Septembre 2004 Par Véronique JANZYK Lu pour vous

Philippe Labro, homme aux facettes multiples, journaliste, écrivain, homme de cinéma, raconte sa dépression dans «Tomber sept fois, se relever huit».
Pour Philippe Labro, le cauchemar a commencé par des nuits interminables passées le corps en sueur, par la sensation d’un hématome sur la cage thoracique. La broyeuse, la bétonneuse qui sépare volonté et désir , le boa , le crabe , comme il nomme tour à tour la maladie, sont en marche. Il croira d’abord à des problèmes purement physiologiques. Est-ce ignorance, orgueil? Il continue à prendre le chemin du travail. Là, rapidement on l’estime fini. Les soutiens sont rares, mais précieux. Identifiée tardivement, la pathologie sera difficilement apprivoisée à coup d’antidépresseurs.
Malgré le traitement, la situation semble s’aggraver. « Les effets secondaires sur la notice , ce sont les symptômes .», raconte l’auteur. Il faudra oser tâtonner avec le médecin pour trouver le traitement approprié, et y ajouter l’aide de l’amitié et de l’amour: « J’ai été aimé et aidé ; un médicament a parfaitement convenu ; le temps a œuvré ; j’ai fait le reste .» Le reste étant notamment se pencher sur des épisodes de vie, au nombre de sept, qui ont pu à la fois préparer le terrain pour la dépression et préparer le patient à l’affronter.
Si Philippe Labro décortique le parcours vers la dépression situationnelle qu’il a vécue et qui semble due tout à la fois à l’envie et au refus du fauteuil présidentiel de RTL, il reconnaît la « part de mystère dans la maladie ». Il réhabilite les émotions: « À tort ou à raison je crois que nous possédons une dose incalculable de ressorts internes , de mécanismes salvateurs . Il y a au fond de nous dans les couches sédimentaires de notre identité une capacité de volonté , un noyau dur de respect de soi , une notion de dignité qui n’est pas éloignée de l’orgueil , la fierté d’être ce que l’on est . Ces réflexes ne sont pas rationnels et je les assimilerais plutôt à des émotions , mais on peut aussi estimer que les émotions fondent notre conscience et notre âme et interviennent à un moment ou un autre sans que nous ayons décidé d’aller les chercher .» Pour lui, les mécanismes salvateurs, les réflexes de résistance, les pensées positives se sont mises en route autour d’une cuillère de confiture, d’une jupe rouge, d’un parfum capiteux ou d’une intimité violée à l’hôpital.
Philippe Labro a écrit pour partager son expérience avec « ceux qui sont entrés dans la nuit du corps et de l’âme ». Il faut, écrit-il, oser parler des premiers symptômes avec le médecin parce qu’ils lui parleront, oser dire ses réticences, ne pas avoir peur de choquer. Se faire violence, se forcer à manger, à boire, même quand l’appétit et la soif ont disparu. L’épreuve ne fut pas vaine. Elle a apporté modestie, distance. Il faudra les cultiver, pour « ne pas oublier les moments de vérité , les révélations de qui est vraiment qui , qui vaut vraiment quoi .» Aujourd’hui, parfaitement guéri, Philippe Labro est sûr de ne « plus permettre cette chose » parce qu’aujourd’hui, les premiers symptômes, il les reconnaîtrait…
VJ
Philippe Labro, Tomber sept fois, se relever huit, Albin Michel, 320 pages, 2003.