«La littératie est un pont entre la misère et l’espoir» (Kofi Annan)
Les mutualités s’intéressent à juste titre depuis quelques années au degré de littératie en santé de leurs affiliés. En effet, on ne peut pas à la fois plaider pour la participation active du patient et promouvoir son consentement éclairé tout en ignorant l’importance primordiale de bonnes compétences en santé dans le grand public.
Cependant, beaucoup de chemin reste à faire: un Européen sur deux a un faible niveau d’alphabétisation en santé, ce qui constitue un obstacle majeur à l’émancipation du ‘consommateur de soins de santé’.
Les Mutualités libres ont organisé le 31 mai dernier à Bruxelles une demi-journée de conférences et de débat sur les enjeux de cette problématique, qui a réuni un public venu nombreux malgré les vicissitudes d’une journée de grève. Un signe tangible du vif intérêt suscité par le sujet du jour…
4 Belges sur 10
En introduction, Xavier Brenez, Directeur général des Mutualités libres nous a présenté les principaux résultats d’un sondage ‘Dedicated’ sur la question, réalisé en avril 2016 auprès de 1033 personnes de plus de 18 ans ayant eu deux consultations en médecine générale au cours des 12 derniers mois.
Ce sondage confirme largement les résultats d’études antérieures: très grande satisfaction des personnes interrogées vis-à-vis de leur médecin de famille et bonne littératie de 60% d’entre elles. Parmi les problèmes rencontrés par les 40% moins bien outillés: difficulté à comprendre certains mots (17%), à choisir un comportement favorable à la santé en présence de messages médiatiques parfois contradictoires (42%), à lire les notices des médicaments (32%, seulement 32% serions-nous tenté d’ajouter!), à intégrer les avertissements de santé publique (23%).
Définition de la littératie en santé
«La capacité d’avoir accès à de l’information, de la comprendre, de l’évaluer et de la communiquer de manière à promouvoir, à maintenir et à améliorer sa santé dans divers milieux au cours de la vie»
Association canadienne de santé publique (ACSP), 2014
Pour sa part, Stephan Van den Broucke, professeur en psychologie de la santé publique à l’UCL, grand spécialiste en la matière, nous rappela que le concept est loin d’être aussi neuf que certains le pensent, puisqu’il a fait florès depuis longtemps dans le domaine de l’éducation ‘pure’ avant de s’étendre à d’autres matières comme la santé (dès les années 70) et la promotion de la santé plus récemment.
Il insista aussi à juste titre sur le fait que dans ce domaine comme dans tant d’autres, la connaissance est loin de suffire, c’est la compétence acquise par les individus qui prime.
Belgique oblige, Stephan Van den Broucke nous précisa également que ‘l’alphabétisme en santé’ est meilleur en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles, avant de plaider à juste titre pour un renforcement des mécanismes éducatifs et de la prise en considération des besoins d’information et d’empowerment des plus faibles de notre société.
Concrètement…
L’intervenante suivante, Nathalie Boivin, professeure en science infirmière à l’Université de Moncton (Canada) nous montra avec une belle éloquence un grand nombre d’outils de promotion de la littératie auxquels elle collabore. Dans sa province du Nouveau Brunswick, le déficit de littératie était il n’y a pas si longtemps encore plus important que dans d’autres régions du pays, atteignant 75% des gens âgés de 16 à 65 ans, ce qu’elle eut de la peine à croire au départ, pensant ses pratiques plus efficaces que cela…
Définition de la littératie en santé
«La connaissance, la motivation et les compétences d’une personne pour accéder, à l’information de santé, la comprendre, l’évaluer et l’appliquer de façon à porter des jugements et prendre des décisions dans sa vie quotidienne concernant les soins de santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé, pour conserver ou améliorer sa qualité de vie tout au long de son existence»
OMS, Health literacy. The solid facts. Health (2016)
Écouter les besoins des usagers, faire appel aux ‘trucs pour bien vivre’ qu’ils souhaitent partager, apprendre en famille par le jeu, «miser sur les atouts des gens plutôt que leur taper tout le temps sur la tête avec des messages négatifs», importance de messages universels, exploitation des radios locales mais aussi des technologies d’aujourd’hui, que d’idées partagées dans la bonne humeur avec l’auditoire…
Du débat proprement dit, nous retiendrons les propos mesurés et pertinents de Marleen Finoulst, rédactrice en chef du magazine BodyTalk et aussi cette intervention d’une travailleuse du CPAS de Schaerbeek, qui souligna combien les outils de littératie d’une asbl comme Cultures & Santé peuvent rendre de services pour réduire cette fracture culturelle.
Même si on se réjouit toujours des bonnes pratiques d’Outre-Atlantique, le rappel que chez nous aussi il y a des ressources de grande qualité ponctuait joliment cette intéressante matinée.
Ressources présentées par Nathalie Boivin: www.alphabetismeensante.ca, www.discutonssante.ca et www.capsulessante.ca