Juin 2004 Par M. SZNAJDER M.-C. VAN BASTELAER Martine BANTUELLE Initiatives

Evaluation d’un processus d’implantation d’une trousse de sécurité

Situation épidémiologique des traumatismes en Belgique

En Belgique, les accidents sont la première cause de mortalité chez les enfants de moins de 15 ans (1). De ce point de vue la situation est comparable avec celle des autres pays industrialisés.
En 1997, le pourcentage de décès par accidents non liés au transport était de 26% chez les enfants entre 1 et 4 ans, 19% chez les enfants de 5 à 9 ans et 10% chez les 10-14 ans (2).
Les accidents mortels chez les bébés sont surtout dus aux suffocations. Chez les enfants de 1 à 4 ans, un tiers des décès est causé par les noyades et le reste par les incendies, les inhalations d’objet, les intoxications et les chutes.
Au-delà de 5 ans, les noyades comptent pour la moitié des décès, l’autre moitié concerne les chutes et les incendies (3).
Il n’est pas facile d’intervenir pour faire diminuer l’incidence des traumatismes chez les enfants, en particulier l’incidence de ceux qui surviennent à domicile. Le seul fait d’augmenter les connaissances des parents sur la sécurité domestique n’est pas suffisant pour modifier les comportements. Il est nécessaire d’envisager une stratégie multifactorielle mettant en place plusieurs actions complémentaires.
Une intervention de prévention des traumatismes à domicile a été réalisée en Belgique, intervention s’intégrant dans une coopération France – Belgique – Québec. En effet, une action similaire était menée en France et au Québec.

Intervention pilote dans la commune de Fontaine-l’Evêque

Objectif

L’objectif général du projet était de diminuer l’incidence des accidents domestiques chez les enfants de 6 à 18 mois. Plus spécifiquement, le projet visait à amener les parents à modifier leurs comportements et à adapter la maison à des normes d’environnement plus sûr. Le second objectif était de permettre aux travailleurs médico-sociaux d’aborder plus concrètement la prévention des accidents chez les enfants.

Public visé

Familles de faible niveau socio-économique ayant des enfants de moins de 2 ans.

Description de l’intervention

Cinq actions conjointes font partie de l’intervention:
– réalisation de visites à domiciles;
– remise d’une trousse de sécurité aux familles;
– délivrance de conseils sur la sécurité des enfants;
– remise de brochures sur les thèmes de sécurité domestique;
– évaluation quantitative et qualitative.
Deux visites à domicile espacées de 6 à 8 semaines ont été organisées dans 46 familles de la localité de Forchie-la-Marche, une des trois localités qui composent la commune de Fontaine-l’Evêque. Lors de la première visite, ces familles ont reçu une trousse de sécurité contenant du matériel de sécurité et des brochures.
Le matériel, d’une valeur de 30 euros, a été donné gracieusement aux familles par l’administration communale. La trousse comprenait un détecteur de fumée; un bloque porte; des bloque-tiroirs; une bande de fermeture pour le réfrigérateur; un tapis de bain antidérapant; un bloque électroménager; un protège-bec de robinet; un bloque-poignée; des crochets bloque-placards, tiroirs, fenêtres et portes; des coins de protection à poser sur les meubles et 6 brochures sur l’enfant et la sécurité domestique.
La démarche de conseil et de remise des trousses aux familles a été réalisée par les travailleuses médico-sociales de l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE), par le Service de gardiennes encadrées ‘Le Cerf -volant’, par la Cellule Prévention et le Service santé de l’administration communale.
Lors d’une première visite, le personnel aidait les familles à identifier les situations à risque au domicile à l’aide d’un questionnaire, remettait la trousse de sécurité en fournissant des explications sur l’installation du matériel contenu dans celle-ci et enfin précisait les changements à apporter aux situations à risque relevées.
Au cours de la seconde visite, les situations à risque ont été à nouveau évaluées à l’aide du même questionnaire.
Un travail similaire a été conduit en parallèle dans 25 autres familles durant la même période. Ces familles ont également été visitées mais sans recevoir la trousse de sécurité. Elles ont simplement reçu les brochures sur l’enfant et la sécurité domestique ainsi que des conseils sur la prévention des traumatismes. Une évaluation des situations à risque a aussi été réalisée à l’aide du même questionnaire, lors de la première visite afin d’amener les familles à identifier les situations à risque et lors de la seconde visite afin d’observer les modifications éventuellement apportées. Ce deuxième groupe jouait donc le rôle de ‘groupe témoin’
Au total 71 familles ont donc participé à cette recherche.

Evaluation de l’intervention

L’évaluation comprenait deux volet: une évaluation quantitative visant à objectiver l’effet de la trousse sur les comportements sécuritaires des familles et une évaluation qualitative visant à mettre en évidence la satisfaction des familles et des travailleurs médico-sociaux.

