Dis-moi dans quoi tu manges…
Les travaux d’ Olivier Corneille portent sur l’influence psychologique. Récemment, ce chercheur a étendu ses intérêts de recherche aux comportements alimentaires, en particulier à l’influence de l’environnement quotidien sur ces comportements, soit l’impact du packaging, de la taille de la vaisselle, des quantités de nourriture servie, etc. sur la consommation des gens.
Deux questions sont au centre de ses recherches : quel est l’impact de la quantité de nourriture servie sur la consommation ? Qu’est-ce qui pousse les gens à augmenter leur consommation : le volume de nourriture, le packaging ou la conjonction des deux ?
Premier constat : les gens alignent leur consommation sur la quantité de nourriture qui leur est servie. L’attention n’est plus portée sur ce que l’on mange ni sur la faim que l’on éprouve. Résultat, les gens consomment plus que nécessaire. Or, lorsque l’on prend en compte le fait que la taille des assiettes a augmenté ces dernières années, que les quantités proposées par l’industrie alimentaire ne cessent aussi de gonfler, on peut aisément faire le lien entre la surconsommation et l’obésité grandissante de la population.
Deuxième constat : la taille du contenant a clairement un impact sur le volume de nourriture ingérée par le consommateur.
Pour arriver à ce constat, Olivier Corneille a mené récemment une expérience sur trois groupes pilotes d’étudiants à qui l’on a donné un bol de M&M;’s à manger devant la TV : le premier groupe a reçu une quantité moyenne de M&M;’s dans un bol moyen; le deuxième groupe a reçu la même quantité moyenne de M&M;’s dans un grand bol; le troisième groupe a reçu une grande quantité de M&M;’s dans un grand bol. La question était évidemment de savoir quel groupe allait ingurgiter le plus de nourriture. L’expérience indique que, sur une même durée, le deuxième groupe a consommé deux fois plus de M&M;’s que le premier et autant que le troisième. Pourquoi ? Lorsque l’on verse une quantité X dans un grand contenant, cette quantité paraît moindre que si elle était contenue dans un petit récipient. Du coup, les gens consomment davantage.
Parmi les bons gestes à adopter, pour faire face à cette surconsommation spontanée, Olivier Corneille préconise de ne pas agir sur la volonté des gens, qui peut être faillible, mais plutôt sur l’environnement : utiliser des contenants plus petits, que ce soit des assiettes pour le repas ou des bols pour les apéros ou le grignotage; remplir le contenant plus petit au maximum afin d’inciter à consommer moins; se concentrer sur son comportement alimentaire et éviter de manger dans des contextes inappropriés, dans lesquels l’attention est détournée (télévision, cinéma, travail).
Droit des consommateurs : le client d’abord
Durant les années ‘80, le slogan «le client d’abord» a été affiché sur les supports publicitaires utilisés par une grande enseigne belge de distribution. Pour cause : il n’allait pas de soi, à l’époque, que les entreprises et de façon générale les acteurs économiques et sociaux se soucient avant tout des consommateurs.
La Belgique vivait alors dans une économie de «planification» et de «cohésion».
Planification d’une part, vu qu’une grande partie de l’économie était prise en charge par l’État. Celui-ci organisait les activités en fonction d’objectifs qu’il jugeait essentiels. Le rôle du consommateur était réduit. Il devait accepter ce qui lui était proposé. Cohésion d’autre part, étant donné que les bonnes relations étaient essentielles au sein de la société. À cet effet, on régulait la concurrence qui aurait autrement opposé les acteurs. Par exemple, il n’était pas question de comparer ses prestations, dans une publicité, à celles du voisin.
Ce modèle est mis à mal depuis une vingtaine d’années. En cause, principalement, la construction de l’Union européenne. Pour créer l’Europe, nous avons dû renoncer aux règles qui avaient été négociées au fil des siècles dans la société belge. Les marchés se sont ouverts. Il a fallu produire davantage, vendre, consommer.
