Mars 2012 Par Gaëtan ABSIL Chantal VANDOORNE Réflexions

Nous adressons nos remerciements à l’équipe de Pipsa qui nous a donné l’occasion de formaliser cette réflexion. Cet article doit aussi son développement aux participants des ateliers qui ont contribué à concrétiser son propos à l’occasion des 10 ans de Pipsa, et à une relecture attentive de Catherine Spièce.

Introduction

Cet article reprend et développe les arguments présentés à l’occasion de la plénière pour les 10 ans de Pipsa (23 novembre 2010) qui avait pour titre ‘Les inégalités sociales de santé. L’outil pédagogique : la scie pour les réduire ou le marteau pour mieux les fixer?’. C’est pourquoi la question des apprentissages dans le cadre du jeu est mise en perspective avec celle de la Réduction des inégalités sociales de santé (RISS). L’article s’intéresse à la place de l’éducation dans la RISS, et propose des pistes pour questionner «le jeu» et construire un avis d’expert sur celui-ci. Comment le jeu en animation peut-il agir pour réduire les inégalités sociales de santé? Comment la réflexion sur les ISS influence-t-elle l’utilisation du jeu dans le cadre d’animations? Comment exploiter une critique du jeu pour amorcer une discussion sur les inégalités sociales de santé? Comment utiliser l’analogie entre jeu et jeu social pour mettre en évidence les processus macro et micro sociaux favorisant les inégalités sociales de santé?
Avant de répondre à ces questions, nous abordons de manière synthétique les éléments de définition des inégalités sociales de santé et du jeu qui servent de point d’appui à l’argumentation. Ensuite, nous développerons l’idée que le jeu, comme outil, se situe à l’intersection de plusieurs cadres d’apprentissage.
Afin de favoriser une mise en pratique, le lecteur trouvera des liens entre les arguments de cet article et les critères de la «grille d’analyse PIPSApes» (cette dernière est téléchargeable à l’adresse http://www.pipsa.be/medias/outiltheque/comment/Grille_%20analyse_PIPSAv.pdf ).
Les inégalités sociales de santé (ISS) en bref

Comme beaucoup de concepts, celui des ISS tend à se disperser au fil des publications. Dans le cadre de cet article, nous nous contenterons d’en rappeler quelques aspects fondamentaux.
Le terreau des ISS se situe dans le champ social. Il pose la question des déterminants qui expliquent comment des inégalités entre des groupes sociaux influencent leur état de santé. Les inégalités sont des produits de la société, de son organisation et de ses acteurs, elles sont socialement construites et produites. Les mécanismes de construction des ISS interviennent à plusieurs niveaux: à l’échelle macro sociale (causes économiques, structurelles), méso sociale (les institutions) et micro sociale (les interactions entre les individus et les groupes comme l’accueil des étrangers aux guichets d’une commune). Puisque les inégalités sont socialement construites, elles ne sont pas inéluctables. Le changement est possible. En particulier, l’éducation est vue comme un puissant levier pour la réduction des ISS. Dans cette optique, elle doit être envisagée à la fois à l’échelle macro sociale (gestion du système d’éducation), méso sociale (gestion de l’établissement scolaire) et à l’échelle micro sociale (les interactions éducatives face à face par exemple entre un enseignant et ses élèves) (1).
Le jeu

