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Une perspective de promotion de la santé à la réponse à la COVID-19

Le 30 Déc 20

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À l’heure où les virologues, les épidémiologistes, les spécialistes des systèmes de santé et les soignants, pour ne citer qu’eux, se mobilisent contre la Covid-19, on peut se demander si les promoteurs de la santé doivent ajouter leur voix aux rangs croissants de spécialistes qui veulent s’exprimer sur la manière de faire face à la pandémie. Pourtant, bien qu’à première vue, la perspective de promouvoir la santé semble bien éloignée de la gestion d’une crise sanitaire aiguë, la promotion de la santé a certainement un rôle clé à jouer pour affronter la Covid-19.

Une perspective de promotion de la santé à la réponse à la COVID-19

D’une part, la protection contre l’infection repose dans une large mesure sur un changement de comportement. En tant qu’experts des comportements liés à la santé les éducateurs de santé ne devraient donc pas rester à l’écart du débat. D’autre part, l’ampleur de la pandémie et des mesures mises en place pour la contourner rendent nécessaire que les gens reprennent le contrôle de leur santé et fassent face à ses conséquences perturbatrices. Permettre aux gens de mieux contrôler leur santé et ses déterminants est au cœur de la promotion de la santé. Par conséquent, une contribution de la promotion de la santé est souhaitable à plusieurs niveaux : en aval, en se concentrant sur le changement de comportement individuel et la gestion de la maladie ; en milieu de chaîne, par des interventions touchant les organisations et les communautés ; et en amont, en informant les politiques touchant la population.

Encourager le comportement préventif de manière efficace

Pour contenir la propagation du virus, les autorités ont tenté de renforcer le comportement protecteur des citoyens en émettant des avertissements et en imposant des restrictions légales. Ces mesures ont rencontré un succès variable. Au début de la pandémie en particulier, la réaction du public aux avertissements était souvent faible, ce qui a conduit à une perte de temps et de l’occasion de contenir efficacement la propagation de la maladie. Au plus fort de la crise, le public a suivi de plus près les recommandations, mais lorsque les mesures se sont progressivement assouplies, il y a de nouveau eu moins d’adhésion aux consignes. Pour les éducateurs de santé, ce n’est pas surprenant.

Les modèles théoriques sur lesquels ils s’appuient, comme le Health Belief Model ou la Théorie de la Motivation à la Protection, montrent depuis longtemps que modifier le comportement des gens n’est tout simplement pas aussi facile que les informer sur les risques. En général, on n’agira sur les avertissements préventifs que si l’on croit qu’on est personnellement susceptible de développer la maladie, si elle est perçue comme grave, si on estime que l’action préventive est efficace pour réduire la menace, et si on se croit capable de l’effectuer.

Dans le cas de la Covid-19, ces conditions ne sont clairement pas toujours remplies. Une personne peut ne pas se considérer en danger si elle n’était pas en contact avec des personnes contaminées ; on peut sous-estimer la gravité de la maladie quand la plupart des décès surviennent aux personnes âgées ou souffrant d’une morbidité préexistante ; ou on peut ne pas se considérer comme étant capable d’effectuer les comportements préventifs.D’autre part, la large couverture de la pandémie par les médias et la portée des mesures de prévention qui sont prises créent de l’anxiété. Alors qu’un certain niveau de préoccupation peut être un facteur qui favorise le comportement de protection, trop d’anxiété risque de provoquer une stratégie d’évitement cognitif minimisant la menace perçue, et diminuant ainsi la probabilité d’un changement de comportement. De même, les besoins d’identité sociale d’un individu en interaction avec les facteurs contextuels peuvent augmenter et atténuer le rejet effectif des preuves, un phénomène de plus en plus reconnu qui est appelé résistance à la connaissance (Klintman, 2019).Néanmoins, la modification des comportements liés à la transmission du virus reste importante pour aplanir le pic de la pandémie. S’appuyant sur des principes de changement de comportement largement acceptés (Michie et al., 2020), la transmission du coronavirus parmi la population pourrait être réduite plus efficacement :

  • en motivant les gens à adopter un comportement préventif en leur présentant une justification claire, de préférence sous la forme d’un modèle mental du processus de transmission ;
  • en créant des normes sociales qui encouragent un comportement préventif, par des campagnes ciblant l’identité des gens et en les amenant à se donner mutuellement des informations en retour;
  • en créant le bon niveau et type d’émotion en associant les avertissements sur les risques à des conseils concrets pour une action de protection ;
  • en donnant des conseils sur la manière dont les comportements à risque peuvent être remplacés par des comportements plus efficaces, plutôt que de simplement demander de les arrêter ;
  • en facilitant le comportement, par exemple en l’intégrant dans les routines existantes ou en utilisant des nudges.

L’importance de la littératie en santé

Un autre facteur à prendre en compte est le rôle de la communication et de l’information. En temps de crise, les gens demandent à être bien informés afin de pouvoir prendre des mesures préventives et faire face aux conséquences. En ce qui concerne la Covid-19, il y a une abondance d’informations. Mais pour que cette information soit utile, elle doit non seulement être disponible mais aussi comprise, acceptée et appliquée.

Les recherches sur la littératie en santé ont montré que plus d’un tiers de la population belge a des difficultés à comprendre, évaluer et utiliser les informations nécessaires à la gestion de sa santé.

Les autorités feraient bien de tenir compte de ces limitations lorsqu’elles informent le public sur la Covid-19, et adapter l’information au niveau de littératie de leur public. Orkan et al. (2020) donnent les recommandations suivantes pour tenir compte des faibles niveaux de littératie en santé lors de la communication sur le CoV-2 :

  • fournir des informations de manière compréhensible, en reconnaissant que les personnes et les groupes ayant une faible connaissance de la santé nécessitent plus d’explications ;
  • utiliser différents formats de communication tels que des animations qui expliquent le virus, la maladie, sa transmission et les mesures de protection ;
  • expliquer la situation de manière transparente et clarifier les objectifs primordiaux de manière répétée, afin de préparer les gens au fait que les interventions et les recommandations pourraient changer lorsque de nouvelles preuves arrivent et que les scénarios doivent être adaptés ;
  • communiquer de nouvelles preuves et informations sans craindre de corriger les messages et déclarations antérieurs si nécessaire ;
  • éviter les reproches, mais au contraire renforcer la responsabilité individuelle bien informée tout en faisant preuve de solidarité avec les groupes vulnérables.

Il serait aussi bon de reconnaître que la prise d’informations sur la santé est un processus cognitif actif. Pour s’informer sur le virus et les moyens de se protéger, les gens choisissent activement des sources d’information et des informations provenant de ces sources. Les théories du traitement de l’information nous apprennent que cette sélection est influencée par le contexte, les émotions et l’attention sélective, ce qui introduit des biais de sélection et fait que plus d’attention est accordée à certaines informations qu’à d’autres. De même, essayer de comprendre les informations sur le virus et juger de l’importance des mesures préventives nécessite l’activation de schémas cognitifs pour filtrer, classer et assimiler les informations et établir des connexions avec les connaissances déjà disponibles, ce qui peut à nouveau provoquer des biais.Par rapport au coronavirus, un risque supplémentaire est que de fausses informations soient consultées et prises pour la vérité. Parmi les ‘mythes’ persistants, on trouve la croyance que le virus a été fabriqué en laboratoire ou autrement, que le froid ou les sèche-mains peuvent le tuer, que les jeunes ne peuvent pas être infectés ou que les antibiotiques ou les vaccins contre la pneumonie protègent contre l’infection. Ces fausses croyances peuvent être renforcées par le faux consensus qui se crée lorsque l’information est partagée sur les médias sociaux, ce qui conduit à l’effet de ‘chambre d’écho’ ou d »illusion de vérité’, impliquant essentiellement que l’information qui est souvent répétée tend à être plus facilement considérée comme vraie. Pour contrer ces effets, certains principes de base peuvent être appliqués pour limiter la diffusion d’informations biaisées, fausses ou trompeuses, comme vérifier l’exactitude et la crédibilité des informations, vérifier la source des informations (d’où viennent-elles, qui est derrière les informations, quelle est l’intention, pourquoi ont-elles été partagées, quand ont-elles été publiées), vérifier les informations en consultant une deuxième source, consulter les membres de la famille et les professionnels de la santé de confiance pour les informations ‘douteuses’, et réfléchir à deux fois avant de partager des informations qui n’ont pas été vérifiées.

Combiner les conseils des experts avec les connaissances de la communauté

Encourager la population à adopter et maintenir des comportements protecteurs peut être plus efficace si les conseils des experts sont combinés avec les connaissances présentes dans la communauté. L’expérience de l’épidémie d’Ebola dans les pays africains montre que dans un environnement de confiance, les partenaires de la communauté peuvent aider à améliorer la compréhension des protocoles de prévention et suggérer des changements modérés qui reflètent mieux les sensibilités de la communauté sans compromettre la sécurité. Ce type d’approche peut renforcer la capacité des communautés à contrôler les facteurs qui définissent leur santé et les aider ainsi à être plus autonomes et résilientes.

Les communautés ne réagissent pas seulement à une crise en se protégeant, mais souvent aussi en faisant preuve de solidarité et de soutien mutuel. Ces expressions d’un état d’esprit positif montrent la résilience des communautés et fournissent une base solide sur laquelle s’appuyer pour les aider à faire face à une situation inhabituelle et à se réorganiser ou à reprendre le contrôle.

La promotion de la santé a une longue tradition d’aide aux organisations et aux communautés pour accroître le contrôle sur les facteurs qui définissent la santé. La Charte d’Ottawa souligne l’importance de l’action communautaire visant à créer des communautés habilitées, où les individus et les organisations mettent en œuvre leurs compétences et leurs ressources dans le cadre d’efforts collectifs pour répondre aux priorités en matière de santé et satisfaire leurs besoins respectifs. Il est important de noter que l’action communautaire s’appuie sur les forces et les capacités existantes au sein d’une communauté, afin de renforcer sa résilience. De plus, l’expérience de la promotion de la santé en termes de création d’environnements favorables peut guider les institutions dans toutes les mesures qu’elles prennent pour soutenir les personnes dans la poursuite de leurs activités professionnelles, la possibilité de maintenir les relations à distance, la possibilité de communiquer leurs sentiments d’incertitude, etc.

COVID-19 comme opportunité d’apprentissage

Si la promotion de la santé peut contribuer à relever le défi de la menace de la COVID-19, elle peut également apprendre de la crise. Tout d’abord, elle peut reconnaître que les maladies infectieuses restent une menace majeure pour la santé publique. Dans son effort pour s’éloigner d’une approche de la santé publique fortement axée sur les maladies, la promotion de la santé s’est davantage concentrée sur les problèmes de santé non transmissibles, négligeant principalement les maladies infectieuses en dehors du VIH/SIDA. Par conséquent, les professionnels de la santé publique qui s’occupent des maladies transmissibles ignorent souvent les apports de la promotion de la santé. La crise COVID-19 nous montre que les chercheurs et les praticiens de la promotion de la santé devraient s’intéresser aux maladies infectieuses et appliquer les principes et les méthodes de promotion de la santé pour aider à les combattre.La pandémie nous apprend également que la santé humaine n’est pas une question isolée. Le virus du SRAS-CoV-2 est d’origine animale, transmis à l’homme, et pourrait se propager très rapidement dans un système économique mondialisé caractérisé par des niveaux élevés d’interconnexion et de mobilité. La promotion de la santé n’a jamais accordé beaucoup d’attention aux causes zoonotiques de la santé humaine, mais la crise actuelle suggère qu’elle devrait le faire. Un bon point de départ serait d’adopter le concept de ‘santé unique’ (Atlas et al., 2010), qui reconnaît l’interconnexion entre les personnes, les animaux, les plantes et leur environnement commun, dans le but d’obtenir des résultats optimaux en matière de santé.Une troisième leçon à tirer de la pandémie COVID-19 est que la promotion de la santé ne doit pas attendre qu’une crise survienne, mais doit se préparer à y répondre rapidement. À cet effet, nous devons comprendre la façon dont les gens prennent des décisions, dont les organisations fonctionnent et dont les communautés se comportent en réaction aux situations de crise. L’analyse de la réponse aux situations de crise précédentes a mis en évidence l’importance de la cohésion sociale et de la confiance accordée au gouvernement, plutôt que simplement à la connaissance, pour faire face. Il faut donc poursuivre les recherches sur les moyens de renforcer la confiance dans les institutions publiques et de mobiliser le capital social afin de rendre les populations plus résistantes aux crises. En fin de compte, la pandémie COVID-19 nous a appris qu’il n’est pas possible de tout contrôler, et que nous devons accepter un certain degré d’incertitude. Si permettre aux gens de mieux contrôler leur santé et ses déterminants reste au cœur de la promotion de la santé, elle peut aussi aider les individus, les organisations et les communautés à contrôler cette incertitude.

Références

Atlas, R., Rubin, C., Maloy, S., Daszak, P., Colwell, R., & Hyde, B. (2010). One health—attaining optimal health for people, animals, and the environment. Microbe, 5(9), 383-389.Klintman, M. (2019). Knowledge Resistance: How we avoid Insight from Others. Manchester University Press.Michie, S., West, R., Amlôt, R. & Rubin, J. (2020) Slowing down the covid-19 outbreak: changing behaviour by understanding it. BMJ Opinion, March 11th, 2020.Okan, O., Sørensen, K. & Messer, M. (2020). COVID-19: a guide to good practice on keeping people well informed. The Conversation, March 19, 2020

Et s’il était temps de croire en la capacité des citoyens à s’investir dans les questions de santé ?

Le 30 Déc 20

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La crise COVID-19 questionne nos politiques de santé à considérer le citoyen comme un véritable partenaire de santé. Comment la crise sanitaire liée à la COVID-19 renforce la nécessité d’investir dans les éducations en santé ? L’une des répercussions positives de la crise est qu’elle permet de dévoiler de manière importante les forces et faiblesses du système de santé. Les comportements humains étant au cœur de la réponse face à la pandémie, le présent article souhaite se concentrer sur l’examen des mesures préventives adoptées par nos autorités gouvernantes.

Et s’il était temps de croire en la capacité des citoyens à s’investir dans les questions de santé ?

Partout dans le monde, les pays sont confrontés à une crise majeure de sécurité sanitaire publique liée à la gestion de la pandémie de COVID-19. Chaque pays est touché et les gouvernements du monde entier préparent une réponse stratégique afin de minimiser l’impact de la maladie et de sa propagation sur la morbidité et la mortalité de leur population, ainsi que les risques sociaux et économiques associés. Un élément clé de la réponse d’un système de santé à la pandémie du COVID-19 est la capacité à mettre en place des mesures permettant d’éviter la propagation du virus et la surcharge des services sanitaires à accueillir des patients : « aplatir la courbe » et « éviter les rebonds » ont été au cœur des préoccupations des décideurs.

Comme il n’existe toujours pas de médicaments pour traiter ni de vaccins pour prévenir la COVID-19, les mesures de prévention se concentrent sur des stratégies qui appellent la participation active des citoyens : surveillance des symptômes, hygiène des mains appropriée et fréquente, action de couvrir sa toux, éloignement physique ou auto-isolement. Ces consignes sont nécessaires pour l’ensemble de la population. Plus spécifiquement, les personnes contaminées ou suspectes doivent s’isoler chez elles et renforcer encore davantage ces mesures sanitaires. Ainsi, éviter la surcharge du système de santé dépend de la capacité des personnes à prendre soin d’elles-mêmes à domicile tout en minimisant le risque d’infecter leurs proches.

