Janvier 2009 Initiatives

De l’expertise à l’expérience

Dans le cadre de ses activités, Nadja reçoit de nombreux adultes (enseignants, éducateurs, animateurs, intervenants psycho-médico-sociaux) confrontés à des jeunes qui adoptent des conduites addictives (consommation de drogues légales et illégales, rapport problématique au jeu, à la nourriture…).
Leur demande initiale à l’asbl en tant que spécialiste dans le domaine des assuétudes consiste à solliciter une intervention auprès de ces jeunes. En filigrane, ces adultes espèrent que «les experts» de Nadja vont divulguer des informations irréfutables permettant de démontrer le danger des conduites addictives, dont principalement la consommation de drogues.
Or, de nombreuses études ont démontré que les informations centrées uniquement sur les effets des produits ne s’avèrent pas efficaces pour modifier un comportement de consommation. Elles risquent même d’être contre-productives, d’éveiller l’intérêt pour les produits.
Ce savoir sur les produits est certes nécessaire mais doit s’intégrer dans une approche globale de la problématique qui tienne compte du vécu des jeunes et des différents contextes dans lesquels ils évoluent.
Ces adultes qui sont en contact régulier avec les jeunes dans leurs différents milieux de vie sont à même d’établir un dialogue avec leur public, d’aborder la problématique de consommation et d’amener une réflexion sur les conduites à risque. Ils pourront également gérer de nombreuses situations dans les limites de leur fonction. Seules les situations jugées trop complexes nécessitent un accompagnement vers des structures de prise en charge.
Cependant, ces adultes communiquent souvent leur sentiment d’incompétence pour aborder ce thème. Soit ils n’ont jamais expérimenté de drogues et se sentent démunis pour délivrer des informations; soit ils en ont fait l’expérience lorsqu’ils étaient adolescents et se sentent mal à l’aise pour donner des conseils.
Ils soulignent également le manque d’aide méthodologique actuellement accessible et le manque de temps pour pouvoir se former.
C’est à ce stade que «Mille facettes» intervient pour donner à ces adultes relais les moyens pour atteindre leurs objectifs.
«Mille facettes» est un outil pédagogique, dont la forme souple, attractive et évolutive constitue un nouveau point d’appui pour accompagner les adultes dans leur rôle d’acteurs de prévention en matière d’assuétudes.
Cet outil aidera l’animateur à ouvrir le dialogue avec les jeunes, depuis la fin de l’enseignement primaire jusqu’à la fin des humanités, en situant l’usage de produits psychotropes dans leurs préoccupations et motivations de jeunes.
Les thèmes développés jettent un pont entre les générations en recadrant la consommation de produits psychotropes dans diverses facettes de toute expérience humaine: la dépendance, la modification de conscience, le rapport aux normes, l’appartenance à un groupe, etc.

