Dans notre pays comme dans beaucoup d’autres, les décisions de remboursement de médicaments sont prises sans tenir compte explicitement des opinions et préférences des citoyens et des patients. L’INAMI souhaite que cela change ; c’est pourquoi il avait été demandé, en 2014, au Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) d’identifier les critères que les citoyens trouvent les plus importants lors de ces décisions.
Aujourd’hui, le KCE propose un premier exercice de mise en pratique de ces critères dans la rédaction de la liste des ‘besoins médicaux non rencontrés’. La méthode développée par le KCE permet d’établir cette liste en tenant explicitement compte des préférences des citoyens et des besoins réels des patients, plutôt que de la baser, comme aujourd’hui, sur les produits en attente dans le pipeline de l’industrie. Avec cette première initiative, dont on peut espérer qu’elle sera rapidement élargie à toutes les décisions de remboursement, la Belgique se profile en pionnier de l’implication du citoyen et du patient dans la politique de santé. Cet exercice de participation est d’ailleurs suivi avec attention dans les autres pays.
La procédure dite ‘des besoins médicaux non rencontrés’
Entre la découverte d’un nouveau médicament, sa mise sur le marché et son remboursement, il s’écoule souvent beaucoup de temps. Le fabricant doit en effet d’abord apporter des preuves de la sécurité et de l’efficacité de son produit. L’inconvénient de cette procédure est que des patients gravement malades doivent parfois attendre (trop) longtemps avant de pouvoir disposer d’un traitement innovant à un prix abordable.
Depuis 2014, on essaie de remédier à cette situation en autorisant temporairement la mise sur le marché et le remboursement de certains médicaments. Les conditions pour obtenir un tel remboursement temporaire sont que la maladie affecte gravement la qualité de vie ou les chances de survie du patient et qu’elle figure sur la liste des besoins médicaux non rencontrés. En 2015, pour la première édition de cette liste, une quarantaine de demandes à y figurer ont été introduites par des fabricants, la ministre ou un collège de l’INAMI.
Une méthode transparente et cohérente
La rédaction annuelle de cette liste est un exercice aussi délicat que complexe, réalisé par une commission spécifique au sein de l’INAMI. Ses membres doivent confronter entre elles toutes les ‘maladies-candidates’, qui peuvent être très différentes les unes des autres, sur la base de critères tels que leur impact sur la qualité de vie, les inconvénients liés au traitement existant, etc. Le KCE a développé une méthode scientifique permettant d’effectuer cet exercice de façon transparente et cohérente, en attribuant à chacune de ces maladies un score qui permet de les classer par ordre de priorité.
Donner une place de choix aux préférences des citoyens et des patients
Dans cette méthode, à côté de l’évaluation des connaissances scientifiques au sujet des affections concernées, une place importante est donnée à l’implication des patients et des citoyens. Le KCE s’est appuyé en cela sur les résultats de ses précédentes études (2014) et du LaboCitoyen mené par la Fondation Roi Baudouin (FRB).
Ces résultats avaient mis en lumière que, dans l’ordre de leurs priorités, les citoyens accordent davantage d’importance à l’impact d’une maladie sur la qualité de vie et aux inconvénients liés aux traitements existants qu’à la prolongation de la vie. Et également que, d’un point de vue sociétal, les citoyens donnent plus de poids à des affections qui entraînent des coûts élevés pour la collectivité qu’à celles qui sont fréquentes.
Le LaboCitoyen de la FRB avait aussi permis de souligner que le bien-être psychosocial du patient et l’impact de la maladie sur la qualité de vie des proches doivent également être considérés comme des éléments cruciaux pour la détermination des besoins.
Ajuster la liste aux besoins réels des patients
La liste des besoins médicaux non rencontrés est actuellement déterminée par ce qui se trouve dans le pipeline de l’industrie pharmaceutique, c’est-à-dire qu’elle reprend les affections pour lesquelles l’industrie est en train de développer des médicaments. C’est donc une demande essentiellement guidée par l’offre et il est difficile de savoir si les médicaments en question répondent également aux besoins réels des patients (qui ne sont pas toujours liés à des médicaments).
C’est pourquoi il est important que les patients et les citoyens – tout comme les prestataires de soins et d’autres acteurs encore – puissent aussi introduire des demandes à figurer sur la liste, et pas seulement les fabricants, le ministre et le collège de l’INAMI. Il faudrait aussi rendre possible le remboursement d’autres types d’interventions novatrices, par exemple dans le domaine de la chirurgie, de l’organisation des soins ou des soins de soutien. Il sera alors encore plus important de disposer d’une méthode permettant de comparer diverses interventions de manière cohérente et transparente.
Et ensuite ?
La méthode a été bien accueillie par l’INAMI, qui a déjà déclaré qu’elle allait la mettre en œuvre dans la procédure des besoins médicaux non rencontrés. Peut-on espérer qu’elle sera bientôt généralisée à toutes les décisions de remboursement de médicaments ? En tout cas, avec cette première initiative, la Belgique se profile en pionnier de l’implication du citoyen et du patient dans la politique de santé.