Fin mars, l’APES-ULg a invité des professionnels, des scientifiques, des fonctionnaires et des décideurs politiques à un séminaire au propos ambitieux: actualiser la promotion de la santé à la croisée des disciplines et pratiques.
Vingt-cinq personnes n’ont pas hésité à sacrifier une partie de leur weekend pour présenter un projet ou exprimer des réflexions leur tenant à cœur, dans le cadre très confortable et propice aux débats de la salle des professeurs de l’Université de Liège.
Au départ d’un bref diagnostic de la situation actuelle de la promotion de la santé en Communauté française, présenté par Chantal Vandoorne (APES-ULg) sur base d’une note très pertinente de Gaëtan Absil (APES-ULg), cinq réalisations ont été décrites:
-faire participer les usagers des services de santé: quels appuis pour les associations et les professionnels ( Micky Fierens , Ligue des usagers des services de santé);
-un programme de promotion de la santé cardiovasculaire à la croisée entre concertation et planification ( Yves Coppieters , Cap cœur ULB);
-une démarche d’auto-évaluation d’un programme centré sur l’alimentation en maisons médicales ( Marie – Christine Miermans , Intergroupe liégeois des maisons médicales);
-la dédifférentiation du curatif et du préventif dans le champ de la santé mentale ( Gaëtan Cerfontaine et Frédéric Schoenars , Centre de recherche et d’interventions sociologiques de l’ULg);
-enfin une recherche-action dans les consultations prénatales de l’ONE: vers un dispositif de soutien à la parentalité et de prévention des risques psychosociaux ( Gaëtan Absil , APES-ULg).
Nous reviendrons plus en détail sur ces présentations dans les prochains mois.
Le moment le plus intéressant de la matinée fut incontestablement l’échange avec quatre politiciens, Paul Galand (Écolo), Jacques Gennen (PS), Muriel Gerkens (Écolo) et Yves Reinkin (Écolo).
Le premier, président sortant de la Commission Santé, Matières sociales et Aide à la Jeunesse du Parlement de la Communauté française, rappela d’emblée, à juste titre et sans acrimonie, que le secteur non-marchand, si prompt à déplorer la méconnaissance voire l’indifférence du monde politique à l’égard de son travail, se limite le plus souvent à des contacts avec l’exécutif qui délie les cordons de la bourse. Il aurait pourtant beaucoup à gagner à des relations plus suivies avec le législatif.
Il rappela aussi que les travaux du Parlement sont tout à fait accessibles au public, physiquement lors des séances ou par Internet.
Il souligna également le rôle positif des experts, qui pèsent aujourd’hui plus qu’hier sur les décisions d’investissements en santé, sans oublier la régulation de l’allocation des ressources par la ‘vigilance démocratique’ des partis entre eux qui limite les risques d’instrumentalisation politicienne de la santé publique.
Par rapport au bilan du Gouvernement sortant, il déplora l’échec selon lui du décret PSE, qui, déjà peu ambitieux au départ en matière d’évolution de la médecine scolaire vers la promotion de la santé, a complètement laissé cette dynamique de côté au profit d’une vision purement gestionnaire des services; il regretta aussi le cavalier seul tout récent de la Communauté française en matière de dépistage du cancer colorectal.
Pour sa part, Jacques Gennen constata que les manques pointés en promotion de la santé se retrouvent aussi au niveau politique, tels que la faiblesse de la concertation et des synergies entre niveaux de pouvoir pourtant complémentaires.
Muriel Gerkens, députée fédérale, présidente de la Commission Santé publique, Environnement et Renouveau de la Société, confirma tout l’intérêt des travaux préparatoires aux débats parlementaires (elle a qualifié ironiquement ces derniers de ‘jeux de rôle’) et donc de la possibilité offerte aux experts et porteurs de projets de peser en amont sur les choix de société que décideront les élus.
Elle rappela aussi qu’il n’est pas simple de développer une politique de santé publique efficace dans un pays caractérisé par une médecine libérale et par le poids des ‘piliers’.
Parmi les interventions des participants, nous retiendrons celle de Florence Parent (École de Santé publique ULB), qui constate que la masse critique des soignants libéraux balaie les modestes velléités de développer une politique de prévention, tout en se désolant dans la foulée de ce que la formation des médecins soit au mieux purement cognitive, voire simplement procédurale, sans que rien ne soit fait pour stimuler leurs compétences au niveau psychosocial.
Pour sa part, Hervé Lisoir (Fondation Roi Baudouin) estima que le secteur de la promotion de la santé a un besoin urgent de développer une démarche didactique vers les décideurs, qui n’en intègrent pas les principes dans leur action quand bien même ils se sentent et disent concernés…
Ne croyez pourtant pas à la lecture de ce qui précède que l’ambiance était morose au terme de cette discussion stimulante. Un peu de lucidité ne fait jamais de tort, même si, comme le disait Jacques Gennen, le débat du jour ouvrait plus de questions qu’il n’apportait de réponses!
Christian De Bock