En l997, la Communauté française adoptait une position novatrice en Europe, en organisant un cadre légal pour développer une politique de promotion de la santé. Le décret, tout en donnant naissance à une organisation structurelle, prévoit également de se mettre à l’écoute de la population et de nombreux acteurs de terrain. Ceux-ci sont invités à développer des projets en bénéficiant d’une procédure de subventionnement et d’accompagnement.
Ces dernières années, une part importante des budgets destinés à promouvoir la santé a été consacrée à de coûteux programmes de médecine préventive, essentiellement des campagnes de dépistage et de vaccination. Ces approches sont certes utiles, et l’on ne peut que déplorer la minceur des budgets consacrés à la prévention en regard de ceux qui sont attribués au domaine curatif; toutefois, le financement de ce type d’action absorbe aujourd’hui une part trop grande des maigres budgets alloués à la promotion de la santé.
Il ne faut pas méconnaître la dimension idéologique de ces choix: la médecine, tant curative que préventive, a montré ses limites, particulièrement en ce qui concerne la réduction des inégalités sociales face à la santé, qui ne cessent de croître, en Belgique comme partout dans le monde. C’est précisément pour lutter contre ces inégalités que la promotion de la santé propose une approche qui dépasse la médecine.
Toutes les recherches montrent que, même lorsque les services de santé sont financièrement accessibles, les personnes socialement défavorisées sont en moins bonne santé que les autres et meurent plus jeunes; les analyses les plus récentes confirment que ces écarts se creusent de plus en plus.
«L’injustice sociale tue à grande échelle», clamaient en septembre 2008 les auteurs d’une étude réalisée par la Commission des déterminants de la santé installée à l’OMS en 2005. Ce cri d’alarme précise que «la répartition inégale des facteurs qui nuisent à la santé n’est en aucun cas un phénomène naturel. Elle résulte des effets conjugués de politiques et de programmes sociaux insuffisants, de modalités économiques injustes et de stratégies politiques mal pensées».
Les facteurs qui influencent la santé échappent donc en grande partie à l’action des services de santé: l’environnement, les conditions de travail et de logement, l’insertion dans un réseau social, l’instruction, les disponibilités financières permettant l’accès, non seulement aux soins mais aussi à la culture, au loisir, à l’activité sportive… tout cela détermine fortement la santé.
En l986, à l’initiative de l’OMS et en accord avec de nombreux pays, la Charte d’Ottawa actait l’importance et l’urgence d’une nouvelle approche, déjà mise en œuvre par certains acteurs de terrain, face à ces nouveaux défis: la promotion de la santé. Cette approche s’inscrit dans une perspective de justice sociale et d’équité, et vise à réduire les inégalités sociales en matière de santé.
Elle repose sur une vision globale et intégrée de la santé: la santé a des dimensions physiques, psychologiques et sociales, ce n’est pas seulement une juxtaposition de «non-maladies»; la santé est définie comme un équilibre dynamique, une ressource globale qui permet à la personne de se réaliser, aux communautés humaines de se développer. La promotion de la santé prend dès lors en compte des enjeux tant collectifs qu’individuels, visant à agir sur l’ensemble des facteurs qui conditionnent la santé.
Le courant de la promotion de la santé considère aussi que la personne et la communauté locale dans laquelle elle s’inscrit sont des acteurs-clé de leur propre santé, et non de simples «consommateurs», comme c’est trop souvent le cas dans les services de santé.
Les professionnels sont invités à se mettre à l’écoute et au service du public pour co-construire avec celui-ci les conditions d’une amélioration de la santé; cette réflexion sous-tend un concept central en promotion de la santé, celui de participation.
Les professionnels de santé ne sont donc plus considérés comme les seuls acteurs compétents en matière de santé, et les services de soins ne sont plus les seuls lieux où se joue la santé: l’école, l’entreprise, le quartier, et tous les acteurs impliqués dans la vie sociale, dans les trajets de vie des personnes et des groupes, jouent tous un rôle dans la santé.
C’est pourquoi la promotion de la santé vise à susciter l’action concertée et intégrée de la population elle-même, et des travailleurs, mais aussi des responsables politiques agissant dans une grande diversité de secteurs. Une telle démarche s’appuie évidemment sur des valeurs et une politique favorisant la dignité humaine et la solidarité sociale et économique.
La promotion de la santé n’est pas l’affaire d’un petit monde à part. Le défi à relever, pour les politiques et les travailleurs, est de construire les conditions d’une réflexion transversale et d’une coopération intersectorielle effective. Nous voulons espérer que les différents partis politiques se saisissent de cette question, se décident à mener un véritable débat de fond, et aménagent pour les travailleurs de la promotion de la santé et le futur ministre de tutelle des conditions favorables à la poursuite de ce chantier. La promotion de la santé en Communauté française doit être préservée, mais également renforcée.
Signataires: REPèRES asbl; Dr Catherine Markstein , asbl Femmes et santé; Entr’aide des Marolles asbl; Nathalie Ramon , maître en Santé publique – Promotion de la santé; Martin De Duve , directeur d’Univers santé; Danielle Piette , professeur à l’École de Santé publique, ULB; Alessia Saldarelli , coordinatrice Plateforme Santé Ville de Mons; Sylvie Carbonnelle , Centre de Diffusion de la Culture sanitaire et ULB; Catherine Vanandruel pour «Les clowns à l’hôpital»; Martine Jeunehomme , licenciée en Kinésithérapie et Santé publique; Geneviève Houioux , Promoteur de santé, maître d’enseignement ULB-PROMES; Jeunesse & Santé asbl; Raffaele Bracci , coordinateur du Centre verviétois de promotion de la santé asbl; Marie – Claire Dieu , psychologue; Catherine Spièce , responsable du service Promotion de la santé Union nationale des mutualités socialistes; Nadine Anceaux , médecin PSE – Verviers; Catherine Végairginsky pour le Centre local de promotion de la santé de Bruxelles (CLPS); Focus Fibromyalgie Belgique asbl; Caroline Petiaux , coordinatrice du Réseau SMES-B; PSE – Lux , Service de promotion de la santé à l’École – Province de Luxembourg; Charles Lejeune , Fédération des Centres de Service Social; le Centre local de promotion de la santé du Luxembourg ; Christian De Bock , rédacteur en chef Éducation Santé ; Benoît Dadoumont , travailleur CLPS; le Service Prévention Tabac du Fonds des Affections respiratoires ; Emmanuelle Caspers , formatrice en promotion de la santé; Philippe Bastin pour Infor-Drogues asbl; la Plateforme Prévention Sida ; Namur Corral et Nathalie Thomas , psychologues de l’équipe communautaire du SSM Le Méridien.
Ce texte est publié également par ‘Santé conjuguée’, la revue de la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones