Le Groupe porteur «Jeunes, alcool & société», composé de douze associations actives dans les secteurs de la jeunesse, de l’éducation et des assuétudes en Communauté française (1), se réjouit de la proposition de résolution adoptée le 26 janvier dernier au Parlement de la Communauté française. Celle-ci engage le débat sur le déséquilibre entre les enjeux publicitaires et les enjeux de santé publique et propose une série de mesures pour y remédier. Ces mesures concernent notamment d’une part la nécessité d’un contrôle public de la publicité afin de «mieux réguler toutes les formes de publicité» (2) et d’autre part «d’étudier les enjeux liés à l’interdiction de la publicité pour l’alcool» (3).
En matière d’alcool, les professionnels de terrain partagent les mêmes constats: la publicité contribue largement à banaliser et valoriser la surconsommation d’alcool. Les jeunes en sont les premières cibles. La consommation se fait plus précoce et on constate une augmentation des consommations pour atteindre l’ivresse. L’évolution des pratiques commerciales autour des produits alcoolisés n’y est pas étrangère, relevant de stratégies de plus en plus ciblées, incisives et agressives. Cela fait déjà plusieurs années que le Groupe porteur «Jeunes, alcool & société» l’a dénoncé, notamment dans la publication «Les publicitaires savent pourquoi»(4).
En réponse aux nouvelles tendances de la consommation d’alcool chez les jeunes (alcoolisation abusive), l’État a interdit la vente de bières et de vins aux moins de 16 ans. Pour les spiritueux (dont les alcopops), la limite est de 18 ans. En prenant cette mesure nécessaire, l’État ne remet cependant en cause ni les producteurs, ni la publicité mais estime que c’est aux jeunes consommateurs de changer, d’arrêter de boire. Or, pour résoudre ce problème de société complexe, il faut un large éventail de mesures qui ciblent les différentes facettes de la question.
Si l’État a raison de s’inquiéter des comportements des consommateurs, jeunes ou non, il doit aussi impérativement encadrer le secteur des alcooliers et des publicitaires, comme il l’a fait pour le tabac. N’est-il pas paradoxal de faire de la prévention si on n’empêche pas la publicité pour l’alcool de matraquer le public avec des messages manipulateurs pour le ‘contraindre’ à boire ? Selon le Groupe «Jeunes, alcool & société», l’interdiction de la publicité pour l’alcool doit donc être un préalable à la mise en place d’une véritable politique de santé publique, comme l’envisage cette résolution. Alors, un réel travail d’éducation du public pourra se développer, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Par ailleurs, outre les médias classiques, une publicité plus agressive et insidieuse apparaît surtout dans de nouvelles technologies largement prisées et utilisées par les jeunes: Internet, messages par GSM, intrusion dans les blogs, etc. Ces nouvelles pratiques publicitaires seraient la norme aujourd’hui. En effet, si les chiffres officiels sur l’ensemble des investissements publicitaires font malheureusement défaut, de nombreuses estimations indiquent qu’environ 70% des investissements publicitaires et commerciaux se situeraient hors des médias classiques (télé, presse, affichage, cinéma, radio) sans faire l’objet d’aucune régulation publique, ni même privée.
Si la loi sur les pratiques du marché protège les consommateurs des publicités trompeuses et déloyales par une réglementation économique, il n’existe toujours pas en 2011 de contrôle public de l’éthique publicitaire. Or, il s’agit d’un enjeu fondamental compte tenu du pouvoir considérable de la publicité dans notre société, des revenus très importants qu’elle génère, de son omniprésence et surtout de son influence sur nos représentations sociales et nos comportements de consommation, plus particulièrement chez les jeunes et les consommateurs vulnérables.
Ce contexte commercial rend le travail mené au quotidien par les acteurs de la promotion de la santé chaque jour plus difficile et moins productif. Ainsi, le Groupe porteur «Jeunes, alcool & Société» pense qu’il est primordial et maintenant urgent que les pouvoirs publics agissent en la matière par l’instauration d’une régulation publique claire et efficace.
L’intervention des pouvoirs publics est un gage de reconnaissance de normes de protection harmonisées, élevées et ayant une portée large. Les codes de bonne conduite issus du secteur privé, qui régissent actuellement la publicité, ne sont pas adaptés lorsque des droits fondamentaux comme la protection de la santé sont en jeu.
La publicité influence les consommations et fait adopter des comportements parfois dangereux pour notre santé. Faisant partie intégrante de nos vies, elle touche à l’éthique et à des thèmes transversaux: éducation, santé, surendettement, développement durable, égalité des chances, assuétudes, etc. La régulation de ce secteur, dont les recettes financières aveuglent les enjeux sociétaux, doit donc se faire par la mise en place d’un Conseil fédéral public de la publicité.
Le Groupe porteur “Jeunes, alcool & société”
Groupe porteur ‘Jeunes, alcool & société’ en Communauté française, piloté par l’asbl Univers santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél: 010 47 28 28. Internet: http://www.univers-sante.be . Voir aussi le site http://www.jeunesetalcool.be .
(1) Citadelle, le Conseil de la jeunesse, la Fédération des Centres de Jeunes en Milieu Populaire, la Fédération des Etudiant(e)s Francophones, Infor-Drogues, Jeunesse et Santé, la Ligue des Familles, Prospective Jeunesse, Question santé, le R.A.P.I.D., Latitude Jeunes et Univers santé qui pilote le Groupe.
(2) et (3) Cf. proposition de résolution de la Communauté française, disponible sur: http://www.pcf.be/req/info/dossier?section=public&id;=001326204 (4) « Les publicitaires savent pourquoi, les jeunes, cibles des publicités pour l’alcool », Les dossiers de l’éducation aux médias, Média Animation, 2006, 52 pages. Disponible en ligne sur
http://www.jeunesetalcool.be (rubrique Qui sommes-nous ? Actions, fichier de 3Mb). Ce dossier sera actualisé et réédité prochainement.