Sans entrer dans le détail, on peut rappeler que le jeu est depuis longtemps un objet d’études des sciences sociales et humaines (2). Le jeu a été reconnu comme instrument ou activité d’éducation chez l’enfant à la charnière du 20e siècle par les pédagogues Montessori (1870-1932), Decroly (1871-1932), Claparède (1873-1940), Dewey (1859-1952), Piaget (1896-1980). À cette époque la controverse oppose la conception du jeu hygiénique, éducatif et moralisateur à la conception d’un jeu libre, individuel, libérateur et formateur (3).
Selon la définition de Roger Caillois , le jeu est une activité libre (elle est choisie), séparée (elle a son espace temps), incertaine (l’issue est inconnue: qui gagne? qui perd?), improductive (elle ne génère pas de biens), réglée (elle a son propre régime de règles qui suspend les lois ordinaires), fictive (elle n’est pas la réalité). À ces critères, il ajoute une typologie des jeux: l’«agôn» qui repose sur la compétition (trivial poursuite), le «mimicry» qui repose sur le simulacre (jeu de rôle), l’«alea» qui repose sur le hasard (Lotto), l’«ilinx» qui repose sur le vertige (sports extrêmes). Selon cette définition, il ne serait pas possible de parler de jeu dans le cadre d’activités d’éducation pour la santé et pour la réduction des inégalités sociales de santé: en effet, la participation aux animations revêt souvent un caractère obligatoire, un résultat est attendu puisqu’il vise des prises de conscience ou des changements qui eux-mêmes devraient avoir des répercussions sur la gestion des problèmes de santé à l’échelle sociétale.
Cet article met de côté cette discussion conceptuelle; il s’intéresse à l’utilisation du contexte ludique pour favoriser les apprentissages. Nous choisissons de définir le jeu comme une activité qui est à la fois un dispositif technique, un lieu d’interactions et un lieu d’apprentissages (4). C’est pourquoi nous pouvons analyser le jeu comme une activité qui se déroule à l’intersection de plusieurs cadres d’apprentissage. Ainsi, nous distinguons le «jeu dans le cadre» et le «jeu avec le cadre». Chaque jeu de cadre est l’occasion d’un questionnement en relation avec les inégalités sociales de santé.
L’observation d’un jeu, comme outil d’animation, amène à déconstruire, à démonter, à pousser à bout les ressorts qui fondent les apprentissages.
Mais concrètement, que faut-il observer pour élaborer un jugement sur «le jeu»?
Dans un premier temps, on pointera
-l’ensemble du dispositif technique: matériel proposé, plateau, cartes… (PIPSApes axe 3) ;
-les contenus explicites: le propos des textes, les inscriptions sur les faces des dés, la boîte et ses illustrations… (PIPSApes axe 1 «qualité des contenus» et aussi item 2.1. «implication individuelle») ;
-les règles qui régissent l’activité du groupe (PIPSApes item 2.3. «construction de l’apprentissage » et 2.4 «proposition d’un accompagnement pédagogique») .
Dans un deuxième temps, on s’attardera sur les expériences groupales et individuelles qui pourraient être vécues par les participants. Il est possible d’observer ou d’anticiper des phénomènes tels que la stigmatisation, le renforcement d’un rôle social, l’impression que rien ne peut changer, l’impression que tout peut changer d’un simple coup de baguette magique, l’envie ou la mise en œuvre de tricherie, l’abandon de la partie, les phénomènes de concurrence entre les joueurs… ( PIPSApes item 2.2. «implication collective» et aussi 2.1. «implication individuelle») .
Le jeu est un dispositif pédagogique: jouer dans le cadre

Le cadre est ici défini par les objectifs pédagogiques explicites du jeu: par exemple, améliorer l’estime de soi des participants, permettre l’acquisition de nouvelles connaissances, développer la coopération entre les participants.
Le questionnement sur le jeu devrait porter sur l’adéquation entre les objectifs explicites décrits par le jeu et les stratégies éducatives reconnues comme levier pour la RISS. Ainsi, l’empowerment individuel et collectif apparaît-il fréquemment comme une stratégie favorable à la RISS. Dès lors, trois questions devraient permettre de construire un avis sur le jeu:
-quels sont les apprentissages possibles pour les participants?
-en quoi ces apprentissages vont-ils permettre un renforcement de leurs compétences?
-ces compétences sont-elles identifiées comme leviers pour la RISS?
Ce questionnement devrait permettre d’affiner la formulation des objectifs en lien avec les ISS.
Le jeu est une analogie avec la société

