Novembre 2024 Par Education Santé Politiques

Au sein de l’Agence Wallonie pour une vie de qualité (AViQ), Léna Frateur est chargée de promotion de la santé et prévention, référente pour l’alimentation et l’activité physique. Elle participe au groupe d’experts mis en place par Sciensano à l’échelon fédéral, et plaide pour une structuration du secteur. En Wallonie, Sciensano va intervenir comme centre d’expertise sur la thématique de l’activité physique. Entretien

ES – Le paysage des actions pour favoriser l’activité physique est très morcelé en Wallonie, par rapport à la Flandre où toutes les initiatives semblent centralisées au sein de Gezond Leven. Pourquoi ?  

L’aspect très disparate et diffus du paysage de l’activité physique actuel est principalement lié au fait que la Région wallonne a mené pendant des années une politique de financement par subventions facultatives, à la suite du transfert de la compétence de la Communauté française. 

En Wallonie, nous avons toujours eu des acteurs qui promouvaient de l’activité physique, sur prescription ou non. Cela peut très bien fonctionner dans certains endroits où l’offre en activité physique est super complète. Mais il y a sans doute des lieux qui sont vraiment défavorisés en termes d’accompagnement et de solutions, parce qu’aucun opérateur ne s’y est implanté ou parce que l’offre d’activité physique est insuffisante par rapport au besoin. 

Au-delà des financements des opérateurs agréés en PPS de l’AVIQ, il existe une multitude d’associations (comme Gymsana par exemple), et même d’initiatives privées, comme la Fondation contre le cancer, ou les mutuelles, qui mènent des actions pour promouvoir l’activité physique auprès des citoyens wallons. 

Avec la nouvelle programmation du WAPPS, les initiatives ont dû se formaliser, les acteurs se sont faits connaître. Ils sont 14 au total. Parmi eux, quatre sont désormais agréés en promotion de la santé depuis 2023 : Citoyens en mouvement (CHU Liège), Tous à pied, Sport sur Ordonnance et Fit your Mind (voir l’encadré ci-dessous).Ils ont fait de cette mission leur priorité, en étant en contact direct avec la population pour proposer des activités physiques adaptées, que ce soit en fonction d’une situation de santé ou d’un contexte de vie particulier. Cela peut se faire sur la base d’une prescription médicale mais ce n’est pas systématique.  

D’autres structures, comme les maisons médicales, intègrent les activités physiques dans une approche plus globale de santé. Enfin, certaines organisations, comme la revue Education Santé, se concentrent davantage sur le partage de connaissances, la communication autour des initiatives, ou d’autres associations qui plaident sur la promotion d’environnements favorables à la pratique d’activités physiques par exemple.  

Sciensano va intervenir comme centre d’expertise sur la thématique de l’activité physique. Est-ce pour tendre vers une harmonisation des pratiques sur le territoire ? 

Oui, Sciensano travaille comme centre d’expertise agréé, principalement sur les thématiques alimentation et activité physique pour nous aider à voir plus clair dans l’ensemble des actions réalisées en Région wallonne. Leurs travaux débutent tout juste en concertation avec l’ensemble des acteurs.

L’AViQ participe aussi au groupe d’experts mis en place par Sciensano au niveau fédéral. Au cours de nos échanges, nous menons un travail de définition : qu’est-ce que l’activité physique sur prescription et l’activité physique dans un contexte particulier ? Comment les distinguer au sein du réseau existant ? Devrions-nous plutôt parler de lutte contre l’inactivité physique pour inclure tous les acteurs dont le citoyen lui-même en priorité ? 

Une fois que nous aurons d’une part un langage commun et une vision large et partagée des acteurs en présence, qu’ils soient financés ou non par les pouvoirs publics, et d’autre part les données scientifiques (recherche, santé publique), nous serons en mesure de formuler des recommandations aux politiques. Le choix des publics prioritaires inclut, entre autres, la pratique d’activités physiques sur prescription mais cela ne se limite pas à cela. En fonction des publics ciblés, le type d’activités physiques à proposer pourra varier. Il est essentiel de rappeler que c’est au citoyen de comprendre l’importance de bouger et de découvrir ses propres raisons et motivations pour s’engager dans une pratique régulière et durable.  

La majorité de la population belge est inactive physiquement, moins d’un tiers pratique une activité physique régulière. Est-ce qu’on sera dans la prévention ou dans la promotion de la santé ?  

Ce sont les deux et c’est une discussion importante car le sujet de l’activité physique touche plusieurs politiques. Nous faisons déjà des liens avec les autres compétences, le sport (ADEPS) ou la mobilité, par exemple, qui est un levier pour améliorer l’accès à l’activité physique via le développement de la mobilité active (piétons, cycliste).  

Pour le moment, les actions vont un peu dans tous les sens. On ne peut pas dire que l’on a une politique globale, transversale, ni de promotion de l’activité physique, ni de prévention de certaines maladies avec cette thématique, des initiatives sont financées mais pour quelle efficience ? Pour la population, il faut que le message soit cohérent et le dispositif accessible. Dans le cadre de Proxisanté (la réforme wallone de la première ligne de l’aide et du soin), chaque niveau méso ou organisation loco-régionale de santé identifiera ses priorités de santé. Pourquoi ne pas les motiver pour qu’ils priorisent la lutte contre l’inactivité physique ? 

La réflexion doit commencer sur le terrain, puis vers un modèle plus global, en proposant un dispositif et un financement adaptés. Les choix posés par les opérateurs reposent, en effet, sur des raisons solides, qu’il est important de comprendre et, si possible, d’intégrer dans la conception du dispositif global. 

