Septembre 2011 Par Christian DE BOCK Initiatives

Le mois dernier, nous vous présentions un premier bilan du programme généralisé de dépistage du cancer colorectal en Communauté française (1). Les hasards de l’actualité font que le rapport de l’implantation expérimentale du programme flamand dans trois communes de la Province d’Anvers vient de sortir (2).
La comparaison des deux démarches est très intéressante, tant les processus mis en place que les résultats obtenus divergent.

Pertinence d’un dépistage organisé

Sur ce point là au moins les avis convergent: au Nord du pays comme au Sud les autorités politiques et les acteurs de santé publique sont convaincus qu’un dépistage recueillant une large adhésion du public cible peut avoir un effet favorable réel en termes de diminution de la mortalité par cancers de ce type. En outre, ce dépistage offre une excellente fenêtre d’opportunité de 10 à 15 ans, qui permet des interventions efficaces vis-à-vis de lésions précancéreuses ou de cancers débutants.

Pas de généralisation d’emblée

La Communauté française a fait le choix de proposer d’emblée le dépistage à l’ensemble de la population francophone âgée de 50 à 74 ans. La Flandre, plus prudente, a préféré tester la faisabilité du programme, pour vérifier l’efficience du test proposé, valider les procédures, et, c’est bien sûr essentiel, s’assurer de la volonté de participation du public.
Les habitants concernés des communes de Schilde, Vosselaar et Borgerhout (toutes trois situées dans la Province d’Anvers) ont été invités à participer au dépistage de février à décembre 2009. Deux modalités de contact ont été retenues, le passage par le médecin généraliste et l’envoi du test à domicile directement par la poste. Un rappel a été fait 6 semaines plus tard selon l’autre modalité en cas de non-réponse (méthode dite de cross-over).

Pas le même test

Du côté francophone, c’est le gFOBT (Hemoccult II) qui a été retenu, alors que la Flandre a choisi plutôt le iFOBT, test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles. Les raisons: ce test est simple à utiliser et à analyser, il réagit bien (sensibilité et spécificité), il ne nécessite qu’une prise d’échantillon de la part du patient (au lieu de trois pour celui utilisé en Communauté française), il peut être lu automatiquement, le résultat est donc rapidement connu (communication au médecin et au participant dans les 10 jours). Détail qui a sans doute son importance: le test gFOBT coûte nettement moins que le iFOBT. Pour le premier, il faut ajouter les frais de personnel analysant les échantillons, et pour le second les frais d’acquisition de l’appareil de lecture (3).

Pas les mêmes résultats

Sur un total d’un peu moins de 19.000 individus (après correction) environ 50% des personnes ont participé à l’expérience, avec un taux d’adhésion nettement plus favorable pour la formule ‘postale’ (64,3% contre 24,8% en passant par le médecin de famille).
Le test s’est avéré positif dans 5,3% des cas, soit pour 435 personnes, et il y a enregistrement d’un suivi pour 372 d’entre elles (85,5%), avec 318 colonoscopies. 224 polypes ou tumeurs ont été détectés, soit pour 1,2% des cas.

Évaluation

Une enquête a été réalisée auprès de 3600 personnes, avec un taux de réponse appréciable de 58% (70% parmi les participants et quand même 43% parmi les non-participants).
L’invitation par courrier a la faveur de 53% des répondants, celle par le médecin généraliste de 28%.
92% des gens estiment le test facile à réaliser, ce qui est cohérent avec le bon succès de participation de l’expérience.
L’enquête offre aussi des données précieuses quant aux motifs de non-participation, vu le nombre important de réponses parmi les non-participants. 23 raisons de ne pas faire le dépistage en émergent, les deux plus fréquentes (de loin) étant ‘je me sens bien, je n’ai pas de plainte’ et ‘personne n’a de cancer du côlon dans mon entourage’.
L’enquête a aussi permis d’écarter une fausse bonne idée, à savoir ‘profiter’ d’un patient atteint d’une tumeur pour inviter ses proches à participer au dépistage.
À noter que cette évaluation quantitative a été complétée par des groupes focalisés.

Conclusion positive

Sur base des résultats de cette expérience, les responsables du programme concluent sans surprise à sa faisabilité et à son ‘acceptabilité’. La technique du rappel par ‘cross-over’ est également jugée pertinente pour améliorer significativement la participation.
L’évaluation permet aussi d’avoir une idée assez précise du budget nécessaire, compte tenu d’une participation de 40% lorsque le programme sera lancé à grande échelle. Elle permet aussi d’estimer la charge de travail supplémentaire pour les gastro-entérologues qui seront chargés du suivi des patients positifs.
Christian De Bock
(1) Voir MATOS DA SILVA D., TAEYMANS B., TREFOIS P., «Dépistage du cancer colorectal: connaissances et perspectives» in Éducation Santé n°268, juin 2011, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1376
(2) Voir HOECK S., VAN ROOSBROEK S., VAN HAL G., “Pilootproject bevolkingsonderzoek naar dikkedarmkanker”, rapport de 141 pages téléchargeable sur le site http://www.dikkedarmkanker.be . Rapport publié le 04/05/2011.
(3) Dans le rapport qu’il avait consacré à cette problématique fin 2006, le KCE donnait la préférence au gFOBT. Il n’a pas assuré de veille sur ce dossier entre-temps.