Mai 2006 Par G. HOUIOUX D. PIETTE Initiatives

Un avis scientifique (1) a été demandé à l’Institut national de santé publique du Québec pour étudier les mesures de santé publique les plus susceptibles de diminuer la prévalence du tabagisme chez les jeunes . Monique Lalonde , conseillère scientifique chargée de réaliser cette importante étude a présenté les recommandations issues de cette recherche à la deuxième Conférence internationale francophone sur le contrôle du tabac à Paris en septembre dernier. Le rapport complet est disponible sur le site de l’Institut ( http://www.inspq.qc.ca ).
Les résultats devaient faire le point sur l’efficacité des diverses mesures de contrôle du tabagisme qui contribuent à prévenir ou à réduire le tabagisme chez les jeunes afin de guider les pratiques de santé publique .
Pour répondre à cet objectif, une revue de littérature (280 articles scientifiques) a été entreprise. L’analyse ne s’est pas limitée aux seules interventions auprès des jeunes. Elle a également intégré l’analyse d’autres mesures visant les adultes et la population générale, mesures susceptibles de participer à la réduction du tabagisme des jeunes, comme les mesures fiscales, légales et réglementaires, le marketing et le contremarketing des produits du tabac, les interventions communautaires et les programmes écologiques (2) au niveau gouvernemental.
Les publications scientifiques ont été consultées sur base de résultats de recherche publiés dans des revues à comité de lecture et dans des rapports d’organismes de santé publique reconnus. L’avis résulte de l’examen de synthèses et de méta-analyses effectuées par des experts spécialisés dans la prévention et la réduction du tabagisme.
Le tableau ci-dessous fait la synthèse des recommandations.

Evaluation de la faisabilité et de la qualité des évidences associées aux interventions recommandées pour la prévention du tabagisme des jeunes

Recommandations + (jeunes) les appellations douces et légères
et pour exiger un emballage neutre

Faisabilité* Qualité des évidences**
Augmentation des taxes +++ +++
Politique interdisant le tabagisme à l’école pour tous, dans la cour, sur les aires de jeux et de sport, et autour des écoles +++ ++
Campagnes médiatiques ++ +++
Amendement de la loi pour interdire l’usage du tabac dans tous les lieux publics intérieurs ++ +++ (adultes)
Curriculum scolaire à l’intérieur d’un programme écologique de prévention en milieu scolaire +++
Programmes communautaires s’adressant aux jeunes + +
Amendement de la loi pour interdire l’étalage des produits du tabac,
+
+
+
+

* Une bonne faisabilité fait référence à des efforts et des coûts raisonnables pour l’implantation réussie de l’intervention et de son maintien à long terme.
** Une évidence de qualité fait référence à des résultats de recherche provenant d’études rigoureuses et en nombre suffisant. Cet article s’attache plus particulièrement à la présentation des recommandations qui peuvent être mises en œuvre dans les écoles. En ce qui concerne les programmes de prévention du tabagisme en milieu scolaire, l’avis envisage les éléments suivants: l’existence d’un cadre de référence d’intervention dans les écoles, les interventions en classe, la politique de l’école, la participation des parents aux programmes et l’implication des jeunes dans ceux-ci.

