Quand l’asbl Question Santé est née en 1981, l’information en matière de santé était aux mains du pouvoir médical. Il n’y avait pas moyen d’accéder à cette information sans passer par les professionnels de la santé. L’enjeu était donc de donner, à tous, l’accès à cette information. Mais, aujourd’hui, ce défi est bouleversé. Car l’information est partout. Et la crise sanitaire n’a fait que renforcer cette tendance. Dans le dossier thématique 2021-2022 de Bxl Santé, intitulé « Relations et communication entre acteurs de santé et usagers : confiance, méfiance, défiance », la question des relations entre soignants-soignés et plus largement de la communication entre acteurs de la santé et usagers est envisagée, dans le contexte particulier de cette pandémie.
La manière dont les relations s’établissent entre les acteurs de santé et les usagers a profondément évolué au cours de la deuxième partie du XXe siècle, tout comme la communication entre ces protagonistes. Ces relations ont clairement été influencées par des mouvements sociétaux visant à redéfinir les rapports au savoir et à l’autorité, dans toute une série de secteurs de la société, dont la médecine.
En 2002, la Belgique vote une loi qui énonce des droits pour les patients, lesquels ont remodelé considérablement la façon d’envisager la relation médicale, le partage des connaissances médicales et la participation des patients comme acteurs de leur santé.
Dans un premier chapitre du dossier « Relations et communication entre acteurs de santé et usagers : confiance, méfiance, défiance », Jean-Philippe Cobbaut, juriste et philosophe (Université catholique de Lille), et Guy Lebeer, sociologue et professeur émérite de l’ULB, envisagent les conditions d’émergence de la loi, les grands principes qui la traversent et l’impact qu’elle a pu avoir sur la relation médecin – patient. Cela suppose la reconnaissance d’un patient qui sait ce qui est bon pour lui et qui prenne sa place, notamment au travers des associations de patients réunies au sein de la LUSS, mais aussi une posture dans le chef des soignants qui informent, éclairent afin de permettre à ce patient de se positionner. D’où la nécessité de se former à ce dialogue. Un tel rééquilibrage passe aussi par d’autres modalités dans l’organisation des soins et de la prise en charge, notamment pour les personnes âgées en maison de repos. Le dossier aborde la méthode TUBBE1 , mise en valeur par la Fondation Roi Baudouin.
Confiance, méfiance, défiance
Trois autres chapitres examinent ces questions autour de la communication entre acteurs de la santé et usagers.
Tout d’abord, dans la prise en compte de la diversité. Communiquer est un exercice complexe et peut-être davantage encore en promotion de la santé. Que faut-il communiquer et comment le faire quand on souhaite encourager des comportements plus favorables à la santé ? La pandémie liée au Covid-19 montre que la stratégie de communication à destination du grand public a ses limites. En effet, des recherches ont mis en lumière que les mesures anti-Covid ont été difficilement compréhensibles et applicables pour toute une partie de la population, dont les personnes les plus précaires.
Les associations proches des groupes les plus vulnérables de la société se sont également préoccupées de communiquer. Comment garder la proximité avec son public ? Que comprennent les usagers/bénéficiaires/citoyens de cette crise, qu’en disent-ils ? Bxl Santé a interrogé Camille Fortunier, chercheuse auprès du GERME, le centre de sociologie spécialisée de l’Université Libre de Bruxelles, et a également approché trois organismes (l’asbl L’ilot, ATD Quart Monde, la plateforme Prévention Sida) travaillant avec des personnes sans-abri, des personnes pauvres ou encore dans le secteur de la prévention du VIH et des infections sexuellement transmissibles.
