Janvier 2011 Par Pascale DUPUIS Initiatives

En mai 2010 était présenté à Toronto (Ontario, Canada) un appel aux décideurs du monde entier à prendre les engagements politiques, à attribuer les ressources et à mettre en place les mesures collectives nécessaires pour faire de l’activité physique une priorité. Retour sur la genèse de cette nouvelle charte internationale.

« La sensibilisation sur les bienfaits de l’activité physique est effective dans la population , mais n’entraîne pas d’action des décideurs . C’est de là qu’est né le projet de Charte », se remémore Lise Gauvin, professeur au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal et l’une des coprésidentes de l’équipe de rédaction. « Deux années de concertation internationale et de consultation ont été nécessaires pour produire ce document .» Le processus de rédaction de la Charte, mené par Lise Gauvin et Fiona Bull de l’Université Western Australia, a notamment compris une phase de consultation de vingt-cinq leaders du monde de la recherche et des politiques publiques. Le document provisoire a également fait l’objet d’une consultation sur Internet. Ainsi, près de 2000 commentaires émis par 450 personnes ont permis d’atteindre la version finale du document.

Une charte, parmi d’autres ?

Ce nouveau texte s’inscrit dans une certaine tradition de chartes internationales et d’énoncés stratégiques, tels que la Charte d’Ottawa en 1986, celle de Bangkok en 2005 ou encore la Stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé de l’OMS en 2004. « Dans la continuité de celles ci, il s’agit d’une collection de principes qui font consensus pour orienter les actions de façon consistante partout dans le monde », compare la chercheuse montréalaise. « Cependant , la Charte actuelle offre une synthèse des écrits précédents , centrée sur la question de l’activité physique , et surtout une opérationnalisation des principes : elle se veut un plaidoyer adressé aux décideurs

Appel à l’engagement politique

Le principal objectif de la charte torontoise est de lancer un appel aux pays pour faire de l’activité physique une priorité. Tous les décideurs sont invités à considérer les impacts de leurs résolutions sur la promotion de l’activité physique dans leur communauté. En offrant un consensus scientifique sur les principes directeurs et les actions à entreprendre, la Charte se veut un véritable plaidoyer, un outil de sensibilisation de ces décideurs. Elle offre également un cadre à l’élaboration de mesures et à la création de partenariats.

La base du consensus: neuf principes directeurs

Pour toucher les décideurs de tous secteurs, le document de six pages s’ouvre sur les multiples avantages de l’activité physique: les bienfaits sur la santé, le développement durable, les intérêts économiques. Il se poursuit avec neuf principes directeurs (voir encadré). Parmi ceux-ci, relevons l’adaptation aux besoins, le renforcement des capacités ou encore la volonté d’équité et de réduction des inégalités sociales de santé. « Le mouvement d’urbanisation s’amplifie , de plus en plus de milieux de vie commencent à ressembler à ceux des pays industrialisés et la sédentarité devient un problème mondial . Dans les pays en développement et en transition , les problèmes économiques s’ajoutent à ces facteurs », indique Lise Gauvin. « La préoccupation pour la promotion de l’activité physique dans ces pays a été omniprésente dans les activités de consultation en vue de la rédaction de la Charte

L’activité physique, sans l’alimentation saine ?

Dans la Charte de Toronto, l’activité physique est traitée séparément d’autres facteurs de santé auxquels elle est souvent associée, comme l’alimentation saine et l’abstention tabagique. « Il est très pertinent de les lier quand on les aborde du point de vue individuel », indique le professeur. « Néanmoins , il existe assez d’éléments particuliers pour considérer l’activité physique spécifiquement . Ce choix dépend de l’organisation qui prend le leadership . Dans ce cas , c’était une initiative de l’International Society for Physical Activity and Health ( ISPAH ), une organisation qui conçoit l’activité physique comme enjeu de santé publique ». Le document a été lancé le 8 mai dernier, à l’issue de la troisième Conférence internationale sur l’activité physique et la promotion de la santé. Cet événement bénéficiait du soutien d’importants groupes agro-alimentaires. Si Lise Gauvin reconnaît leur apport financier à l’organisation de l’événement, elle assure cependant qu’ils n’ont joué aucun rôle connu dans le développement de la Charte elle-même.

Principes directeurs pour une approche populationnelle de l’activité physique

Pour augmenter la pratique d’activités physiques et réduire les comportements sédentaires, les pays et organismes sont invités à
1. Adopter des stratégies fondées sur des données probantes pour cibler des populations entières et des groupes particuliers, notamment ceux qui doivent surmonter de sérieux obstacles;
2. Opter pour une approche fondée sur l’équité afin de réduire les inégalités sociales liées à la santé de même qu’à l’accès aux services, aux infrastructures et aux équipements sportifs et récréatifs;
3. Cibler les déterminants environnementaux, sociaux et individuels de l’inactivité physique;
4. Entreprendre des actions partenariales intersectorielles durables à l’échelle nationale, régionale et locale afin d’en maximiser l’effet;
5. Renforcer les capacités de toutes les personnes et organismes concernés en investissant dans la recherche, dans l’amélioration des pratiques, dans l’élaboration des politiques, dans l’évaluation de l’efficacité des mesures mises en place ainsi que dans la surveillance de l’état de santé de la population;
6. Élaborer une approche qui s’adapte à l’évolution des besoins des individus tout au long de leur vie;
7. Plaider auprès des décideurs et de la population l’importance d’intensifier l’engagement politique et les ressources allouées à l’activité physique;
8. Tenir compte du contexte culturel et moduler les stratégies en fonction des ‘réalités locales’, des contextes et des ressources disponibles;
9. Faire en sorte que le choix d’être physiquement actif soit facile à faire pour tous les individus.
Extrait de ‘La Charte de Toronto pour l’activité physique: un appel mondial à l’action’

Une stratégie en quatre axes

Quatre types d’actions, identifiées comme les fondements du changement, sont proposées par la Charte:
– une politique nationale, accompagnée d’un plan d’action, est une condition permettant de soutenir et de coordonner les initiatives;
– des politiques et actions en faveur de l’activité physique sont nécessaires à tous les niveaux;
– une révision de l’offre de service, du financement et des priorités améliorera la promotion de l’activité physique. Les secteurs visés sont l’éducation, le transport et l’aménagement, l’urbanisme et l’environnement, le milieu de travail, les sports, parcs et loisirs et la santé;
– le travail en partenariat et la concertation intersectorielle, reposant sur le partage des responsabilités, sont indispensables.
Depuis sa publication anglophone il y a six mois, la Charte de Toronto a fait l’objet de traductions en neuf langues, dont le français (1). Sur le site du GAPA (2) chargé de la promotion de la charte, il est possible de télécharger le document et d’enregistrer son appui individuel ou organisationnel. Pour apporter une réponse à ceux qui voudraient connaître les succès découlant de ces intentions, une section sur ce même site répertoriera les utilisations de la Charte de Toronto.

Pascale Dupuis , correspondante Éducation Santé au Québec (1) Site visité le 6/12/2010.
(2) Global Advocacy for Physical Activity, une section de l’ International Society for Physical Activity and Health – http://www.globalpa.org.uk/charter/