Cadre de référence

Les critères de qualité (3) des programmes de prévention du tabagisme à l’école sont établis depuis une quinzaine d’années par les experts. Les recommandations des CDC (Centers for Disease Control) font référence depuis 1994 en la matière. Au nombre de ces recommandations, il faut compter:
-l’élaboration et l’application d’une politique sur l’usage du tabac à l’école;
-la transmission d’information relative aux conséquences à court et à long termes de l’usage du tabac;
-la prise de conscience des pressions sociales qui influencent l’usage et des normes des pairs (partie des attitudes en psychosociologie);
-les aptitudes à refuser de fumer;
-le développement d’un curriculum éducatif de prévention du tabagisme de la maternelle à la fin du primaire;
-la mise en œuvre d’un programme intensif au début de l’adolescence en 6e primaire et durant le 1er cycle du secondaire et le renforcement du programme au deuxième cycle du secondaire;
-la formation des enseignants à l’application du programme;
-la participation des parents et des familles au programme;
-la possibilité de bénéficier de programmes d’arrêt et le soutien des élèves et du personnel scolaire qui y participent;
-l’évaluation du programme à intervalles réguliers.
Les CDC estiment qu’il est essentiel de s’attaquer aux deux déterminants principaux du tabagisme : les facteurs individuels et les facteurs environnementaux . Le programme en classe est consacré au volet individuel et vise la modification des aptitudes, des connaissances et des attitudes. Le volet environnemental s’attache à l’implication des parents et à la politique tabac de l’école (règlement scolaire favorisant une école sans tabac: espaces et événements scolaires sans fumée, encouragement des enseignants et du personnel non-scolaire à cesser de fumer).
Plus loin encore, les CDC précisent que, pour être efficace, le programme scolaire doit faire lui même partie d’un programme de contrôle du tabagisme plus général qui permet de lier les efforts scolaires à des interventions communautaires et à des programmes de démarketing .
Le Ministre de la Santé américain rappelle dans son rapport (2000) que la recherche a montré que les programmes scolaires sont plus efficaces lorsqu’ils sont combinés à des campagnes médiatiques et à des efforts communautaires impliquant les parents et d’autres ressources de la communauté .
Plus loin, il insiste sur le rôle critique de l’implantation d’une politique sans tabac en milieu scolaire qui interpelle le directeur , le personnel , les élèves et qui couvre toutes les installations scolaires , les propriétés , les véhicules et les événements . […] Pour maximiser l’impact des programmes scolaires , il importe de les inscrire dans un environnement cohérent .
Des chercheurs se sont également penchés sur les modes d’implantation des programmes respectant ces recommandations: politique antitabac; programme éducatif dispensé par au moins un enseignant comprenant les 4 contenus essentiels (effets à court terme sur la santé; attitudes des groupes; influences sociales; compétences sociales en général et capacités à refuser) et accès à l’aide à l’arrêt.
Comme on peut s’en douter, peu d’écoles mettent en œuvre le protocole d’intervention complet. Ceci peut participer dans une large mesure au manque de résultats probants et à certains effets interpellants observés en matière de prévention du tabagisme des jeunes en milieu scolaire. Comme dans d’autres domaines de la promotion de la santé à l’école, si la totalité des conditions de réussite n’est pas mise en application, l’efficacité générale des programmes en est affectée. Ce qui pourrait pousser certains acteurs à déclarer que la promotion de la santé est irréaliste.
Appliqué de manière partielle, tout programme risque de ne pas atteindre les objectifs qu’on attend de lui. La portée des projets ne peut être entière que si elle respecte l’ensemble des éléments identifiés dans la littérature comme facteurs de succès. Généralement, faute de moyens, de connaissances, pressé par un calendrier ou soumis à un effet de visibilité, un programme sera appliqué en partie. Il ne faudra pas alors s’étonner du peu d’impact sur les indicateurs de santé des jeunes. La prévention de l’obésité chez les jeunes en est un autre exemple.

