Le 22 janvier dernier, Louise Potvin était l’invitée d’un Midi de la Santé organisé par l’Observatoire de la Santé du Hainaut et l’Institut régional d’éducation et de promotion de la santé de Picardie.
Cette chercheuse canadienne (1) est bien connue du monde de la promotion de la santé, que ce soit par les chercheurs ou les acteurs de terrain. Elle les fascine par ses convictions, son engagement social, son franc-parler et son enthousiasme.
Passer de la ‘science des problèmes’ à la ‘science des solutions’
Au cours de la matinée précédant le Midi de la santé proprement dit, une trentaine de chercheurs et/ou acteurs de terrain ont pu la rencontrer et échanger avec elle.
Dans un premier temps, notre invitée a retracé son expérience en insistant sur les trois niveaux (local, régional et international) qui doivent inspirer notre action, et en particulier dans la lutte contre les inégalités sociales de santé.
Tout en regrettant la rareté des documents de recherche sur les effets, les impacts et les interactions des différentes interventions sur les milieux, elle a mis en avant le travail réalisé par le réseau canadien ‘centre collectif national’ auquel elle participe dans le cadre de sa recherche sur la pratique et les interventions.
«Remplacer la science des problèmes par la science des solutions». Tel est son slogan maintes fois répété. Une véritable révolution culturelle. Le chercheur doit s’adresser aux acteurs de terrain en leur demandant : «Aidez-moi à mieux faire mon boulot comme chercheur» . Il ne faut pas que la recherche détermine entièrement l’action. La recherche reflète ce que les acteurs font mais elle ne doit pas dire ce qu’ils doivent faire. À son tour la recherche va produire de la connaissance qui sera utile à l’action future.
La recherche interventionnelle (2) met en interaction la recherche et l’intervention
On oppose souvent chez nous recherche et action sur le terrain. Au cours de son exposé, Louise Potvin a apporté un témoignage plein de savoir et de conviction pour faire un sort à ce présupposé. En répondant à la question de plusieurs participants, elle a pu montrer comment dans sa pratique professionnelle elle a pu participer à la construction d’un réseau qui passe par la mise en place d’une culture commune et la fixation de priorités, notamment pour la lutte contre les inégalités sociales de santé et la prévention des maladies chroniques. Son leitmotiv : «Je suis intéressée de voir ce que vous faites et de construire avec vous. Ensemble nous pouvons construire un savoir permettant d’agir au mieux dans l’intérêt de l’individu et de la collectivité. Ensemble nous pourrons mettre sur pied des interventions et mettre au point des stratégies».
Son défi est d’arriver à intégrer les actions, les valeurs et la recherche . Comme on le voit, il s’agit d’une vision ô combien politique de la promotion de la santé qui demande de la part des décideurs politiques un soutien non seulement financier mais aussi stratégique.
Le niveau local, un levier pour améliorer la santé
Plus personne, maintenant, ne mettra en cause l’importance des politiques publiques pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, que ce soit en matière d’infrastructures de santé, de logement, d’enseignement, de culture, de transport, mais comme l’affirme Louise Potvin, il ne faut pas négliger le travail immense fourni par l’ensemble des acteurs de terrain en vue de réinventer les milieux de vie des individus et des collectivités. C’est au sein des espaces socio-sanitaires, comme elle les nomme, que les acteurs se rencontrent et mettent en œuvre des actions qui visent à transformer les conditions de vie. Par ce travail intersectoriel, les acteurs et les chercheurs participent à une meilleure connaissance du problème, et peuvent ainsi agir ensemble localement pour construire la santé.
Nous laisserons à Louise Potvin le mot de la fin : «C’est à l’usage et à travers la pratique que les solutions se transforment et que les partenariats se transforment aussi au fil de solutions».
N’est-ce pas un beau message plein d’optimisme et de réalisme?
Pour en savoir plus, nous vous recommandons le dossier ‘Recherche interventionnelle en santé publique : quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble’, paru dans ‘La Santé en action’ n°425, septembre 2013. Numéro téléchargeable à l’adresse http://www.inpes.sante.fr/SLH/pdf/sante-action-425.pdf.
(1) Louise Potvin est professeure titulaire au Département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine, Université de Montréal. Ses principales recherches portent sur l’évaluation de programmes communautaires de promotion de la santé et de la manière dont l’environnement social local est propice à la santé. Elle travaille au sein de plusieurs groupes internationaux de réflexion et d’écriture sur la promotion de la santé et l’évaluation en promotion de la santé.
(2) La recherche interventionnelle peut être définie comme l’utilisation de méthodes scientifiques pour développer des connaissances concernant les interventions, les programmes et les politiques (concernant la santé ou tout autre domaine) qui visent à modifier la distribution des facteurs de risque des maladies ou des déterminants sociaux, culturels et environnementaux de la santé dans une population. Ces interventions peuvent être des stratégies, politiques publiques, programmes, événements ou activités selon le niveau de gouvernance auquel elles sont associées (d’après ‘Pour une science des solutions: la recherche interventionnelle en santé des populations’, L. Potvin, E. Di Ruggiero, J.A. Shoveller, La Santé en action n° 425, septembre 2013).