Septembre 2020 Par Christine FERRON Editorial

Article initialement paru en juillet 2020 dans ‘Le Temps d’Après’ du Journal de l’Université d’été francophone en santé publique de Besançon, disponible à cette adresse.

Ironique « victoire » pour les professionnels de la promotion de la santé qui claironnent depuis des décennies que « la santé n’est pas un but en soi mais une ressource majeure pour le développement social, économique, et la vie quotidienneNote bas de page » : la prise de conscience que la soutenabilité de notre système de soin, le fonctionnement de tous les secteurs vitaux comme l’éducation, et de l’économie toute entière, rendent nécessaire un investissement massif dans des interventions de promotion de la santé.

La transition socio-écologique: réduire les fractures sociales dans le monde d’après

Elle est venue, non pas d’un plaidoyer particulièrement vibrant, mais d’un micro-organisme vibrionnant… La crise mondiale due à l’intrusion de la Covid-19 dans nos vies est porteuse d’impacts sur l’ensemble des déterminants de la santé : les modes de vie individuels, le fonctionnement des réseaux sociaux de proximité, les conditions de vie et de travail, enfin, les conditions socio-économiques, culturelles et environnementales généralesNote bas de page . L’urgence est alors de construire avec les publics les plus précaires des solutions soutenant leur émancipation et leur pouvoir d’agir. Fondée sur «un engagement des acteurs citoyens, associatifs et économiques dans des initiatives locales proposant de nouvelles façons de reconnecter les pratiques de vie aux milieux écologiques et plus largement aux cycles des matières, de l’énergie et du climatNote bas de page» , la transition socio-écologique apparaît totalement en phase avec les appels au « changement de système » lancés par de nombreux acteurs depuis l’émergence de l’épidémie. Telle que définie par les responsables du module « Inégalités sociales de santé et transition socio-écologique », cette approche signifie que transformations sociales et mutations écologiques doivent être mobilisées conjointement. Elles provoquent alors des changements positifs en termes de transition énergétique, de protection de la biodiversité et de prévention des risques sanitaires, dans une perspective d’accroissement de l’équité en santé.

Aujourd’hui, à l’image des solidarités spontanées qui ont émergé durant l’épidémie, la transition socio-écologique est essentiellement portée par des initiatives citoyennes participativesNote bas de page . Elles visent à soutenir les capacités de résilience des collectifs face aux défis sociaux et écologiques, en renforçant leur pouvoir d’agir par l’activation de ressources issues de toutes les composantes de la société civile. « Le changement favorable viendra des initiatives locales, des territoires, de l’entraide, de la cohésion sociale », disent les responsables du module. « Mais quelles vont être les décisions politiques à l’issue de la crise ? Réactiver les démarches communautaires en santé, favoriser les décloisonnements, ou tout miser sur les approches biomédicales, approfondissant ainsi les fractures sociales ? ». « La découverte d’un traitement ou d’un vaccin, évidemment souhaitable, ne risque-t-elle pas de remettre la prévention au second plan, alors que les maladies chroniques fortement liées au gradient social (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires) se sont révélées être des facteurs de vulnérabilité extrêmement forts ? ». Anticiper et prévenir les effets des situations épidémiques consiste donc, d’abord, à lutter contre la pauvreté et contre les inégalités écologiques et sociales.L’éducation pour la santé doit aussi prendre une place centrale dans le monde d’après. La peur qui a saisi la population l’a rendue plus disciplinée mais dans une organisation sociale temporaire qui ne correspondait pas à la vraie vie. «Les pouvoirs publics ne seront-ils pas tentés de rejouer de cette peur pour imposer un traitement ou des mesures de styles de vie dans le retour à la vie normale? L’éducation pour la santé, l’éducation à l’environnement, doivent se donner pour objectifs de développer l’esprit critique et d’apprendre à vivre avec l’incertitude. La transition socio-écologique: réduire les fractures sociales dans le monde d’après Pour vivre une vie pleine aussi bien dans son rôle de citoyen que dans la responsabilité par rapport à soi-même ou à sa famille proche, il faut pouvoir l’accepter. » «Le rapport de l’homme à la nature», disent encore les responsables du module, «est au cœur de la transition socio-écologique et de ce que nous vivons. Notre modèle social et technologique est fondé sur une conception où c’est l’homme contre la nature, ou au-delà de la nature comme dans le transhumanisme. Or l’homme est une composante de la nature».

Au regard de l’expérimentation grandeur nature que nous venons de vivre, « la transition est inéluctable. Mais quelle sera sa place dans les décisions politiques à venir ? » L’avenir se réalisera-t-il comme un film catastrophe ou comme un documentaire social et écologique engagé? Le scénario reste encore à écrire.

Christine Ferron à partir d’une interview de C. Vandoorne et M. Demarteau (Émancipation sociale, Santé des Populations, Réduction des Inégalités dans des sociétés en transition – ESPRIst, Université de Liège), A. Roy (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – Dreal Bourgogne‒Franche-Comté, Département démarches de développement durable), I. Lepeule et F. Sergent (Réseau régional d’éducation à l’environnement-GRAINE Bourgogne‒Franche-Comté). Cet article ne traite pas tout le contenu du module que vous pouvez retrouver dans le programme de l’Université.

Charte d’Ottawa de promotion de la santé. Genève : Organisation mondiale de la santé, 1986, 5 p. En ligne : http://www.phac-aspc.gc.ca/ph-sp/docs/charter-chartre/pdf/chartre.pdf

Dahlgren G, Whitehead M. Policies and strategies to promote social equity in health: background document to WHO, strategy paper for Europe. Stockholm (SW): Institute for Futures Studies, 1991, 69 p. En ligne : https://core.ac.uk/download/pdf/6472456.pdf

Besse G. Initiatives citoyennes et transition écologique : quels enjeux pour l’action publique ? Paris : Commissariat général au développement durable, Délégation au développement durable, 2017, 78 p. En ligne : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Thema%20 -%20Initiatives%20citoyennes%20et%20transition%20%C3%A9cologique.pdf

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