Interventions en classe: curriculum scolaire

L’avis fait état de 3 types d’approches en classe. L’évolution des interventions au cours du temps s’est déroulée suivant des modèles relativement simples au début des années 70 vers des modèles de plus en plus sophistiqués au fur et à mesure de l’état d’avancement de la recherche, tant au niveau des comportements en général que des comportements des jeunes en particulier. La recherche en pédagogie de la santé à l’école joue aussi un rôle fondamental dans l’amélioration des processus d’intervention auprès des élèves.
Modèle rationnel
Cette approche est basée sur la transmission d’informations relatives aux risques sur la santé et aux conséquences négatives du tabagisme , le plus souvent de manière à faire peur ou à faire naître l’inquiétude . Elle vise ainsi à combler un déficit informationnel .
Bien qu’améliorant le niveau de connaissances , les programmes basés sur ce modèle ont généralement été démontrés inefficaces pour prévenir l’initiation ou pour réduire la consommation chez les fumeurs réguliers .
Fournir des connaissances sur les conséquences du tabagisme a été considéré comme une étape […] nécessaire mais nettement insuffisante pour changer les comportements.
Modèle éducatif affectif
Cette approche s’intéresse aux facteurs individuels conduisant au tabagisme. Elle se concentre ainsi sur l’amélioration de l’image et de l’estime de soi , sur la projection dans le futur. Il s’agit donc ici de clarifier les valeurs (est-ce que je veux ou non commencer à fumer?), d’améliorer les croyances par rapport à soi-même (je vaux quelque chose, je vaux la peine de me prémunir contre les maladies).
La démarche s’attache plus particulièrement à enrichir la confiance en soi , à apprendre à gérer le stress , à clarifier ce que l’on désire devenir et à obtenir un soutien pour établir les buts à atteindre .
Les résultats de ce type d’intervention ont généralement montré un impact faible ou négligeable . Un effet inattendu (qui incite à la prudence) a été relevé dans plusieurs études (mais pas dans toutes) en ce sens que le programme a pu même […] susciter un intérêt pour le tabac plutôt que de décourager le tabagisme .
Modèle des influences sociales
Cette approche met accent sur l’environnement social dans lequel les jeunes évoluent. Le modèle prend en considération deux aspects: la résistance aux influences sociales et l’éducation normative.
Le premier aspect est affecté à la prise de conscience de l’influence des pairs, des parents et des médias dans l’incitation à fumer de manière à ce que les jeunes puissent se prémunir. Les objectifs sont multiples et consistent par exemple à déchiffrer la publicité ou la prévention issues de l’industrie du tabac ou encore à apprendre à résister aux pressions des pairs. Ensuite, le jeune utilisera cette compétence s’il le désire, et s’il le désire seulement.
Le second aspect, l’éducation normative, se penche sur les effets du tabagisme et accorde une attention particulière à modifier les perceptions erronées des jeunes (prévalence du tabagisme parmi une minorité de jeunes et non l’inverse; croyance qu’il sera plus facile d’arrêter de fumer dans 10 ans que maintenant, etc.).
Les composantes de base suivantes sont intégrées dans la majorité des programmes construits sur les influences sociales: information sur les conséquences négatives à court terme; exploration des croyances erronées; motivations des jeunes à fumer; aptitudes à résister aux pressions poussant au tabagisme.
A ce tronc commun, certains programmes ajoutent des composantes psychosociales et des compétences personnelles comme le renforcement de la confiance en soi, les aptitudes à la prise de décision, à la communication, à la résolution de problèmes, à la gestion du stress et de l’anxiété.
En conclusion, l’avis des chercheurs québécois stipule que les curriculums scolaires donnant les meilleurs résultats à court terme sont ceux basés sur l’approche des influences sociales . Pour obtenir des effets à long terme , il faut un curriculum relativement dense comprenant des séances de rappel au deuxième cycle du secondaire et surtout un curriculum inséré dans un environnement scolaire , communautaire et médiatique résolument antitabac .
Toutefois, la prudence est de mise en ce qui concerne les effets à long terme. En effet, certaines études montrent que la prévention durant l’adolescence ne retarderait que le début du tabagisme de plusieurs années. L’épidémiologie nous montre cependant que même cet objectif vaut la peine de continuer la prévention: plus on commence tard et plus on favorise la venue tardive de problèmes de santé; plus on retarde le début de la dépendance et plus on aura de facilité à arrêter lors d’une grossesse par exemple.
Des études complémentaires sont nécessaires pour analyser en profondeur certains effets contradictoires observés dans certaines recherches. Les effets des programmes menés en primaire plaident pour une concentration des efforts éducatifs dans la période de passage au secondaire .
Enfin, les auteurs recommandent d’ intégrer l’éducation relative au tabagisme dans des programmes plus larges traitant soit des produits créant une dépendance ( alcool , drogues et tabac ) soit des habitudes de vie ( activité physique , nutrition et tabac ), ce qui présente dans ce contexte un intérêt évident pour une utilisation optimale des ressources en milieu scolaire . Ils insistent également sur la nécessité de sensibiliser le milieu de l’éducation à l’importance d’accorder une place prioritaire au tabagisme , ce qui constitue un investissement judicieux.