Le jeu peut être envisagé comme une représentation de la société, de son organisation, de ses fonctionnements. Cette représentation de la société joue sur deux registres: le premier est explicite quant aux déterminants des ISS, le deuxième mobilise ceux-ci de manière implicite.
Selon le premier registre, le jeu tente de simuler la réalité, ou pour le moins une partie de celle-ci, par exemple en étant focalisé sur une thématique. Les leviers de la RISS sont identifiables et le jeu favorise leur expérimentation. Le jeu permet alors la simulation et l’expérimentation des mécanismes sociaux dans un environnement «prétendu» sécurisé. Ce type de jeu peut prendre plusieurs formes. Il peut consister en un jeu de table (plateau, cartes, pions…) qui simulerait les mécanismes de la sécurité sociale. Il peut aussi revêtir la forme d’un parcours dans lequel les participants sont amenés à poser des choix et à en tester les conséquences.
Selon le deuxième registre, le jeu reproduit, à son insu – faut-il espérer — les mécanismes de reproduction des ISS. Il s’agit du cadre des apprentissages implicites induits par le jeu, comme, par exemple, la stigmatisation ou le fatalisme. Par exemple, sous le couvert d’acquisition des savoirs, il met en concurrence les participants selon leur maîtrise de la lecture. Le cadre du jeu propose alors, et souvent de manière implicite, une analogie avec le fonctionnement de la société ou avec la manière dont la société réglerait les rapports entre les individus. C’est typiquement la différence entre le jeu de coopération qui favorise le groupe ou le jeu de compétition qui favorise l’individu. Ce dernier enferme plus les participants dans quelque chose de préconçu, il ne favorise pas une émancipation.
Ces deux modalités ne sont pas exclusives, et souvent elles jouent de concert. Dans les deux cas il est donc intéressant de questionner cette vision afin de détecter si elle comporte des préjugés, des discriminations entre les individus, des théories de «l’ordre naturel» de la société, du déterminisme, du fatalisme… Par exemple, les supports visuels reflètent-ils une société multiculturelle ou tous les personnages sont-ils des «blancs»? Dans le décours d’une analyse avec la grille PIPSApes, on sera particulièrement attentif aux mécanismes d’identification à l’œuvre dans cette simulation (item 2.1. «implication individuelle») ainsi qu’à la présence d’un parti pris ou d‘un militantisme ainsi que d’un juste positionnement éthique (axe 1) des mécanismes reflétés par cette simulation .
On le devine, la valorisation de certaines caractéristiques du jeu dépend du système de valeurs et du projet de société que l’on défend. Les deux registres implicite et explicite sont convoqués et imbriqués au service de ce projet et de ces valeurs. Nous l’illustrons autour de trois exemples: le renforcement des compétences, la sécurité du cadre et la stigmatisation .
Afin de soutenir la réflexion, nous pouvons nous appuyer sur une description du jeu telle que le propose «la théorie du jeu» (5). La théorie du jeu classe les jeux selon plusieurs critères repris dans le tableau en encart. L’intérêt pour la théorie des jeux peut être double. D’une part, faciliter le décodage de l’outil d’animation, et d’autre part amener à une réflexion sur la théorie du jeu, ses liens avec l’ingénierie sociale (depuis la guerre froide), en économie, en stratégie (le fameux gagnant/gagnant) ou son utilisation par la sociologie pour décrire les interactions.

Le tableau ci-dessous se lit en ligne. Donc, une colonne ne représente pas toutes les caractéristiques d’un type de jeu.
Compétition
Coopération
Un joueur définit la meilleure solution pour lui seul. Les joueurs doivent définir la meilleure solution pour tous.
Stratégie à somme nulle Stratégie à somme non nulle
Il y a toujours un joueur qui gagne ce que les autres joueurs ont perdu (gain de l’un – perte de l’autre = 0). Les joueurs peuvent tous être gagnants ou perdants (6).
Synchrone Asynchrone
Les joueurs jouent en même temps. Les joueurs jouent chacun leur tour.
Information complète/parfaite Information incomplète/imparfaite
Les joueurs connaissent toutes les informations pour prendre des décisions (leurs possibilités d’action et celles des autres, leurs gains, les motivations des autres joueurs). Les joueurs ne connaissent pas toutes les informations (hasard, ruse d’un joueur, complexité).
Déterminé Indéterminé
Il n’y a qu’une seule solution. Il y a plusieurs solutions.

Le renforcement des compétences

(PIPSApes items 2.1, 2.2 et 2.3. «implication individuelle», «implication collective» et «construction de l’apprentissage»).
Il s’agit donc de s’interroger sur les compétences mobilisées par les participants pour venir à bout de la situation proposée par le jeu, puis de s’interroger sur l’adéquation entre ces compétences et la RISS.
Est-ce que renforcer les compétences propres à la compétition peut ou non être une stratégie de réduction des inégalités sociales de santé? En dehors d’un système de valeurs de référence, l’on pourrait imaginer que pour être un individu performant dans la société actuelle, il faut nécessairement être compétitif. Dès lors, le développement des compétences favorisant la compétition pourrait être une stratégie de lutte contre les ISS. Cependant, cette affirmation se heurte à une difficulté. La question demeurerait de savoir où se glisserait le gradient social, ce qu’il adviendrait des compétiteurs moins performants. La compétition tendrait à renforcer l’idée d’une société d’individus peu soucieux de tendre la main aux vaincus et qui pourrait mettre à mal la solidarité. Et, en ce sens, elle renforcerait les ISS. À l’inverse, le jeu pourrait mobiliser exclusivement les valeurs de la communauté et de la solidarité. Cette optique n’est pas non plus sans risque. Si la compétition et la performance sont des valeurs reconnues sur le marché de l’emploi, alors ne risque-t-on pas de défavoriser les apprenants en leur proposant une vision de la société peu adéquate à l’esprit du temps? Il n’y a pas de réponse simple à cette alternative hors d’un positionnement idéologique qui n’est pas le propos de cet article. Elle n’est pas sans rappeler la tension évoquée en début d’article entre jeu moralisateur et jeu libérateur. Si cette alternative est inconfortable, elle a au moins le mérite de questionner certaines limites de l’utilisation du jeu et de la posture de l’animateur.
La sécurité du cadre

