Au printemps 2001, un groupe de travail issu du secteur de la promotion de la santé s’est réuni à plusieurs reprises sur cette question. La coordination et le secrétariat de ce groupe étaient assurés par le Service communautaire de promotion de la santé Question Santé, avec l’aide du Centre local de promotion de la santé de Bruxelles. Il est étonnant de constater combien les recommandations émises par ce groupe sont, avec neuf années de recul, toujours d’actualité. On y trouve des suggestions comme celles-ci: inscrire l’information sur le dépistage du cancer du sein dans une optique de santé globale; adopter une approche mixte dans laquelle les démarches de marketing social (inciter les femmes à pratiquer le dépistage par mammotest par une information adéquate) et d’éducation permanente (favoriser le développement des aptitudes des femmes concernées par rapport à la gestion de leur santé) seront considérées comme complémentaires.
Les objectifs éducatifs énoncés concernaient aussi bien les professionnels de la santé que les femmes. Pour les premiers: augmenter leurs savoirs par rapport au dépistage et à ses corollaires, favoriser une prise de conscience des facteurs qualitatifs, comme l’importance de la parole et du suivi et l’adéquation des informations transmises aux diversités culturelles, socio-économiques, psychologiques. Pour les secondes: développer leurs connaissances (y compris pour les aspects très concrets de l’examen), permettre l’expression des croyances et développer la conscience d’une possibilité d’autogestion de sa santé.
On lit également dans ce document que «la mise en place d’un processus de qualité prime sur les objectifs quantitatifs à court terme» et que «la démarche de communication doit s’inscrire d’emblée dans une continuité d’objectifs et de moyens, et l’évaluation du processus doit être permanente».
Enfin, une liste de critères de qualité était proposée:
-participation de femmes et de médecins à l’ensemble du processus de communication;
-accessibilité du message pour la majorité des femmes du groupe cible. Ce critère qualitatif recouvre entre autres la lisibilité (compréhension de l’information);
-couverture de la population cible (diffusion de l’information). Ce critère quantitatif vise à garantir l’accès au message;
-du critère d’accessibilité découle un autre: une diversité d’approches. Ceci implique notamment la multiplication des supports (écrits, audiovisuels, conférences, etc.) et des moyens (publications, groupes de parole, etc.) ainsi qu’une proximité des actions (appui des réseaux d’acteurs locaux).
-respect d’une rigueur scientifique et éthique (référence aux valeurs). Ceci implique la recherche d’un bénéfice en terme de santé globale pour chaque femme individuellement, le respect de la liberté de choix (ne pas forcer la décision), la recherche du consentement éclairé, la non exclusion de certains groupes;
-respect de la féminité et de l’intimité. Parler du corps féminin est probablement plus aisé entre femmes. Ceci peut revêtir une importance particulière dans certains contextes culturels. Des professionnelles de sexe féminin seront disponibles autant que faire se peut (notamment des techniciennes pour pratiquer le mammotest);
-anticipation des effets pervers de la démarche de communication et, plus largement, du dépistage à large échelle. Les prémices des aspects de communication et d’éducation liés au programme de dépistage étaient donc posées d’emblée de manière riche et diversifiée, dans le cadre d’une concertation d’acteurs de la promotion de la santé.
Cependant, au cours des années suivantes, de nombreux intervenants impliqués dans le programme ont eu le sentiment d’un rétrécissement des options d’action possibles.
En décembre 2005, à nouveau en concertation avec différents partenaires et acteurs locaux, d’autres pistes pour sensibiliser et rencontrer les femmes avaient été envisagées (livret de questions/réponses, photolangage, théâtre-action…) comme supports et outils d’animation pour des relais de proximité (associations d’éducation permanente, CPAS, groupes d’alphabétisation…) mais ils n’ont pu être mis en œuvre faute de moyens.
Pourquoi ce rétrécissement du champ d’action ?
Diverses hypothèses explicatives peuvent être avancées. En voici quelques-unes:
-les difficultés rencontrées par le programme ont eu pour conséquence que l’attention s’est portée prioritairement sur les problèmes fonctionnels et techniques, les débats sur la pertinence du dépistage par mammotest parmi les professionnels de la santé, les changements de la technique radiologique, etc.;
-le choix structurel d’une décentralisation offrait des avantages quant à la proximité des structures de gestion du programme mais, dans le même temps, rendait plus difficiles la coordination et la cohérence des aspects de communication et d’éducation. En outre, les priorités des mandataires au niveau de la Communauté française et au niveau provincial pouvaient diverger;
-les priorités et accents politiques successifs ont fortement influencé la gestion même du programme, par un pilotage direct du politique et par les choix de financement ou de non financement de certains axes de travail;
-les priorités de travail imposées aux Services communautaires et Centres locaux de promotion de la santé ont limité leurs possibilités d’investissement dans le programme;
-les différences de référentiels entre les acteurs d’un programme de médecine préventive impliquent un travail de concertation de longue haleine afin de permettre des échanges et une compréhension des apports spécifiques des uns et des autres. Au-delà, ce qui est recherché est une acceptation de l’expertise spécifique de chacun et de la complémentarité des approches.
Et maintenant…
Des réunions ont repris avec des acteurs de proximité pour élargir à nouveau les perspectives de la communication et de l’éducation des adultes dans le champ des activités de médecine préventive. Beaucoup reste à faire dans ce domaine, mais seule une approche collective reconnaissant les réalités de chacun permettra de progresser vers des démarches diversifiées, cohérentes et de qualité.
Alain Cherbonnier , Chantal Hoyois , Bernadette Taeymans et Patrick Trefois , Question Santé, Service communautaire de promotion de la santé