Le mois dernier, nous vous avons présenté les acquis d’une matinée d’échanges destinée aux acteurs de la promotion de la santé dans le Hainaut occidental. Son directeur, Tien Nguyen, commentait pour nous les obstacles rencontrés par les pilotes des projets, leurs atouts et les enseignements à tirer des réussites comme des échecs. Nous prolongeons aujourd’hui et la fois prochaine cette réflexion à la lumière de deux initiatives concrètes mises en place sur le territoire du centre local de promotion de la santé du Hainaut occidental, à Mouscron et Tournai.
La Table OMS Alcool est une émanation de la Maison Communale de Promotion de la Santé (MCPS) (1) qui fut créée, en 2007, suite à différents constats de travailleurs sociaux (éducateurs de rue, secteur santé, pôle «Qualité de vie»). Elle est également née de la volonté de l’Échevinat des Affaires Sociales et de la Santé d’adhérer au Réseau Belge Francophone des Villes-Santé de l’OMS (2). La MCPS est donc un service communal qui dépend de l’Échevinat des Affaires Sociales et de la Santé. Elle est représentée par une échevine, Brigitte Aubert.
La mise sur pied du projet
Pour adhérer au Réseau Belge Francophone des Villes-Santé de l’OMS, plusieurs conditions devaient être remplies. «Nous avons dû réaliser un profil santé de notre commune et le présenter ensuite à la population», raconte Bastien Deloose, éducateur spécialisé de la MCPS et qui est, par ailleurs, un des deux coordinateurs de la Table OMS Alcool. «Le profil santé a été réalisé par l’Observatoire de la Santé du Hainaut. Nous avons également dû mettre en place un Comité de pilotage représentatif des Mouscronnois qui rassemblait l’associatif, le politique, le communal, la jeunesse, etc. Ce Comité de pilotage devait dégager des priorités d’action dont l’alcool. Il nous fallait aussi disposer d’un moyen de communication avec la population qui soit en dehors des bâtiments de l’hôtel de ville. C’est pourquoi le siège Ville-Santé OMS Mouscron fut aménagé dans un lieu distinct de l’Administration communale.»
Ainsi, Mouscron est devenue «Ville-Santé OMS» en juin 2007, date à laquelle la MCPS fut aussi officiellement ouverte. Depuis, celle-ci est utilisée comme vitrine pour communiquer les messages de santé à la population.
Pour sensibiliser au mieux les professionnels et les habitants à la thématique ‘alcool’ (une priorité mise en avant par le profil santé), une table de travail fut mise sur pieds en 2007. «Elle regroupe toutes les associations de la ville qui peuvent intervenir de près ou de loin dans la problématique de l’alcool. Une fois le partenariat constitué, nous avons fait un état des lieux de nos connaissances et donné la consigne suivante : sachant que nous agissons dans le domaine de la promotion de la santé, quelles sont les attentes de notre population par rapport à cette thématique? Ensuite, nous avons fixé les objectifs de la Table: d’une part, permettre une connaissance et une visibilité des institutions et services actifs dans le domaine de la prise en charge de la problématique liée à la surconsommation d’alcool. D’autre part, mettre en place des projets visant à informer, à sensibiliser, mais aussi à lutter contre la surconsommation d’alcool.»
Les projets réalisés
Depuis sa création, la Table OMS Alcool a développé quatre projets :
– elle participe au Réseau transfrontalier de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA);
– elle a mis en place un symposium pour les professionnels intitulé Alcool, Toi, Moi… Nous! ;
– elle est intervenue, en 2011 et 2012, sur le marché de Noël afin de faire de la prévention et sensibiliser la population, ainsi que les tenanciers de chalets aux dangers liés à l’alcool. «Comme premier moyen d’accroche, nous avons distribué les dix conseils du Père Noël en matière de consommation d’alcool aux visiteurs de chalets. Le Père Noël a joué le jeu puisque c’est lui-même qui distribuait les conseils. Les personnes travaillant dans l’Horeca avaient accepté d’afficher ces conseils sur leur chalet. Ces conseils sont simples à lister et à distribuer. Cette action, dont l’impact est fort intéressant tant au niveau de la conscientisation du public que du personnel de l’Horeca, pourrait être répétée dans d’autres communes et sur d’autres marchés de Noël» ;
– elle a proposé une animation sur les effets de la surconsommation d’alcool à l’aide de lunettes multivision et d’un jeu vidéo.
