L’économie des pays se porte mieux quand leurs citoyens ne sont ni malades ni analphabètes, analyse le dernier Rapport mondial sur le développement humain publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Une évidence que le credo libéral de la dernière décennie avait fait perdre de vue.
La croissance économique et la mondialisation considérées durant la dernière décennie comme les pivots du développement des pays pauvres ont, semble-t-il, perdu de leurs attraits si l’on en croit les auteurs du Rapport mondial sur le développement humain 2003 , intitulé « Surmonter les obstacles structurels à la croissance pour atteindre les objectifs ». Ils prônent aujourd’hui une nouvelle approche de l’aide et du développement, présentée dans le Pacte du millénaire pour le développement , un plan d’action visant les pays qui ont « les pires difficultés à se développer ». Au cœur de leur réflexion, la priorité absolue à donner à la santé et à l’éducation, fondements de toute croissance.
Ce pacte est parti du constat consternant que 21 pays ont vu leur situation socio-économique se dégrader au cours des années 90, selon l’indicateur de développement humain qui prend en compte l’espérance de vie, le niveau d’instruction et le revenu. Parmi eux, 14 pays africains – Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Congo, République démocratique du Congo, Kenya, Côte d’Ivoire, République centrafricaine, Burundi, Lesotho, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe – et les pays de l’ex-Union soviétique dont certains sont presque au même niveau que l’Afrique.
Pourtant on enregistre aussi de bons résultats sur le continent africain, preuve que tout reste possible: 12 % de la population souffraient de la faim au Ghana en 2000 contre 35 % en 1990, le taux de scolarisation a grimpé de 20 % au Bénin, de 15 % au Mali et au Sénégal. Plus de filles vont à l’école au Mali comme en Mauritanie. Le taux de mortalité infantile a baissé un peu partout. Plus de gens ont aussi accès à l’eau potable. Malgré ces progrès notables, l’Afrique dans son ensemble a stagné durant la dernière décennie et, croissance démographique aidant, de plus en plus de gens vivent dans un dénuement extrême. Le décollage économique que devait engendrer la libéralisation se fait toujours attendre.
Une main-d’œuvre en bonne santé et bien formée
L’enclavement géographique de nombreux pays, la mauvaise gouvernance, une répartition très inégale des revenus, la nouvelle donne des marchés mondiaux et le sida qui pèse lourdement sur certains pays expliquent ces mauvaises performances. Pour renverser la tendance, il faut certes jouer sur plusieurs fronts, mais, insistent à plusieurs reprises les auteurs du rapport, « pour obtenir une hausse sensible du revenu par habitant , il faut d’abord faire des progrès considérables en matière de santé et d’éducation ». L’importance de ces secteurs de base, souvent sacrifiés par les plans d’ajustement structurel durant les dernières décennies, revient en force aujourd’hui. Leur amélioration est celle qui entraîne toutes les autres dans son sillage. Une population en bonne santé, ce sont des enfants qui profitent mieux de l’école, des actifs plus productifs, des femmes qui utilisent des moyens contraceptifs. Et à terme une main-d’œuvre mieux formée qui fait souvent défaut.
D’autres facteurs conditionnent les investissements internationaux et le développement des petites et moyennes entreprises, indispensables au décollage économique. Ainsi l’amélioration des transports, en particulier des routes pour désenclaver les pays sans accès à la mer et aux marchés, s’avère nécessaire dans de nombreux pays. En outre, pour la plupart des pays aux faibles marchés intérieurs, l’intégration régionale qui permet d’élargir les débouchés est vitale.
C’est le cas du Mali, pris comme exemple dans le rapport, qui est enclavé et où les habitants peu nombreux souffrent, entre autres, du paludisme et du sida. Pourtant il « pourrait se révéler performant dans l’exportation de textiles , le tourisme et le conditionnement des produits agricoles tropicaux » à condition que des seuils minimaux soient atteints en matière de santé, d’instruction et de transport.
Sortir du «piège de la pauvreté»
C’est aux Etats d’impulser ces réformes mais le secteur privé a un rôle primordial à jouer. Cependant, et c’est un autre tournant qui se dessine, la privatisation des entreprises publiques qui s’est avérée efficace dans certains pays, n’est plus considérée comme la panacée. Enfin, estime le rapport, une décentralisation bien menée favorise l’efficacité sur le terrain et le contrôle par les populations.
Pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement , adoptés par les dirigeants du monde lors du consensus de Monterrey en mars 2002 (voir encadré), qui servent de cadre à ce plan d’action, les gouvernements des pays les plus pauvres doivent mobiliser leurs ressources intérieures, lutter contre la discrimination et les inégalités. Mais selon le rapport du PNUD, 59 pays dit prioritaires (dont 13 en Afrique) risquent de ne pas les atteindre sans intervention urgente des pays riches. Dans trente et un d’entre eux (dont 25 en Afrique), qualifiés « d’absolument prioritaires », les indicateurs de développement humain, très faibles, stagnent ou régressent. Ainsi au rythme actuel et sans aide supplémentaire, il faudrait plus de 150 ans à l’Afrique, pour réduire de deux tiers la mortalité infantile.
C’est là qu’intervient le Pacte pour le développement proposé par le rapport :si les pays démunis s’engagent dans ces réformes, les pays riches s’engagent eux à leur apporter un important soutien pour les mener à bien: accroissement de l’aide financière, suppression des droits de douane, des quotas à l’importation et des subventions à l’agriculture, réduction ou annulation de la dette. Comment les uns et les autres conjugueront-ils leurs efforts pour sortir les pays démunis du « piège de la pauvreté »? Le rapport ne le dit pas.
Marie – Agnès Leplaideur , InfoSud-Syfia
Les Objectifs du millénaire pour le développement
1 Faire disparaître l’extrême pauvreté Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements. Réduire des deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans. Réduire des trois quarts le taux de mortalité maternelle. Instaurer un système commercial et financier plus ouvert, subvenir aux besoins spécifiques des pays les moins avancés, des pays enclavés et des petits Etats insulaires, engager une démarche globale pour régler le problème de la dette, imaginer et appliquer des stratégies de nature à créer des emplois productifs pour les jeunes, proposer des médicaments essentiels accessibles à tous, mettre à la disposition de tous les bienfaits des nouvelles technologies.
M-A L.
Réduire de moitié le nombre de gens vivant avec moins d’un dollar par jour et la proportion de ceux qui souffrent de la faim. |
2 Garantir à tous une éducation primaire |
3 Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes |
4 Réduire la mortalité des enfants |
5 Améliorer la santé maternelle |
6 Combattre le VIH/sida, le paludisme et autres maladies |
7 Assurer la durabilité des ressources environnementales |
8 Mettre en place un partenariat mondial pour le développement |
L’échéance pour atteindre les sept premiers objectifs est fixée à 2015. Aucun échéance n’est prévue pour l’objectif 8. |