L’activité physique sur prescription semble mettre à nouveau les généralistes au premier plan, en raison des effets protecteurs de l’activité physique sur les maladies chroniques. Mais cela pose un problème majeur, car toute activité ne peut pas se faire sur prescription. 

L’activité physique sur prescription est un modèle qui ne répondra pas à l’ensemble des besoins des personnes inactives. C’est pour cette raison qu’il convient de réfléchir à structurer cette politique publique sous la dénomination de la lutte contre l’inactivité physique. Chacun a un rôle à jouer, la personne en premier lieu et la société en second lieu. Pratiquer de l’activité physique, se mettre en mouvement devrait être une norme sociétale.  

J’ai l’impression que le terrain est demandeur, qu’il est prêt, la Déclaration de Politique régionale 2024 – 2029 met en avant la prévention : l’AViQ prépare des arguments pour y répondre. L’inactivité physique est un trop gros problème de santé publique, alors que c’est un facteur de risque modifiable, relativement « facilement ». En tout cas, une partie du dispositif n’est pas si compliquée à mettre en place et nous avons des exemples de mise en œuvre à suivre. Les pièces du puzzle sont là, c’est juste qu’il faut les emboîter, ajouter un peu de colle et de bonne volonté afin de combler des trous. Le coût – bénéfice, même si c’est encore imparfait, vaudra la peine en termes de santé publique.

En Wallonie, quatre nouveaux opérateurs agréés en promotion de la santé 

1/ L’asbl Sport sur Ordonnance (fondée en 2018) organise la pratique d’activité physique adaptée pour les personnes porteuses de maladie chronique en région wallonne. Elle propose de renforcer les dispositifs locaux en proposant gratuitement ses services aux communes. Son objectif est d’aider les communes à mettre en place des cycles d’activité physique adaptée sur 12 à 24 semaines. 

L’asbl s’assure que les communes adhérentes, 20 actuellement, choisissent des prestataires qui respectent les lignes directrices de la médecine de l’exercice (Exercise as medicine). La commune doit aussi garantir l’accessibilité financière pour les participants.  

L’asbl organise des moments de sensibilisation pour les médecins généralistes en lien avec la PSMG et la SSMG. Elle s’appuie sur les référentiels mis au point par la Haute Autorité de Santé française4

sport-sur-ordonnance.be/ 

2/ Fit your mind propose des activités adaptées aux personnes souffrant de maladies chroniques, de douleurs persistantes ou faisant face à une perte de mobilité et d’activité au quotidien. Les sessions de gym douce, de renforcement musculaire, de stretching, de marche (nordique), de danse, sont encadrées par des professionnels spécialement formés à l’activité physique adaptée. 

Avec le programme “Care to dance”, Fit your mind a développé des ateliers spécialement conçus pour des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ou des troubles apparentés. La danse est l’activité idéale pour développer des stratégies pour mieux bouger, la flexibilité, la force musculaire, l’observation, l’ouïe et le toucher, renforcer la confiance en soi, rompre l’isolement, améliorer la perception de son corps dans l’espace et ainsi réduire le risque de chutes. 

fityourmind.be/ 

3/ L’asbl Tous à pied développe depuis 20 ans des actions de plaidoyer pour défendre la mobilité piétonne en Belgique. Certains projets s’adressent plus spécifiquement aux personnes âgées. Notamment le dispositif « Marche tes 5 minutes Senior ». Développé dans une maison de repos pilote en 2023, il s’est étendu à 18 établissements en 2024. 

Il vise à sensibiliser les professionnel.les des maisons de repos aux bienfaits de la marche pour les résidents. L’asbl organise une concertation entre le personnel et les seniors qui gagneraient à marcher – afin d’analyser les freins et les leviers à l’activité. 

Elle réalise ensuite un diagnostic de l’environnement de marche autour de l’établissement pour recueillir les ressentis des personnes participantes et si nécessaire proposer des aménagements. Chaque maison de repos se lance dans un défi : réaliser 5 minutes de marche quotidienne pendant une semaine. Très rapidement, la durée de promenade passe à 30 minutes, l’objectif est que l’habitude se maintienne dans le temps après l’intervention.  

tousapied.be/nos-projets/marche-tes-5-minutes-senior 

4/ Citoyen, en mouvement pour ma santé est un dispositif né au sein du CHU de Liège dans le cadre d’une bourse de la Fondation contre le cancer (les Grants Activité Physique qui ont pour objectif de promouvoir l’activité physique, du diagnostic jusqu’à l’autonomie sportive du patient).  Lancé en 2019 sous le nom de “Citoyen Sportif”, il s’adressait initialement aux personnes souffrant de cancer dans le cadre d’un dispositif de revalidation. En 2023, il a changé de forme et de mode de financement.  L’absl baptisée “Citoyen, en mouvement pour ma santé” organise désormais des séances d’activité physique gratuites. Celles-ci sont ouvertes à toute personne porteuse de maladie chronique, ou de 60 ans et plus. 

L’asbl a noué des partenariats avec 18 communes de Wallonie qui mettent leurs infrastructures sportives à disposition pour que l’asbl puisse organiser des séances avec des professionnels du mouvement certifiés. Chaque participant.e bénéficie en moyenne de 12 séances d’activité physique gratuite, et peut demander à renouveler ce cycle une seconde fois. 

chuliege.be/jcms/c2_26224880/en-mouvement-pour-ma-sante/accueil