La crise met à l’épreuve les stratégies de prévention et de promotion de la santé dont le principe fondateur consiste à croire en la capacité d’apprentissage des personnes à prendre du pouvoir, à agir de manière éclairée – on parlera d’empowerment – sur des questions de santé individuelle et collective. Le principal enjeu de la réponse à la crise consiste ainsi à mobiliser les capacités des personnes à s’investir massivement – ces changements doivent être impérativement adoptés par l’ensemble de la population – et durablement dans les mesures d’autogestion, appelant l’intervention des sciences humaines et sociales.

Dans un article d’opinion, une chercheuse de Londres relevait pas loin de 13 mesures de prévention à adopter par la population pour réduire la transmission du virus : des mesures d’hygiène de base (se laver la main, laver les surfaces) à des mesures les plus contraignantes (isolation, distanciation physique). Cela est à mettre en perspective des récentes enquêtes européennes sur la littératie en santé et qui révélaient que 50 % des citoyens européens n’ont pas suffisamment de compétences en matière de santé pour « accéder, comprendre, évaluer et utiliser l’information de santé en vue de porter des jugements et prendre des décisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé, de manière à maintenir ou améliorer la qualité de vie ».

Un raisonnement un peu simpliste issu de ces dernières informations montre qu’une personne sur deux n’est pas en mesure de comprendre et appliquer efficacement les mesures de prévention de la COVID-19. Prenons une simple application de nos propos sur la capacité des individus à discriminer les informations correctes des fameuses « fake news ». Pour la moitié de la population, il n’est ainsi pas aisé de savoir à quelle information se fier, d’identifier des sources d’informations valables et d’avoir une certitude sur les informations. L’utilisation correcte des accessoires de protection (gants, masques) est aussi illustrative des difficultés rencontrées par la population. L’utilisation correcte (c’est-à-dire évitant des contaminations potentielles) de ces accessoires est complexe et demande des connaissances sur la diffusion du virus, un savoir-faire lié à la mise en place et au retrait des accessoires en sécurité, une gestion du stress lié à la peur de contaminations…soit de réelles compétences en santé.

Politique de gestion de la crise : le grand écart entre but recherché et moyens alloués

En ce sens, la réponse sanitaire questionne la préparation de nos sociétés et de leurs gouvernants à mobiliser des capacités et compétences en matière de santé mais aussi la prise en compte dans les politiques de santé de la participation citoyenne. A l’heure où le confinement total se termine et que la plupart des pays européens entrent dans la période de déconfinement, les attentes envers les citoyens sont de plus en plus importantes et font appel à leurs capacités et compétences en matière de prévention.

Faisant référence aux théories relatives à l’éducation en santé, nous mentionnons différents principes, non-exhaustifs, nécessaires à l’adoption de comportements préventifs : le besoin de comprendre les raisons du changement, l’inscription du changement dans une vision positive, l’intelligibilité des messages de prévention, la préparation au transfert dans les actes de la vie quotidienne, la question de sens à l’apprentissage attendu, la réponse aux préoccupations et questions des personnes. Ces conditions d’apprentissages illustrent que le traitement de l’information vers la mise en œuvre d’un comportement de santé est loin d’être automatique et demande un traitement actif de l’information par les personnes, une recherche de sens dans le choix de rejoindre ou non les moyens de prévention et d’un transfert potentiel dans la vie quotidienne et durable de la personne. Il faut encore ajouter à cela la question de l’environnement dans lequel évoluent les personnes, qui peut être plus ou moins favorable à la mise en œuvre de ces mesures : absence/présence de soutien social, autres problèmes de santé, préoccupation non prioritaire (par rapport à la perte d’un revenu par exemple), ou encore l’habitat favorisant ou non la promiscuité entre personnes et le possible respect des distanciations sociales.

Pourtant, les quelques traits généraux du principe d’agir en matière de prévention et d’éducation en santé brossés ci-avant ne semblent avoir été que peu rencontrés dans les stratégies adoptées par les gouvernements européens qui se focalisent sur des approches plutôt informatives, paternalistes et coercitives. Pour preuves, les communiqués de presse se suivent et se ressemblent avec comme toile de fond des messages activant la peur des individus, l’imposition de mesures de restriction universelles et l’expression de menaces et de sanctions en cas de non-respect des obligations. Un autre élément se situe dans la surveillance des comportements de santé au sein des populations. Alors que l’Organisation Mondiale de la Santé appelle à un monitoring des connaissances, de la perception du risque, de la confiance dans l’information et comportements préventifs, force est de constater que les enquêtes menées à l’échelle nationale cherchent davantage à vérifier les comportements des individus, négligeant ainsi les facteurs qui motivent ces comportements. Finalement, tout se résume à ce que les personnes font ou ne font pas avec le risque afin de les catégoriser entre bons et mauvais citoyens.

Les constats posent questions. Ils exacerbent un mode de gouvernance qui minimise la capacité et les compétences en santé des personnes, et montrent l’impréparation profonde de nos systèmes de santé à miser sur la capacité des citoyens à agir comme acteurs de leur santé. La crise réactive d’anciennes approches préventives basées sur l’idée qu’informer, c’est produire le comportement attendu d’autant plus qu’on joue sur la peur, sur des sanctions. Pourtant ces approches ont été démontrées comme peu efficaces depuis de nombreuses années.

Investir dans l’offre d’éducation en santé dans une perspective de promotion de la santé

Bien que les enjeux sanitaires soient très lourds, cela autorise-t-il les gouvernements à renouer avec des principes archaïques en matière d’approche préventive en santé ? La réponse est bien entendu négative. Repenser un système de santé en inscrivant le citoyen non pas seulement comme un bénéficiaire mais comme un acteur, un partenaire, nécessite un investissement majeur. Cette stratégie constitue une réponse à court et long termes du changement des profils sanitaires, qu’ils soient aigus (COVID-19) ou chroniques.

Investir dans le développement des capacités et compétences en matière de santé des citoyens passe inexorablement par une offre d’éducations en santé. Cette offre existe et a besoin d’être soutenue et intégrée durablement dans les politiques de santé. On parle des éducations en santé pour désigner les différentes offres d’éducation ciblant un public ou un contexte particulier : l’éducation pour la santé qui est l’action d’accompagner les citoyens dans leurs choix de vie de façon éclairée ; l’éducation thérapeutique du patient qui confère aux patients les compétences de gestion de leur traitement ; l’éducation à porter soins et secours qui donne aux individus et aux familles les capacités d’agir et de réagir face aux diverses situations de la vie courante ; l’éducation pour la santé familiale qui a pour but de conférer aux familles les connaissances et les compétences de base leur permettant de maintenir leur santé, de résoudre par elles-mêmes des problèmes de santé courants et de gérer des situations d’urgence à domicile, sans avoir à s’adresser systématiquement à un système de soins de premier recours. Ce continuum des éducations en santé devrait s’inscrire indéniablement dans une approche dite de promotion de la santé ou de démocratie sanitaire. Autrement dit, l’éducation ne doit pas se faire selon une approche moralisatrice ou dogmatique mais bien de construction et d’émancipation de la personne, en tenant compte du fait que nous sommes loin d’être tous égaux en matière de santé.

Pour conclure

Les observations relatives à la crise actuelle nous font la démonstration d’un besoin radical d’évolution du système de santé, bien plus profonde que celle de la réponse à la présente crise. Les choix des autorités témoignent que la transition attendue vers le citoyen considéré comme acteur de santé est encore loin d’être achevée. Les enjeux éthiques et d’efficacité en matière de politique sanitaire appellent de manière urgente un investissement majeur dans les stratégies de promotion et prévention en santé, contribuant ainsi à réduire l’écart entre déclarations de politique nationale, régionale et les pratiques observées en matière de démocratie sanitaire.

A propos des auteurs

Benoit Pétré et Michèle Guillaume : Département des Sciences de la Santé publique à l’université de Liège (BE)Remi Gagnayre et Aurore Margat : Laboratoire en Educations et Pratiques en Santé – UR 3412-Université Sorbonne Paris Nord (FR)

Les effets du confinement sur les inégalités sociales de santé et les usager·es de drogues

Le 30 Déc 20

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La pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement ont (eu) de multiples conséquences sur le fonctionnement de notre société. De nombreux lieux de travail, de vie, de socialisation, de commerce, de santé physique et mentale ont fermé ; les travailleur·ses essentiel.lle.s, y compris le personnel de santé, les travailleur·ses sociaux, les caissier·es, les éboueur·ses, les livreur·ses, les enseignant·es, continuent de travailler afin de permettre la continuité et la survie de la société tout entière, au péril de leur santé et de leur vie.

Les effets du confinement sur les inégalités sociales de santé et les usager·es de drogues

La crise sanitaire actuelle est anxiogène et stressante pour une large proportion de la population, qui est contrainte de puiser dans ses ressources psychologiques, sociales et financières pour la traverser. Les politiques publiques d’austérité menées ces dernières décennies en matière de santé et de sécurité sociale, ainsi que les mesures prises en réponse à la pandémie, ont engendré nombre de dégâts collatéraux, réduisant drastiquement la capacité du secteur du soin à gérer la crise et renforçant les inégalités sociales (de santé, de genre) préexistantes. Les populations précarisées (y compris une partie des usager·es de drogues), déjà davantage vulnérables en temps ordinaires, sont particulièrement impactées par la crise actuelle et les mesures de confinement. La pandémie de COVID-19 exacerbe ainsi les inégalités sociales de santé et révèle les rouages systémiques qui participent à leur reproduction ; elle rappelle également le rôle fondamental de la promotion de la santé.

Le renforcement des inégalités sociales

Les inégalités sociales de santé suivent le gradient social. Ce qui signifie que plus un individu occupe une position socio-économique défavorable (c’est-à-dire un statut socio-économique – ou SSE – faible), plus il a de probabilités d’être en mauvaise santé. De nombreux facteurs biologiques, psychosociaux et environnementaux interviennent dans cette corrélation et déterminent la santé physique et mentale des individus.L’état de santé physique et mentale, le logement, la qualité des liens sociaux, la fracture numérique, les conditions de travail et la possibilité de travailler en sécurité, le fait d’avoir un revenu garanti et suffisant, le fait d’avoir un permis de séjour, l’accès aux soins de santé, le genre, les mécanismes de sécurité sociale, les représentations de la sociétéNote bas de page, l’accès à l’information et la littératie en santé, etc. sont autant de déterminants qui influent sur les risques sanitaires et psychosociaux liés à la pandémie de COVID-19.La crise sanitaire et les mesures politiques qu’elle a entraînées n’impactent donc pas uniformément l’ensemble de la population. D’abord, les personnes de SSE faible sont davantage à risque que les personnes SSE élevé, parce que 1) elles sont davantage exposées à la COVID-19, et dès lors plus à risque de le contracter et de le transmettre, et 2) elles sont globalement en moins bonne santé que la population générale, ce qui peut augmenter les risques de développer des formes sévères de la COVID-19.

En effet, les professions considérées comme essentielles en temps de crise sanitaire sont majoritairement occupées par des personnes de SSE faible, des personnes racisées et issues de l’immigrationNote bas de page, et sont fortement féminisées (aides soignant·es, infirmier·es, agent·es d’entretien, caissier·es, livreur·ses, aides ménagères à domicile, etc. ; IREPS, 2020). Les personnes de SSE faible exercent aussi souvent des métiers qui ne permettent pas le télétravail (ouvrier·es, employé·es, en opposition aux cadres par exemple). De plus, la forte promiscuité et densité des logements précaires ou quartiers à hauts taux de pauvreté et de chômage participe à la transmission du virus au sein d’une même famille ou d’un ensemble d’habitations. Enfin, la présence de maladies préexistantes (notamment hypertension, diabète, obésité, maladies respiratoires ; Lang et al, 2020) peut jouer sur le développement de sévères difficultés respiratoires liées au virus, pouvant mener au décès. De plus, les ménages de SSE faible sont davantage susceptibles de retarder l’accès aux soins, en temps ordinaire et d’autant plus en temps de crise (Lang et al, 2020 ; Observatoire de la santé et du social, 2017).Ensuite, les mesures de confinement impactent différemment la santé physique et mentale des individus selon leurs conditions de vie. De nouveau, les violences intrafamilialesNote bas de page, l’accès à un domicile où se confiner, la possibilité de payer un loyer, la salubrité et la promiscuité au sein du logement, l’accès à un jardin, un balcon, un parc public, ont un impact non-négligeable sur le vécu du confinement et la santé globale des personnes. Le renforcement de la présence policière et la multiplication des contrôles touchent particulièrement les populations sans domicile ou ayant un logement précaire, davantage présentes en rue. Ceci peut également impacter la santé mentale des individus et les pousser à se cacher davantage ; autant d’éléments qui compliquent le travail d’outreach et d’accompagnement de ces publics (Alter échos, 2020a). De plus, les mesures de confinement peuvent entraîner le chômage (partiel), le licenciement ou l’impossibilité de poursuivre le travail caché exercé jusqu’à présent (prostitution, travail au noir, deal, mendicité, etc.).Parallèlement, les dispositifs officiels (notamment les banques alimentaires, les associations et services publics de prévention, accompagnement et santé) ou officieux (par exemple, récupérer les invendus alimentaires) tentant (tant bien que mal) d’ordinaire de pallier les inégalités sociales de santé et la reproduction sociale sont fermés ou considérablement réduits/ralentis par les mesures de confinement. C’est notamment le cas des écolesNote bas de page. La déscolarisation a des effets considérables sur la reproduction des inégalités sociales au sein des familles ayant un SSE faible. D’une part, la contrainte de garder les enfants et d’assurer l’école à la maison complique considérablement le travail des parents à l’extérieur ou à domicile, d’autant plus dans les familles monoparentales ; d’autre part, les ressources pour faire l’école à la maison sont inégalement réparties, qu’il s’agisse de la maîtrise de la langue d’enseignement et/ou de la culture scolaire, des conditions matérielles (accès à internet, papier, crayons, imprimante) ou des conditions de scolarisation à domicile (pièce calme, enfants en bas âge, parents disponibles, etc.). La fermeture des écoles participe dès lors au creusement des inégalités scolaires et peut considérablement impacter la santé mentale des familles.

La littératie en santé

Le concept de littératie en santé désigne « la connaissance, la motivation et les compétences des individus à accéder, comprendre, évaluer et utiliser l’information de santé en vue de porter des jugements et prendre des décisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé, de manière à maintenir ou améliorer la qualité de vie » (Sørensen et al, 2012). La littératie en santé est inégalement distribuée au sein de la population et dès lors une source d’inégalité sociale.

La reproduction sociale

La notion de reproduction sociale désigne, pour le dire simplement, la perpétuation des positions sociales et de la hiérarchie entre les classes sociales. Elle repose sur la transmission du capital économique (revenus, dividendes), social (réseau de connaissances et interconnaissances), culturel (diplômes, biens culturels, savoir et savoir-être valorisés par l’école) et symbolique (valeur, prestige et légitimité) d’une génération à l’autre. Et c’est l’accumulation ou le déficit de ces différentes formes de capital qui détermine la place d’un individu dans la société (dans un rapport dominant-dominé). La transmission de capital et la reproduction sociale s’exercent par le biais de nombreuses institutions, notamment la famille et l’école.La reproduction sociale maintient les rapports de domination et repose donc sur la perpétuation des inégalités sociales (de santé, de genre, …).

