En Belgique, chaque année, plus de 2000 personnes se donnent la mort. Le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes adultes et la deuxième chez les adolescents. Depuis 1970, le Centre de prévention du suicide aide les personnes suicidaires et leurs proches à traverser un moment difficile, notamment grâce au plus connu de ses services, la ligne 0800 32 123. L’action du Centre ne se limite pas là. Axel Geeraerts, directeur, et Beatrix Lekeux, psychothérapeute, nous font découvrir les différents visages de ce lieu de réflexion et de parole.
Le Centre de prévention du suicide reçoit plus de 20.000 appels par an. Ce service, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 est assuré par une soixantaine de bénévoles qui se relaient au téléphone. Une telle permanence exige la recherche constante de nouveaux répondants. Face à l’ampleur de la problématique du suicide, le Centre développe également d’autres outils destinés aux personnes qui ont fait une tentative de suicide, aux personnes endeuillées et aux intervenants psycho-médico-sociaux confrontés aux suicidants. Le directeur Axel Geeraerts , assistant social et sociologue de formation, nous présente les différents services proposés et les projets en cours.
«La principale activité du Centre reste le service d’aide par téléphone , assuré exclusivement par des bénévoles. Le service est entièrement anonyme, gratuit et accessible pour toute la Belgique. Tous les bénévoles qui répondent sont formés et encadrés par une équipe de spécialistes, de psychologues.
Ils reçoivent d’abord une première formation à l’écoute qui dure à peu près 3 mois. Ensuite, ils font un stage comme co-écoutant en assistant des personnes qui sont dans la maison depuis longtemps et puis seulement, ils commencent à prendre des appels. Durant leur formation, il y a toute une série de séances de travail prévues, notamment des jeux de rôle avec des faux appels pour essayer de leur faire vivre des situations qu’ils peuvent rencontrer et de leur apprendre à répondre de la manière la plus adéquate.
La formation est vraiment centrée sur l’écoute. On les forme à faire le moins d’intervention possible, à ne pas commencer à distribuer la bonne parole ou de bons conseils. Le but est d’être là, être une présence pour quelqu’un qui traverse une période difficile. Apprendre les limites de ce type d’intervention est un vrai travail. Nous avons parfois des gens au téléphone qui sont dans une grande détresse et c’est vrai que nous ne pouvons que les écouter. Mais des études montrent que les écouter, c’est déjà énorme. Le nombre d’appels reçus confirme que c’est un service bien utilisé.
A côté de ça, nous développons un pôle de formation-prévention .
Jusqu’à présent, quand des intervenants de terrain ou des écoles nous téléphonaient suite à un suicide en disant: ‘Qu’est-ce qu’on peut faire?’, le Centre répondait au cas par cas. A présent, nous lançons un axe de formation-prévention destiné aux acteurs de terrain qui sont confrontés à la problématique de la tentative de suicide, comme les pompiers, les ambulanciers, la police… Deux personnes ont été engagées pour développer cette activité. Nous souhaitons continuer à réagir en fonction des demandes mais aussi pouvoir proposer des modules de formation axés sur un public ou sur une problématique. Nous avons déjà commencé à travailler avec les pompiers. Dans l’ensemble, ça marche bien. Les premières expériences montrent qu’il y a une réelle demande.
Depuis quelques mois, le Centre met également en place une cellule d’intervention psychologique (CIP). Il faut savoir que le taux de récidive après une tentative de suicide est important. Parmi les gens qui sont amenés à l’hôpital après une tentative de suicide, beaucoup repartent chez eux sans accompagnement.
Au mieux, ils ont un rendez-vous chez le psy ou une consultation programmée dans les jours suivants mais il n’y a pas vraiment de suivi. Nous voulons intervenir à ce moment-là, les rencontrer pour pouvoir les accompagner dans la crise. On peut travailler avec eux la demande d’une prise en charge thérapeutique et donc les réorienter vers un thérapeute privé ou un centre de guidance en santé mentale.
Il ne s’agit pas de prendre en charge ces gens de manière thérapeutique mais d’être là au moment de la crise. Nous avons cherché des hôpitaux avec lesquels faire des partenariats. L’idée est que quelqu’un qui fait une tentative de suicide est amené à l’hôpital et que l’infirmier ou le médecin qui le voit lui demande s’il est d’accord pour transmettre ses coordonnées au Centre de prévention du suicide. Si la personne est d’accord, nous la recontactons dans les 48 heures. Nous avons des premiers partenariats avec les hôpitaux d’Iris Sud (Bruxelles) et nous rencontrons des équipes de soignants pour leur expliquer ce que nous faisons.