Nadja, trente ans d’expérience

L’asbl Nadja a vu le jour en 1978 et s’est spécialisée dans l’information, la prévention et le traitement des dépendances. Ses activités se développent autour de trois services:
-un centre de documentation (qui regroupe plus de 8000 références, et est ouvert aux professionnels comme au grand public);
-un service de traitement (consultations destinées aux consommateurs en difficulté ainsi qu’à leur entourage, formations et supervisions de professionnels);
-un service de prévention qui entend promouvoir le rôle actif de chacun (adultes et jeunes) face à la problématique des dépendances. Les adultes présents dans les différents lieux de vie des jeunes (familles, maisons de jeunes, mouvements de jeunesse, AMO, institutions scolaires…) sont en effet des acteurs privilégiés pour les aider à devenir responsables de leurs choix. Ils les connaissent, ont l’habitude de dialoguer avec eux, de les épauler, afin de leur offrir des lieux structurants et de les aider à se construire. La mission de l’asbl consiste donc à renforcer leurs compétences et à les outiller pour qu’ils se sentent à l’aise pour aborder les dépendances avec les jeunes qu’ils côtoient.
Ces trois services partagent une lecture commune de la problématique des assuétudes fondée sur les théories de la communication, qui imprègne les différents axes de travail (préventif, curatif) de Nadja.
Tous les comportements que nous adoptons sont en lien avec ce que nous pensons et ressentons, ils témoignent de ce qui est important pour nous, à un moment précis, dans un contexte donné.
Consommer une drogue est envisagé en tant que comportement humain qui exprime un sens spécifique pour la personne qui y recourt. Celle-ci cherche à obtenir ou préserver ce qu’elle juge important pour elle, à ce moment de son évolution. Si elle n’envisage aucun autre choix satisfaisant, la consommation risque de devenir systématique jusqu’à se transformer en dépendance.
Selon cette lecture, toute réflexion sur les assuétudes se porte sur le sens que peut revêtir l’usage d’un produit, pour un individu, dans un certain milieu de vie. La prévention ne consiste dès lors ni à lutter contre les drogues pour les éradiquer, ni à se focaliser sur les produits ni à essayer d’isoler l’un ou l’autre facteur de vulnérabilité.
Elle ouvre le dialogue sur la recherche de chaque être humain pour accéder au bien être , donner un sens à sa vie, au travers des relations qu’il tisse avec les autres et des multiples événements qui viennent se greffer dans son quotidien. Il ne s’agit pas de préconiser un code détaillé des bonnes ou mauvaises attitudes à adopter mais de susciter l’apprentissage de choix de vie épanouissants, de favoriser l’acquisition de ressources qui permettent à chacun de trouver son identité.
Dans cette optique, toute intervention préventive s’inscrit dans un cadre de communication.
La prévention la plus efficace se vit au quotidien. Elle s’intègre à la vie familiale dès le plus jeune âge. Et plus tard à la vie scolaire puis professionnelle. Les artisans de cette prévention «primordiale» ne sont autres que les adultes qui entourent habituellement les jeunes (parents, éducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, responsables et animateurs de mouvements de jeunesse…).
Le travail du service prévention de l’asbl Nadja consiste principalement à accompagner les adultes dans leur rôle d’acteurs de prévention, dans leur cadre de vie, par le biais d’informations, de formations, d’aide méthodologique dans la réalisation de projets…

Les jeunes, acteurs de leur santé

L’objectif de «Mille facettes» consiste à favoriser la communication des jeunes avec les adultes qui les entourent; à les amener à découvrir les différents aspects de leur identité (polarités); à identifier leurs besoins, valeurs, motivations, émotions et sentiments; à analyser leurs comportements et attitudes; à donner sens aux conduites qu’ils adoptent; à développer une image valorisante d’eux-mêmes; à s’exprimer; à s’intégrer dans un groupe en affirmant leur individualité et en respectant la différence de chacun; à apprendre à vivre ensemble dans l’écoute de chacun; à intégrer des repères internes et à donner sens aux limites extérieures; à concevoir des projets de vie; à s’engager dans la réalisation de projets collectifs.
Bref, l’objectif consiste à développer des compétences transversales utiles dans tous les domaines de la vie en plus de connaissances et compétences directement liées à la problématique des assuétudes.
Il s’agit donc d’inciter les jeunes à être acteurs de leur santé et de leur bien-être; à participer à des projets collectifs; et de leur faire acquérir un savoir objectif et critique sur les assuétudes.