Le confinement impacte également les personnes vivant en collectivité (personnes détenues, enfants placés, patient·es psychiatriques, personnes âgées, personnes porteuses d’un handicap, usager·es de drogues en traitement résidentiel, etc.). Une partie des patient·es psychiatriques et des personnes porteuses d’un handicap habituellement en résidentiel ou en centre de jour ont été renvoyés chez eux ou dans leur famille afin de respecter les consignes de confinement, au risque de chambouler l’équilibre relatif que ces établissements fournissent à la fois à la personne et à leurs proches (Alter Echos, 2020b ; Le Soir, 2020). Les personnes restées au sein des collectivités résidentielles sont quant à elles plus à risque face à la COVID-19, soit parce qu’elles ne sont pas en mesure de respecter la distanciation sociale (soins et nursing de la part des professionnel·les, difficultés ou incapacité à comprendre les consignes et/ou à appliquer les mesures d’hygiène personnelle, promiscuité), soit parce qu’elles sont déjà en moins bonne santé que la population générale (c’est le cas des personnes âgées, des personnes détenues, des usager·es de drogues, et d’une partie des patient·es psychiatriques et personnes porteuses d’un handicap ; Le Soir, 2020). A cela s’ajoutent l’isolement social, le sentiment de solitude ou d’abandon qui peuvent accompagner la réduction drastique des contacts humains, des soutiens psychologiques professionnels et des proches, et jouer sur la santé mentale et physique des individus (et de leurs proches).Le confinement aggrave les inégalités socialesNote bas de pageet constitue dès lors une véritable double peine pour les personnes précarisées : non seulement sont-elles contraintes de rester chez elles et courent davantage de risques sanitaires, mais les dispositifs permettant d’ordinaire de garantir l’accès universel à la santé et de limiter la reproduction des inégalités sociales et leurs effets délétères sont à l’arrêt ou fortement ralentis. Les conséquences du confinement ont et auront des répercussions à court et à long termes sur la perpétuation des inégalités sociales de santé, et donc sur la santé et le bien-être des individus.

Les facteurs influençant l’adhésion et l’application du confinement et des gestes barrières

Une revue de la littérature scientifique, encouragée par les mesures de confinement opérées à travers le globe, s’est intéressée aux facteurs jouant sur l’adhésion à celles-ci (Webster et al, 2020). Les recherches sélectionnées portent sur les mesures de quarantaine individuelle ou collective lors d’épidémies précédentes (SRAS, grippe porcine, Ebola).Les études n’épinglent pas de lien entre les caractéristiques démographiques ou l’emploi et l’adhésion au confinement. Les facteurs les plus importants, qui jouent sur le respect des mesures de confinement et de protection sanitaire (laver les mains, porter un masque, éviter les rassemblements de personnes, se faire vacciner) sont les connaissances des individus au sujet de l’épidémie et des protocoles de distanciation physique, les normes sociales (pression sociale à la conformité, perception du respect du confinement par la population, devoir civique, volonté de respecter la loi), les coûts et bénéfices perçus du confinement, les risques perçus de l’épidémie et les aspects pratiques du confinement (perte de revenu, isolement social, capacité de garder les enfants…). D’autres facteurs peuvent également intervenir : le fait que les centres de soins fonctionnent bien et reçoivent les ressources nécessaires pour cela, ainsi que la confiance dans le Gouvernement, influencent l’adhésion des individus aux mesures de confinement.Aux facteurs épinglés par la revue de la littérature, s’ajoutent évidemment l’ensemble des facteurs abordés ici, à savoir : le logement, le métier exercé, la santé physique et mentale, qui suivent le gradient social. Les connaissances relatives à l’épidémie et aux mesures de distanciation sociale sont tout à fait centrales, particulièrement dans un contexte où les fake news et les théories conspirationnistes circulent largement. La littératie en santé est inégalement répartie au sein de la société (les personnes de SSE faible, ayant un niveau d’instruction faible ou un âge avancé ont un niveau de littératie en santé moins élevé), suivant le gradient social et participant à la reproduction des inégalités sociales de santé (Rondia et al, 2019). De plus, la perméabilité aux théories du complot est plus élevée au sein des moins de 35 ans, des personnes les moins diplômées et issues des catégories sociales les plus défavorisées (IFOP, 2019). Une information large, adaptée et transparente est dès lors tout à fait centrale dans la poursuite de l’adhésion des individus aux mesures de distanciation physique et de protection sanitaire.

Les usager·es de drogues face à la crise sanitaire

Le confinement, l’ennui, la perte de repères temporels, la perte de liberté, les sensations de solitude et d’isolement, la rupture avec les habitudes et le quotidien, le contexte anxiogène, la peur de la maladie, l’inquiétude pour ses proches, les interrogations concernant le virus et ses traitements, les incertitudes quant aux retombées économiques, etc. sont autant de facteurs pouvant jouer sur la consommation de drogues licites et illicites (Rolland et de Ternay, 2020). Plusieurs enquêtes en ligne ont été menée afin de mesurer les impacts du confinement sur la consommation de substances psychoactives au sein de la population générale belge, voir notamment Sciensano (2020), Antoine et al. (2020) et de l’UCLouvain.Les usager·es de drogues licites et illicites courent à la fois les risques liés à la COVID-19 et ceux liés à la consommation de substances en période de confinementNote bas de page. Les personnes usagères de drogues ont souvent un système immunitaire plus faible et des difficultés respiratoires, ce qui constitue un risque supplémentaire de contracter le virus et de développer des symptômes graves. Elles sont davantage à risque d’être gravement malades ou de décéder de la COVID-19 :

  • la COVID-19 aggrave les dépressions respiratoires provoquées par la consommation d’opioïdes, de benzodiazépines et d’alcool ;
  • le sevrage aux opioïdes, potentiellement induit par le confinement, peut aggraver des difficultés respiratoires ;
  • fumer ou inhaler des produits (tabac, cannabis, crack, cocaïne, meth/speed, etc.) aggrave les problèmes respiratoires ;
  • les infections au HIV, hépatites virales et cancers du foie, dont la prévalence chez les usager·es injecteurs est élevée, affaiblissent le système immunitaire ;
  • le confinement éloigne les personnes vulnérables des centres de soins de santé physique et mentale ;
  • la co-occurrence d’une consommation problématique et de problèmes de santé mentale peuvent significativement compliquer l’outreach, la prise en charge et le respect des gestes barrières ;
  • certains usager·es, notamment les plus marginalisés ou précarisés, ont parfois une relation compliquée au milieu médical.

Les situations de stress ou d’anxiété liées à la pandémie et au confinement obligatoire peuvent avoir différents effets sur les usager·es de drogues et les personnes en sevrage ou sous traitement de substitution :

  • envie ou besoin de consommer davantage (risque de surdoses) ;
  • envie ou besoin de consommer à nouveau après une période d’abstinence (risque de rechute et de surdoses) ;
  • état d’esprit propice aux bad trip.

S’ajoutent à cela les risques inhérents au manque de matériel stérile et en bon état pour consommer à moindre risqueNote bas de page, à la suite de la fermeture ou du ralentissement des dispositifs de réduction des risquesNote bas de page. De plus, la disponibilité et la qualité des drogues en circulation sont impactées par les mesures de confinement, probablement de manière différenciée sur le territoire et selon le produit :

  • la chaîne de production, d’approvisionnement et de vente peut être perturbée par la maladie, les mesures de confinement, les contrôles policiers… entraînant une baisse de la disponibilité des produits, et dès lors, une augmentation des prix et de la proportion des produits de coupe, au risque de mettre la santé des usager·es en danger ;
  • les activités en rue étant limitées et davantage contrôlées, le deal peut s’avérer davantage compliqué et dangereux qu’avant ;
  • les usager·es qui en ont les moyens font des stocks de produits, dans la perspective d’aller se fournir moins souvent et/ou en anticipation d’une perturbation de la chaîne d’approvisionnement ;
  • les usager·es qui en ont les moyens techniques, matériels et les connaissances se tournent vers le Darknet pour se fournir en produit.

La baisse de la qualité des produits en circulation, les produits de coupe et la baisse de la disponibilité peuvent entraîner de réels problèmes de santé pour les usager·es, y compris un sevrage contraint ou une moindre consommation par manque de produit/de principe actif.Les usager·es précarisés sont d’autant plus à risque qu’ils cumulent à la fois les risques corrélés à un SSE faible et ceux liés à l’usage de drogues (licites et illicites). Leur santé est en effet impactée, d’une part, par les fluctuations du marché des drogues illicites et, d’autre part, par l’arrêt ou ralentissement des services de santé, prévention, réduction des risques, aide et accompagnement.Si des études sont en cours afin d’objectiver la situation actuelle, certains centres et intervenant·es spécialisés en relation avec les usager·es précarisés rapportent une baisse de la disponibilité et de la qualité des produits illicites, une augmentation des prix en rue (Le Vif, 2020 ; Antoine et al, 2020)Note bas de page, et globalement une aggravation de leurs conditions de vie et des risques socio-sanitaires (RTBF, 2020 ; Libération, 2020). La raréfaction des substances illicites, l’augmentation de la demande et celle des risques pris par la chaîne d’approvisionnement peuvent en effet participer à l’augmentation des prix en rue. Or, les usager·es précarisés sont d’autant plus sensibles aux fluctuations du marché que leurs revenus sont faibles et incertains. L’augmentation des prix, la baisse de la qualité des produits et la réduction de leur disponibilité peuvent pousser les usager·es les plus précaires à consommer des produits de substitution et à diminuer leurs dépenses de première nécessité (nourriture, logement), aux dépens de leur santé, et/ou les précipiter dans des sevrages non-désirés, non-prévus et surtout non-accompagnés (RTBF, 2020 ; Hamilton et Stevens, 2020).Les mesures de confinement et de distanciation physique ont d’autres effets délétères sur les usager·es précarisés. La fermeture ou le ralentissement des services de santé et d’accompagnement limitent l’accès aux soins, le nombre de places en résidentiel et l’accès aux traitements de substitutions au opiacés (notamment pour les nouveaux patient·es), et ce, alors même que les risques liés à l’usage de drogues et les risques de sevrage contraint augmentent. En même temps, les dispositifs de prévention et de réduction des risques (matériel stérile de consommation, dépistage, testing de produits) subissent un ralentissement, dû aux mesures d’hygiène et de distanciation physique (RTBF, 2020 ; Alter échos, 2020a ; EMCDDA, 2020). D’autres services sur lesquels l’équilibre précaire de ces usager·es repose sont contraints de fermer ou de limiter leurs activités, notamment les douches, les centres de jour, les restaurants sociaux, les services sociaux, etc. (Alter échos, 2020a). Parallèlement, l’augmentation des contrôles policiers et la baisse drastique de la fréquentation de l’espace public impactent les usager·es précarisés qui sont davantage en rue. La consommation en rue, la mendicité, l’approvisionnement auprès des dealers, ou même le fait de se poser ou dormir dans l’espace public sont devenus beaucoup plus compliqués voire impossibles (Libération, 2020).

Innovation et adaptation des dispositifs de traitements de substitution aux opiacés et de réduction des risques

Partout en Europe, les services de TSO et de réduction des risques ont dû rapidement s’adapter et innover afin de poursuivre leurs activités, vitales pour nombre d’usager·es (EMCDDA, 2020).Certains pays ont assoupli la réglementation en matière de TSO : allongement de la durée des prescriptions, augmentation des quantités prescrites, changements dans le dosage et les produits, réduction ou annulation des tests d’urine ou des prises supervisées… Des dispositifs de délivrance à domicile ont aussi été mis en place, ainsi que des programmes d’outreach mobiles (qui reposent sur un accès rapide et simplifié à un TSO).Beaucoup de dispositifs de réduction des risques ont été fortement ralentis. Les services de testing ont dû arrêter leurs activités en face à face, mais ont parallèlement renforcé leur présence en ligne. Les dispositifs de distribution de matériel stérile ont quant à eux augmenté les quantités de matériel délivré en une fois et développé la livraison à domicile ou des lieux de self-service. Les salles de consommation à moindre risque ont pour beaucoup poursuivi leurs activités, en s’adaptant ; et certains pays ont mis en place des salles mobiles. Les abris à destination des personnes fortement marginalisées ont quant à eux développé des activités de réduction des risques liés à l’alcool.

Tous ces éléments combinés poussent les usager·es précarisés à se cacher davantage et les éloignent des services d’aide, de soins et de réduction des risques, augmentant dès lors les risques liés à la consommation de drogues. Au final, le lien entre les services spécialisés et les usager·es, déjà fragile, risque de s’effilocher, et la santé physique et mentale des usager·es de se détériorer significativement. De nouveau, la crise sanitaire liée à la COVID-19 agit en révélateur des limites et manquements du modèle sociétal dans lequel nous évoluons ; un modèle basé sur la prohibition de certaines substances psychoactives et sur la répression des usager·es, plutôt que sur la promotion de la santé et une approche de l’usage de drogues licites et illicites depuis le prisme de la santé publique.

L’essoufflement de notre modèle de société

Ces constats ne sont évidemment pas nouveaux et ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Les secteurs de la lutte contre la pauvreté, de la promotion de la santé, de la santé, de l’aide sociale, de la prévention et de la réduction des risques tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme.Les crises, qu’elles soient sociales, sanitaires, économiques ou écologiques, tendent à révéler les faiblesses structurelles des sociétés (Peretti-Watel, 2020). La crise sanitaire liée à la COVID-19 exacerbe, voire accélère, les conséquences des mesures politiques prises ces dernières décennies en matière de dérégulation du travail, de privatisation des services publics, d’austérité, de dissolution du système de protection sociale et de santé (les hôpitaux en première ligne) et de désintérêt pour la promotion de la santé ; autant de mesures qui ignorent les inégalités sociales préexistantes et qui font toujours davantage reposer la responsabilité de leur santé et de leurs conditions de vie sur les individus, et non plus sur la collectivité et l’Etat. Or, ce sont la collectivité et l’Etat qui devraient compenser, réparer et lutter durablement contre les inégalités sociales.La crise actuelle exacerbe donc les inégalités sociales de santé qui persistent entre les classes sociales, les genres et les corps de métier. Elle souligne l’oubli systémique de ces inégalités et de certaines franges de la population, ainsi que les politiques de l’urgence appliquées par les pouvoirs publics aux personnes précarisées, sans abri, détenues, institutionnalisées, âgées, marginalisées, sans papier, usagères de drogues, travailleuses du sexe, pour ne citer qu’elles. Elle met en exergue une hiérarchisation erronée des métiers, du mérite et de l’utilité basée sur la rentabilité et le profit, plutôt que sur la plus-value socio-sanitaire.La crise actuelle rappelle en conséquence le rôle central et indispensable du travail reproductifNote bas de page et des dispositifs de soin, d’aide et d’accompagnement ; et le rôle pilier que jouent les institutions publiques (l’école en premier lieu) et les points d’appui associatifs et non-gouvernementaux qui luttent contre la pauvreté et les inégalités sociales. Elle met également en lumière toute l’importance d’investir durablement dans la prévention et la promotion de la santé.

