Le gouvernement burundais vient de voter une loi pour lutter contre la discrimination dont sont victimes les personnes atteintes du sida. Une étape essentielle dans leur difficile combat au quotidien pour faire reconnaître leur droit à vivre comme tout le monde.
C’est un pas important pour la reconnaissance des droits des malades et porteurs du VIH/Sida qui a été franchi par l’Assemblée nationale de transition au Burundi, le 2 mars dernier. Elle a, en effet, adopté à l’unanimité une loi qui protège les sidéens contre la discrimination dont ils sont actuellement victimes. Des amendes de 10.000 Fbu à 100.000 Fbu, des sanctions administratives, disciplinaires et autres sont prévues pour punir ceux qui contreviennent à la loi.
C’est une victoire pour Jeanne Gapiya et les membres du réseau des personnes vivant avec le virus, qui ont fait pression sur le pouvoir législatif pour obtenir ce vote. J. Gapiya a été la première Burundaise à reconnaître publiquement qu’elle avait le sida, un matin de décembre 1985, choisissant ainsi d’affronter les regards, les critiques et le mépris. Refusant la fatalité, elle a depuis lors entamé un rude combat qui l’a conduite à fonder, en 1993, une association de soutien aux séropositifs et sidéens. Les centres Turiho (‘ Nous sommes vivants ‘ en kirundi) accueillent aujourd’hui plusieurs milliers de patients à Bujumbura et à Kirundo.
Jeanne fait figure d’héroïne, dans un pays où la stigmatisation des séropositifs et des sidéens reste forte. Qu’il s’agisse de louer une maison ou de trouver un travail, ceux-ci ont, en effet, bien du mal à faire reconnaître leurs droits. Comme cette femme qui s’est vu refuser un appartement à louer lorsqu’elle a avoué avoir le sida. Au quotidien, la discrimination est courante : une autre femme raconte que dans la parcelle où elle habite, les colocataires, sachant qu’elle est porteuse du VIH, montrent ouvertement leur répugnance à utiliser les lieux d’aisance ou la douche commune quand elle en sort. La nouvelle loi reconnaît à ceux qui sont atteints le droit de jouir des mêmes avantages sociaux ou professionnels qu’une personne saine.
Peur du rejet social
Pour tous ceux qui sont touchés par ce fléau, elle est donc porteuse d’espoir. Parmi eux de très nombreuses femmes comme I.C. qui se confie les yeux baissés, d’une voix à peine audible. Elle a appris sa séropositivité il y a près de 5 ans après le décès de son mari lorsque, sur les conseils d’une amie, elle est allée se faire dépister.
Comme bon nombre d’autres femmes porteuses du virus – cultivatrices, enseignantes, fonctionnaires et autres – I.C. a appris à vivre avec son fardeau. Ces femmes viennent régulièrement assister aux séances organisées par une association de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/Sida. De la maladie, elles en parlent entre elles, entre amies, mais surtout pas aux gens de la famille, de peur d’être socialement rejetées. Les discussions sur le sujet, avec les enfants, sont encore plus difficiles. Nombreuses sont d’ailleurs celles qui n’ont pas encore eu le courage de faire dépister leurs enfants préférant continuer à vivre dans l’incertitude. À ce niveau, les obstacles d’ordre culturel restent quasiment insurmontables.
Il n’y a pas qu’au Burundi…
Un travail de réflexion de longue haleine du secteur de la prévention du sida et autres MST a abouti récemment à la publication d’une plaquette ‘Stratégies concertées du secteur de la prévention du sida et des IST en Communauté française’.
La réduction des discriminations vis-à-vis des publics vulnérables et plus particulièrement des personnes séropositives est un des trois objectifs transversaux retenus pour les prochaines années, à côté de l’amélioration du recours adéquat et de l’accès aux dépistages et de l’utilisation du préservatif lors de la prise de risques.
Une publication de 24 pages est disponible à l’Observatoire du sida et des sexualités, Bd Jardin botanique 43, 1000 Bruxelles. Courriel: observatoire@fusl.ac.be. Le document peut être téléchargé sur le site http://www.fusl.ac.be/observatoire .
Selon la loi qui vient d’être votée, le gouvernement doit mettre en place obligatoirement des mécanismes de lutte contre la discrimination de personnes infectées par le VIH et assurer leur prise en charge médicale et psychosociale. Mais son application risque de ne pas être facile. Chaque année, le virus fait de nouvelles victimes. La tendance est à la hausse dans le milieu rural tandis que dans les villes les chiffres se stabilisent. À Bujumbura, la séro-prévalence est de 9,4 %, selon la toute dernière enquête effectuée en 2002. En zone semi-urbaine, le pourcentage atteint les 10,5 % tandis que dans le milieu rural, il n’est que de 2,5 %, mais en très forte hausse. La guerre, les déplacements de populations, la paupérisation et la vie dans des conditions précaires ont favorisé cette augmentation des infections.
Béatrice Ndayizigamiye , InfoSud – Syfia