Politique de l’école en matière de tabagisme

L’efficacité des politiques antitabac à l’école est bien documentée dans la littérature scientifique. L’instauration d’une politique de gestion du tabac dans les établissements scolaires est une des recommandations de base que les recherches mettent en avant. Les règlements scolaires relatifs au tabac vont ainsi mettre en cohérence messages et apprentissages des programmes de prévention et règles de vie à l’école. La faisabilité de l’implantation de directives internes a été démontrée dans de nombreuses études, dont une en Communauté française de Belgique («Contrôle du tabagisme chez les jeunes» ou «The CAS study» sur http://www.hbsc.org/linkedprojects/cas.html ).
Contenus
Les CDC recommandent d’élaborer et d’appliquer une politique sur l’usage du tabac à l’école . Ils précisent encore que la politique de l’école en matière d’usage du tabac doit , en plus de se conformer aux lois de l’Etat et aux lois locales : contenir une explication justifiant la prévention antitabac ; interdire l’usage du tabac aux élèves , à tout le personnel , aux parents et aux visiteurs dans l’enceinte de l’école , dans les véhicules et lors des événements qu’elle organise en ses murs ; interdire la publicité du tabac dans les bâtiments de l’école , dans ses publications et à l’occasion des fêtes et des cérémonies scolaires ; obliger tous les élèves à bénéficier de discussions , de partages et d’éducation sur les manières d’éviter l’usage du tabac ; permettre aux élèves et à tout le personnel de l’école de participer à des programmes qui les aideront à renoncer au tabac ; spécifier les façons de communiquer son contenu aux élèves et à la population ; prévoir les modalités participatives de son application .
Modalités de mise en place
Certaines études se sont penchées sur la marche à suivre pour instaurer une politique d’école sans tabac. Elles ont identifié les étapes (4) qui suivent, dans lesquelles les PSE et CPMS peuvent jouer un rôle prépondérant:
-obtenir l’appui nécessaire (officiel) à une réglementation tabac à l’école;
-créer ou utiliser une commission scolaire (comité qualité de vie, cellule santé par exemple) déjà existante pour recommander la politique tabac d’une manière autant consensuelle que possible;
-développer une première version du règlement tabac en complémentarité avec les mesures qui s’appliquent déjà à l’école;
-présenter et faire adopter le règlement au conseil de participation;
-planifier l’implantation et les stratégies d’application du règlement;
-faire connaître le règlement de façon positive dans et en dehors de l’école;
-implanter et mettre en œuvre le règlement;
-faire la promotion continue du règlement ‘tabac’ et évaluer sa mise en application et son impact.

Participation des parents

L’influence des parents en matière de tabagisme des jeunes n’est plus à démontrer. Des études indiquent des liens évidents entre le tabagisme des parents et la probabilité que leurs enfants deviennent fumeurs. D’autres recherches ont identifié une réduction du tabagisme des jeunes ou un report de l’âge auquel les jeunes commencent à fumer dans les familles où les parents faisaient état d’une forte désapprobation, surveillaient le statut tabagique de leurs enfants, discutaient avec eux des effets du tabac, témoignaient des difficultés d’arrêter, mettaient en place des règles antitabac à la maison, ceci quel que soit leur statut tabagique.
Les experts recommandent donc que les programmes de prévention impliquent les parents tant leur appui est nécessaire et complémentaire aux interventions à l’école. Généralement, cette implication prend la forme de rencontres à l’école, de soirées débat, de brochures d’informations, de cahiers d’activités, de jeux à réaliser avec leurs enfants, etc.
Le ministère de la santé du Québec (5) propose la démarche suivante pour faciliter l’implication des parents dans les programmes de prévention des assuétudes.
En phase de planification du programme
-s’appuyer sur des bases théoriques et empiriques solides;
-réaliser un sondage auprès des parents pour recueillir leurs opinions, leurs avis, leurs habitudes relatives à l’usage du tabac;
-s’assurer d’un soutien politique et d’un financement stable;
-commencer tôt: travailler en amont des problèmes;
-cibler les périodes de transition;
-sensibiliser les parents aux problèmes des jeunes;
-proposer un programme à long terme;
-élargir le contexte d’intervention aux autres phénomènes de dépendances en particulier et à la santé en général;
– agir en concertation;
– planifier des contacts fréquents entre l’école et les parents;
-bien choisir les intervenants et les soutenir adéquatement;
-faire appel aux parents comme collaborateurs;
-évaluer la mise en œuvre et les effets de l’intervention.
En phase de recrutement
-faire la promotion du programme par tous les moyens;
-privilégier un contact personnel;
-banaliser la participation des parents au programme;
-inviter de façon répétée et régulière les parents à l’école.
En phase de mise en œuvre
-éliminer les obstacles de votre ressort à l’implantation du programme;
-augmenter les attraits du programme;
-favoriser une appropriation: donner un rôle actif aux parents et aux jeunes;
-favoriser la création d’une relation: développer un contact régulier entre familles et intervenants.