Le rôle de la promotion de la santé

La promotion de la santé permet aux individus d’améliorer la maîtrise de leur propre santé et comprend un vaste panel d’interventions sociales et environnementales visant à favoriser et protéger la santé et la qualité de vie, tout en luttant contre les principales causes de la mauvaise santé (c’est-à-dire en agissant sur les déterminants de la santé ; OMS, 2016). La santé est comprise de manière globale : la santé physique, certes, mais également la santé mentale et le bien-être. La promotion de la santé défend dès lors la mise en place d’un projet social durable qui s’inscrit dans un écosystème. Ce projet social tend vers la création des conditions et environnements favorables à la santé des individus et communautés.Les modèles théoriques sur lesquels repose la promotion de la santé participent à mettre en place des actions cohérentes et globales autour des déterminants de la santé et à élaborer des stratégies de communication, d’information et d’éducation à la santé (Scheen et Aujoulat, 2020). La promotion de la santé vise à autonomiser les communautés et à faire vivre le projet démocratique en encourageant la participation citoyenne aux décisions ayant un impact sur la santé (IREPS, 2020). La collaboration interdisciplinaire et la création de liens et de solidarités sont au centre de son fonctionnement. Ainsi, en temps ordinaires et en temps de crise, la promotion de la santé et ses acteur·rices permettent 1) la mise en place de politiques publiques soucieuses de leurs répercussions sur les déterminants de la santé et les inégalités sociales de santé, et 2) une communication optimale, non-paternaliste et transparente auprès des populations, qui tienne compte du niveau de littératie en santé de celles-ci.La promotion de la santé participe ainsi à l’édification d’un modèle de société plus égalitaire, plus équitable, plus démocratique et durable, qui considère la santé des individus comme un bien collectif et essentiel. Elle défend le caractère non-marchand et collectif de la santé, ainsi que le droit à la santé dans sa totalité (y compris des conditions de vie dignes, la participation démocratique aux décisions politiques, et l’accès à une information sanitaire complète et transparente ; Mebtoul, 2020). Or, malgré son importance fondamentale dans la pérennité de la société, force est de constater que la promotion de la santé souffre d’un manque systémique de moyens financiers et humains et de considération de la part des pouvoirs publics.

Références bibliographique

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IREPS (2020). Inégalités sociales de santé au temps du coronavirus : constats et pistes d’actions en promotion de la santé. Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé, Auvergne-Rhône-Alpes, France.Lang et al. (2020). « Pour lutter contre les inégalités sociales de santé, il faut pouvoir les mesurer ! », in Libération, 04/05/2020, France.

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Rolland, B., de Ternay, J. (2020). « Confinement et prise de psychotropes : ce que nous apprend la guerre du Vietnam », in The Conversation, 22/04/2020.

Rondia, K. et al. (2019). « Littératie en santé : quels enseignements tirer des expériences d’autres pays ? », Centre fédéral d’expertise des soins de santé, Belgique.

RTBF (2020). « Coronavirus : les usagers de drogues, population à risque oubliée ? », in RTBF.be, Johanna Bouquet, 31/03/2020, Belgique.

Scheen B., Aujoulat I., (2020). “Lu pour vous : Stephan Van den Broucke, Why health promotion matters to the COVID-19 pandemic, and vice versa”. Woluwé-Saint-Lambert : UCLouvain/IRSS-RESO.

Sciensano (2020). « Résultats préliminaires sur l’usage et l’offre de substances illégales pendant la crise du coronavirus », Sciensano, Belgique.

Sørensen K., Van Den Broucke S., Fullam J., Doyle G., Pelikan J., Slonska Z., Brand H., For (Hls-Eu) Consortium health literacy project european. Health literacy and public health: A systematic review and integration of definitions and models. BMC Public Health 2012 ; 12 : 80

UMR Vitrome, EHESP et al. (2020). « COCONEL : Confinement et conditions de vie », Note de synthèse, vague 1, France.

Webster, R., Brooks, S., Smith, L., Woodland, L., Wessely, S., Rubin, G. (2020). “How to improve adherence with quarantine: Rapid review of the evidence”, in Public Health, 182.

 

EUROTOX ASBL

Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles info@eurotox.org – 02/539.48.29

Les représentations sociales désignent l’ensemble des croyances, connaissances et opinions produites, transmises et partagées au sein d’une société donnée, à un moment donné. Les individus agissent, interagissent et réagissent en fonction de ces représentations, qui ne sont évidemment pas immuables et peuvent évoluer dans le temps.

La notion de « racisation » (une personne « racisée ») désigne le processus dynamique et structurel de production sociale de la « race ». La « race » est donc le produit du rapport social ; elle est une construction sociale, économique, historique et politique qui a des effets néfastes sur les personnes racisées (Orban, 2020).

Les violences intrafamiliales (psychologiques, physiques, économiques) touchent tous les milieux sociaux. Les personnes de SSE faible, victimes de ces violences, ont cependant moins de ressources pour y échapper.

Les sciences sociales ont depuis longtemps démontré le rôle des institutions scolaires dans la reproduction des inégalités (Bourdieu et Passeron, 1964, pour ne citer que les plus connus). La déscolarisation, cependant, renforce les inégalités sociales, puisque les familles sont inégalement équipées pour se substituer au rôle de l’école. Cela se vérifie déjà en temps ordinaires lors des grandes vacances d’été, au cours desquelles les écarts entre les enfants de SSE élevé et les enfants de SSE faible se creusent largement et durablement (Darnon, 2020).

Voir les résultats de l’étude COCONEL – Coronavirus et Confinement : Enquête longitudinale, réalisée par l’UMR Vitrome, EHESP et al (2020).

Le manque de matériel de consommation stérile et en bon état augmente les pratiques de partage et réutilisation du matériel, et donc les risques de transmission et infection au VIH et hépatites B et C, et d’abcès.

A noter qu’en temps ordinaires, l’offre de matériel stérile ne rencontre déjà pas la demande, faute de moyens suffisants mis à disposition du milieu associatif (voir 20 ans d’échange de seringues en Belgique francophone : Quel dispositif d’accès au matériel stérile d’injection à Bruxelles et en Wallonie ? Mira Goldwicht. Modus Vivendi. Novembre 2016).

Précisons toutefois que d’après les résultats préliminaires de l’enquête menée par Sciensano (2020), les usager·es de drogues sondés ne rapportent pas de baisse de la qualité des produits en circulation, ni d’augmentation des prix, contrairement à l’enquête menée auprès des centres et intervenant·es spécialisés. Deux hypothèses peuvent expliquer la différence de constats : 1) les centres et intervenant·es rapportant une baisse de la disponibilité et une hausse des prix sont principalement en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale, tandis que les usager·es sondés sont principalement en Région flamande (il y aurait donc éventuellement une disparité spatiale) ; 2) Les publics d’usager·es ne sont pas les mêmes : les usager·es ayant répondu à l’enquête en ligne se déclarent en effet en bonne santé, ont un emploi et ont un niveau d’éducation relativement élevé (secondaire et plus), alors que l’enquête auprès des centres et intervenant·es concernerait davantage des usager·es précarisés.

Le travail reproductif désigne l’ensemble des activités qui permettent de créer et renouveler la force de travail, c’est-à-dire procréer, mais aussi nourrir, loger, prendre soin et soigner des malades, des aîné·es et des jeunes, soutenir, nettoyer, éduquer, etc. à l’échelle du foyer domestique et de la société. Ce travail reproductif est largement dévalorisé au sein des sociétés occidentales, puisque considéré comme non rentable. Il repose fortement sur une répartition genrée et racisée des tâches, les femmes et personnes racisées étant surreprésentées dans le travail reproductif[10]. Parce que considéré comme une compétence « naturelle », une passion ou un dû, le travail reproductif est souvent dévalorisé, mal rémunéré voire gratuit (voir notamment De Beauvoir, 1949 ; Federici, 2014 ; Cognet, 2010).

Regards sur l’après-pandémie, quels possibles pour demain ?

Le 30 Déc 20

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Mars 2020, devant l’explosion du nombre de cas de Covid-19, les gouvernements de plusieurs pays décident du confinement de leur population. Pause. Une partie du monde s’arrête. Et ensuite ?

Regards sur l’après-pandémie, quels possibles pour demain ?

A quoi ressemblera le monde d’après la crise sanitaire ?”. Dans sa note de veille “Les Nouvelles des Possibles N°2”, Frédéric Claisse, de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), nous propose d’explorer quatre scénarios – des hypothèses ou des “récits relatifs au futurNote bas de page” – qui se sont dessinés dans les prises de position de citoyens, chercheurs, philosophes… au cours du premier mois de confinement généralisé de près de la moitié de l’humanité. Bien que polarisés, ces différents scénarios ne s’excluent pas nécessairement les uns les autres. “Ils sont en conversation permanente, partagent des problèmes, se disputent autour d’enjeux communs qu’ils polarisent à leur manière. On n’a donc pas affaire à quatre routes distinctes qui s’offriraient à nous, mais à une série de chemins qui peuvent se recouper pour aboutir à des destinations différentes”(Claisse, 2020, p. 3) .Dès lors, quelle place sera réservée à la promotion de la santé dans ce monde d’après ? Quel rôle pourra-t-elle jouer ? A l’heure où nous nous posons cette question, les acteurs du secteur se mobilisent pour faire entendre leurs souhaits, leurs visions… Cette synthèse de la note de l’IWEPS permet d’amener des éléments complémentaires aux réflexions menées et présentées tout au long de ce numéro spécial d’Education Santé.

Scénario 1 : la transformation

Dans ce scénario, la crise que nous traversons est à l’image de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Elle est le résultat d’un modèle de société insoutenable. Elle révèle les grandes failles de notre fonctionnement sociétal, qu’il s’agisse de “l’impasse d’un modèle de gouvernance qui a vu l’Etat se désinvestir de ses missions de service public”(Claisse, 2020, p. 3) (sur le plan politique et social quant aux conditions de travail du personnel soignant, à la pénurie des masques, etc.) ou du“ système en train de causer la destruction de l’environnement et d’accélérer le changement climatique”(Claisse, 2020, p. 4) (sur le plan environnemental).Dès lors, un retour au “monde d’avant” n’est pas envisageable, il est nécessaire d’opérer une grande transformation, ou a minima un changement de cap. Cependant, cette transformation dépend du prisme par lequel on l’envisage, par exemple, un retour de l’Etat social ou encore un “plan de sortie” pour le climat. Rappelons que ces hypothèses ne s’excluent pas nécessairement. D’autres encore plaident pour ce qu’ils qualifient de “corona resetNote bas de page”, en portant la vision empreinte d’utopie d’un monde plus juste² (Claisse, 2020, p. 5).“L’addition ou la convergence de ces exigences de transformation (écologiques d’un côté, économiques et sociales de l’autre) pourrait avoir pour effet une prise de conscience accrue de la nécessité de prendre en compte le long terme dans des domaines comme l’environnement, l’énergie, la santé ou la mobilité, et pousser l’acteur public à relancer des politiques économiques et sociales ambitieuses (…)”, indique l’auteur.

Scénario 2: le retour à la normale

Le titre est évocateur. Pragmatisme pour les uns, ardent souhait pour les autres, fatalisme (voir pessimisme) pour d’autres encore… la situation actuelle (l’état d’urgence) est transitoire et exceptionnelle. On est ici dans le scénario de la continuité.Sur le plan économique, la relance de la consommation et de l’économie ainsi que la poursuite du modèle capitaliste sont salvateurs. La crise permettra même de favoriser la libéralisation du système de santé, par exemple. Le plan environnemental risque fort d’être (encore plus) lésé au nom de la relance économique (du secteur aérien, du tourisme, etc.). “ Dans un tel scénario, il y a fort à parier qu’une fois levée la période de confinement, les individus, trop heureux de reprendre le cours de leur vie, se remettront à voyager et à consommer comme avant. “ (Claisse, 2020, p. 7). Toutefois, personne (ou très peu de gens, s’il y en a) ne nie les effets à long terme de la crise, assortis d’une lente reprise économique, dans le “monde d’après”.Dans cet angle d’approche, certains redoutent toutefois la prolongation des mesures dites d’exception (mesures “de guerre”) sur le plan économique ou sur celui des restrictions de libertés et droits humains.

Scénario 3: la résilience

Ce scénario postule que nous ne sortirons pas indemne de la crise mais que nous serons plus résilients car nous aurons “tiré des leçons” de ce que nous aurons traversé. Dans ce scénario, on prend en compte les “effets d’apprentissage”(Claisse, 2020, p. 8). qu’ont permis cette crise, tels que les échanges très rapides de savoirs scientifiques ou les “efforts de coordination et de mobilisation mondiale”(Claisse, 2020, p. 8), par exemple. Au niveau individuel, les gestes barrières sont intégrés et deviennent la norme. Il est intéressant de noter, dans une réflexion sur l’avenir de la promotion de la santé, qu’il revient ici à chacun de modifier ses habitudes. Par ailleurs, une liberté surveillée via des dispositifs de tracking, par exemple, est considérée comme un prix acceptable à payer.Il ne s’agit donc pas tout à fait d’un retour au “monde d’avant” comme dans le scénario précédent. “L’humanité prend davantage conscience de sa vulnérabilité : les flux d’échange de biens, de services et de personnes représentent aussi des vecteurs de propagation pour des hôtes avec lesquels elle doit (ré)apprendre à vivre. L’application du principe de précaution n’implique pas pour autant une entrave ou une limitation à la circulation dans une économie qu’il serait encore plus coûteux de ‘démondialiser’ » (Claisse, 2020, p. 8).

Scénario 4: l’effondrement

Ce quatrième scénario est celui qui apporte sans doute le point de vue le plus catastrophiste. Il est autrement plus radical que celui du changement malgré quelques points communs. La théorie de l’effondrement (appelée aussi collapsologie) est de plus en plus présente ces dernières années et soutient l’idée selon laquelle la sixième extinction de masse, le tarissement des ressources (notamment énergétiques mais aussi alimentaires à cause de l’appauvrissement des sols lié à l’agriculture intensive), ainsi que le changement climatique ont mené nos sociétés au bord du précipice, de l’effondrement. Cette théorie est portée par des collapsologues. Parmi les plus illustres, on peut citer Pablo Servigne ou Jean-Marc Jancovici en France. Selon ce scénario, la crise liée à la pandémie est révélatrice du fait que nous avons atteint un point de non-retour :“l’effondrement, selon eux inévitable, de la civilisation industrielle dont la plupart des indicateurs ont irréversiblement dépassé les seuils d’alerte.” ”. L’écologiste français Noel Mamère parle de “répétition générale avant l’effondrement (Claisse, 2020, p9)” ou de la continuité d’un “processus déjà entamé (…) [qui] pourrait prendre plusieurs années (Claisse, 2020, p.9)”comme le pense le sociologue Dominique Bourg, mais aussi d’effondrement des réseaux de production et de distribution entraînant l’ensemble du système par un effet de dominos.Néanmoins, les théories de l’effondrement ne tournent pas uniquement autour de la manière ou du moment où le monde tel qu’on le connait va s’écrouler. Il serait très réducteur de ne retenir que le discours apocalyptique de ses partisans qui évoquent également “l’émergence de nouvelles formes de production, de consommation et de sociabilité dans la période de l’après, qui doit se préparer dès maintenant”(Claisse, 2020, p. 9). Sur ce point clé, il rejoint donc l’idée de changement prônée par le premier scénario.

Un effondrement différencié par des inégalités sociales accrues

En évoquant ce dernier scénario, l’auteur précise qu’il existe un registre voisin à celui de l’effondrement. “En réalité, il conviendrait plutôt de parler d’effondrement différencié’, tant la crise sanitaire précarise certaines catégories de la population ou certaines zones géographiques. Un des effets les plus soulignés de la pandémie est la manière dont la crise et sa gestion par le confinement révèlent les inégalités et intensifient les vulnérabilités. ”(Claisse, 2020, p. 10).

