Le programme de dépistage organisé du cancer du sein pour les femmes de 50 à 69 ans a été mis en place en Région bruxelloise depuis juin 2002 et est mis en oeuvre par l’asbl Centre bruxellois de coordination pour le dépistage du cancer du sein Brumammo. L’Observatoire a publié fin 2015 un quatrième rapport qui analyse les données du programme entre 2009 et 2013.
Fin 2013, 32 unités radiologiques sont agréées à Bruxelles, dont 30 fonctionnent en numérique et 2 en analogique; environ 54 radiologues sont actifs dans la lecture des mammotests.
Depuis 2010, Brumammo met progressivement en place une gestion numérique globale de l’imagerie médicale, des données administratives et des protocoles de lecture des radiographies.
Les délais d’attente pour les femmes désireuses de participer au programme diffèrent selon les unités: il faut entre 2 jours et 6 semaines pour obtenir un rendez-vous.
Depuis 2010, les actions d’information et de sensibilisation ont été très limitées. Au vu de l’évolution du débat sur l’importance d’informer correctement les femmes sur les avantages et inconvénients du dépistage, partant des outils existants, il pourrait être utile de développer ou de mettre à disposition des outils de communication adaptés aux différents publics cibles bruxellois. Le travail du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) sur le sujet peut servir de base de travail.
Les chiffres du cancer du sein
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme: les 930 tumeurs invasives diagnostiquées chez les Bruxelloises en 2012 représentent plus d’un tiers des cancers féminins.
En 2012, le taux d’incidence brut est de 157,8/100.000. Ce taux diminue depuis 2004 et après standardisation pour l’âge, il devient, à partir de 2011, intermédiaire entre l’incidence mesurée en Wallonie et celle en Flandre. L’incidence diffère selon l’âge, 45% des cancers du sein surviennent entre 50 et 69 ans. L’incidence est plus élevée dans les communes du sud-est de la région ainsi qu’à Ganshoren et Jette, reflétant en partie la distribution inégale des facteurs de risque et des facteurs protecteurs vis-à-vis du cancer du sein et probablement aussi la meilleure couverture du dépistage.
Le cancer du sein est la première cause de décès par cancer chez la femme et également la première cause de décès prématuré féminin. En 2013, 208 Bruxelloises sont décédées d’un cancer du sein, ce qui représente 18,5% des décès par cancer et 4,2% de l’ensemble des décès.
En 2013, le taux de mortalité brut par cancer du sein est de 35/100.000. Depuis le milieu des années 80, ce taux diminue. Le taux de mortalité des Bruxelloises âgées de 25 ans ou plus (67,9/100 000), est supérieur à celui en Flandre (55,2/100 000).
Le risque de décéder d’un cancer du sein augmente avec l’âge. La mortalité par cancer du sein n’est pas significativement différente entre les clusters socioéconomiques des communes bruxelloises.
Les chiffres du dépistage
En 2012-2013, 107.681 invitations ont été envoyées, ce qui représente 93,9% des femmes de 50-69 ans inscrites au Registre national et affiliées à un organisme assureur (en 2009-2010, 104.583 invitations avaient été envoyées soit 97,1% de la population cible) : le taux d’invitation a donc légèrement diminué.
En 2013, 6.034 Bruxelloises ont effectué un mammotest dans une unité radiologique à Bruxelles. Le taux de couverture par mammotest est stable depuis 2009-2010, il varie entre 9,9 et 10,7%. Même si on ajoute le taux de dépistage par mammographie hors programme organisé (42,7% en 2011-2012), la proportion de femmes bénéficiant d’un dépistage est d’environ 53%, ce qui est inférieur au taux de 70% recommandé au niveau européen.
En 2013, 70,8% des femmes qui font un mammotest subséquent le font dans les trois ans après le précédent ce qui est le délai recommandé par l’Europe; 52,9% le font après 21 à 27 mois (recommandation en Belgique : 24 mois).
Sur dix femmes participantes, environ six femmes adhèrent au programme sur base d’une invitation, trois sur base d’une prescription d’un médecin et une apporte à la fois une invitation et une prescription. Les principales raisons qui poussent les femmes à réaliser une mammographie sont les conseils de leur médecin généraliste ou de leur gynécologue. Le mammotest est plutôt recommandé par le généraliste et la mammographie hors programme par le gynécologue.