Avec la crise sanitaire, c’est la relation de confiance dans les objets, les autres susceptibles de nous contaminer, mais aussi dans les autorités censées nous protéger, qui a été malmenée. Dans un chapitre consacré à la crise sanitaire et à la gestion/communication de crise, Mark Hunyadi, philosophe et professeur à l’UCL, se penche sur les fondements de cette notion de confiance qui cimente notre rapport au monde. Si la méfiance, voire la défiance vis-à-vis des autorités politiques et dans les médias préexistaient, elles se sont renforcées avec le Covid. L’utilisation des experts comme paravent par les politiciens n’a pas aidé à donner une impression de cohérence dans la gestion de cette crise. La question est abordée en compagnie de Grégoire Lits, chercheur dans le domaine de la communication à l’UCL et Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des Services (Sociaux (FdSS) et experte auprès du GEMS. La division de la population s’est aussi marquée autour de la confiance accordée dans le système de soins de santé. Une étude de Renaud Maes, rédacteur en chef de la revue Nouvelle et chercheur, a interrogé des jeunes de quartiers défavorisés sur le sentiment de défiance vis-à-vis de notre système de santé et des autorités dans le contexte de crise. D’où la nécessité de recréer du sens et du collectif, avec les dispositifs Relais d’Action de Quartier (RAQ) et Bureaux de recherche et d’investigation commun sur les réparations (BRICo) mis en œuvre par la FDSS.
Des outils pour améliorer la santé et le bien-être
Dernière tranche de ce dossier thématique : la question des outils de communication, susceptibles de transformer les comportements de santé. Deux chercheurs de l’UCLouvain, Sandrine Roussel et Grégoire Lits, ont proposé des éléments de réponse, à la lumière de la crise. Entre autres sujets, ils ont évoqué la question de la confiance des citoyens dans les sources d’informations, la surabondance d’informations et l’impact de la crise sur la communication en santé.
Bxl Santé s’est intéressé aux outils de communication réalisés par des acteurs de terrain bruxellois, dans des domaines aussi diversifiés que l’hypersexualisation et les normes de beauté sur les réseaux sociaux, avec la campagne « Je poste donc je suis ?! » de la Fédération des Centres de Planning Familial des Femmes Prévoyantes Socialistes, la communication de l’asbl Alias, une association active auprès des travailleur·se·s du sexe, ou encore le projet Innoviris porté par Question Santé, Cultures & Santé et le Service de promotion de la santé UCLouvain (IRSS/RESO) qui vise le développement de l’esprit critique chez les jeunes confrontés aux fake news.
Pour découvrir le dossier thématique 21-22 de Bruxelles santé
Le magazine Bxl Santé (publication de l’asbl Question Santé) s’adresse aux professionnels de la promotion de la santé, du social, du secteur ambulatoire et aux politiques. Il est également accessible à toutes les personnes intéressées par les questions autour du social et de la santé. Envoyé cinq fois par an, par e-mail, l’e-Mag Bxl Santé allie des dossiers, des articles longs, ainsi que des liens vers d’autres sites et articles: https://questionsante.org/nos-productions/promotion-de-la-sante/bruxelles-sante/.
Un dossier thématique annuel vient compléter l’offre de contenus. Le dossier thématique Bxl Santé 2021-22 porte sur les « Relations et communication entre acteurs de santé et usagers : confiance, méfiance, défiance ».Dans un ouvrage téléchargeable en PDF sur le site de Question Santé (www.questionsante.org) ou en version papier à la demande, toutes ces questions sont développées dans un souci de vulgarisation et de réflexion, accessible à toute personne et organisation intéressée par les questions relatives à la relation de soins et la communication entre soignants et soignés.
[1] D’après le site de la Fondation Roi Baudouin, « le modèle TUBBE est un modèle d’organisation et de gestion appliqué par différentes maisons de repos et de soins dans une commune rurale de l’ouest de la Suède. Qu’est-ce qui est proposé ? Un endroit fonctionnel, attractif et agréable où les personnes âgées peuvent vivre pleinement leur vie, un lieu de travail plaisant et motivant pour le personnel et un environnement qui encourage les résidents à redoubler d’énergie et valoriser leurs capacités afin de donner davantage de sens à leur vie. » Plusieurs projets pilotes ont été lancé en Belgique, suite à des rencontres avec les initiateurs suédois.