Le “retour des communs”, un autre scénario de l’effondrement

Durant la crise sanitaire, un autre phénomène important à noter est celui de la solidarité. De nombreuses initiatives ont fleuri un peu partout : fabrication de masques, de matériel de protection, distributions de nourritures, moyens pour contrer l’isolement… On observe « de la générosité et de l’inventivité des personnes pour pallier le manque de matériel médical, distribuer de la nourriture aux plus démunis ou garder le contact avec les personnes isolées (Claisse, 2020, p. 11) », plutôt que des gens qui se déchirent les uns les autres comme le laissaient croire divers scénarios de films apocalyptiques. Cette variante du scénario de l’effondrement impliquerait donc un retour aux valeurs importantes en communauté. “S’il est contre-intuitif, ce scénario de “retour des communs” n’est, en réalité, pas incompatible avec celui de l’effondrement – ni, d’ailleurs, avec celui d’un retour de l’Etat social, dont ces actions mettent en évidence l’impuissance ou la défaillance (Claisse, 2020, p. 11). »Parmi ces différents scénarios mais aussi de manière transversale, il convient maintenant de se demander où et comment va s’inscrire la promotion de la santé dans le monde de demain. Les intervenants en promotion de la santé se mobilisent. Pour Education Santé, associé à la note des Fédérations bruxelloises et wallonne de Promotion de la Santé, retour au « monde d’avant » et à ses inégalités toujours grandissantes n’est pas souhaitable.

Claisse, F. (2020). Covid-19: quatre scénarios pour l’après-crise. Les nouvelles des possibles : note de veille prospective de l’IWEPS, N°2. https://www.iweps.be/wp-content/uploads/2020/04/NVPO02.pdf

D’après le prospectiviste Jim Dator, cité dans la note de l’IWEPS : Dator, J. (2009), « Alternative Futures at the Manoa School », Journal of Futures Studies, 14(2), pp. 1–18.

La contraception masculine, on en parle ?

Le 30 Déc 20

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« Focus sur les couilles ! », Ainsi s’intitule le premier colloque sur la contraception dite masculine en Belgique. Titre accrocheur pour un sujet encore fort méconnu, O’Yes (anciennement Sida’sos) vous propose de revenir sur un état des lieux des réflexions en cours et des pistes déjà existantes…

La contraception masculine, on en parle ?
Partout dans le monde, ce sont principalement les femmesNote bas de page qui sont en charge de la contraception. La plupart des hommes ne partagent pas, ou peu, cette réflexion et la question n’est que très rarement abordée.Alors que les gynécologues sont les personnes de référence pour les femmes en matière de contraception, il n’existe à l’heure actuelle que peu de professionnel·les clés et de consultations spécifiques pour les hommes, ce qui les dépossède complètement de la question. Et pourtant, un partage des responsabilités présente de nombreux avantages et fait progresser notre société vers plus d’égalité entre les individus. Il est important de permettre à chaque personne de maîtriser sa propre fertilité.Les professionnel·les de la santé (médecins, centres de planning familial, associations…) sont également démuni·es face à cette thématique. En effet, il n’existe aucune formation sur le sujet. Non seulement cette situation les empêche de répondre de manière qualitative à leurs patient·es mais elles et ils ne savent généralement pas non plus vers où les réorienter.Face à ces multiples zones d’ombre, O’YES et ses partenaires : Thoreme, la FCPPF, le Love Health Center et FEMMESProd, ont organisé le premier colloque sur la contraception dite masculine en Belgique : “Focus sur les couilles”.Cet événement visait trois objectifs :

  • améliorer les connaissances des professionnel·les et des étudiant·es du secteur de la santé afin que ces dernier·es puissent avoir les clés pour mieux aborder la contraception dite masculine dans leur pratique ;
  • sensibiliser le grand public à ces différentes méthodes de contraception et créer un espace d’échange et de découverte grâce aux ateliers ;
  • susciter les réflexions sur l’équité contraceptive.

Cet événement se divisait en deux temps : un premier temps destiné aux professionnel·les et étudiant·es des secteurs de la santé, du social et de l’éducation et un second temps destiné au tout public.

État des lieux et réflexion sur les contraceptions dites masculines

Il existe très peu d’enquêtes sur la contraception en Belgique. Toutefois, la dernière enquête réalisée par SolidarisNote bas de page en 2017 révèle qu’en Belgique 68% des femmes déclarent utiliser un moyen de contraception contre 33% des hommes. Parmi ces hommes, 60% citent le préservatif. D’autres chiffres intéressants ressortent : une femme sur deux se dit seule à décider de la contraception de son couple. Par ailleurs, si 39% des hommes se disent prêts à utiliser une contraception testiculaireNote bas de page, 31% y sont opposés. Du côté des femmes, 51% d’entre elles seraient prêtes à laisser la charge mentale de la contraception aux hommes, 21% cependant s’y opposent et 25% ne savent pas si elles accepteraient que la contraception de leur couple soit gérée par leur partenaire.De manière générale, la satisfaction des utilisateurs quant à leur méthode de contraception diminue ces dernières années, principalement pour le préservatif externe, passant de 88% à 76%, ainsi que la pilule passant de 89% à 84%. La charge de la contraception est de plus en plus discutée au sein des couples. Avec l’âge, les hommes s’estiment de moins en moins impliqués dans la contraception du couple alors que ce taux ne varie pas fondamentalement avec l’âge parmi les femmes.

Historique et contexte

Laurence StevelinckNote bas de page a évoqué les divers freins à l’origine du manque d’implication des hommes dans le partage de la contraception : ils sont techniques, professionnels et culturels. Les freins techniques sont liés à une offre réduite des contraceptifs masculins principalement à cause d’un désintérêt de l’industrie pharmaceutique, de la médecine et des pouvoirs publics, mais aussi des budgets limités pour développer ce type de contraception, et des effets secondaires potentiels, mal perçus par les hommes bien que comparables aux effets secondaires liés aux contraceptifs dits féminins. Les freins professionnels résident dans le fait que peu de professionnel·les de la santé ont les connaissances nécessaires pour informer leur patientèle et/ou la réorienter vers des personnes compétentes, telles que les urologues, andrologues, sexologues, …Ces deux types de freins sont également étroitement liés aux freins culturels et symboliques, les plus importants, découlant des rôles spécifiques attribués aux femmes et aux hommes dans notre société. C’est d’ailleurs pourquoi, outre le développement des différentes méthodes contraceptives, c’est une “transformation radicale des scénarios culturels de nos sociétés” qui doit s’opérer. Une menace sur la virilité (symbolique du phallus et craintes imaginaires) est souvent mise en avant par les différent·es spécialistes.

Les différentes méthodes de contraception existantes et celles en cours d’étude

Daniel Murillo cite parmi les méthodes existantes :

  • La technique du retrait : elle consiste à retirer le pénis du vagin avant l’éjaculation. Elle n’est pas complètement fiable pour éviter une grossesse puisqu’il est difficile de contrôler son éjaculation pendant le rapport sexuel. Une grossesse est, dès lors, possible.
  • Le préservatif externe (préservatif masculin) : il s’enfile sur un pénis en érection avant la pénétration et empêche ainsi les spermatozoïdes d’entrer en contact avec l’ovule. À usage unique, il est facile à trouver et accessible à tout le monde. De plus, il a l’avantage d’éviter les Infections Sexuellement Transmissibles (IST).
  • La vasectomie : cette technique de stérilisation masculine très fiable est considérée comme définitive. Les canaux déférents transportant les spermatozoïdes des testicules à la prostate sont sectionnés ou bouchés de telle manière que le sperme ne contient plus de spermatozoïdes. Il n’y a aucune influence sur la qualité de l’érection, ni sur la libido. Cette technique est efficace 3 à 6 mois après l’opération, à partir du moment où un spermogrammeNote bas de page le valide.
  • Les injections hormonales : cette méthode, réversible, consiste en des injections hebdomadaires ou en injection tous les 3 mois dans le muscle. Uniquement pour les personnes de plus de 45 ans. Il n’existe pas de traitement dont l’indication spécifique concerne la contraception hormonale mais il s’agit de l’utilisation détournée d’un autre médicament.

Parmi les méthodes en cours d’étude, Daniel Murillo cite :Image

  • Le vasalgel : il s’agit de l’injection d’un gel dans les canaux déférents qui empêcherait le passage des spermatozoïdes. Cette méthode serait réversible mais elle n’a actuellement été testée que sur l’animal.
  • RISUG : Reversible Inhibition of Sperm Under Guidance : il s’agit d’un gel aux propriétés spermicidesNote bas de page injecté au sein des canaux déférents. Ce gel bloquerait la progression des spermatozoïdes et provoquerait une altération de ces derniers en les empêchant de remplir leur rôle de fécondation. Cette méthode serait réversible. Développée depuis plus de 20 ans en Inde, cette technique en est à la phase d’essais cliniques.
  • Les méthodes hormonales : la pilule et le gel hormonal en sont encore aux phases expérimentales. Pour la pilule, un avenir prometteur est assuré selon les chercheurs.

D’autres méthodes comme l’implant, l’obturation des canaux déférents ou les ultrasons, existent mais n’en sont qu’aux phases expérimentales de leurs développements.

Contraception thermique et initiatives militantes

Maxime LabritNote bas de page a ensuite abordé la contraception thermique, qui consiste en une augmentation de la température des testicules, rendant ainsi les spermatozoïdes inactifs. Cette méthode existe depuis très longtemps mais a fait l’objet de peu d’études. Ces dispositifs doivent être combinés à des spermogrammes réguliers afin de s’assurer de leur efficacité.

  • Le slip “Remonte-Couilles Toulousain” consiste à faire passer le pénis et le scrotum (la peau qui entoure les testicules) à travers un anneau sur l’avant du slip. Avec cette technique, les testicules restent à l’intérieur du slip, se rapprochent du corps, ce qui augmente la température des testicules de 2 degrés, rendant les spermatozoïdes inactifs. Cette méthode est réversible. Il doit être porté 15h/jour et est efficace après environ 3 mois d’utilisation. Il est même possible de le réaliser soi-même.
  • L’AndroSwitch® (anneau thermique) suit le même principe que la méthode précédente: le pénis et le scrotum sont passés dans un anneau en silicone. Il doit être porté 15h/jour. Efficace après environ 3 mois d’utilisation, cette méthode est également réversible et coûte quelques dizaines d’euros.
  • Le SpermaPause® (Slip chauffant) est un caleçon doté d’une compresse thermique qui réchauffe les testicules à 41°c rendant les spermatozoïdes inactifs. Il doit être porté environ 4h/jour. Cette méthode semble réversible mais n’a été que peu étudiée. Le dispositif (2 caleçons, 1 compresse chauffante et 1 batterie) coûte 95€.

Table ronde : “la contraception dite masculine dans ma pratique professionnelle”

Rikke Qvist, en tant que sage-femme, insiste sur l’importance de prendre le temps d’écouter les couples et de les accompagner dans leur choix contraceptif. Cette contraception se doit d’être épanouissante. Elle rappelle aussi que la contraception est évolutive et que chaque personne doit se sentir libre de la changer autant que nécessaire, selon les différentes périodes clés de sa vie.Par ailleurs, Anne Verougstraete, gynécologue, précise que le développement de la contraception dite masculine n’est pas aisé, notamment à cause d’enjeux financiers importants. Elle évoque aussi l’importance de faire valider ces nouveaux contraceptifs masculins auprès des différentes instances nationales et internationales compétentes afin que toutes les méthodes contraceptives puissent être reconnues.Concernant l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) en milieu scolaire, permettre aux jeunes de comprendre leur corps, son fonctionnement ainsi que la maîtrise de leur fertilité est fondamental, selon Sophie Hustinx. Il est nécessaire que tou·tes les jeunes puissent avoir des moments d’échanges en termes de vie relationnelle, affective et sexuelle.Olivier Mageren, sexologue, a interpellé le public avec sa phrase “faire l’amour sans bouger”. Il a exprimé le fait que le plaisir et la sexualité ne se limitent pas à la pénétration vaginale et que chaque personne a la liberté d’écrire son propre scénario “sexuel”. Une première édition réussie qui ouvre sur de nouvelles possibilitésL’enthousiasme des participant·es démontre l’importance de renouveler des événements tel que celui-ci mais aussi d’aller plus loin par la création d’une formation adaptée sur les questions de contraception pour les professionnel·les et étudiant·es de la santé, du social et de l’éducation, l’ouverture des premières consultations au sujet de la contraception dite masculine ainsi que le développement de l’offre contraceptive en Belgique.

Contact : O’YES – hello@o-yes.be – 02 303 82 14 – www.o-yes.be

Nous entendons ici et tout au long de l’article, les hommes et les femmes cisgenres, c’est-à-dire les personnes dont l’identité de genre correspond au genre attribué à la naissance.

https://www.institut-solidaris.be/wp-content/uploads/2017/04/Contraception-2017_FINAL.pdf

C’est-à-dire la vasectomie ou encore la méthode de contraception thermique

chargée de mission à la Fédération Laïque des Centres de de Planning Familial (FLCPF)

Analyse médicale du sperme

Qui tue les spermatozoïdes

Infirmier indépendant

Pouvez-vous améliorer votre santé et votre bien-être en dansant ? Pour la première fois, l’OMS étudie le lien entre les arts et la santé

Le 30 Déc 20

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L’art peut être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale. C’est l’une des principales conclusions d’un nouveau rapport du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, qui analyse les éléments de preuve tirés de plus de 900 publications du monde entier. Il s’agit, à ce jour, de l’étude la plus complète de bases factuelles sur les arts et la santé.

Pouvez-vous améliorer votre santé et votre bien-être en dansant ? Pour la première fois, l’OMS étudie le lien entre les arts et la santé

« Faire entrer l’art dans la vie de quelqu’un par le biais d’activités telles que la danse, le chant ou la fréquentation de musées et de concerts nous donne une clé supplémentaire pour améliorer notre santé physique et mentale », déclare le docteur Piroska Östlin, directrice régionale de l’OMS pour l’Europe par intérim.

« Les exemples cités dans ce rapport inédit montrent comment les arts permettent de gérer des problèmes de santé pénibles ou complexes comme le diabète, l’obésité ou la mauvaise santé mentale. Ils envisagent la santé et le bien-être dans un contexte sociétal et communautaire plus large, et proposent des solutions là où la pratique médicale habituelle n’a pu, jusqu’à présent, apporter des réponses efficaces », explique le docteur Östlin.

Ce rapport étudie les activités artistiques qui visent à promouvoir la santé et à éviter qu’elle ne se détériore, ainsi qu’à gérer et soigner les problèmes de santé physique et mentale et à faciliter les soins palliatifs. Il sortira de presse le lundi 11 novembre à 8 heures (heure de Paris) dans le cadre d’un événement qui aura lieu à Helsinki (Finlande) et qui réunira des experts, des décideurs politiques, des praticiens et des utilisateurs de services de santé pour une discussion sur le rôle des arts dans les soins de santé. Cet événement sera diffusé en streaming.

Les arts et la santé tout au long de la vie

Du stade gestatif jusqu’en fin de vie, les arts peuvent avoir une influence positive sur la santé. Par exemple, les jeunes enfants auxquels les parents lisent une histoire avant le coucher ont de plus longues nuits de sommeil et une meilleure concentration à l’école. Chez les adolescents vivant en milieu urbain, une formation théâtrale dispensée entre camarades peut faciliter une prise de décisions responsable, renforcer le bien-être et limiter l’exposition à de la violence. À un stade ultérieur de la vie, la musique peut stimuler les fonctions cognitives chez les personnes souffrant de démence : on a constaté que le chant, en particulier, améliorait l’attention, la mémoire épisodique et les fonctions exécutives.

