Septembre 2005 Par A. BROUYAUX Initiatives

Lors de la rentrée scolaire de septembre 2004, la question des distributeurs automatiques de boissons et de snacks dans les écoles a émergé dans le débat public. En mars 2005, l’asbl COREN (1) organisait à Ciney sur ce thème une rencontre entre professionnels de l’enseignement et de la santé, à laquelle participait le CRIOC.

Offre de produits dans les écoles et lutte contre l’obésité

La confrontation entre les préoccupations nutritionnelles et l’offre de produits dans les écoles n’est pas récente. En 2003, une enquête menée par l’ULB avait montré le taux de pénétration de ces automates dans l’enseignement primaire (2). Dans certaines communes, des échevins avaient déjà pris avant cette année scolaire 2004-2005, des mesures pour supprimer de tels distributeurs dans les écoles, surtout primaires: citons par exemple dans l’agglomération bruxelloise Ixelles, Forest, Uccle, Auderghem et Watermael-Boitsfort. A Evere et Koekelberg, il n’y en a même jamais eu dans les écoles primaires communales (3). Dans l’ensemble, il convient de différencier la situation dans les écoles primaires et dans les écoles secondaires, au sein desquelles l’idée de supprimer ces appareils suscite plus de protestations.
Durant l’été 2004, il a été décidé en France de généraliser l’interdiction des distributeurs de boissons dans les écoles dès septembre 2005. C’est ainsi que le débat a rebondi en Belgique francophone lors de la rentrée des classes 2004 (4).
A cette occasion, des données relatives à l’évolution alarmante de l’obésité ont été largement médiatisées, relayées dans le cadre du lancement de la préparation du plan fédéral (belge) nutrition-santé et de campagnes médiatiques à l’échelle européenne. La Ministre Marie Arena , dans son ‘Plan de promotion pour une alimentation saine’ à l’échelle de la Communauté française de Belgique (5) évoqua alors également l’idée d’interdire les distributeurs de boissons sucrées dans les écoles.

Le ‘zéro pointé’ des dentistes pour l’alimentation à l’école

En Belgique, on compte environ 173.000 distributeurs automatiques de produits alimentaires dont 24.220 (14%) dans les écoles, de la maternelle à l’université. Forte de ce constat, le 23 mars 2005, l’asbl COREN réunissait à Ciney professionnels de l’enseignement et de la santé autour de la question: ‘Les distributeurs à l’école: qu’en penser?’. Ce colloque a permis de faire le point de la situation et des opinions.
Tout d’abord, Michel Devriese , dentiste et coordinateur de la Fondation pour la santé dentaire y a exprimé l’inquiétude des dentistes ayant mené une campagne de prévention contre la carie dentaire dans les écoles de la Communauté française en 2004 (6). D’après lui, les actions de prévention contre la carie dentaire se heurtent à la composition alimentaire des cartables, aux messages délivrés dans les lieux d’éducation et à l’offre alimentaire dans les écoles. Le déséquilibre le plus frappant constaté par les dentistes concerne les boissons. Et de citer une revue française, les ‘Archives de pédiatrie’, qui préconisa en 2003 de supprimer carrément la collation de 10 heures en milieu scolaire, celle-ci s’avérant inadaptée et superflue (7). La Fondation pour la santé dentaire montre dès lors l’exemple de la Ville de Bruxelles ayant interdit depuis le 1er janvier 2005 les distributeurs de boissons dans l’enseignement fondamental pour installer à la place des fontaines à eau. Mais comme on l’a vu, d’autres communes l’avaient précédée.

Distributeurs: dépenses énergétiques et déchets

L’impact environnemental des distributeurs a été présenté par Renaud De Bruyn du Réseau Eco-consommation. Un distributeur automatique avec réfrigérateur contient un compresseur (production du froid), un éclairage et un ventilateur (circulation de l’air froid). De ce fait, il consomme de 2500 à 4400 kWh/an (coût de 375 à 660€), ce qui n’est pas très économe: en effet, pour refroidir un volume équivalent à un demi frigo, il consomme 5 fois plus d’énergie! Le Réseau Eco-consommation préconise dès lors diverses mesures permettant de réduire ce gaspillage d’énergie, à l’instar des Ateliers de la rue Voot à Woluwe qui ont ‘remodelé’ leur distributeur automatique pour parvenir à une consommation de 1065,8kWh/an (coût: 159€).
Quant à l’éco-bilan relatif aux déchets, il n’est pas très favorable aux distributeurs automatiques qui ne peuvent stocker que des emballages jetables. Ceci sans parler du distributeur lorsqu’il devient un déchet lui-même: il constitue alors un fameux encombrant!