Implication des jeunes

Le recours aux jeunes comme intervenants dans les programmes de promotion de la santé à l’école – l’éducation par les pairs – a bien été décrite, notamment en matière de vie affective et sexuelle, et plus particulièrement du sida, ainsi qu’en prévention du tabagisme. Cette approche s’appuie sur les capacités des jeunes à participer à la réalisation de projet, à communiquer entre eux et à se supporter mutuellement (6).
Elle part de l’hypothèse que les jeunes sont plus réceptifs aux messages de prévention s’ils sont transmis par d’autres jeunes et que les jeunes s’identifient mieux à un jeune offrant des caractéristiques identiques aux leurs. Il s’agit de travailler à l’élaboration de modèles et de normes favorables à la santé dans les groupes d’adolescents.
Il existe des études aux USA (Cherryl Perry), au Canada, en Afrique, etc., et des recherches consacrées à cette approche en prévention du tabagisme dont le principal désavantage était le coût parce qu’il s’agissait de mettre dans les écoles une équipe de soutien. Cette voie paraît toutefois intéressante et doit être adaptée à nos réalités économiques. Cette démarche a cependant déjà été développée au sein de programmes européens comme «Classe sans tabac», «Smoke-busters», «Génération sans T».
Des jeunes s’engagent à rester non-fumeurs et s’engagent à en recruter d’autres. Ils sont ainsi amenés à construire, organiser, planifier, mettre en œuvre des activités de promotion de la santé. La panoplie d’actions couvre des concours d’affiches, de slogans, la tenue de stand lors de fêtes scolaires, des enquêtes, des micro trottoirs, etc. C’est pour eux autant d’occasions de mettre en œuvre leurs capacités de leadership, de négociation, de communication, de prise de décision, de faire du lobby santé, etc.

En plus…

En plus de ce rapport du Québec, il n’est pas inutile de susciter un débat autour des mesures préconisées par l’industrie du tabac.
Cette dernière est en effet favorable à l’interdiction de fumer pour les jeunes, aux mentions et photos sur les emballages et prône la courtoisie. Il est intéressant d’analyser pourquoi.

L’interdiction de fumer pour les jeunes
La priorité de la prévention chez les jeunes et non parmi les adultes

Ces deux mesures sont ainsi promues car:
– cela renforce l’idée que «fumer, c’est adulte»
– l’adulte fumeur continue à jouer son rôle de modèle
– quand on se focalise sur les jeunes, on laisse tranquillement les adultes fumer
La mention aussi grande que possible que fumer nuit à la santé sur les paquets de cigarettes et s’il y a des images horribles et terrifiantes, c’est encore mieux. Ici, l’industrie est très au fait que les psychosociologues ont montré que la perception trop élevée d’un risque amène le déni, c’est-à-dire un rejet de l’information, cette dernière étant trop lourde à supporter.
L’accent mis sur la liberté de fumer ou pas, sous couvert de courtoisie. Ceci attire l’attention du jeune (ou parfois de l’adulte), au détriment des politiques d’augmentation des taxes ou encore des politiques d’interdiction de fumer et de protection des fumeurs passifs.