Les arts dans les soins de santé

Dans les établissements de santé, les activités artistiques peuvent servir de complément aux protocoles thérapeutiques ou renforcer ces derniers.

Par exemple :

  • on a constaté que l’écoute de la musique ou les réalisations artistiques limitaient les effets secondaires des traitements contre le cancer, dont la somnolence, le manque d’appétit, l’essoufflement et les nausées ;
  • on s’est rendu compte que dans les salles d’urgences, les activités artistiques (musique, artisanat, interventions de clowns, etc.) permettaient de diminuer le niveau d’anxiété, de lutter contre la douleur et de faire baisser la tension artérielle, en particulier chez les enfants, mais aussi chez leurs parents ;
  • à maintes reprises, il a été établi que la danse permettait d’améliorer de façon cliniquement significative les scores moteurs des personnes atteintes par la maladie de Parkinson.

Le rapport souligne que certaines interventions dans le domaine des arts, en plus de donner de bons résultats, peuvent aussi être plus rentables que des traitements biomédicaux plus conventionnels. Elles peuvent combiner simultanément de multiples facteurs de promotion de la santé (comme l’activité physique et le soutien à la santé mentale) et ne comportent qu’un faible risque de résultats négatifs. Étant donné que les interventions dans le domaine de l’art peuvent être adaptées à des personnes de différents horizons culturels, elles peuvent également être un moyen de faire participer des groupes minoritaires ou difficiles à atteindre.

Plusieurs pays examinent désormais la possibilité d’introduire des prescriptions d’activités artistiques ou sociales, qui permettraient aux médecins dispensant des soins de santé primaires d’aiguiller leurs patients vers des activités artistiques.

Considérations concernant les politiques à mener

Ce rapport émet des considérations concernant les politiques à mener, à l’intention des décideurs dans le secteur de la santé ou en dehors de celui-ci, telles que :

  • veiller à ce que des programmes « d’art pour la santé » existent et soient accessibles au sein de la communauté ;
  • aider les organismes artistiques et culturels à intégrer la santé et le bien-être dans leur travail ;
  • promouvoir une sensibilisation du public aux bienfaits potentiels de l’art pour la santé ;
  • inclure les arts dans la formation des professionnels de santé ;
  • introduire ou renforcer les mécanismes par lesquels les établissements de santé ou d’aide sociale prescrivent des programmes ou des activités artistiques ;
  • investir dans des études supplémentaires portant en particulier sur un recours accru à des interventions dans le domaine de l’art et de la santé, et sur l’évaluation de ces dernières.

Définition des « arts »Ce rapport examine les bienfaits pour la santé (procurés par une participation active ou passive) dans 5 grandes catégories artistiques : les arts de la scène (musique, danse, chant, théâtre, cinéma), les arts visuels (artisanat, design, peinture, photographie) ; la littérature (écrire, lire, se rendre à des festivals littéraires) ; la culture (fréquenter des musées et des galeries, assister à des concerts, théâtre) ; et les arts en ligne (animation, arts numériques, etc.).

Lien vers le rapport (en anglais uniquement).
Source.

Manger et gagner des années de vie, c’est possible !

Le 30 Déc 20

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En concertation avec les autorités compétentes du pays, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a élaboré un avis sur les priorités en matière de choix alimentaires devant contribuer efficacement à maintenir et promouvoir notre santé. Les recommandations proposées dans ce nouvel avis « FBDG » concernent la population adulte et sont étayées par l’évidence scientifique la plus récente. Elles sont très pratiques et tiennent compte de la culture alimentaire de notre population !

Manger et gagner des années de vie, c’est possible !

Food Based Dietary Guidelines (FBDG) : élaborées selon une méthodologie rigoureuse pour formuler des recommandations pratiques et efficaces

Ce rapport scientifique de 88 pages a été préparé par une trentaine d’experts du pays qui se sont basés sur une méthodologie développée au niveau européen et l’ont adaptée à notre pays. Après avoir analysé les principales causes de maladies et de décès en Belgique, ils ont identifié les facteurs de risque liés à l’alimentation. Ils ont ainsi considéré des maladies ou situations telles que les affections cardiovasculaires, les cancers, le diabète de type 2, les affections bronchiques, les troubles musculo-squelettiques, la cirrhose du foie, les troubles neurocognitifs, la dépression et les troubles anxieux et enfin, les carences nutritionnelles en fer, iode et protéines. En identifiant les aliments et nutriments qui contribuent de manière importante à ces problèmes de santé et en établissant un lien avec la consommation et les habitudes alimentaires récemment bien répertoriées en Belgique, ils ont pu extraire des recommandations alimentaires simples et faciles à mettre en oeuvre et les ont classifiées par ordre d’importance. Ce rapport représente un travail indépendant rigoureux et de longue haleine, basé uniquement sur des données scientifiques objectives à l’abri de toute influence extérieure possible de type commerciale ou économique.

Une recommandation essentielle : lutter contre la sédentarité et le surpoids

Le surpoids et l’obésité restent une cause importante de morbidité et de mortalité. Cela est également confirmé par Sciensano, l’Institut belge de la santé, qui publie aujourd’hui une étude montrant que près de la moitié de la population belge est en surpoids et 15,4 % obèse. Dès lors, une stratégie de prévention vise tout d’abord l’équilibre entre le niveau d’activité physique et les apports caloriques. Le présent rapport ne revient pas in extenso sur cet aspect qui a été développé dans l’édition récente des recommandations nutritionnelles pour la Belgique. Celles-ci faisaient le point sur les besoins de base ou complémentaires en nutriments essentiels (càd les constituants alimentaires).

Parmi 12 recommandations, 5 règles d’or se dégagent

Manger pour gagner des années de vie en bonne santé, c’est possible ! Mais, comment s’y prendre ? L’internet et diverses publications grand public fourmillent de conseils en tous genres mais il est souvent difficile d’en vérifier l’exactitude scientifique ainsi que la portée réelle. De plus ils sont souvent incomplets et non hiérarchisés.C’est pour cette raison que le CSS propose en priorité cinq recommandations qui auront le plus grand impact sur la santé :

  1. Consommer tous les jours au moins 125 g de céréales complètes en fonction des besoins énergétiques. Afin de profiter de leurs bienfaits, il est préférable que ceux-ci remplacent les céréales raffinées ; par exemple, privilégier le pain intégral ou complet au pain blanc, les pâtes complètes aux pâtes blanches, etc.
    Manger quotidiennement 250 g de fruits, soit deux fruits par jour. Pour éviter un excès de sucres et/ou de graisses ajoutés, privilégier les fruits frais sans adjonction de sucre ou de graisses. Rechercher la variété en se laissant guider par l’offre saisonnière et locale. Laver toujours et peler si nécessaire les fruits avant de les manger.
  2. Manger tous les jours au moins 300 g de légumes (crus ou préparés). Varier ses choix de légumes et se laisser guider par l’offre saisonnière et locale.
  3. Manger des légumineuses toutes les semaines. Remplacer au moins une fois par semaine la viande par des légumineuses. La culture et la production des légumineuses ont en outre l’avantage d’un faible impact sur le climat.
  4. Manger tous les jours de 15 à 25 g de noix ou de graines sans enrobage salé ou sucré ; une poignée correspond à environ 30 g. Il est important de choisir des produits riches en acides gras de type omega-3.
  5. Choisir des produits pauvres en sel et éviter d’en ajouter lors de la préparation des repas ou à table. Les herbes aromatiques et les épices non salées sont des alternatives savoureuses !

Sans oublier la convivialité et la durabilité

Manger ensemble est également profitable tant à l’individu qu’à la société dont il fait partie. Il est important de prendre le temps de partager ses repas non seulement à la maison, mais aussi à l’école, au travail, dans les centres (de soins) et dans d’autres situations. Les repas à partager présentent des avantages sociaux qui n’existent pas quand on mange seul. Néanmoins, une mise en garde s’impose. L’alcool figure de très loin en tête de la liste des aliments avec un impact négatif sur la santé et ce dernier fait régulièrement partie des habitudes liées aux activités sociales. Les recommandations liées à la consommation d’alcool sont disponibles dans un récent rapport du CSS. Une consommation « modérée » d’alcool signifie : pas plus de 10 verres « standard » par semaine mais l’idéal reste de ne pas en consommer.

Enfin et sans aborder le problème de manière approfondie, le CSS plaide pour que des considérations de durabilité demeurent une dimension à part entière dans l’implémentation de ses recommandations. Penser à l’avenir est plus que jamais indispensable pour préserver les générations actuelles et futures des conséquences négatives de l’épuisement des ressources naturelles de la planète et du changement climatique.

De cinq à douze priorités

  1. Consommer entre 250 et 500 ml de lait ou de produits laitiers par jour. En cas de consommation inférieure, il faut être attentif aux apports d’autres sources de protéines, de calcium et de vitamines.
  2. Manger du poisson, des crustacés ou des fruits de mer une à deux fois par semaine dont une fois du poisson gras. Privilégier les produits durables riches en acides gras oméga 3.
  3. Limiter la consommation de viande rouge à 300 g par semaine au maximum. Elle peut être remplacée par des légumineuses, du poisson, de la volaille, des oeufs ou d’autres substituts qui représentent une alternative à part entière de la viande rouge.
  4. Manger au maximum 30 g de viande transformée (charcuteries, viandes préparées, etc.) par semaine. Remplacer les charcuteries par des conserves de poisson, des garnitures à base de légumineuses, des fruits ou des fromages frais.
  5. Boire le moins possible de boissons contenant des sucres ajoutés (sodas, nectars de fruits, etc.). L’eau reste le premier choix pour étancher la soif.
  6. Veiller à un apport suffisant en calcium (950 mg/jour) via diverses sources naturelles dont le lait et ses dérivés.
  7. Veiller à un apport suffisant en acides gras polyinsaturés (dont les oméga 3) en privilégiant les huiles de colza, de soja et de noix et en consommant des fruits à coque et des graines. Remplacer les margarines dures et le beurre par des huiles non tropicales, des matières grasses tartinables et des matières grasses de cuisson liquides.

Les Soins de santé primaires, d’Alma Ata à Astana

Le 30 Déc 20

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En octobre 2018, à Astana, capitale du Kazakhstan, s’est tenue une conférence internationale sur les soins de santé primaires. Elle a lieu quarante ans après la Déclaration d’Alma Ata, de septembre 1978, qui clôturait une conférence tenue non loin de là, dans une ville dénommée aujourd’hui Almati. Lors d’une soirée débat en mars 2019, le Groupe Nord Sud de l’Intergroupe liégeois des maisons médicaleNote bas de page a comparé les deux textes et nous livre les principales observations.

World Global Ecology International Meeting Learning Concept
World Global Ecology International Meeting Unity Learning Concept

A l’époque, la Conférence d’Alma Ata était la première conférence internationale consacrée aux soins de santé organisée par des instances des Nations Unies. Elle réunit près de 140 pays, dont les Etats-Unis qui avaient perdu un peu de leur superbe après la défaite du Vietnam. La Chine, pourtant voisine, était absente suite à ses désaccords avec l’URSS, alors que ses médecins aux pieds nus inspiraient de nombreux participants. Elle eut lieu sous le leadership du charismatique Dr Halfdan Mahler, qui raconta plus tard les larmes des participants émus à la lecture de la déclaration finale. Si la Déclaration d’Alma-Ata a suscité un grand enthousiasme à travers le monde, celle d’Astana nous paraît avoir été beaucoup plus discrète.

Pourtant, même si la Déclaration d’Alma-Ata reste une référence incontournable pour les soins de santé primaires, et particulièrement pour les acteurs des soins de première ligne, cela paraissait une bonne idée de produire un texte plus actuel. Bien que n’étant pas neufs, certains enjeux sont plus saillants de nos jours : mondialisation de l’économie dominée par la finance, progression de l’urbanisation, croissance des inégalités, menaces pour la planète, pression de ceux qui veulent faire des soins de santé un bien de consommation soumis aux lois du marché face à ceux qui la considèrent comme un bien essentiel…

Le livret d’Astana, intitulé « Conférence internationale sur les soins de santé primaires, d’Alma Ata à la couverture sanitaire universelle et aux objectifs de développement durable », avec ses couleurs et ses photographies, est de présentation beaucoup plus luxueuse que l’austère déclaration d’Alma-Ata. Le texte est aussi plus long (2412 mots, contre 1355 pour sa grande sœur).

La déclaration d’AstanaNote bas de page réaffirme d’emblée « les engagements pris dans la Déclaration ambitieuse et visionnaire d’Alma-Ata de 1978 et dans le Programme de Développement Durable à l’horizon 2030, pour parvenir à la santé pour tous… ». Les participants d’Alma-Ata avaient appelé à un renforcement des systèmes de santé, à une meilleure adéquation entre les besoins et l’offre de soins, à plus de justice sociale et d’équité, à plus de participation communautaire, et à une approche multisectorielle.

Un certain nombre de concepts et d’idées relevés dans la déclaration d’Alma Ata ne se sont pas retrouvés dans celle d’Astana. Il y était question de la nécessité d’une action urgente, d’inégalités flagrantes et inacceptables, et d’appel à un nouvel ordre économique international (à deux reprises). L’échéance : l’an 2000 (« L’humanité toute entière pourra accéder à un niveau acceptable de santé en l’an 2000 si l’on utilise de façon plus complète et plus efficace les ressources mondiales dont une part considérable est actuellement dépensée en armements et en conflits armés »). On insistait sur l’approche multisectorielle, « en particulier l’agriculture, l’élevage, la production alimentaire, l’industrie, l’éducation, le logement, les travaux publics et les communications ».

Dans la récente déclaration, par contre, on modère un peu l’objectif, et sans fixer d’échéance : « nous affirmons avec force notre engagement en faveur du droit fondamental de tout être humain d’accéder au meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre, sans distinction d’aucune sorte ». Mais le lien avec les Objectifs de Développement Durable de l’OMS liés à la santé s’y retrouve.

Une série de nouveaux concepts apparaissent dans le texte de 2018.

  1. On y parle de soins centrés sur la personne, de soins continus et durables (ce terme, non présent dans la première déclaration, apparaît cinq fois dans la deuxième).

  1. On évoque aussi la dignité, l’autonomie, la société civile, la protection des données personnelles, et les technologies numériques.

  1. Apparaissent aussi les idées d’éthique, de transparence, de santé mentale et sexuelle, et de soins palliatifs. Le concept de couverture santé universelle, un cheval de bataille du directeur actuel de l’OMS, l’éthiopien Thedros Adhanum Gebre Yesus, est mis en avant en faisant référence à la prochaine conférence : « nous nous félicitons de l’organisation de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la couverture sanitaire universelle en 2019 ».

  1. Les professionnels de santé sont également mentionnés, avec une insistance sur les conditions d’exercice et la formation du personnel (par exemple : « nous créerons des conditions de travail décentes et une compensation appropriée pour les professionnels et les autres personnels de santé travaillant au niveau des soins de santé primaires ».