Evaluation quantitative

La comparaison entre les deux groupes montre essentiellement qu’entre les deux visites il y a eu globalement plus d’améliorations des situations considérées à risque dans le groupe qui a reçu la trousse que dans le groupe témoin, sans trousse. Plus particulièrement, pour les situations à risque de chute, de brûlure et de blessure il y a une différence statistiquement significative de changements entre les deux groupes.
Les améliorations apportées concernaient aussi bien les situations à risque pouvant être modifiées par les matériels contenus dans la trousse que les situations qui n’ont rien à voir avec ces matériels (rangement des allumettes et briquets par exemple).
La remise d’une trousse de sécurité domestique permet donc non seulement de renforcer la prévention passive des accidents domestiques mais aussi d’induire un comportement de sécurité significativement plus important que par la seule délivrance de conseils et l’appui pédagogique de brochures remises à l’occasion d’une visite à domicile.
L’évaluation quantitative a donc montré un ‘effet trousse’.

Evaluation qualitative

Auprès des familles
L’initiative a été très appréciée par les familles. Elles ont reçu du matériel efficace et de bonne qualité. Le fait que cette démarche soit communale est très satisfaisant pour les familles. Ces dernières avaient le sentiment que l’administration communale s’intéresse à leur sécurité. De plus les familles se sentaient valorisées par le fait qu’on leur demande leur avis sur le projet et le matériel fourni. Elles ont relevé, entre autres, quelques problèmes techniques: les objets de la trousse ne sont pas tous adaptés, certains sont difficiles à placer (les crochets) et d’autres détériorent le mobilier (le vissage des taquets anti-chute de tiroir).
Auprès des intervenantes à domicile
Deux groupes focalisés ont été réalisés avec les intervenantes à domicile. Il en ressort que cette intervention a des effets à trois niveaux: sur l’institution, sur les pratiques professionnelles et s la mobilisation communautaire.
Concernant l’institution, l’intervention donne une autre image des services. Par exemple le personnel de l’ONE n’est plus perçu comme ‘contrôleur’ mais comme ‘soutenant’. Elle permet aussi un repositionnement des missions de chacun.
Par rapport aux pratiques professionnelles, du temps a été rendu disponible pour approfondir un sujet; une réflexion commune a été élaborée entre professionnelles sur une démarche: son sens, ses objectifs, le rôle et les moyens de chaque service; enfin, on a observé une relation modifiée, plus positive, avec les familles.
Quant à la mobilisation communautaire, les acquis sont un questionnement des autres professionnels, un partenariat durable entre les services, une valorisation des familles par la participation au processus.
L’évaluation qualitative montre que l’ ‘effet trousse’ est dû à l’intérêt que le matériel de sécurité suscite parmi les familles, à l’image positive que l’apport du matériel a suscité vis-à-vis des intervenantes, à la motivation que cet apport concret aux familles a induit parmi elles et au travail de préparation du projet mené en commun.

Conditions de réussite de l’intervention

Un certain nombre de facteurs facilitants ont été identifiés:
– l’information de la communauté et la participation des familles;
– l’aide au placement des matériels dans la maison;
– la rétro-information de l’analyse des résultats des évaluations.
Les conditions de réussite de la mise en œuvre permettant d’atteindre les objectifs concernant l’organisation elle-même, le matériel mis à disposition des familles et l’action des intervenantes.
L’ organisation doit disposer d’un service ayant un programme de visites à domicile, d’un coordonnateur de projet, d’un budget pour financer les trousses, avoir une capacité de gestion des matériels contenus dans la trousse et mener l’intervention de manière ciblée, préférentiellement lorsque les enfants ont entre 6 mois et 1 an, c’est-à-dire une période durant laquelle les parents sont interpellés par la problématique des accidents.
Le matériel doit être gratuit, facile à installer et solide, sûr et adapté aux meubles et aux éléments de constructions des habitations.
Les intervenants doivent avoir une bonne connaissance de la promotion de la sécurité et de la prévention des traumatismes, une bonne connaissance du matériel proposé et des conditions de son utilisation, une attitude de dialogue, une motivation personnelle pour l’intervention.

Perspectives d’avenir

Cette recherche a montré l’intérêt de fournir gratuitement du matériel de sécurité aux familles ayant des jeunes enfants. Un ‘effet trousse’ a en effet pu être mis en évidence: les parents ayant reçu la trousse ont adopté davantage de comportements de sécurité. Ces résultats plaident en faveur de l’extension de l’implantation de la trousse de sécurité. Les conditions de faisabilité d’une telle entreprise devraient être alors explorées.
Martine Bantuelle , Educa-Santé, Marc Sznajder , Hôpital Ambroise Paré, Marie Christine Van Bastelaer , Educa-Santé
Adresses des auteurs:
Educa-Santé, avenue Général Michel 1b, 6000 Charleroi
Hôpital Ambroise Paré, Service de santé publique et information médicale, 9 av. Charles de Gaulle, 92100 Boulogne (France)
(1) PROMES – Université libre de Bruxelles – Educa-Santé, ‘Accidents domestiques, la situation épidémiologqie en Belgique’, Santé Pluriel, 1992, 7&8.
(2) Institut de Santé Publique, Standardized Procedures for Mortality Analysis, [L]htpp://www.iph.fgov.be/sasweb/spma/spma.htm[/L]
(3) Prévention et petite enfance, ONE; 1997, p 266-267
D’après les données du système EHLASS 1998