Impact de la publicité, impact de l’éducation

Bernadette Pirsoul du CRIOC a quant à elle rappelé les différentes techniques de marketing utilisées pour atteindre les jeunes consommateurs (8). Bernard Legros , du groupe ‘Résistance à l’Agression Publicitaire’ a dénoncé l’intrusion de la publicité à l’école, tel un ‘cheval de Troie de la privatisation’. Mais certaines écoles parviennent à développer des stratégies de riposte sur le plan pédagogique: telles les alternatives recherchées par les étudiants du Collège Saint-Roch de Ferrières, ou l’exemple souvent cité de l’Institut Robert Schuman d’Eupen. Cette école poursuit un travail de longue haleine d’éducation des élèves à des choix alimentaires plus judicieux, gage de succès d’une ‘machine à pommes’ à côté des distributeurs de boissons, bientôt supprimés.
L’Observatoire de la santé du Hainaut réalise des animations dans les écoles et aide les équipes pédagogiques à réaliser des projets d’éducation à une alimentation saine. De tels services existent aussi dans d’autres provinces ou régions. Des exemples de pratiques pédagogiques probantes peuvent être fournis aux enseignants intéressés. Il est conseillé à ceux-ci de se méfier des outils pédagogiques fournis par des entreprises qui ont intérêt, d’une manière ou d’une autre, à vanter leurs produits.

Distributeurs équitables

Par ailleurs, suite au débat sur les distributeurs de boissons dans les écoles, de nombreux établissements se sont tournés vers les Magasins du monde Oxfam, qui proposent non seulement des snacks et des boissons issus du commerce équitable, mais également des machines automatiques. En bref, il en existe de trois types: des machines à café et autres boissons chaudes pour les sites de moins de 100 personnes, d’autres pour les sites de plus de 100 personnes, et enfin le ‘snakky’, distributeur automatique de jus de fruits et de snacks. Un opérateur partenaire des Magasins du monde Oxfam prend en charge l’approvisionnement de ces machines in situ, et peut également livrer des produits à des écoles souhaitant conserver leurs propres distributeurs. Dans ce domaine, bien des cas de figure sont possibles, vu que les distributeurs font souvent l’objet de leasings. Quels que soient les opérateurs approvisionnant de tels distributeurs, ceux-ci peuvent toujours faire appel aux fournisseurs du commerce équitable, pour l’une ou l’autre ligne de produits (infos sur le site http://www.madeindignity.be .
Antoinette Brouyaux , CRIOC, dans Du côté des consommateurs numéro 180, 15 juin 2005
La presse quotidienne a répercuté pendant les vacances l’intention du Gouvernement de la Communauté française de revenir sur sa décision d’interdire les distributeurs à la rentrée scolaire. Nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir.
(1) COREN asbl (pour Coordination Environnement), rue van Elewijck 35, 1050 Bruxelles. Tél & fax: 02 640 53 23, courriel: info@coren.be
(2) Senterre Christelle – Favresse Damien – Piette Danielle, Les offres de consommation à l’école fondamentale: équité ou éthique? Enquête quantitative dans l’enseignement fondamental en Communauté française de Belgique, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles – Ecole de Santé Publique (PROMES), Août 2003, 49 p. http://homepages.ulb.ac.be
(3) Le Soir, 23/9/04, ‘Future disette pour les canettes’, tour d’horizon par commune de la rédaction bruxelloise du journal.
(4) Voir notamment: Véronique Chaouat, ‘Comment la publicité engraisse nos enfants’, enquête alimentation, in 60 millions de consommateurs n°386, septembre 2004.
(5) Voir Christian De Bock, qui dans ‘L’interdiction des distributeurs de sodas et snacks sucrés à l’école’ in Education Santé , n° 198, février 2005, passe en revue différentes opinions à ce sujet. Cf. aussi le site http://www.arena.cfwb.be .
(6) Cf. le site http://www.sourirepourtous.be , et l’article de Michel Devriese ‘Carie-cola s’invite dans les écoles primaires’ in Education Sant , n° 195, septembre 2004.
(7) Voir le site http://www.sfpediatrie.com Contact avec la Fondation pour la santé dentaire à l’adresse fondation@sourirepourtous.be
(8) Voir ‘Les enfants et les jeunes, cibles du marketing’, à l’adresse http://www.oivo-crioc.org/textes/1322.shtml