« Des soins de santé primaires et des services de santé qui sont de grande qualité, sûrs, complets, intégrés, accessibles, disponibles et abordables pour tous et partout ; et qui sont dispensés avec compassion, respect et dignité par des professionnels de santé bien formés, compétents, motivés et engagés » 

  1. On parle aussi du renforcement des capacités et de l’utilisation des connaissances (y compris traditionnelles) de la résilience des systèmes de santé. Les progrès remarquables de ces 40 dernières années sont soulignés, mais les nouvelles menaces aussi : le poids des maladies non transmissibles, les « décès prématurés causés par le tabagisme, l’usage nocif de l’alcool, des modes de vie et des comportements nocifs pour la santé, le manque d’exercice physique et une mauvaise alimentation », les changements climatiques et les autres facteurs environnementaux, la résistance aux antimicrobiens, les dépenses de santé directes excessives, les soins fragmentés, la migration internationale et la répartition inégale des agents de santé, les conflits d’intérêts…

  1. La Déclaration d’Astana aborde l’évaluation : « les pays examineront périodiquement la mise en œuvre de la présente Déclaration en collaboration avec les parties prenantes » et se termine par cette envolée, digne d’Alma-Ata : « Ensemble, nous pouvons parvenir, et parviendrons, à la santé et au bien-être pour tous, en ne laissant personne de côté. »

On peut regretter que la récente déclaration ne revienne pas sur la définition historique et iatrogène de la santé ni ne précise la définition des soins de santé primaires, car celle d’Alma-Ata, composée de deux phrases un peu contradictoires, laissait une ambiguïté quant à ce qu’ils recouvrent.

Enfin, si la déclaration d’Astana est une actualisation et un développement des valeurs et de la mise en pratique des soins de santé primaires, le texte d’Alma-Ata mérite d’être conservé pour sa dimension historique, mais aussi pour son aspect lyrique et utopique, engagé et engageant.

 

Les Objectifs du Groupe Nord et Sud de l’IGL sont :
1. Proposer un espace de réflexion et de sensibilisation sur les échanges S-N.

2. Soutenir une personne ou une équipe d’une maison médicale investie dans un projet de développement.

3. Soutenir, de manière directe, un projet de développement ici ou ailleurs.

Intitulée « Conférence internationale sur les soins de santé primaires, d’Alma Ata à la couverture sanitaire universelle et aux objectifs de développement
durable »

a comparé les deux textes et nous livre les principales observations.

Retour sur les travers de la pédagogie positive avec Bruno Humbeeck

Le 30 Déc 20

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De Freinet à Montessori en passant par Steiner, les pédagogies actives et positives prennent des formes diverses, selon l’interprétation qui en est faite. Mais peut-on pour autant affirmer qu’il n’y a que du bon à tirer des différentes pédagogies positives ? Comme pour bien des choses, la réponse est évidemment très nuancée. C’est ce qu’expliquait Bruno Humbeeck, psychopédagogue et écrivain, lors d’une conférence intitulée « Les travers de la pédagogie positive », organisée par l’espace Parents-Thèses.

Retour sur les travers de la pédagogie positive avec Bruno Humbeeck

Pédagogie positive ou manière positive de faire de la pédagogie 

D’entrée de jeu, le psychopédagogue interroge son public afin de savoir à qui il a affaire : « Qui a le sentiment d’être fan de pédagogie positive dans cette salle ? » Des bras se lèvent parmi une assemblée relativement homogène : beaucoup de couples, plutôt jeunes, et issus de la classe moyenne blanche. Au premier rang, une jeune maman convaincue exprime dès le départ son engouement pour les pédagogies positives. Le ton est donné.

Bruno Humbeeck précise : pour lui, le concept de pédagogie positive est bon et ne pose pas de problème dès lors qu’il ne va pas dans les excès. « Elle doit être surveillée, tempère-t-il, mais certainement pas supprimée. Les idées de pédagogie bienveillante et de bienveillance dans la pédagogie, ce sont des avancées qui sont évidentes. Il ne s’agit pas de revenir en arrière, à une pédagogie à l’ancienne, mais de se demander en quoi une pédagogie positive peut être le creuset de ce qu’on appelle une  babycratie.». Un terme inventé sur base de « baby » : le bébé, et de « cratos » : la puissance, le pouvoir.  

«  La pédagogie positive me pose problème, d’abord, dans son appellation de pédagogie « positive » qui sous-entend que toutes les autres sont négatives. Et puis parce qu’en français, est positif ce qui est incontestable, considéré comme un fait avéré, et qui produit toujours un avantage. »

La babycratie, terreau des travers de la pédagogie positive

Ce vaste concept est dans le prolongement de celui d’happycratie (forme d’injonction sociétale au bonheur et au fait de le montrer). La babycratie naît de ce que Bruno Humbeeck appelle l’hyper-parentalité « Ce n’est ni une maladie, ni une dérive, ni une tare, c’est juste une caractéristique. Elle est liée au fait que lorsqu’on a un enfant, on l’a généralement désiré, et on l’a même souvent « programmé ». Il est convoqué à naître. Nous sommes donc terriblement investis par l’idée que, s’il vient sur terre, c’est notre responsabilité puisque ce ne sont plus des accidents, ni même des heureux évènements, ce sont des convocations à naître. On est hyper-responsables de la vie de cet enfant. » L’hyper-parentalité s’ajoutant à l’happycratie, les conditions sont réunies. Vient alors la babycratie, c’est-à-dire le fait de mettre au monde des enfants heureux et destinés à l’être jusqu’à la fin de notre vie.

Parent-hélicoptère / Parent-drône

A l’origine des dérives, le conférencier identifie certains types de parents. Le parent-hélicoptère : celui qui contrôle constamment ce qui arrive à son enfant, et le parent-drône qui est le « modèle au-dessus ». « C’est le parent qui dit qu’il faut toujours le meilleur pour son enfant. La meilleure école, le meilleur stage, le meilleur enseignant… Et non seulement il lui faut le meilleur, mais il faut aussi que l’enfant le vive positivement, qu’il y trouve un plaisir absolu », explique Bruno Humbeeck.  Et l’école va elle aussi se trouver confrontée au même type de message. « L’enfant doit apprendre des choses utiles à son développement. Pas question qu’il regarde Bob l’Eponge à l’école ou qu’il fasse des choses qui ne semblent pas rentables sur le plan cognitif. Mais il faut, en plus, qu’il ait du plaisir à le faire, vous imaginez  ? ironise le psychopédagogue. Un apprentissage est aussi fait de moments difficiles. Et ça, le parent-drône va devoir l’accepter. »

Montessori : des travers très critiqués

Bruno Humbeeck admet ensuite ne pas se faire que des amis puisqu’il critique certains discours très populaires en pédagogie. Il en dénonce certains, jugés simplistes. Entre autres : l’idée selon laquelle l’enfant serait spontanément altruiste et capable d’autodiscipline. « Pour un parent-drône, évidemment, il est rassurant de penser que ses enfants vont avoir un « élan vital » qui les poussera à apprendre ce qui est utile pour eux, clame-t-il. En gros, si vous lui mettez un jeu vidéo et un jeu Montessori, il va se précipiter sur le jeu Montessori… Vous savez bien que ce n’est pas vrai. »

Plusieurs fois au cours de la conférence, le psychopédagogue reviendra sur Montessori, pédagogie qui, selon lui, cumule un grand nombre de travers. La raison en est, entre autres, qu’il faut replacer la pédagogie Montessori dans son contexte. Soit en 1921, avec Maria Montessori, l’une des premières femmes médecins en Italie, et sa méthode éponyme. Dans les faits, la médecin a très peu écrit, comme le souligne Bruno Humbeeck lorsqu’il demande au public qui a réellement lu Montessori. Il en ressort que ce que le grand public en connait, ce sont essentiellement des propos rapportés ou interprétés. Bien qu’ayant eu un rôle essentiel dans l’histoire de la pédagogie, les quelques textes que Maria Montessori a écrits ne pourraient être appliqués tels quels par un parent aujourd’hui. Pour le conférencier, le problème tient au fait que l’interprétation de cette pédagogie associée à une babycratie conduit à une attente d’un bonheur parfait, sans faille et … impossible à atteindre, donc générateur d’une certaine frustration.

Le battage médiatique qu’a connu Montessori mène à d’autres dérives. « On va vous vendre des jeux beaucoup plus chers sous prétexte qu’ils sont estampillés Montessori », déplore le psychopédagogue.

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Techniques, méthodes, et système cadenassé

La grosse différence entre les pédagogies Freinet et Montessori, explique Bruno Humbeeck, est que la première offre des techniques, quand la seconde propose une méthode. « Les techniques de Freinet sont compatibles avec toutes les pédagogies que vous mettez en place. Tandis que Montessori a prétendu faire une méthode exclusive : si vous faites Montessori, vous ne faites que ça. Le système est complètement cadenassé. Et c’est ça que je critique dans la pédagogie positive, pas du tout ce qu’elle est en soi. » Selon lui, le problème apparaît dès lors que la pédagogie se montre radicale ou exclusive. « Le problème c’est quand on vient vous expliquer que c’est la seule pédagogie possible. Si vous observez Montessori remise au goût du jour, vous en observerez rapidement les dérives … ça répond parfaitement à ce que souhaite le « parent-hélicoptère » : l’enfant va s’auto-discipliner dans un environnement conçu parfaitement pour lui. »

Sanctions, punitions et apprentissages des limites pour l’enfant

A la question des limites et des sanctions, Bruno Humbeeck expose clairement son point de vue : il est nécessaire d’imposer des limites à un enfant. « La babycratie vient d’un excès de pouvoir, et d’un excès d’autorité donnés à l’enfant, précise-t-il.» Il critique notamment un titre basé sur la pédagogie Montessori qui affirme « L’enfant est le maître ». « Non, il n’est pas le maître, pas plus que l’adulte d’ailleurs ! s’exclame-t-il. Il s’agit surtout de produire une éducation émancipatrice. Dans une relation pédagogique saine, on a la maîtrise à tour de rôle. Le bonheur de l’enfant ne doit pas devenir le maître de votre vie. » L’essentiel est de le faire de façon bienveillante. La sanction ou punition ne doit pas être considérée comme un « gros mot », mais il faut évaluer l’endroit où la placer dans la pédagogie. « Evidemment, il faut qu’on comprenne ce qu’on fait quand on punit. Ça porte sur des règles précises et fait partie d’un système. » Il illustre cela avec un parallèle au code de la route et aux règles de circulation auxquelles nous sommes tous soumis. L’essentiel est que les sanctions soient correctement mises en place et expliquées. C’est-à-dire, une punition pour un comportement précis et pas parce que l’enfant n’a « pas été sage », par exemple.

Bruno Humbeeck donne l’exemple d’une dérive de la babycratie : « J’étais près d’un petit manège sur lequel une maman faisait des tours avec son enfant. Au bout d’un moment, l’enfant voulait un neuvième tour de manège, et la maman ne veut pas. Alors, il hurle comme un malade. Et là, la maman se met à genoux et lui dit « J’accueille ta colère ». Ça fait peur, je trouve. » Pour lui, ces comportements illustrent un manque de compréhension de la pédagogie et de l’éducation.

L’importance démesurée des émotions

L’un des aspects essentiels de la critique de la babycratie (et par extension, de certains aspects des pédagogies positives) faite par Bruno Humbeeck réside dans l’énorme importance donnée aux émotions de l’enfant par ses parents. Un exemple précis : l’incitation à la joie perpétuelle. « Vous avez énormément de livres qui disent « Eduquons dans la joie » ou l’« Ecole de la joie » … Evidemment que l’école n’est pas un lieu de joie continue et que de temps en temps on y est triste, on y a peur, on y est en colère, on vit des expériences qui font partie de l’ensemble de la palette des émotions. L’impératif de la joie est fatiguant, y compris pour celui à qui on le prescrit », détaille-t-il.

A contrario, la peur et la tristesse sont fuies à tout prix, ce qui selon lui conduira les enfants et les adolescents à chercher des expériences qui créeront cette peur ou cette tristesse, notamment au travers de films ou de séries. « Quand vous regardez des films qui vous font pleurer, vous êtes en train de jouer avec votre tristesse », ajoute-t-il. Grandir dans un climat sans peur mènerait à des dérives. « J’ai des enfants en consultation à qui je suis obligé de prescrire des jeux de zombie ! dit-il en souriant. Il faut qu’ils sachent qui ils sont face à la peur. » Ressentir ces différentes émotions a un rôle important dans le développement de l’empathie de l’enfant. Il conclura en disant « Faites peur à vos enfants, faites leur des cadeaux pourris, – rires dans l’assemblée – il vaut mieux qu’ils les reçoivent de vous que de la vie ! » A plusieurs reprises par la suite, il détaillera encore ce phénomène, qu’il nomme émocratie (pleins pouvoirs donnés aux émotions), et constitue la pierre angulaire des travers de la pédagogie positive.

La caricature de la pédagogie positive pour en expliquer les travers

La conférence se poursuit avec des exemples plus ou moins précis de cas dans lesquels les pédagogies actives/positives, poussées à leurs extrêmes, ont mené à des situations tantôt inefficaces, tantôt grotesques. Bruno Humbeeck rappelle néanmoins à plusieurs reprises qu’il caricature volontairement la pédagogie positive afin d’en accentuer les zones d’ombres. Une technique qui semble fonctionner, et provoque de nombreuses réactions (les rires ont ponctué la soirée). Et malgré leurs points négatifs, les différentes pédagogies positives et actives ont permis de « sortir de l’impérialisme des pédagogies assises (traditionnelles) ». Ce qu’il estime être une bonne chose.

Bilan ? Si Bruno Humbeeck critique avec verve les pédagogies positives, il en cible surtout les développements extrêmes et ne préconise à aucun moment leur disparition. Ce qui semble essentiel reste néanmoins la pondération et une certaine lucidité de la part de l’école, du parent et/ou de toute autre personne amenée à éduquer l’enfant, ceci afin de ne pas tomber dans l’excès. Il préconise l’alternance entre les pédagogies traditionnelles dites assises, et les « nouvelles » dites actives.

Si vous souhaitez lire l’analyse complète de Bruno Humbeeck sur la babycratie et les travers de la pédagogie positive, vous pouvez la retrouver dans son livre : “La dictature de la Babycratie. Heurs et malheurs de la psychologie et de la pédagogie positives.” (Aux éditions Renaissance du livre, novembre 2019)

La pratique vaccinale des infirmières en Promotion de la Santé à l’école (PSE) en FWB ? Une innovation à bien réfléchir…

Le 30 Déc 20

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Provac

Début 2016, une modification législative portant sur l’art infirmier a retenu l’attention de l’équipe interuniversitaire Provac, qui a souhaité en évaluer les freins et les opportunités en termes d’impact sur la mission vaccinale pour la population scolaire desservie par les équipes PSE.

Plus de 250 professionnels PSE, essentiellement médecins et infirmier-ères, participants aux rencontres PSE/PROVAC de juin 2016 et 2017 se sont exprimés sur les impacts potentiels de cette modification dans leurs pratiques vaccinales. Leur réflexion a aussi porté sur les conditions à réunir pour que la vaccination par les infirmières soit porteuse de sens et d’amélioration de l’offre vaccinale aux populations scolaires sous tutelle.

L’article synthétise différentes recherches menées par l’équipe interuniversitaire Provac, dans le cadre de financements de la DG Santé de la FWB puis de l’ONE[4].

La pratique vaccinale des infirmières en Promotion de la Santé à l’école (PSE) en FWB ? Une innovation à bien réfléchir...

Que disent les textes de l’arrêté royal et des différents organes d’avis ?