En 2012-2013, 75% des résultats sont envoyés dans les 16 jours, soit deux jours de plus qu’en 2009-2010. Cette augmentation est en partie due à la forte augmentation du nombre de troisième lecture qui atteint 24,6% des mammotests contre 13% en 2009-2010 et 3% en Flandre en 2013.
En 2012-2013, 13,4% des femmes sont rappelées pour des examens complémentaires que ce soit pour un mammotest positif (11,3%), pour des seins denses (2,1%) ou une mammographie ininterprétable. C’est 1% de moins qu’en 2009-2010 mais ce taux reste loin au-dessus des normes européennes. Le changement d’algorithme décisionnel en 2011 a eu pour conséquence une diminution du rappel pour échographie pour sein dense mais, en parallèle, il y a eu une augmentation des mammotests positifs, notamment en raison du passage au numérique (visibilité de petites lésions, absence d’anciens clichés).
En 2009-2010, on détecte 6,9 cas de cancer pour 1 000 femmes dépistées lorsqu’il s’agit d’une première participation (mammotest initial); 36% de ces cancers sont des cancers invasifs avec un stade II ou plus. Pour les participations ultérieures (mammotests subséquents), le taux de détection est de 6,0 pour 1 000; 34% de ces cancers sont des cancers invasifs de stade II ou plus (valeurs corrigées pour la population standard mondiale).
Les chiffres relatifs au mammotest initial sont influencés par le nombre important de femmes bruxelloises qui ont déjà réalisé une mammographie diagnostique avant de participer au programme organisé. Ce qui veut dire qu’une part significative des mammotests initiaux sont en fait des mammotests subséquents.
Évolution du programme
Ce quatrième rapport fait le point après 11 années de dépistage organisé du programme bruxellois.
L’incidence du cancer du sein invasif en Région bruxelloise est stable voire légèrement à la baisse au cours des dix dernières années. Le cancer du sein reste le cancer qui touche le plus de femmes en Belgique et en Région bruxelloise. L’incidence et la mortalité par cancer du sein en Belgique et en Région bruxelloise se situent dans le tiers le plus élevé parmi les pays européens.
Les inégalités entre les communes en termes d’incidence et de mortalité observées dans le précédent rapport s’amenuisent. Cette diminution apparente du gradient social, en termes de mortalité notamment, peut être liée à différents facteurs dont l’évolution du profil de la population bruxelloise dans les communes et à l’absence de données plus fines pour identifier les groupes sociaux à risque.
Depuis le round 2009-2010, quelques changements ont eu lieu.
L’algorithme décisionnel menant au résultat du mammotest a été simplifié et a entrainé une diminution du taux de rappel pour échographie pour sein dense, ce qui était l’effet recherché, au prix cependant d’une augmentation importante du nombre de troisièmes lectures. Le taux de rappel global du programme est cependant resté stable car le taux de rappel pour résultat positif a, lui, augmenté.
L’analyse des données de diagnostic et de remboursement complètent utilement les données de dépistage. Le couplage des données du programme avec le Registre du cancer a permis de développer les analyses de la performance du programme. Par ailleurs, l’Agence Intermutualiste (IMA) a progressé dans la caractérisation des femmes non-participantes.
Forces et faiblesses du programme
Toute la population cible des femmes de 50 à 69 ans est invitée depuis 2006 et le fichier est mis à jour régulièrement avec les données de la banque carrefour de la sécurité sociale (BCSS).
Depuis le changement de protocole en 2011, moins de femmes sont rappelées pour une échographie mais en plus grand nombre pour une image douteuse. Le taux de rappel reste très élevé comparativement à la Flandre. La plupart des unités agréées pour le dépistage sont passées aux examens en format numérique et échangent des données par voie électronique avec Brumammo.
Ce dernier assure un suivi de la qualité technique des examens réalisés. La fiabilité de la connectivité entre les systèmes doit encore s’améliorer et la performance de ce nouveau système ne sera complète que lorsque les clichés antérieurs seront disponibles pour tous les radiologues impliqués. Ce dernier point devrait permettre de diminuer le taux de rappel.
