Octobre 2010 Editorial

A Education Santé, nous aimons bien le Jury d’éthique publicitaire, qui, avec une constance remarquable, affirme depuis longtemps contribuer activement à moraliser la communication publicitaire dans notre pays. C’est donc avec plaisir que nous reproduisons ci-dessous le communiqué témoignant de la reconnaissance des efforts du Jury à leur juste valeur…
La Fédération Inter-environnement Wallonie a choisi d’attribuer son Chardon 2010 au Jury d’éthique publicitaire (JEP).
Le JEP est l’organe d’auto-discipline du secteur de la publicité en Belgique. «Auto-discipline», le mot est lâché… Cet «auto» – on pourrait tout aussi bien dire «auto-régulation» ou «auto-contrôle» – caractérise en effet le fonctionnement de cette structure et symbolise son parti pris.
Composé pour moitié de membres issus du secteur lui-même, le Jury apparaît à l’heure actuelle incapable d’assurer un encadrement efficace de ses pratiques. Dur dur de fixer des règles, de contrôler leur bonne application et, le cas échéant, de se punir soi-même en toute impartialité… Nous en voulons pour exemple la problématique de l’affichage des émissions de CO2 sur les publicités pour les véhicules automobiles.
Petit rappel de la situation. La Directive européenne 1999/94/CE impose que les publicités pour les voitures affichent les émissions de CO2 de manière aussi lisible et visible que la partie principale de l’annonce. Transcrite en Droit belge par l’Arrêté Royal du 5 septembre 2001, cette règle, pourtant simple, était allègrement bafouée par les annonceurs qui, dans 99 % des cas, omettaient tout simplement de mentionner cette information. Face à ce constat, des centaines de plaintes ont été déposées par les consommateurs belges dans le cadre de la campagne européenne «Affichez le CO2», portée par des associations de protection de l’environnement. Cette avalanche de plaintes n’est pas restée sans effet mais ceux-ci ne furent malheureusement pas ceux que l’on était en droit d’espérer. Car plutôt que de veiller à ce que la législation existante soit correctement respectée, le JEP et la FEBIAC (Fédération belge de l’industrie automobile et du cycle) ont décidé de mettre à jour le code d’auto-régulation de cette dernière… en s’écartant allègrement des prescrits du texte européen.
Ainsi donc, le secteur s’est arrogé le droit non seulement de bafouer pendant plus de 8 ans un texte contraignant mais aussi, au moment où ce manquement était publiquement révélé, d’interpréter la Loi à sa manière! Cerise sur le gâteau, même ce code d’auto-régulation FEBIAC n’est pas respecté par les annonceurs : plus de 90 % des plaintes déposées depuis son entrée en vigueur ont été reconnues comme recevables, les annonces concernées étant en infraction par rapport au code et, a fortiori, par rapport à l’Arrêté Royal de 2001. Mais compte tenu du caractère éphémère de la publicité et de la durée des procédures du JEP, les campagnes sont le plus souvent terminées lorsque leur caractère illégal est reconnu…
Prôner l’auto-régulation c’est bien; identifier les infractions sur base des plaintes déposées par les consommateurs c’est bien également; mais veiller au respect des législations en amont (soit avant diffusion de la campagne) cela serait beaucoup mieux! Le JEP, manifestement, n’y arrive pas. Il s’obstine pourtant à combattre l’instauration d’un Observatoire indépendant de la publicité préconisée par le Conseil fédéral du Développement durable et actée dans les plans fédéraux du Développement durable.
L’autre reproche que nous formulons à l’égard du JEP et, par son intermédiaire, au secteur publicitaire dans son ensemble, concerne ses pratiques en matière d’allégations environnementales. Le «vert» est à la mode et les termes «durable» ou «écologique» sont de plus en plus utilisés en publicité. Mais cette utilisation de l’argument environnemental est très souvent abusive. Elle induit alors le consommateur en erreur sur ce qu’est réellement une consommation respectueuse de l’environnement et permet aux entreprises de s’offrir à bon compte une image vertueuse. Or, le JEP ne réagit pas face à cette situation. Pire, il bloque les initiatives politiques visant à remédier au problème via la révision du Code de la publicité écologique.
Ce Chardon a donc pour nous valeur de signal d’alarme face à une situation compromettant l’indispensable remise en cause de nos modes de consommation.
Communiqué par Inter-Environnement Wallonie