Parallèlement à l’enquête réalisée auprès de patients, la Fédération belge contre le cancer a commandé une revue de la littérature scientifique internationale sur le thème Cancer et qualité de vie.
En guise de préface à cette recherche, Jan Foubert , infirmier-chef de service à l’Institut Bordet, met en évidence plusieurs difficultés: la définition parfois floue ou subjective de ce que l’on entend par «qualité de vie», le nombre encore trop limité de travaux disponibles, le caractère difficilement comparable des études entre elles et les situations très différentes selon la forme de cancer dont les patients sont atteints…
Jan Foubert, toutefois, se veut encourageant: des outils standardisés de mesure de qualité de vie ont été développés et ils devraient permettre de progresser rapidement dans ce domaine. Pour autant, bien sûr, qu’on veuille bien les utiliser.
Une notion relative…
Analysant la littérature spécifique, Jan Foubert remarque que la qualité de vie reflète la différence entre les attentes d’une personne et l’expérience qu’elle vit. Rien d’étonnant donc à ce que les personnes atteintes de pathologies menaçantes pour leur vie (le cancer ou le sida, par exemple) ne définissent pas la qualité de vie comme les instruments destinés à mesurer la qualité de vie à l’aune de la santé.
Ces instruments accordent, par exemple, une place beaucoup plus restreinte aux questions existentielles que celle que leur réservent les malades du cancer. La perception de l’existence est modelée par les objectifs, les attentes, les préoccupations de chaque individu, mais elle ne peut être dissociée du contexte culturel où il évolue, avec ses valeurs et ses normes. Le point de départ d’un essai clinique doit donc être la survie du patient puis la manière dont il « fonctionne » et, enfin, la manière dont il se sent. Il n’existe donc pas d’instrument de mesure idéal de la qualité de vie. Néanmoins un bon instrument de mesure sera simple à comprendre, n’exigera pas plus de dix minutes de réponse, ne contiendra pas plus de trente questions et sera complété par le patient lui-même.
…et fonction des pathologies
Bien sûr, la notion de qualité de vie est vécue différemment selon le type de cancer dont souffrent les patients interrogés. Les hommes atteints d’un cancer de la prostate ont souvent une bonne espérance de vie, mais les traitements qu’ils subissent entraînent souvent des effets secondaires pénibles: problèmes urinaires et sexuels ou problèmes intestinaux selon les traitements. Ces perturbations causent inquiétudes et tracas et diminuent la qualité de vie. Les tumeurs de la tête et du cou entraînent elles aussi des conséquences négatives pour la qualité de vie.
Globalement, les femmes ont tendance à poser plus de questions que les hommes. De même, les patients les plus instruits osent interroger davantage. De plus, certains médecins se limitent à interroger les patients sur leurs symptômes physiques. L’activité quotidienne et la douleur sont souvent évoquées, la fatigue moins souvent et les aspects psychosociaux sont souvent passés sous silence.
Enfin, la qualité de vie en fin de vie obéit à des règles spécifiques. Des troubles fonctionnels et une augmentation de certains symptômes (fatigue, malaise généralisé, statut émotionnel) sont observés au cours des deux dernières semaines. Certains symptômes (problèmes gastro-intestinaux, douleur) peuvent être contrôlés. Dans le cadre des soins palliatifs, les différentes interventions sont autant de composantes de la qualité de la vie.
Qualité de vie des enfants malades
Jan Foubert signale que la qualité de vie des enfants ayant eu un cancer est un nouveau domaine de recherche. Une attention toute particulière est accordée à ceux qui ont surmonté une leucémie ou une tumeur cérébrale. Les premières études indiquent que la majorité de ces enfants sont en bonne santé, ont un statut psychosocial et une vie sociale et sont capables de vaquer à leurs activités quotidiennes.
Mais elles constatent aussi un certain nombre de problèmes mineurs comme un déficit cognitif après une tumeur cérébrale, l’angoisse d’une rechute après une thérapie lourde et une greffe de moelle osseuse autologue, la présence de la douleur. De plus, les résultats des études ne permettent pas de dire si c’est l’enfant lui-même ou un membre de son entourage qui a répondu au questionnaire. Or ce point est important car les difficultés émotionnelles sont souvent sous-estimées par des tiers et, en ce qui concerne la santé physique, le score attribué par les parents est généralement plus mauvais que celui attribué par les enfants eux-mêmes.
Jan Foubert insiste sur l’importance de multiplier de telles études afin d’optimiser les traitements actuels et de développer des interventions de mieux en mieux adaptées, de mieux comprendre les besoins de la famille et des proches des enfants malades.
Il conclut en rappelant que «le traitement du cancer va au-delà du simple traitement du cancer en tant que maladie» et note que «la guérison des patients ou la prolongation de leur durée de vie se mesure en terme de statistiques, mais pour le patient, cette réalité signifie bel et bien «continuer» à vivre avec le cancer et non être une fraction d’un pourcentage».
A.M. P. “Revue de la littérature relative à la qualité de vie chez les patients cancéreux” par Jan Foubert, infirmier – chef de service, responsable de la consultation axée sur la problématique de la fatigue à l’Institut Jules Bordet (Bruxelles). Rapport disponible à la Fédération belge contre le cancer. Internet: http://www.cancer.be