Août 2002 Stratégies

En Belgique, environ 4% de la population totale est atteinte de diabète, près de la moitié ne le sait pas. Cette prévalence est plus élevée dans la population adulte, et elle augmente avec l’âge à partir de 40 ans. Pour au moins 85% des cas, il s’agit de diabète de type 2 1.
Contrairement au diabète de type 1, qui se manifeste le plus souvent rapidement par des symptômes graves, le diabète de type 2 peut longtemps rester inaperçu. La présence de diabète augmente fortement le risque de morbidité et mortalité cardio-vasculaire et conduit à une série de complications graves liées à une atteinte des petits vaisseaux sanguins. Une prise en charge précoce peut ralentir, et dans le meilleur des cas, enrayer ce processus dégénératif. Par contre, des lésions irréversibles sont généralement déjà présentes en cas de détection tardive.
En outre, il est possible, par des mesures hygiéno-diététiques, de prévenir l’apparition d’un diabète de type 2 chez des personnes à risque ou du moins d’en retarder l’apparition.
Suite au vieillissement de la population mais également suite à l’augmentation de la prévalence du diabète à tous les âges, le nombre de diabétiques dans la population augmentera au cours des prochaines décennies. C’est là un défi majeur pour notre système de santé, tant par l’aspect financier que par les problèmes de qualité des soins.
D’où la question sur l’opportunité d’un dépistage systématique de la population. Le bénéfice d’une telle action est assez net, mais il faut tenir compte des coûts et des effets négatifs d’une telle entreprise. Il faut également tenir compte du fait qu’aucun test n’est parfait et qu’il y aura donc forcément des résultats erronés.
Si la question sur l’opportunité d’un dépistage reçoit une réponse plutôt positive, il faut se poser les questions sur ses modalités: quelle partie de la population faut-il inviter à un examen, à quelle fréquence, quel est le meilleur contexte pour cette activité de dépistage?
Ce n’est que très récemment que l’efficacité des traitements médicamenteux a été prouvée dans la prévention à long terme des complications. Il est donc normal qu’au niveau international, en matière de dépistage, il n’y ait pas encore de directives claires qui tiennent compte de ces nouvelles preuves scientifiques.
Depuis quelques années différents groupes en Belgique prennent position en faveur d’un dépistage systématique ou plus étendu de la population. Ces initiatives ne sont toutefois pas le résultat d’un consensus qui implique l’ensemble des experts et organisations concernées par le problème.

Objectifs

C’est pourquoi la Communauté française Wallonie Bruxelles, compétente en matière de médecine préventive, a pris l’initiative d’organiser une série de démarches visant à aboutir à un consensus dans ce domaine. C’est chose faite aujourd’hui. Ce consensus est très proche de celui qui vient entre-temps d’être publié aux Etats-Unis par l’American Diabetes Association.
Il faut maintenant que ce texte, qui représente l’avis de l’ensemble des experts belges en la matière, soit publié et qu’on envisage les possibilités de l’appliquer, tant dans la pratique médicale que dans la politique de santé.

Comment le consensus a-t-il été réalisé?

La première étape du processus a été la rédaction d’un dossier 2 faisant le point sur la situation actuelle. Ensuite un petit groupe de travail a été constitué avec, outre le CROSP (Centre de recherche opérationnelle en santé publique – Institut scientifique de la santé publique), des personnes représentant l’Administration de la Communauté française, la Commission épidémiologie du Conseil supérieur de promotion de la santé, un diabétologue et un expert de la Société scientifique de médecine générale. Un consultant en santé publique a été engagé pour modérer les discussions et assister à la préparation des étapes ultérieures.
Un courrier-questionnaire a été adressé à environ 80 personnes expertes en matière de dépistage du diabète. Ces personnes, choisies d’abord en fonction de leur expertise ont été recrutées dans l’ensemble des structures ayant une autorité dans le domaine de la prévention et du dépistage du diabète, dans les trois Communautés, au niveau de l’Administration fédérale de la Santé et de celle des Affaires sociales, l’INAMI, les mutualités, les associations de diabète, les universités (spécialistes, généralistes, écoles de santé publique), les sociétés scientifiques de médecine générale…
Comme les résultats attendus de ce travail – le texte de consensus – pouvaient avoir des implications intéressant des domaines dépassant les compétences stricto sensu de la Communauté française, et dans l’esprit des conférences interministérielles intéressant la santé, le groupe de travail a tenu à s’assurer la participation des experts de la partie néerlandophone du pays, ainsi que des représentants des administrations fédérales.
65% des experts contactés ont répondu au questionnaire. Ce résultat peut être considéré comme très satisfaisant. La synthèse des résultats a été renvoyée aux participants et a servi de point de départ pour une journée de discussions structurées en trois groupes modérés par des professionnels (technique des groupes experts). 28 des 54 experts ayant répondu au questionnaire ont pu participer à ces travaux. Les résultats de chaque groupe ont été synthétisés par les rapporteurs et modérateurs, et les conclusions présentées en plénière.
A partir de ces résultats une déclaration a été rédigée, et signée par tous les participants. Tous ces experts ont participé à titre bénévole, on doit souligner que cela représente un investissement considérable.
Un des résultats de ce travail était la constatation qu’il fallait définir la population cible à examiner et les méthodes à employer. Un groupe plus restreint mais représentatif a réalisé cette tâche en février 2002 et les résultats ont été ajoutés dans le texte de consensus.

