qualité des soins, notamment gynécologiques ou obstétriques, les difficultés à maintenir des relations familiales, et surtout le manque d’activités qui sont plus nombreuses dans les quartiers pour hommes.
Intitulé Parle avec elles, ce document paru en juillet 2023 permet de cerner les réalités et les défis auxquels sont confrontées les femmes placées derrière les barreaux et confortent les constats que I.Care fait quotidiennement dans son travail en prison. Non-prise en compte de la douleur, report des soins, ou actes de mauvaise qualité. L’insuffisance de soins de santé en prison a des conséquences graves sur la santé physique et mentale des femmes. Les problèmes de santé non traités ou mal gérés peuvent s’aggraver, entraînant des complications et une détérioration de l’état de santé général. De plus, le manque de confiance dans le système de santé en prison peut avoir un impact négatif sur la motivation des femmes à faire les démarches nécessaires afin de recevoir les soins dont elles ont besoin. Au point que certaines attendent leur libération pour faire un bilan médical.
“Ici, à ma sortie, j’ai fait un check-up médical. Dès que j’ai des nouvelles de la mutuelle, et ça fait trois semaines que je suis sortie et ça prend du temps, mais on me fait une prise de sang et tout ça, et on met tout en route. Je rattrape le retard de prise en charge de la prison quoi. J’ai un problème à la thyroïde qui n’a jamais été suivi en prison, donc je suis occupée maintenant à refaire tous les examens pour voir quand est ce qu’on va m’opérer. Ce qui aurait pu être fin 2019 quand ils ont eu le rapport du médecin, mais… Non, ils ont juste répondu que j’étais qu’un cas de prison donc...” (Juliette*)
Le psychotrauma en héritage
Le rapport souligne aussi une réalité souvent méconnue : les femmes incarcérées sont non seulement des auteures d’infractions, mais aussi souvent des victimes de divers traumas. Comme le dit Mia*, une des participantes : “Ma mère, j’étais son punchingball. On m’a pas appris à parler aux enfants, parce que moi on m’a jamais parlé. On me frappait, ou on m’insultait, on me parlait pas”. Leur parcours est souvent marqué par des violences et expériences traumatisantes qui ont pu influencer les actes menant à une incarcération. Le passage en prison peut représenter un nouveau départ et/ou un moment de répit dans une vie de violences pour de nombreuses femmes, même s’il apporte également son lot de défis et de difficultés. Les témoignages récoltés laissent à penser que l’incarcération devrait être une opportunité de soin pour des personnes vulnérables, elle devrait être également une opportunité d’aide à la (re)construction et à la capacité d’agir pour ces femmes.
En effet, les échanges ont permis de constater, que les personnes détenues disposent d’une très faible littératie en santé, ce qui impacte fortement leurs accès aux soins et alimente la défiance envers le personnel soignant. De nombreuses femmes peuvent présenter des difficultés d’accès à l’information médicale et de compréhension de celle-ci. Cela peut être difficile pour elles de comprendre les instructions médicales, les traitements prescrits ou les informations sur leur état de santé. Cette limitation peut entraver la communication avec les professionnel·les de santé et compromettre les résultats des soins.
Que demande I.Care ?
I.Care demande de financer et renforcer les actions de promotion de santé en prison pour permettre un accompagnement individuel, collectif et communautaire agissant sur les déterminants sociaux de la santé. Une mission spécifique EVRAS devrait être confiée à des centres de planning familial.
Il est essentiel d’adopter une approche holistique respectueuse des dimensions de genres dans les politiques et pratiques pénitentiaires, en prenant notamment en compte leurs besoins en santé sexo-spécifiques mais également les expériences de violences et de traumatismes qu’elles ont pu vivre avant leur incarcération.
Cela implique la sensibilisation et la formation continue des professionnel·les du système pénal sur les problématiques spécifiques aux femmes en prison. Il est également crucial de permettre aux femmes détenues victimes de violences d’accéder à des services spécialisés dotés de moyens suffisants, notamment des thérapies individuelles et de groupe axées sur la guérison des traumatismes et le renforcement de l’estime de soi.
A ce titre, vous pouvez consulter la note : « Faire entrer en prison des structures d’accompagnement pour les femmes victimes de violences basées sur le genre »
Enfin, il est essentiel d’inclure le milieu carcéral dans la politique de prévention des violences. Cela doit passer par la mise en place de programmes pour les hommes et les femmes détenu∙es mais aussi par la mise en œuvre de mesures de protection spécifiques pour les femmes qui craignent des représailles ou des violences, afin de garantir la continuité des prises en charge après leur sortie de prison.
Retrouvez le rapport complet en pdf
Chiffres-clés :
La Belgique vient de passer le cap des 12 000 personnes détenues.
Parmi elles, 4% sont des femmes et 96% sont des femmes.
La durée moyenne d’incarcération est de 9,9 mois
(source : https://www.prison-insider.com/fichepays/belgique-2023)