Dans ses recherches, Paul Nihoul, responsable du Centre de droit de la consommation de l’UCL, étudie ces développements du point de vue du consommateur :
– dans le nouveau modèle de l’UE, le consommateur se voit confier un rôle essentiel, celui de choisir les produits et les services répondant à ses besoins et, à travers eux, les groupes humains qui les fournissent (entreprises mais aussi États où sont situées ces dernières);
– les règles liées à la consommation changent. On privilégie aujourd’hui une approche fondée sur l’information: les firmes doivent informer le consommateur pour lui permettre de réaliser ses choix. On s’écarte des attitudes de protection où des comportements étaient interdits;
– l’État doit se désinvestir d’une série de secteurs qu’il avait massivement investis. De nombreux secteurs sont affectés par cette transformation: télécommunications, services postaux, énergie.
Dans ce nouveau contexte, un concept a reçu la mission de concilier l’intérêt public, la liberté à reconnaître aux acteurs et le choix à donner au consommateur. Il s’agit du «service universel». Ce concept désigne des prestations reconnues comme étant essentielles dans une société et, pour cette raison, devant être rendues accessibles à tous sur l’ensemble du territoire à des conditions raisonnables.
Les enfants et ados, cibles du marketing
Claude Pecheux, professeure de marketing à l’UCL, étudie le comportement des enfants (principalement entre 8 et 12 ans) en tant que consommateurs. Dans la mesure où les jeunes publics disposent de capacités cognitives et sociales différentes des publics adultes, leur compréhension de certaines «techniques» marketing ou de l’utilisation de symboles, trucages ou métaphores est forcément parcellaire et en fait des cibles plus vulnérables, favorisant la consommation de certains produits.
Les travaux de recherche de Claude Pecheux visent à identifier les pratiques marketing néfastes pour les enfants afin de mettre en place une réglementation ou un contrôle ad hoc, histoire de protéger ces enfants. Les débats concernant la réglementation de la publicité sont légion et les arguments avancés pas toujours soutenus scientifiquement. Il est donc important d’argumenter ces débats à l’aide de résultats probants issus d’études scientifiques rigoureuses.
Une pratique qui semble désormais acquise, c’est le fait d’intervenir sur le contenu de certaines annonces publicitaires susceptibles d’influencer le comportement de l’enfant, plutôt que d’interdire purement et simplement la publicité à destination des enfants. Le but des travaux de Claude Pecheux est d’étudier ces contenus potentiellement problématiques et de trouver des alternatives convenables n’ayant pas d’impact néfaste sur le comportement de l’enfant.
Claude Pecheux cherche aussi à comprendre la réaction des enfants à divers stimuli afin de pouvoir développer et mettre en place des programmes de marketing social (promotion de l’alimentation équilibrée; sensibilisation à la culture, etc.) dans le non-marchand.
L’application des concepts et techniques de marketing s’est élargie aux sphères non-marchandes (ONG par exemple), permettant d’éduquer et de mieux protéger certains publics vulnérables. En outre, il existe aujourd’hui de plus en plus de programmes de marketing social, à savoir l’utilisation des outils de marketing pour promouvoir des comportements socialement acceptables. Les exemples sont nombreux : campagnes de l’IBSR pour la sécurité routière; campagnes de sensibilisation aux dangers de la cigarette ou de l’alcool; promotion de l’alimentation équilibrée afin de prévenir l’obésité; sensibilisation au tri des déchets et à l’adoption de comportements respectueux de l’environnement; etc.
Ces programmes prennent encore plus de sens chez les enfants dans la mesure où ces derniers peuvent être des «ambassadeurs» à l’origine des changements de comportements dans la famille. Certaines recherches ont d’ailleurs montré qu’en matière de prévention de comportements «addictifs», les 8-12 ans constituaient une cible idéale, susceptible d’influencer leurs parents. Ainsi, une des recherches UCL récentes s’est intéressée à la promotion de l’alimentation équilibrée auprès des enfants via des messages persuasifs et à la communication qui s’en suit dans la famille. Conclusion: conscientiser les enfants pour éventuellement éduquer ou corriger certains mauvaises habitudes chez les parents, ça fonctionne !
Communiqué par l’UCL