Conclusions

La prévention du tabagisme à l’école est complexe parce que ce qui amène un jeune à fumer est aussi complexe et difficilement saisissable. Les interventions sont loin de se limiter à la seule transmission d’informations sur les méfaits du tabac. Pour être efficace, les programmes englobent des démarches qui tentent de tenir compte de l’ensemble des déterminants du tabagisme, des dépendances et consommations du jeune. Ceux-ci sont non seulement liés à sa personnalité mais aussi à son environnement et à son entourage. C’est sur l’ensemble de son contexte de vie que doivent porter les actions de prévention et d’éducation.
Les études montrent que l’école et la famille sont loin d’être des contextes à sous-estimer. L’école, par la cohérence qu’elle peut offrir au travers de réglementations favorables à la santé, par les actions de ses enseignants, par le support de ses professionnels de la santé, par l’implication des parents et par la présence des autres jeunes, est un lieu privilégié pour renforcer des modes de vie favorables à la santé. La famille, les loisirs, les médias et le secteur commercial sont d’autres influences que les programmes de prévention ne peuvent ignorer. La liste des tâches à réaliser est longue. Des résultats s’obtiendront au prix de l’utilisation de démarches pédagogiques combinées dans des approches multimodales aux cibles et aux stratégies multiples.
Geneviève Houioux , Danielle Piette , ULB-PROMES, Ecole de Santé Publique, Université Libre de Bruxelles
Adresse des auteures: route de Lennik 808, CP 596, 1070 Bruxelles. Internet: http://www.ulb.ac.be/esp/promes

Repères en Communauté française

FARES: Paroles d’ados, paroles d’acteurs de terrain au sujet du tabac: une base de réflexion et de débats autour de ses usagers, de la consommation, et de la dépendance. FARES. Service Prévention Tabac.2005
LAPERCHE J., ROUCLOUX A.: Mon patient fume. Attitudes du généraliste. Fédération des maisons médicales. ND
REGION WALLONNE: Plan Global Wallon sans Tabac: Région wallonne. Décembre 2005

Notes
(1) LALONDE M., HENEMAN B.: La prévention du tabagisme chez les jeunes. Avis scientifique. Institut national de santé publique. Direction Développement des individus et des communautés. Octobre 2004 Québec
(2) Ecologique est la traduction du qualitatif anglo-saxon comprehensive en référence à une approche globale, intégrée et multimodale qui tient compte de l’ampleur des facteurs déterminant la santé, de l’hétérogénéité des publics en présence, de la diversité des milieux d’intervention, de la variété des stratégies d’action, etc.
(3) HOUIOUX G. PIETTE D. VAN BOXEL A.: La santé de demain par les enfants d’aujourd’hui: guide méthodologique pour les enseignants des écoles primaires. Université Libre de Bruxelles, Ecole de Santé Publique, Unité de Promotion Education Santé. 1994.
G. HOUIOUX, D. PIETTE: La santé des jeunes: repères pour l’action à l’école secondaire, Guide méthodologique. Université Libre de Bruxelles, Ecole de Santé Publique, Unité de Promotion Education Santé. 1995.
(4) Adapté de 8 steps to Tobacco-Free Schools, North Carolina Department of Health and Human Services 2000 op cit.
(5) VITARO F et COLL: Jeunes et prévention de la toxicomanie: quand les parents s’impliquent. Gouvernement du Québec. Ministère de la Santé et des Services sociaux 1999 op cit.
(6) BANTUELLE M., HOUIOUX G., PIETTE D. – Les jeunes multiplicateurs: essai d’adaptation en Communauté française de Belgique. In Baudier F., Bonnin F., Michaud C., Minervini MJ. (éds). Approche par les pairs et santé des adolescents. Editions du CFES, Paris, 1996;147-152
HOUIOUX G. – Eléments complémentaires de réflexion. In Baudier F., Bonnin F., Michaud C., Minervini M-J (éds). Approche par les pairs et santé des adolescents. Editions du CFES, Paris, 1996
PIETTE D., BANTUELLE M., CANDEUR F., PIRON M.C., HOUIOUX G., PREVOST M. – Le SIDA et l’éducation par les pairs à l’école secondaire: une expérience en Communauté française de Belgique. HYGIE 1989;vol VII; 3:9-14