Mai 2015 Par Christian DE BOCK Initiatives

La toilette, naissance de l’intime

D’après le communiqué de presse de l’exposition

Après avoir célébré les quatre-vingts ans de son ouverture au public à travers les deux expositions temporaires ‘Les Impressionnistes en privé’ et ‘Impression, soleil levant’, le musée Marmottan Monet à Paris présente jusqu’au 5 juillet 2015 la première exposition jamais dédiée au thème de La Toilette et à La Naissance de l’Intime. L’exposition réunit des oeuvres d’artistes majeurs du quinzième siècle à aujourd’hui, concernant les rites de la propreté, leurs espaces et leurs gestuelles.

C’est la première fois qu’un tel sujet, unique et incontournable, est présenté sous forme d’exposition. Dans ces oeuvres qui reflètent des pratiques quotidiennes qu’on pourrait croire banales, le public découvrira des plaisirs et des surprises d’une profondeur peu attendue.

Des musées prestigieux et des collections internationales se sont associés à cette entreprise et ont consenti des prêts majeurs, parmi lesquels des suites de peintures qui n’avaient jamais été montrées depuis leur création.

Une centaine de tableaux, des sculptures, des estampes, des photographies et des images animées (les fameuses ‘chronophotographies’ d’Eadweard Muybridge) permettent de proposer un parcours passionnant en onze étapes, du ‘bain amoureux de la Renaissance’ au triomphe du business cosmétique en passant par la toilette sèche du XVIIe siècleNote bas de page et la clôture de l’espace des soins du corps après 1800.

L’exposition s’ouvre sur un ensemble exceptionnel de gravures de Dürer, de Primatice, de peintures de l’École de Fontainebleau, l’exceptionnelle Femme à la puce de Georges de La Tour, un ensemble unique de François Boucher, montrant l’invention de gestes et de lieux spécifiques de toilette dans l’Europe de l’Ancien Régime.

Dans la deuxième partie, le visiteur découvrira qu’avec le XIXe siècle s’affirme un renouvellement en profondeur des outils et des modes de la propreté. L’apparition du cabinet de toilette, celle d’un usage plus diversifié et abondant de l’eau inspirent à Manet, à Berthe Morisot, à Degas, à Toulouse-Lautrec et encore à d’autres artistes, et non des moindres, des scènes inédites de femmesNote bas de page se débarbouillant dans un tub ou une cuve de fortune.

Les gestuelles sont bouleversées, l’espace est définitivement clos et livré à une totale intimité, une forme d’entretien entre soi et soi se lit dans ces oeuvres, d’où se dégage une profonde impression d’intimité et de modernité.

La dernière partie de l’exposition livre au visiteur l’image à la fois familière et déconcertante de salles de bains modernes et ‘fonctionnelles’ qui sont aussi, avec Pierre Bonnard, des espaces où il est permis, à l’écart du regard des autres et du bruit de la ville, de s’abandonner et de rêver.

Une superbe exposition, dont le catalogue bilingue français-anglais complète avantageusement ‘Indiscrétion’, le beau livre que Pascal Bonafoux a consacré au même sujet en 2012 (paru au Seuil).

Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis-Boilly, 75016 Paris. Ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 h, nocturne le jeudi jusqu’à 21 h. Internet: www.marmottan.fr.
Catalogue de l’exposition coédité par le Musée Marmottan Monet et les éditions Hazan, par Georges Vigarello, et Nadeije Laneyrie-Dagen, commissaires de l’exposition, 224 pages, 29 euros.

Illustration : Salomon de Bray, Jeune femme se coiffant, vers 1635, huile sur panneau sur bois (54 x 46 cm). Paris, musée du Louvre, département des peintures, don de la Société des Amis du Louvre, 1995. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Gérard Blot

Au XVIIe siècle, le bain disparaît des pratiques et des représentations. Le geste quotidien de propreté se passe de l’eau, qui est rare, de mauvaise qualité, et dont on pense qu’elle peut faciliter désordres et contagions. Jean-Baptiste de la Salle le confirme encore, au tout début du siècle suivant: «Il est de la propreté de se nettoyer tous les matins le visage avec un linge blanc pour le décrasser. Il est moins bien de se laver avec de l’eau car cela rend le visage susceptible de froid en hiver et de hâle en été.» (extrait du dossier de presse de l’exposition)

L’exposition propose quasi exclusivement des oeuvres mettant en scène des femmes… (ndlr).