Voici quelques semaines, un appel à signature a été hébergé par le site de la Société française de santé publique (le document complet y est toujours consultable). Cette démarche inédite témoigne de façon concrète de la grande misère de la santé publique et de manière générale du manque de crédit (dans tous les sens du terme!) dont jouit la prévention comparé aux investissements massifs et pas toujours rationnels dont bénéficie le secteur curatif (1).
L’intérêt de cette réflexion est évident: le collectif à l’origine de cette initiative ne se contente pas de jouer les pleureuses, mais il assortit aussi ses constats de propositions qui ne semblent pas déraisonnables. Ces constats et recommandations portent sur la mise en œuvre des politiques, la précarité des financements, les difficultés administratives, la formation et la professionnalisation, la qualité des interventions, et la mutualisation (envisagée sur le plan logistique, outils et techniques, les opérateurs gardant leur autonomie).
Bref, beaucoup de bonnes idées positives au départ d’un diagnostic morose. Le secteur belge francophone s’y retrouvera à coup sûr. Nous reproduisons ci-dessous l’introduction de ce document de 13 pages, que nous a aimablement communiqué Daniel Oberlé , ancien délégué général de la SFSP. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics et l’Assurance-maladie ont favorisé la professionnalisation des actions de prévention. Dès les années 1980, les Comités régionaux et départementaux d’éducation pour la santé ont amorcé cette évolution. Les DIREPS, mises en place et financées par la Direction générale de la santé (92-99) ont eu pour vocation de structurer sur le territoire les équipes chargées d’ éducation et de promotion de la santé. Les Programmes régionaux de santé (PRS), les Programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS) et le Fonds national de prévention, d’éducation, et d’informations sanitaires (FNPEIS) ont largement contribué à soutenir les programmes et donc l’embauche de personnels qualifiés. Les réseaux de l’Assurance-maladie (CPAM-CRAM, URCAM), de la Mutualité française et de ses Unions départementales et régionales, du tissu associatif avec les Comités départementaux et régionaux d’éducation pour la santé, des associations développant des programmes autour de la prévention de l’alcoolisme, du sida ou des toxicomanies, ont ainsi créé de nombreux postes de professionnels depuis les années 90.
Cette professionnalisation a été facilitée par une offre nouvelle et importante de formation initiale et continue, à l’initiative des Universités et de différentes institutions privées ou associations. Ce double mouvement d’embauche et de proposition de formations permet de bénéficier aujourd’hui d’un réseau d’acteurs dont le travail est reconnu par l’ensemble des partenaires et utilisateurs de leurs services. A titre d’exemple, le réseau des Comités régionaux et départementaux d’éducation pour la santé comporte actuellement plus de 700 professionnels formés. En l’absence de recensement d’ensemble précis (à réaliser), on peut considérer que plusieurs milliers de professionnels sont impliqués dans le milieu associatif de la santé publique et de la prévention.
Certes, comme l’indique l’Avis du Haut Comité de la Santé Publique (20 novembre 2001) tout n’est pas réglé et il convient encore «de développer la formation initiale et continue à la conduite de projets ou de politiques de santé. Actuellement, les savoir-faire dans ce domaine sont souvent le fruit d’une expérience acquise dans la douleur par ceux et celles qui ont «essuyé les plâtres». Malheureusement, pour l’instant, ces compétences, pourtant précieuses, ne sont pas suffisamment reconnues et identifiées».
Le tableau reste contrasté, le monde associatif est d’une grande diversité mais il gagne à être mieux connu avec ses richesses d’implication, d’analyse, de relations, d’actions, son évolution profonde sur une décennie en a fait un interlocuteur fiable des pouvoirs publics en matière de santé et de développement social.
Cependant, cette construction est très fragile. Le secteur associatif, après s’être ainsi développé à la demande des pouvoirs publics, vient de vivre trois années particulièrement marquées par des incertitudes, par une précarisation encore plus grande des situations dont il ne se sortira pas indemne. Les efforts et l’engagement de plusieurs années de chacun des acteurs pour multiplier, améliorer la technicité et l’efficacité des actions sont mis à mal actuellement.
A la veille de la mise en place de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, de ses plans nationaux et de la réforme de l’Assurance maladie, de la poursuite de la décentralisation, il nous paraît tout particulièrement important de faire le point sur la situation et surtout d’émettre des propositions susceptibles d’apporter un peu plus de stabilité et donc d’efficacité aux acteurs de la prévention en France.
Les associations, portées par leurs administrateurs et leurs salariés, ont le souci de maintenir une mobilisation et un engagement pour une prise en compte de l’ensemble des facteurs concourant à la qualité de vie et à la santé des individus et d’inscrire leurs actions dans la durée, facteur d’efficacité. Les financeurs ont celui de la qualité, de la rentabilité ou de l’optimisation des moyens et de la visibilité des actions à court et moyen terme. Si ces deux options paraissent contradictoires, il est important aujourd’hui de rechercher comment elles peuvent être complémentaires.
Dans cet esprit, des acteurs de santé publique se sont associé pour faire des propositions aux différentes instances chargées des politiques de santé publique (Direction générale de la santé. Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, Union nationale des caisses d’assurance maladie, Conseil régionaux, Conseils généraux, Municipalités,…).
La première proposition est sans doute l’affirmation d’une volonté d’être constructif , non revendicatif ni misérabiliste. Il est évident que le tissu associatif a toujours joué et jouera toujours un rôle primordial dans la mise en œuvre des politiques publiques en santé publique. Le secteur associatif a très souvent impulsé de nouvelles dynamiques, d’identification et de réponses à des besoins nouveaux, même si par la suite le secteur public ou privé à but lucratif a pris le relais. Toutes ces fonctions méritent probablement d’être mieux identifiées, mieux valorisées, comme le rappelait l’avis du HCSP.
Compte tenu d’une conjoncture socio-économique différente les modalités de financement changent, il convient donc de proposer des solutions d’adaptation afin que puissent survivre et se développer le dynamisme associatif, la place des individus et des communautés dans les décisions et la mise en œuvre des politiques de santé publique.
Comme le reconnaissent les décideurs, ces politiques de santé publique ne peuvent se mettre en œuvre sans les associations. Or, plutôt que de favoriser et de soutenir les politiques publiques au travers des associations qui prennent des risques financiers -et professionnels pour les salariés- les pouvoirs publics donnent souvent l’impression de chercher comment ils peuvent aider ces associations en difficulté, alors qu’eux-mêmes les ont parfois appelées à se développer. La suite sur http://www.sfsp.info … (1) Je ne résiste pas au petit exemple suivant. Si la sécurité sociale remboursait le citalopram (antidépresseur vedette sur le marché Belge) sur base de son générique le moins cher, l’économie réalisée pour les finances publiques serait à peu près équivalente à l’ensemble du budget promotion santé (hors PSE) de la Communauté française (d’après les chiffres du Dr Van Duppen lors de la présentation de son ouvrage ‘La guerre des médicaments’). Et ça avec une seule molécule d’une seule classe de médicaments. De quoi laisser rêveur, non? (CDB)