Le 4e congrès de la Société européenne d’éducation thérapeutique (SETE) s’est déroulé du 24 au 26 mai dans les locaux de la Faculté de médecine de l’UCL à Bruxelles.
Beau succès assurément: 320 participants sur les trois jours, soit le maximum possible, une dizaine de conférenciers en séances plénières,120 communications sur les sujets les plus divers, des posters, des stands, le tout sous un magnifique soleil mis à part un bref orage le premier soir. Les participants ont pu apprécier autant l’hospitalité bruxelloise que l’excellente organisation de l’événement par une équipe du RESO-UCL aussi efficace que chaleureuse.
Impossible de rendre compte ici de toutes les interventions, nous nous contenterons d’épingler quelques propos tenus en plénière, avec le fil rouge de l’accent mis sur l’éthique, celle des soignants bien sûr, mais aussi les interrogations et les valeurs exprimées par les patients.
Nous étions d’emblée au cœur du problème avec la conférence inaugurale de Christian Léonard (Centre fédéral d’expertise des soins de santé), qui stigmatisa le poids de la responsabilité que d’aucuns entendent imputer au seul patient, avec cette formule percutante qu’il prête aux économistes néo-libéraux soucieux de détricoter nos systèmes de protection sociale au prétexte que leur ‘filet de protection se transforme trop souvent en hamac pour assistés sociaux’. Léonard n’exonère pas pour autant le patient de tout engagement dans la gestion de son propre sort en introduisant le concept de ‘responsabilité capacitante’. Il n’a sans doute pas convaincu tout le monde du bien-fondé de son approche, mais il a eu le mérite de sortir de la caricature ‘tous responsables, tous coupables vs tous innocents, tous victimes’.
Tout aussi désireux de sortir de ce blocage conceptuel peu fécond, Alexandre Mauron (Unité de recherche et d’enseignement en bioéthique de la Faculté de médecine de Genève) illustra le thème du congrès avec la question de l’obésité: la réalité hautement visible du problème en fait un sujet de débat particulièrement intéressant et éclairant pour nous. Il nous brossa un tableau vivant des tensions existant aux États-Unis dans l’approche du sujet, tant en ce qui concerne les pratiques discriminatoires à l’égard des personnes en excès pondéral, pratiques proches du racisme (à l’embauche, mais aussi au sein même des institutions sanitaires) que dans l’application de l’idéologie libérale de la sauvegarde et du développement du ‘capital santé’ des individus. Il évoqua aussi les dérives du militantisme anti-discriminatoire, qui va jusqu’à nier les évidences scientifiques actuelles quant à la réalité de l’impact de l’obésité sur la santé.
Quant à Jacques A. Bury , pionnier de la promotion de la santé en Communauté française, avec le sens de la formule que nous lui connaissons, il avait intitulé son exposé ‘Le monde change… Ouais, plus ça change…’. Une intervention au cours de laquelle il nous parut quelque peu désabusé, dénonçant une fois de plus les manœuvres toxiques des industries nuisibles à la santé publique. Leur ligne de conduite n’a pas changé au cours du temps selon lui, sauf peut-être qu’elles sont devenues encore plus retorses pour nier les évidences, retarder les décisions qui pourraient nuire à leur bilan comptable, fabriquer le doute dans l’esprit des décideurs au nom de la rigueur scientifique et dénigrer les rares experts qui ne leur seraient pas dévoués.
Après ce tableau sinistre, le philosophe Jean-Michel Longneaux (philosophe, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix) ne nous a pas vraiment remonté le moral en rappelant que l’éducation thérapeutique du patient s’inscrit dans un système dominé par un modèle à la fois médical, économique et juridique qui ne laisse guère de place à ceux qui, à contre-courant du discours dominant, veulent donner du sens à la vie du patient.
Mais rassurez-vous, ces journées n’étaient pas sinistres pour autant, et les 8 séminaires, l’atelier et les 3 colloques simultanés montrèrent concrètement que la résistance au modèle biomédical est bien vivante !
Christian De Bock