(PIPSApes item 2.1. «implication individuelle»)
L’utilisation d’un jeu peut être justifiée par la sécurité du cadre qu’il pose. En effet, le joueur peut tenter des solutions sans encourir d’autres sanctions que celles prévues par les règles. Il faudrait toutefois ne pas omettre de questionner la «sécurité» de ce cadre eu égard aux caractéristiques des joueurs. Le fait que le jeu permet de faire «comme si» ne devrait pas faire oublier trop facilement certains risques liés à l’implication des joueurs; c’est-à-dire la manière dont le cadre du jeu peut ou non faire écho avec le vécu ou les connaissances d’un participant. Cette sécurité peut aussi être conditionnée par les compétences requises pour réaliser les tâches prévues. Par exemple, un jeu centré sur la lecture risque de disqualifier un participant moins alphabétisé, un jeu demandant des habilités psychomotrices fines (manipulation de petits éléments, équilibre) pour mettre à mal des personnes moins valides…
La stigmatisation

(PIPSApes 2.1. «implication individuelle»)
Les discriminations peuvent se glisser partout. Un jeu sur l’alimentation, par exemple, peut être une source de discrimination ou de stigmatisation. Outre le jugement porté sur la bonne et la mauvaise alimentation, il est aussi possible que les aliments ou les recettes proposées par l’outil soient trop marqués culturellement.
Ainsi, le cadre du jeu, dans son aspect matériel, peut comporter, selon les groupes, des risques de stigmatisation ou des risques pour certains participants de répéter pendant le jeu les difficultés quotidiennes auxquelles ils sont confrontés. De même, cette discrimination peut être actionnée si l’on considère, par exemple, que l’univers de référence du jeu est connu de tous. S’il existait un jeu d’animation pour les enfants, basé sur les aventures d’Harry Potter, comment un enfant qui n’aurait ni lu les livres, ni vu les films, pourrait-il se situer dans le groupe? Par ailleurs, le jeu est en lui-même une pratique socialement connotée. Ce qui est identifié comme un jeu peut donc varier selon le gradient social, introduisant des valeurs sur les activités ludiques considérées comme bonnes ou mauvaises (7). Le jeu de société, par exemple, n’est pas pratiqué dans toutes les familles, ou est parfois remplacé par une activité commune autour d’une console de jeu. Ainsi, l’introduction du jeu comme unique modalité d’apprentissage, en particulier s’il s’appuie sur des habitudes socio culturellement déterminées, peut se heurter aux effets des gradients sociaux qu’il prétendrait diminuer. Les participants qui ne joueraient jamais seraient discriminés lors de l’animation. Leurs apprentissages ne seraient pas optimums, tandis que ceux des participants habitués au jeu seraient potentialisés. In fine , cela conduirait à renforcer les écarts.
Et si on jouait à déconstruire les cadres

(PIPSApes item 2.4. «accompagnement pédagogique»)
Il semble peu réaliste d’anticiper toutes les expériences qu’un groupe et ses individus pourraient connaître à l’occasion d’une animation basée sur le jeu. Cependant, il paraît intéressant que l’animation soit suivie d’une discussion qui permettrait aux participants d’exprimer leur expérience vécue pendant le jeu.
Surtout, nous voudrions introduire la possibilité que les participants puissent se livrer à une analyse du jeu auquel ils viennent de jouer. Au fond, être citoyen, pratiquer l’ empowerment , c’est aussi pouvoir discuter avec discernement du cadre des négociations et envisager dans quelle mesure ce cadre ne détermine pas déjà trop par avance les résultats de celle-ci. Une piste intéressante serait de proposer aux participants de formuler eux-mêmes une critique de l’outil. Cette démarche métacognitive (apprendre à apprendre) demeure cruciale lors d’une animation ludique. Elle permet une mise à distance de l’animation, et une construction d’un «savoir d’action» pour l’animateur, savoir à partir duquel celui-ci pourra ensuite réorienter l’utilisation de l’outil.
Conclusion