Résultats

Prévention

Il est possible, de prévenir (ou de retarder) l’apparition d’un diabète de type 2 par des mesures hygiéno-diététiques, au moins dans une partie de la population. Des interventions dans ce domaine sont réalisables mais leur mise en application pratique n’est pas toujours évidente. Puisque ces facteurs de risque sont, en grande partie, les mêmes que pour les maladies cardio-vasculaires, la prévention primaire du diabète de type 2 ne peut se concevoir que dans le cadre d’une stratégie globale de prévention.

Dépistage

Le dépistage du diabète est justifié , mais uniquement dans le cadre d’une approche globale des problèmes de santé. La réduction des facteurs de risque ainsi qu’un meilleur suivi des diabétiques connus semblent plus importants que le dépistage précoce.
Le dépistage organisé du diabète n’est pas justifié si la prise en charge des patients détectés ne peut pas être assurée.
Toute occasion lors d’un contact avec un médecin doit être saisie pour le dépistage occasionnel (case finding ). Donc chaque médecin (généraliste, spécialiste, médecin du travail,…) a la responsabilité professionnelle de vérifier, lors d’un contact quelconque, si son patient appartient à l’un des groupes à risque pour lesquels il est indiqué de proposer un examen de dépistage du diabète. Ces groupes à risque ont été définis, ainsi que les modalités et la fréquence de l’examen de dépistage et de confirmation. Une glycémie au hasard n’est pas conseillée pour le dépistage. On préconise la mesure de la glycémie en laboratoire, sur du sang veineux, prélevé à jeun.
Si une recherche active des cas de diabète inconnus est envisagée, dans une population ciblée, c’est alors clairement le médecin généraliste qui doit en être le maître d’œuvre.
Un consensus existe sur le fait que dans le système de santé actuel il existe des contraintes pour l’organisation efficace et intégrée du dépistage ciblé du diabète. Les problèmes les plus importants sont l’organisation et le financement de la prévention au premier échelon.
d’après un communiqué de presse de l’Institut scientifique de la santé publique

(1) ‘Le diabète sucré décrit une perturbation métabolique caractérisée par une hyperglycémie chronique, résultant soit d’un manque de sécrétion d’insuline, soit d’un manque d’action de l’insuline sur les tissus, soit des deux. (…) Le diabète de type 2 (anciennement appelé non insulino-dépendant ou diabète de maturité) se caractérise dans un premier temps par une résistance des tissus périphériques à l’insuline, avec hyper-insulinémie compensatoire. Plus tard, quand les cellules bêta ne parviennent plus à produire cet excès d’insuline l’hyperglycémie apparaît. Dans une grande partie des cas, l’obésité joue un rôle important dans la genèse du diabète de type 2.’, in CAPET F., DEBAILLIE R., TAFFOREAU J., VAN OYEN H., Diabète, Etat des connaissances en Belgique et apport d’éléments pour l’élaboration d’une politique de santé, Episérie n° 19, CROSP, 1999.
(2) Voir le site http://www.iph.fgov.be/epidemio/morbidat/FR/ZIE/ZIEK04.htm pour de plus amples détails.