«Mille facettes» , théorie et pratique

La partie théorique aborde les connaissances nécessaires concernant:
-la problématique des assuétudes, à savoir les différents facteurs impliqués dans l’interaction P-I-E: «Produit – Individu – Environnement» .
Tous les comportements que nous adoptons (dont la consommation de Produits ) sont en lien avec ce que nous pensons et ressentons (notre Individu alité), ils témoignent de ce qui est important pour nous, à un moment précis, dans un contexte donné ( Environnement );
-la démarche préventive appliquée aux assuétudes dans une optique de promotion de la santé .
Promouvoir la santé, c’est agir sur les différents facteurs (comportementaux et environnementaux) qui la déterminent. Dans cette optique, la santé n’est pas synonyme d’absence de symptômes, de maladies mais d’un équilibre et d’une harmonie de toutes les possibilités de la personne humaine (biologiques, psychologiques, sociales). Cet équilibre exige la satisfaction des besoins fondamentaux (nourriture, toit, éducation, liens affectifs, insertion sociale…) et l’adaptation sans cesse réajustée à un environnement en perpétuelle mutation (Université Sabatier de Toulouse, 1983);
-les règles de base de l’utilisation des outils de prévention.
La partie pratique est constituée de 4 grands thèmes qui peuvent être abordés de deux manières.
Soit en partant directement des 4 grandes classifications des produits psychotropes évoquées par la documentation spécialisée (classification selon les effets psychiques, physiques qu’ils procurent; selon la dépendance psychique, physique, la tolérance qu’ils déclenchent; la classification drogues dures et douces qui débouchent sur la notion d’usage dur et doux; la classification selon le statut légal). Elle souligne les problèmes inhérents à ces classifications, pour déboucher sur les facettes de l’expérience humaine qu’elles interrogent.
Soit en partant de 4 facettes de l’expérience humaine pour y inscrire la consommation de drogues et les assuétudes (la recherche de la modification de conscience, la dépendance, la prise de risques, le rapport au groupe, aux normes, à la société).
Le guide n’impose donc pas un schéma obligatoire. Il est conçu pour permettre à l’animateur de choisir le thème à débattre en fonction de ses préoccupations et de celles des jeunes.
Chacun des thèmes est développé pour l’animateur avec les objectifs de l’animation. Plusieurs fiches-outils détaillées permettent d’aborder ces thèmes en animation.
Une feuille de route permet à l’animateur d’évaluer son animation et aux jeunes d’intégrer les acquis du dialogue.

Deux formations permettent de s’approprier l’outil

Les sensibilisations «Mille facettes» à destination des intervenants (qui vont utiliser directement l’outil avec des jeunes) et des centres documentaires .
Il s’agit d’une sensibilisation aux principes théoriques et à la manipulation de «Mille facettes». Elle s’effectue en 2 séances de 3 heures.
Première séance
– Aborder les connaissances théoriques en matière d’assuétudes;
– Aborder une démarche de promotion de la santé appliquée aux assuétudes;
– Aborder les règles de base de l’utilisation des outils de prévention.
Deuxième séance
Initiation à l’utilisation du guide «Mille facettes» (découverte des fiches-outils, mise en situation…).
La formation accompagnateur «Mille facettes» pour les intermédiaires (qui eux-mêmes vont former des intervenants de première ligne).
Cette formation est dispensée par Nadja et comprend le cycle de base «Communication et Assuétudes» ainsi que les principes théoriques et la manipulation de «Mille facettes». Elle s’étale sur cinq journées.

Un outil demandé et évolutif

Dès sa sortie de presse, «Mille facettes» a suscité l’intérêt de différents acteurs de première comme de seconde ligne. Des demandes de formations mais aussi d’échanges de pratiques autour de l’outil ont émergé de ces deux types d’acteurs.
Ce sont les raisons pour lesquelles un réseau d’acteurs de deuxième ligne, formés à l’utilisation de l’outil, diffuse aujourd’hui localement ce dernier et assure des formations régionales.
A côté de ce réseau d’échange, les futurs utilisateurs auront également, en plus de la possibilité de se former localement à l’utilisation de l’outil, celle de participer à des journées de rencontre et d’échange entre utilisateurs de terrain.
Cet outil est évidemment appelé à évoluer sur base des commentaires et évaluations de ses utilisateurs ainsi que des partenaires du réseau «Mille facettes». Des rencontres régionales permettront aux utilisateurs qui le souhaitent de rencontrer d’autres utilisateurs, d’échanger leurs pratiques et expériences.

Concrètement

«Mille facettes» n’est pas un traité, c’est un guide d’animation. On l’obtient au terme d’une sensibilisation de 6h, effectuée auprès d’un des partenaires du réseau «Mille facettes». Il est en vente au prix de 50€.
Pour connaître les coordonnées des partenaires du réseau «Mille facettes» sur votre territoire et/ou vous former à l’utilisation de cet outil, ou pour en savoir plus sur le projet, contactez Dominique Humblet, Nicole Sténuit, ou Anne-France Hubaux à l’asbl Nadja, rue Souverain Pont 56, 4000 Liège.
Tél.: 04 223 01 19. Ou visitez le site internet http://www.nadja-asbl.be