Le taux de couverture totale (53% en 2011-2012) et par mammotest ne s’est pas amélioré. Environ 10% des femmes invitées participent au programme organisé (réalisent un mammotest). La plupart des Bruxelloises qui participent au dépistage le font toujours via la mammographie dite opportuniste et facturée comme un examen diagnostique. En particulier, les gynécologues consultés par les Bruxelloises réfèrent principalement vers la mammographie. Le nombre de femmes qui pratiquent un surdépistage (plus d’une fois tous les deux ans) n’est pas connu en Région bruxelloise.
Le taux de rappel total (examen positif et échographie pour sein dense) des femmes ainsi que le taux de troisièmes lectures sont élevés et des mesures supplémentaires devraient être mises en oeuvre pour les réduire. La proportion de femmes informées de leur résultat dans les 21 jours devrait être améliorée et mieux évaluée.
Perspectives pour le programme
Brumammo compte poursuivre les efforts d’amélioration de la qualité du dépistage par la mise sur pied d’un feedback aux radiologues deuxièmes/troisièmes lecteurs sur la performance globale et individuelle des examens réalisés grâce au suivi des femmes dépistées. Ce feedback se basera notamment sur le couplage des données du programme avec celles du Registre du cancer.
À l’instar de ce qui se fait en Flandre et en Wallonie, Brumammo souhaite la mise sur pied de listes d’exclusion permettant de ne pas inviter les femmes qui ne sont pas éligibles, par exemple lorsqu’elles ont déjà un cancer du sein diagnostiqué.
D’un point de vue technique, les centres de dépistage agréés qui travaillent encore en analogique devraient rapidement passer au numérique et la mise à disposition de manière fluide des nouveaux et des anciens clichés devrait être accélérée.
Le processus d’évaluation du programme bruxellois se doit d’évoluer et certains indicateurs devront probablement être intégrés dans le prochain rapport tel que le surdépistage, le délai entre l’envoi des résultats et la mise au point complémentaire voire la prise en charge.
Le défi d’une politique bruxelloise de prévention
Au vu de la polémique persistante sur la pertinence du dépistage, les professionnels de santé doivent offrir un message clair et équilibré sur les avantages et inconvénients du dépistage. Le dépistage opportuniste en dehors du programme ne doit pas être oublié dans cette discussion. Partant des travaux du KCE, une série d’outils répondant aux besoins du terrain devraient être développés.
La sensibilisation des femmes non-participantes devrait faire l’objet d’un effort actif. Les recherches de l’IMA sur les non-participantes montrent que la première ligne de soins pourrait jouer ici un rôle privilégié. Un projet pilote existe en Flandre et pourrait également être testé en Région bruxelloise.
Les acteurs bruxellois du dépistage du cancer du sein ont élaboré en 2010 un Plan stratégique pour l’information et la sensibilisation au programme de dépistage organisé du cancer du sein en Région bruxelloise en direction du public cible et des professionnels de santé, plan qui n’a pas été mis en oeuvre.
Il est urgent de clarifier la structure qui aura pour mandat d’assurer que tous les Bruxellois puissent bénéficier des interventions de prévention et de promotion de la santé basées sur les évidences scientifiques (dont le dépistage des cancers du sein et du colon), et de coordonner les actions dans le respect des compétences de chacune des entités fédérées compétentes pour la santé en Région bruxelloise.
Des efforts significatifs ont été faits sur le plan de la numérisation et de la qualité technique depuis 2011. Cependant, en termes de participation et de taux de rappel, peu de progrès ont été enregistrés. La définition claire des responsabilités en termes de politique de prévention en général et de dépistage des cancers en particulier «au service de tous les Bruxellois» reste à ce stade un élément clé nécessitant une action politique forte et cohérente pour faire avancer le programme de dépistage du cancer du sein en particulier et la santé des Bruxellois en général.
Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, Commission communautaire commune, avenue Louise 183 – 1050 Bruxelles. Tél.: 02 552 01 89. Courriel: observat@ccc.irisnet.be. Internet: www.observatbru.be.
Données standardisées pour 2011.