Autre activité du Centre, le Groupe d’accompagnement au deuil après suicide . Trois groupes se sont mis en place dans le Hainaut, le Brabant wallon et à Bruxelles. Ces groupes sont fermés, une fois formés plus personne n’y entre. Il y a 12 rencontres en 6 mois animées par des professionnels. Ce n’est pas du self-help, ce ne sont pas des gens qui ont vécu la même situation qui animent et ce ne sont pas non plus des groupes thérapeutiques. Une première expérience est terminée. Nous avons relancé une campagne pour former de nouveaux groupes. D’après nos informations, il y a une réelle demande de la part des gens qui vivent un suicide. En même temps, arriver dans ces groupes-là reste quelque chose de difficile.
Au-delà de ces groupes, on va créer, en janvier 2003, un réseau de service d’accompagnement du deuil après un suicide dans toute la Communauté française. Nous avons pris contact avec une série d’associations qui travaillent sur ce sujet mais aussi certains plannings. L’idée est de pouvoir offrir aux gens un service proche de chez eux. Le réseau sera pluraliste: il y aura des groupes de self-help, des groupes encadrés par des professionnels, des accompagnements individuels… Les gens pourront choisir la formule qui leur convient le mieux. Chaque association gardera sa spécificité. Minimum une fois par an, les différents acteurs du réseau se retrouveront lors d’une journée de travail. Cela permettra de confronter les différentes approches.
Nous allons éditer une brochure avec quelques pistes de réflexion sur le suicide ainsi que toutes les adresses des gens qui font partie du réseau, qui ont eu une formation spécifique à l’accompagnement lié au suicide et qui ont signé une Charte éthique.
Il y a encore un autre projet. Nous avons un centre de documentation en ‘suicidologie’ mis en place par notre bibliothécaire. Ce service est accessible à tous. Il est là et il ne demande qu’à s’étendre, ce qui pose un problème de place. Nous allons réfléchir sur la manière de le développer. Le but est d’avoir un centre de documentation spécialisé connu et ouvert au grand public.’
Un congrès à ne pas manquer
Du 18 au 22 novembre prochain , se tient le ‘2e Congrès international de la francophonie en prévention du suicide’ au Palais des Congrès de Liège . Face à l’évolution du taux de suicide dans les sociétés industrialisées et au caractère complexe de cette problématique, ce deuxième congrès abordera principalement quatre questions:
‘Quelle prévention pour quelle population?’
‘Quels acteurs pour quelles ressources et quels réseaux?’
‘Pertinence des pratiques?’
‘Réseaux de communication, réseaux de relation?’
Au programme de ces 5 journées: alternance de séances plénières, symposiums, ateliers et communications libres durant lesquels l’accent sera mis sur le travail des intervenants et des associations de terrain.
Le grand public est également invité lors de deux manifestations animées par Thomas Van Hamme (présentateur de L’écran témoin à la RTBF): le 19/11, soirée débat sur la prévention du suicide et le réseau et le 22/11, table ronde de clôture avec des interventions de professionnels ayant participé au congrès, des animateurs scientifiques et des invités (l’écrivain Caroline Lamarche, Julos Beaucarne, Gabriel Ringlet, Edouard Delruelle et Jean-Jacques Verdickt).
Programmes et infos: Maison du social de la Province de Liège, Boulevard d’Avroy 28/30, 4000 Liège. Tél: 04-232 31 53. Fax: 04-232 31 77. Courriel : jean-claude.davis@prov-liege.be
Et quand nous demandons à M. Geeraerts ce qui anime son travail, pas de surprise:
«Se dire que par rapport à une problématique, à une question de départ, on va réfléchir à comment développer toute une série d’outils différents.
Exemple, pour le moment, nous devons réfléchir à la question de la réponse aux mails. Le Centre a un site internet informatif avec une adresse de courrier électronique. Nous précisons que ce mail sert à demander des informations mais en aucune manière à répondre à des demandes d’aide. Or, des demandes d’aide arrivent. Pour le moment, nous répondons en renvoyant au 0800. Le mail devient un moyen de communication de plus en plus répandu et il y a peut-être même des gens qui utilisent plus le mail que le téléphone. Alors, que faire avec ça? Nous avons pris contact avec d’autres services, notamment SOS Amitiés en France qui a développé un outil pour répondre au courrier électronique. Chez nous, un groupe s’est mis en place pour y réfléchir. Quelque chose de nouveau émerge et on met en route de nouvelles pratiques.»