Atouts et facilités
La motivation de l’ensemble des partenaires est un gros atout. «Depuis 2012, nous travaillons sur un projet de forum qui aura lieu en mars 2014. Les partenaires sont très motivés car ils ont ainsi une perspective d’avenir.»
Un autre atout de poids, c’est l’existence de réseaux tels que la Caho (Coordination assuétudes du Hainaut occidental) et le Réseau transfrontalier coordonné par l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie du Département 59 (pour la France) et la Caho (pour la Belgique). «Mouscron est intégré dans le réseau de la métropole lilloise pour tout ce qui concerne la réflexion autour de l’alcool. C’est une richesse, non seulement parce qu’il y a un échange des connaissances sur le sujet, mais aussi parce que Mouscron a été la première ville de Belgique à adhérer à ce réseau. Maintenant, d’autres villes l’ont rejointe, comme Ath et Tournai. L’expérience acquise au sein de ce réseau peut servir pour développer des projets dans notre commune.»
La Table OMS Alcool peut aussi compter sur le soutien du CLPS du Hainaut occidental et de l’Observatoire de la Santé du Hainaut. Par ailleurs, l’Échevine des Affaires sociales et de la Santé est partie prenante du projet grâce à son implication au niveau local, mais également dans le Réseau Francophone des Villes-Santé OMS. «Notre Échevine a mis la santé dans le règlement communal, ce qui permet une importante sensibilisation sur le plan local et représente évidemment un atout majeur pour le développement de la Table. Par ailleurs, Brigitte Aubert défend souvent nos projets auprès de ses collègues lors du conseil communal.»
Freins et besoins
Le frein le plus important est le financement du projet. «En adhérant au Réseau Belge Francophone des Villes-Santé de l’OMS, nous n’obtenons aucun financement. Pour la mise en place de nos actions, nous avons la chance d’avoir le soutien de la Commune puisque nous faisons partie d’un service communal. Pour le reste, sachant que nous n’avons pas d’argent, nous nous arrangeons pour mener nos actions en tenant compte de cette réalité-là. Lors de notre intervention sur le marché, nous avons eu la chance d’avoir le soutien du Syndicat d’initiative qui nous a donné un chalet.»
La mobilisation des partenaires (3) lors de l’accomplissement des actions est la deuxième difficulté rencontrée. «Lors de la concrétisation de notre action sur le marché de Noël, il a fallu solliciter l’ensemble des partenaires pendant un mois complet pour assurer la présence de la Table OMS Alcool sur l’ensemble du déroulement du marché de Noël! Nous tenons à souligner que tous les partenaires ont fait preuve de ténacité pour répondre ‘présent’ à cette initiative! D’ailleurs, certains d’entre eux venaient bénévolement pendant les week-ends. Heureusement, une fois de plus, nous avons eu le soutien du Service des Affaires Sociales et de la Santé et de son échevine qui a mis du personnel à notre disposition pour pouvoir assurer l’ensemble des plages horaires.»
Évaluation
Chaque action est l’objet d’une évaluation. «Sur le marché de Noël, nous avons fait un relevé des personnes qui ont fréquenté les stands et des partenaires qui ont été sollicités par rapport à des questions sur l’alcool ou la surconsommation d’alcool. Après chaque marché, les partenaires se réunissent pour vérifier si les objectifs de départ ont été rencontrés ou non. Nous nous accordons toujours ce temps d’évaluation, en début d’année, pour réfléchir ensemble à la manière de relancer notre action sur le marché de Noël l’année suivante.»
(1) En plus de la Table OMS Alcool, la MCPS s’occupe de nombreux autres projets tels que les inégalités de santé, le Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention, le projet Viasano (prévention de l’obésité et du surpoids), le projet Ville-Santé…
(2) Le projet «Villes-Santé» est une initiative de l’OMS datant de 1988. Son but est d’associer les villes à la politique de «Santé pour tous» de l’OMS et de s’appuyer sur elles pour la mise en œuvre de cette politique au niveau local.
(3) Les partenaires en sont: SOS Parents-Enfants, le Service Jeunesse de la ville de Mouscron, le Phare (réseau d’aide aux toxicomanes), la Coordination Assuétudes du Hainaut Occidental Wallonie Picarde (la CAHO), le Service réinsertion du CPAS, le Point d’Appui Assuétudes du CLPS-Ho, les gardiens de la paix, l’AMO «Le Déclic», la Gestion Centre-Ville, le Syndicat d’initiative, l’association «Corail» (association française agissant autour des personnes atteintes de la maladie de Korsakoff), le Plan de Cohésion Sociale de la ville de Mouscron et la Maison Communale de Promotion de la Santé.