Le questionnement proposé dans cet article invite à anticiper les influences du jeu et la manière dont ses influences devraient s’intégrer au sein d’un projet pédagogique.
Il importe pour l’animateur de se donner le temps d’analyser ce qui dans le jeu sera contraire aux piliers des stratégies de réduction des ISS. Cette analyse concerne aussi la réflexivité de l’animateur. Lorsqu’il se livre à l’exercice, l’animateur se donne l’occasion d’être au clair avec ses valeurs. De la sorte, il pourrait mieux gérer les effets du jeu et ses interactions avec les participants.
Le jeu renvoie à un imaginaire où il demeure une activité fréquemment liée à l’enfance. Les adultes qui pratiquent un sport d’équipe identifient rarement celui-ci à un jeu. Les amateurs de jeu y trouvent du plaisir, de la convivialité et ont parfois tendance à imaginer que tout le monde aime jouer. Or, une personne qui n’aime pas jouer ne pourrait pas s’impliquer dans l’animation, ni en retirer les bénéfices escomptés. Elle pourrait, par exemple, s’ennuyer ou se sentir insultée d’être considérée comme un enfant.
L’activité du jeu participe à la construction d’expériences sociales chez les participants. Ces expériences sont une source d’apprentissages. Tous ces apprentissages se construisent dans les interactions entre animateur et participants dans des cadres définis par le jeu. Cette expérience peut renforcer ou ouvrir des brèches dans les processus favorisant les inégalités sociales de santé. Cependant, il serait illusoire de penser que ces expériences suffisent à réduire les inégalités sociales de santé, si elles ne sont pas accompagnées de mesures structurelles au niveau de l’emploi, du logement, de l’éducation et de la santé. Le jeu en animation est avant tout, sans minimiser son importance, une activité microsociale.
Gaëtan Absil, Chantal Vandoorne , SCPS APES-ULg (1) On pourra se référer aux travaux de Ginette Paquet, et notamment à l’indice de faible position sociale persistante. Celle-ci est caractérisée par des paramètres sociodémographiques (revenus, scolarité, prestige de la profession), des trajectoires de vie et l’exposition à la précarité. (Paquet G., Partir du bas de l’échelle . Des pistes pour atteindre l’égalité sociale en matière de santé , PU Montréal, Québec, 2006.)
(2) À l’heure actuelle, il faudrait distinguer les théories qui analysent le jeu et celles qui font du jeu la matrice de toutes activités comme la communication ou l’économie.
(3) Jeux et éducation in Sciences Humaines, n° 152, août-septembre 2007, p. 27.
(4) Nous nous appuyons sur la distinction opérée par George Mead entre «play» (jeu libre) et «game» (jeu réglé) dans le développement de l’enfant. Le «play» représente le jeu égoïste de l’enfant qui ne tient pas ou peu compte des autres enfants. Le «game» représente l’activité du jeu réglée pour tenir compte des autres et des interactions.
(5) La théorie du jeu propose une approche mathématique des choix stratégiques. Eber Nicolas, Théorie des jeux , Dunos, Paris, 2007. Poundstone William, Le dilemme du prisonnier , Cassini, Paris, 2009.
(6) Cette caractéristique est illustrée par le dilemme du prisonnier: deux prisonniers sont retenus dans deux cellules séparées. Si l’un dénonce l’autre, il est remis en liberté et l’autre est condamné. Si les deux se dénoncent, ils ont tout deux condamnés mais à une peine légère. Si aucun des deux ne dénonce l’autre alors ils ne sont pas condamnés faute de preuve. Le résultat est impossible à prédire à cause du facteur humain.
(7) Par exemple, l’utilisation du jeu vidéo pour les animations avec les adolescents alors que les dangers d’une cyberdépendance sont à l’actualité. Par exemple l’utilisation du jeu Simcity Societies© (construction et gestion d’une ville) et les enjeux de l’urbanisme et du développement durable.

Bibliographie

Brougère G., Jouer / Apprendre , Economica, Paris, 2005.
Brougère G., Jeu et éducation , L’Harmattan, Paris, 2000.
Doumont D. et Feulien C., En quoi la promotion de la santé peut – elle être un outil de réduction des inégalités de santé ? Stratégies d’intervention , SCPS RESO, Dossier technique, 2010.
Duflot C., Jouer et philosopher , Puf, Paris, 1998.
Eber N., Théorie des jeux , Dunos, Paris, 2007.
Huizinga J., Homo ludens . Essai sur la fonction sociale du jeu , Gallimard, Paris, 1995.
Jeu et éducation in Sciences humaines , n°152, Août-Septembre, 2004.
Paquet G., Partir du bas de l’échelle . Des pistes pour atteindre l’égalité sociale en matière de santé , PU Montreal, Québec, 2006.
Poundstone W., Le dilemme du prisonnier , Cassini, Paris, 2009.
Potvin L., Moquet M.-J. et Jones C. M. (dir.), Réduire les inégalités sociales en santé , Dossier Santé en action, INPES, Paris, 2010