À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la pauvreté 2012, le programme européen Générations en santé (1) a produit des données transfrontalières sur les inégalités sociales de santé. Il s’agit là d’un nouveau chapitre du Tableau de bord transfrontalier de la santé (2), après celui qui fut consacré à la santé des seniors et aux cancers. Ce nouvel état des lieux permet une réflexion sur le lien existant entre les déterminants sociaux et la santé. Il concerne une zone comprenant les provinces belges de Hainaut, de Namur et de Luxembourg et les régions françaises de Picardie, du Nord – Pas-de-Calais et de Champagne-Ardenne.
De nombreuses études ont montré un lien fort entre les conditions socioéconomiques et la santé. Dans un territoire confronté à de nombreux problèmes sociaux comme c’est le cas pour la zone couverte par Générations en santé, cette question est encore plus prégnante. Dans la zone étudiée, le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur, le revenu médian, la part d’actifs demandeurs d’emplois et le nombre de logements sociaux par habitants sont tous en défaveur du côté belge de la zone par rapport au reste du pays, et du côté français de la zone comparativement à la France hexagonale.
Or, on sait qu’en Belgique, en 2001, il existait un écart de 6 ans pour les femmes et 7 ans pour les hommes entre l’espérance de vie à 25 ans d’une personne sans diplôme et d’une personne ayant fait des études supérieures. Pour l’espérance de vie en bonne santé, l’écart atteignait 18 ans en 2004 pour les deux sexes. En France, au milieu des années 90, la différence d’espérance de vie à 35 ans entre cadres et ouvriers atteignait 8 ans chez les hommes et 3 ans chez les femmes.
Ces différences sont en augmentation depuis les années 80. Les inégalités sociales de santé apparaissent dès l’enfance et se marquent tout au long de la vie à travers le cadre de vie, l’éducation, le statut économique, le logement, l’efficacité des systèmes de prévention et de traitement des maladies. Il paraissait donc intéressant de voir comment les facteurs socio-économiques influençaient la santé dans la zone transfrontalière.
Peu de diplômés de l’enseignement supérieur
Le taux de diplômés de l’enseignement supérieur est de 30% dans la zone étudiée, ce qui est inférieur aux valeurs nationales française (35%) et belge (39,2%). Or, on l’a vu, une personne de 25 ans disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur peut espérer vivre 18 ans de plus en bonne santé que quelqu’un du même âge sans qualification. Ce chiffre reflète parfaitement l’importance que revêt le niveau d’éducation pour la santé d’une personne.
Revenu médian faible et nombreux demandeurs d’emploi
Le revenu médian est, de part et d’autre de la frontière, inférieur aux moyennes nationales respectives. On peut cependant noter la présence de trois pôles économiques ayant une influence sur les territoires adjacents: la Flandre, l’Île-de-France et le Grand-Duché du Luxembourg. En effet, les seuls départements ou provinces étudiés ayant un revenu médian supérieur à la moyenne nationale sont frontaliers de ces pôles. Par ailleurs, que l’on observe le chômage selon la définition du Bureau international du travail ou bien le taux de demandeurs d’emploi en fin de mois, on observe dans la zone étudiée des valeurs nettement supérieures aux niveaux nationaux respectifs. Ce phénomène touche chaque coté de la frontière, mais tout particulièrement la province de Hainaut côté belge, et les départements du Nord et du Pas-de-Calais coté français.
Beaucoup de logements sociaux
Sur la zone, on observe une moyenne de 70 logements sociaux pour 1 000 habitants. Il s’agit là d’un chiffre similaire à la situation française dans son ensemble mais qui est, par contre, près de trois fois supérieur à ce qui est observé en Belgique (27 logements pour 1 000 habitants). Un lien fort associe la proportion des catégories sociales défavorisées et le nombre de logements sociaux dans une zone. Les départements de la Marne, du Pas-de-Calais sont particulièrement concernés avec un nombre de logements sociaux pour 1 000 habitants nettement plus élevé que dans les autres départements français. Côté belge c’est la province de Hainaut qui présente le plus grand nombre de logements sociaux.
Un lien fort entre niveau social et mortalité
Une classification a été réalisée au travers d’une batterie d’indicateurs socio-économiques (revenu médian, proportion de familles monoparentales, pourcentage de demandeurs d’emploi par rapport à la population active, bénéficiaires d’allocations sociales (RMI, RI) et pourcentage de diplômés de l’enseignement supérieur). Les arrondissements ont été répartis en quatre classes allant des plus favorisés aux plus défavorisés. Ainsi, la classe 1 est constituée de la Flandre occidentale et de certains arrondissements de la Marne et de l’Oise. La classe 2 est principalement constituée des arrondissements périphériques de la zone. Les classes 3 et 4 se situent au centre de la zone, à la frontière, avec les provinces de Hainaut, de Namur et le département du Nord.
Différents taux standardisés de mortalité ont ensuite été calculés pour chaque classe créée. Il en ressort que les arrondissements de la classe 4 (la plus défavorisée) sont caractérisés en moyenne par des taux de mortalité générale, prématurée, par cancers, par maladies de l’appareil circulatoire, par maladies de l’appareil respiratoire et par causes non naturelles significativement supérieurs à ceux de la classe 1 (la plus favorisée). Cette constatation est valable chez les hommes, mais aussi chez les femmes (exception faite de la mortalité par maladies de l’appareil respiratoire).
De nombreux autres facteurs ont un effet sur ces différences, cependant il semble clair ici que les arrondissements les plus défavorisés socialement et économiquement sont aussi les arrondissements présentant les plus mauvais indicateurs sanitaires.
(1) Le programme Générations en santé (Interreg IV) porte sur l’observation et la promotion de la santé, du bien-être et de la qualité de vie (www.generationsensante.eu). Voir l’article ‘Générations en santé 2008-2012 : un programme qui mobilise neuf partenaires en France et en Belgique, Éducation Santé n° 244, avril 2009 .
(2) Le Tableau de bord transfrontalier de la santé (TBTS) aborde les thématiques de santé publique suivantes: la santé des seniors, les cancers, les maladies cardiovasculaires, les inégalités sanitaires et sociales, la santé au travail et la santé et l’environnement.