Septembre 2024 Par Clotilde de GASTINES Initiatives

Mobilisés depuis 18 ans dans cette région enclavée du sud de la Belgique, un grand nombre d’acteurs issus de différents secteurs mutualisent leurs moyens humains et financiers pour renforcer la qualité de vie et le bien-être des habitants. Un tour de force.

pisesem
Page d’accueil du site de la plateforme PISESEM

Dans cette zone, délimitée au nord par la Sambre et à l’est par la Meuse, la population souffre du manque d’infrastructures pour accéder aux services médicaux et sociaux, à l’emploi ou aux lieux de formation, ce qui a un fort impact sur leur santé. Le territoire est encaissé, faiblement peuplé et à cheval sur les provinces du Hainaut et de Namur. Une plate-forme intersectorielle, baptisée PISESEM, y mène des actions de promotion de la santé pour améliorer le bien-être et la qualité de vie des 98 000 habitants.

« Tout a commencé en 2006 », explique Philippe Mouyart, coordinateur du CLPS de Charleroi-Thuin. « Dans le cadre d’un accompagnement de l’ULB, qui a développé le concept de Développement Territorial Local, le CLPS de Charleroi-Thuin a organisé à Chimay un temps de rencontre pour faire prendre conscience des liens qui existent entre la qualité de vie et le développement culturel, social, économique et environnemental. Suite à cette rencontre, les acteurs locaux ont fait le constat qu’ils ont tout à gagner en faisant tomber les cloisons et en renforçant les collaborations entre les secteurs ».

A l’été 2006, le CLPS rassemble 80 acteurs du territoire et dessine des pistes d’actions. Une quinzaine d’entre eux décident de rester mobilisés pour mettre en place des solutions opérationnelles. Progressivement, une plateforme se constitue comme un espace de rencontre, de partage et surtout de mise en réseau entre les différents acteurs de la zone. Elle couvre les cinq communes formant la botte du Hainaut (Beaumont, Sivry-Rance, Froidchapelle, Chimay, Momignies), et les sept communes de l’arrondissement de Philippeville (Walcourt, Cerfontaine, Florenne, Philippeville, Doische, Viroinval, Couvin).

Après plusieurs années de travail, les partenaires ont élaboré un cadre de travail partagé, en rédigeant une charte d’engagement qui définit le cadre de leurs actions. Celle-ci pose une vision globale de la santé comme cadre aux actions. L’objet de la Plateforme est « de contribuer au développement du bien-être et de la qualité de vie des habitants du sud de l’Entre Sambre et Meuse par une démarche intersectorielle dans une perspective de cohésion sociale, de développement local durable, de réduction des inégalités sociales de la santé ».

La plateforme met ainsi la promotion de la santé au cœur de sa dynamique selon deux axes principaux. Il s’agit d’une part de « créer des environnements favorables à la santé : tant physique (nature à préserver, conditions de logement, etc.) que sociaux (conditions de vie, environnement de travail, etc.) en agissant directement et simultanément sur différents déterminants de la santé (mobilité, insertion socio-professionnelle et logement) ».

Et d’autre part, la plateforme vise à « renforcer l’action communautaire en intégrant la participation des habitants dans les groupes de travail mobilité et logement, tout au long du processus ».

Souplesse et mutualisation

Aujourd’hui, la plateforme regroupe entre 60 et 70 services différents, en additionnant les acteurs impliqués dans le comité de pilotage, les plateformes thématiques et les groupes de travail.

Plateforme Pisesem

Pour définir les actions prioritaires à développer, en réponse à des besoins du terrain, les partenaires de la Plateforme organisent régulièrement des présentations de données quantitatives et qualitatives. La dernière présentation a été faite en 2022 (clpsct.org/wp-content/uploads/2022/11/311022-PLS-Sud-ESEM.pdf). Ce sont chaque fois des moments d’échanges qui renforcent les collaborations et qui font naître des projets concrets

Tous les trois ans, une évaluation fait aussi le point sur l’impact des projets et le fonctionnement de la plateforme. La question de se constituer en ASBL se pose de manière régulière, mais pour le moment, la plateforme n’en a pas vu la nécessité. «L’association de fait fonctionne, comme la plateforme n’a pas de locaux, nous tournons sur le territoire », précise Florence Poukens, du CLPS de Namur.

Ce fonctionnement permet d’être en prise avec le terrain et offre une certaine souplesse. Jusqu’à présent la simple mutualisation des ressources a ainsi permis de supporter les coûts, très faibles. Les CLPS de Charleroi-Thuin et de Namur y jouent « un rôle de médiateur pour faciliter les échanges entre les structures, si elles sont concurrentes notamment, ou pour aller au-delà du turn-over qui les fragilise » ajoute-t-elle.

Au titre des réalisations, figure l’asbl MobilESEM. Créée en 2012, elle gère les demandes de soutien à la mobilité. L’objectif est de servir de levier sur ce déterminant très fort de la santé en lien avec de multiples objectifs : se former, travailler, accompagner, avoir des loisirs, accomplir des démarches administratives.  « Les rapports d’activités montrent que le nombre le plus important de demandes de déplacement concernent l’accès aux soins de santé. En second lieu, viennent les demandes pour faire ses courses, puis pour rendre visite à des membres de sa famille », explique Philippe Mouyart. De nombreux ménages, de personnes âgées notamment, sont isolés, comme le précise le portrait socio-démographique, dressé grâce à un partenariat avec l’Observatoire de la santé du Hainaut (voir le lien ci-dessous)

MobilESEM encourage aussi l’activité physique en consacrant une partie de ces activités à la promotion de l’utilisation du vélo et au dessin de nouvelles pistes cyclables.

Les partenaires de la Plateforme s’intéressent également au lien entre le logement et la santé. Dans ce contexte, une APL (Association de Promotion du Logement) vient d’être créée sur le territoire.

En 2023, la plateforme a travaillé sur plusieurs thématiques prioritaires touchant à la santé : santé mentale, accès aux soins de santé, vieillissement de la population et spécificités des publics fragilisés. Les ateliers thématiques ont proposé plus de 70 actions, dont certaines sont en train d’être réalisées. Elles comptent renforcer les compétences des acteurs en santé mentale, travailler sur le sujet de la santé mentale des jeunes, et compléter l’annuaire des professionnel.les du social-santé sur les douze communes concernées. Un groupe de travail prépare également une enquête pour mettre en parallèle les constats des professionnel.les avec ceux des citoyen.nes.

Pour aller plus loin