L’arrêté royal du 29 février 2016[5] a modifié le statut de « la préparation et l’administration de vaccins », reprises dans la « liste des prestations techniques de l’art infirmier et des actes pouvant être confiés par un médecin à des praticiens de l’art infirmier ». Cet acte peut, à présent, être exécuté par l’infirmier-ère sans que la présence physique du médecin ne soit requise. Il n’est dès lors plus considéré comme un acte « confié » mais bien comme une « prestation technique de soins infirmiers » requérant une prescription médicale, prestation dite de type B2. Les Académies royales de Médecine de Belgique (flamande et francophone) avaient remis un avis conjoint positif en juin 2015.

« En fonction des besoins de prévention et de la maximalisation de la protection de populations à risque, la possibilité de vacciner et l’impact des programmes de vaccination doivent être aussi larges que possible. Pour obtenir un taux important de vaccination de la population, il y a lieu de limiter au mieux les obstacles à cette pratique. Les Académies sont d’avis que la possibilité de vaccination par le personnel infirmier, sans présence physique d’un médecin, permettra de vacciner en temps utile et promptement. Ceci s’applique également pour les tests à la tuberculine intradermique. Ces procédés sont en concordance avec la réglementation et la pratique dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie, les États-Unis d’Amérique, et le Canada. Comme condition, celle ou celui qui administre le vaccin doit avoir participé à une formation continue complémentaire sur les vaccins et leur administration, comportant en outre le contrôle des effets indésirables et les premiers soins en cas d’anaphylaxie. ».

L’avis émettait aussi des recommandations concernant les modalités d’exécution relatives à ces prestations ainsi que les qualifications requises.[6]En septembre 2015, tant le Conseil national de l’Ordre des médecins que la Commission Technique de l’Art Infirmier[7] (CTAI) se ralliaient à l’avis émis par les Académies royales de médecine. La CTAI « recommande qu’infirmier-ère et médecin définissent ensemble une procédure reprenant les observations et les précautions nécessaires pour un acte de type B2 ».

Quelle vision les acteurs PSE ont-ils de la modification législative autorisant le personnel infirmier à vacciner, sans la présence physique d’un médecin ?

En juin 2016, sur base de la méthode du Métaplan®[8], les opinions, craintes, besoins de formation perçus, et questionnements des acteurs PSE ont été débattus durant des ateliers d’échanges autour de la question « Quelle vision les acteurs PSE ont-ils de la modification législative autorisant le personnel infirmier à vacciner ? ».

Le matériel récolté a été encodé et analysé à l’aide du logiciel d’analyse qualitative NVivo, puis synthétisé, discuté avec le Pôle Vaccination de l’ONE en avril 2017, et présenté aux professionnels PSE lors des rencontres organisées en juin 2017.

La préoccupation formulée par le plus grand nombre de participants interrogeait l’impact de cette modification législative sur la place et les rôles du médecin en PSE. Etaient mis en tension ses différents rôles, vis-à-vis des élèves lors des bilans de santé et envers les écoles. Si le médecin devait réaliser moins d’actes vaccinaux, certains professionnels ont émis l’opinion qu’il serait plus disponible pour d’autres composantes du bilan de santé telles que parler avec l’élève de sa santé, alors que d’autres, au contraire, craignaient qu’il ne diminue le temps de contact avec chaque élève. Certains disaient qu’il aurait moins d’occasions d’entrer en contact avec les écoles, alors que d’autres, au contraire, le voyaient plus disponible pour y développer de nouveaux projets. Le statut du médecin a aussi été interrogé. Pour ceux sous statut d’indépendant, l’acte vaccinal est rémunéré comme tel. Il conviendrait donc de réfléchir à la rémunération liée à la responsabilité du médecin, tant dans l’organisation du protocole de collaboration médecin/infirmier-ère que des modalités de la « prescription vaccinale » pour chaque élève.

Les professionnels ont aussi largement évoqué les questions de formation et de responsabilité. Ils ont mentionné les modifications d’organisation de la pratique vaccinale de l’équipe en lien avec l’augmentation de l’offre vaccinale et le risque d’augmentation de la charge de travail de l’infirmier-ère. Ils ont formulé des craintes liées à la compétence pour cet acte technique. Ils se sont également montrés sensibles aux notions de procédure, de reconnaissance professionnelle de l’infirmier-ère, ainsi que de communication vers les parents. Permettre aux infirmiers-ères de vacciner en l’absence de médecin constituerait une réponse déguisée à la pénurie et au manque de disponibilité des médecins.

D’autres préoccupations, plus rares, ont été exprimées en termes de coûts, d’assurances, de rôles et image de l’infirmière, de gestion de la charge de travail de l’équipe, de pouvoir décisionnel et de gestion d’éventuels refus, de cadre législatif, et de l’existence de cette pratique hors secteur PSE.Ces différents aspects de la vision développée par les professionnels de la PSE ont été analysés en termes d’opportunités, de freins ou de neutralité eu égard à la mise en œuvre de la modification législative. Parmi les 937 idées émises, 48,1% ont été classées comme freins par les acteurs eux-mêmes, 29,5% comme opportunités, et 22,4% comme neutres (ou inclassables).

La vision qui s’est progressivement dessinée autour de l’impact de la modification législative sur les pratiques vaccinales en PSE se montre assez complexe, contrastée et nuancée. Elle dépasse largement la mission vaccinale et touche de nombreuses facettes de l’organisation de la PSE, dont l’hétérogénéité n’est plus à démontrer. On n’enregistre ni refus massif, ni franche adhésion. Toutefois, vacciner ne fait que très peu partie des actes pratiqués par les infirmiers-ères de PSE, même en présence de médecin. Vacciner est vécu comme un travail de collaboration du binôme médecin / infirmier-ère, essentiel à une médecine préventive de qualité en PSE. Toucher au rôle d’un des membres met en question celui de l’autre, et par là l’équilibre du binôme.

Champ d’application de la pratique vaccinale infirmier-ère en l’absence physique de médecin et points d’attention vis-à-vis des différentes parties prenantes : proposition de ProvacAu terme d’une réflexion de deux ans avec le secteur PSE, Provac propose de considérer que l’intérêt de cette nouveauté législative réside dans la flexibilité du vaccinateur plus que dans la vaccination ‘systématique’ par l’infirmier-ère, en lieu et place du médecin, le rôle du médecin au moment de l’indication et de la ‘prescription’ de la vaccination étant clairement affirmé et rémunéré. Dès lors, toute première dose de vaccin (HPV 1, rattrapage RRO 1, méningocoque) resterait administrée par un médecin, en bilan de santé ou à l’école. Compte tenu du calendrier vaccinal 2018-19 en PSE, les infirmiers-ères administreraient donc toute vaccination de rappel (Tetravac® et Boostrix®) ainsi que la 2ème dose des vaccins RRO, hépatite B et HPV.

Sur base des freins et des leviers identifiés avec les professionnels de la PSE, des recommandations émises dans les différents organes d’avis et de son expertise de la gestion du programme de vaccination, l’équipe Provac a formulé une série de points de vigilance à l’attention des différentes parties prenantes d’une mise en œuvre optimale de cette nouveauté législative dans les pratiques en PSE, dont le but ultime est d’optimaliser la protection vaccinale des enfants et des jeunes, et de limiter au mieux les obstacles à cette pratique.

Provac a identifié 4 types de parties prenantes : le pouvoir subsidiant ONE, le pôle Vaccination de l’ONE responsable du programme de vaccination de la FWB, les Pouvoirs Organisateurs des services PSE et des centres PMS-CF, les équipes de professionnels eux-mêmes.

Vis-à-vis du pouvoir subsidiant ONE, le principal point d’attention porte sur la nécessité d’émettre une circulaire précisant que l’Arrêté royal du 29 février 2016 est applicable dans la pratique vaccinale en PSE à partir d’une date à fixer. Cette circulaire reprendrait le texte de l’AR, les titres requis pour l’exercice de cet acte technique, le canevas du protocole de collaboration entre médecins et infirmiers-ères, les modalités de formation et de sa prise en charge financière ou non par le pouvoir subsidiant, ainsi que l’Avis des Académies Royales de Médecine de Belgique et celui de la CTAI.

Vis-à-vis du Pôle Vaccination de l’ONE, les points d’attention portent sur trois dimensions de la gestion d’un programme de vaccination :

  • l’information de l’ensemble des représentants des vaccinateurs et acteurs de la vaccination réunis au sein du Comité de Concertation Intersectorielle Vaccination (médecins généralistes, pédiatres, AVIQ, COCOF, Sciensano, Question Santé, Groupe Interuniversitaire d’Experts en Vaccinologie (GIEV), Mutualités…) ;
  • la rédaction d’un référentiel « Vaccination » auquel chaque service/centre puisse se référer pour rédiger son protocole de collaboration (conditions d’injection d’un vaccin, réelles contre-indications générales et spécifiques à la vaccination, check-list des contre-indications momentanées, contenu de la trousse de secours, adaptation pour les PSE de la fiche du CSS[9] permettant la prise en charge d’un choc anaphylactique et dosage d’adrénaline en fonction du poids de l’enfant, prise en charge de la douleur…) ;
  • l’information des parents, via les dépliants et les autorisations parentales, mentionnant que la vaccination en PSE est réalisée par l’équipe PSE et non plus par le seul médecin scolaire.

Vis-à-vis des pouvoirs organisateurs des services/centres, les points d’attention portent sur des aspects juridico-administratifs : contrat d’assurance obligatoire en Responsabilité Civile couvrant toute personne portant le titre d’infirmier-ère (en ce compris la défense en justice, non obligatoire), mention de l’administration de vaccins dans le profil de fonction des infirmiers-ères (annexé au règlement de travail) et modalités de gestion d’un possible refus d’infirmier-ère (nouveau-elle ou déjà engagé-e), formation, de base et continue, des infirmiers-ères à l’administration de vaccins et à la gestion du suivi des effets indésirables sévères, en ce compris les premiers soins en cas de choc anaphylactique.

Vis-à-vis des équipes de professionnels, les points d’attention comportent plusieurs aspects :

  • la formation : être capable de vacciner, de gérer d’éventuels effets indésirables sévères (réaction vagale), d’administrer les premiers soins en cas de choc anaphylactique, et avoir travaillé et surmonté ses différentes appréhensions (personnelles, techniques, relationnelles et communicationnelles). Chacun peut, de façon progressive, se familiariser à vacciner (médecin présent dans le local, puis seulement présent dans le service/centre, puis à deux avec un-e autre infirmier-ère) ;
  • la rédaction de la procédure de collaboration entre médecin et infirmier-ère, sous la responsabilité du médecin coordonnateur : chaque équipe a à rédiger son protocole sur base du référentiel proposé par l’ONE. L’équipe doit s’organiser pour répartir la charge de travail de la mission vaccinale entre les différentes professions, dans le respect et en cohérence avec les responsabilités et temps de travail de chacune. En cas de vaccination à l’école pour plusieurs élèves, il faut prévoir que l’infirmier-ère soit accompagné-e d’un autre membre de l’équipe, médecin excepté ;
  • l’information des parents : l’équipe a à communiquer de manière transparente mais rassurante sur son professionnalisme afin d’éviter que des parents renoncent à faire vacciner leur enfant par la PSE.

En conclusion, la mise en application de la vaccination par les infirmiers-ères en l’absence de médecin est conditionnée par un important travail de préparation qui tient compte du rôle de chacune des parties prenantes concernées. Développer un projet pilote avec quelques services/centres volontaires permettrait l’approfondissement des aspects plus opérationnels de la mise en œuvre de cette modification législative.


[1] APES-ULiège, mc.miermans@uliege.be

[2] UCLouvain, axelle.vermeeren@uclouvain.be

[3] ULB bswennen@ulb.ac.be

[4] Pour aller plus loin, le rapport complet de ces recherches est accessible sur le lien : https://hdl.handle.net/2268/235240

[5] Arrêté royal du 29 février 2016 paru au Moniteur le 30 mars 2016 portant modification de l’arrêté royal du 18 juin 1990 portant fixation de la liste des prestations techniques de l’art infirmier et de la liste des actes pouvant être confiés par un médecin à des praticiens de l’art infirmier, ainsi que des modalités d’exécution relative à ces prestations et à ces actes et des conditions de qualification auxquelles les praticiens de l’art infirmier doivent répondre

[6] Académie royale de Médecine de Belgique. Avis sur l’acte de vacciner par le personnel infirmier, Juin 2015

[7] Avis de la Commission Technique de l’Art Infirmier relatif à l’administration des vaccins par les infirmiers, 22 septembre 2015

[9] Conseil Supérieur de la santé, 4 juillet 2012. Avis numéro 8802 sur la prévention et la prise en charge du choc anaphylactique après vaccinations des enfants.

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Le 30 Déc 20

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Notre système de santé est régulièrement soumis à un « check up » de ses performances. C’est le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) qui tient le stéthoscope, en collaboration avec Sciensano, l’INAMI et le SPF Santé publique. Pour cette quatrième édition, 121 indicateurs ont été passés au crible. Le résultat : une analyse en 5 dimensions transversales et 5 thématiques spécifiques, qui constitue un véritable tableau de bord du système. Le rapport signale les points forts et faibles par des feux verts et rouges. Les feux verts vont, par exemple, au taux de survie à 5 ans après un cancer colorectal, à la mortalité néonatale ou au recours aux médicaments bon marché. Les feux rouges nous alertent sur la surconsommation d’antibiotiques, la baisse de la vaccination contre la grippe des personnes âgées ou encore les perspectives de renouvellement en médecine générale. Un tableau de bord belge dans un cadre européen.

Le rapport sur la performance du système belge de soins de santé (Health system performance assessment – HSPA) s’inscrit dans une démarche internationale de monitoring des systèmes de soins à travers l’Europe. Il permet aux autorités des différents pays de planifier leur stratégie de santé, d’établir des comparaisons entre pays et de se fixer des objectifs à atteindre. L’objectif final étant de pouvoir offrir à la population un système de santé de grande qualité à un coût abordable.
Le rapport HSPA belge se construit selon cinq dimensions : l’accessibilité, la qualité, l’efficience, la soutenabilité et l’équité des soins. Par ailleurs, cinq thématiques de soins particulières sont mises sous la loupe : les soins préventifs, les soins de santé mentale, les soins aux personnes âgées, les soins de fin de vie et – nouveau dans cette édition – les soins à la mère et au nouveau-né.

Un site internet dynamique

Autre nouveauté : un site internet healthybelgium.be réunit le rapport HSPA, celui sur l’état de santé de la population (Health Status Report, réalisé par Sciensano) et celui sur les variations de pratiques de soins (réalisé par l’INAMI). Ce site internet permettra à tout un chacun de se renseigner directement sur l’évolution de très nombreux paramètres – dont les 121 indicateurs HSPA – et même d’en télécharger les données à partir de graphiques dynamiques. Une mine d’informations pour les chercheurs en santé publique, les décideurs politiques, les journalistes, les étudiants et tous les curieux intéressés par le sujet.

Des soins efficaces mais souvent peu adéquats

Que montrent les 121 indicateurs qui constituent ce rapport ? En ce qui concerne la qualité des soins, on notera que leur efficacité est plutôt bonne, que leur sécurité est moyenne (avec un feu orange pour les infections nosocomiales) et qu’en ce qui concerne leur adéquation (leur conformité aux recommandations de bonne pratique), quelques feux rouges doivent attirer notre attention, notamment en matière de prescription d’antibiotiques. On notera toutefois que plusieurs indicateurs, dont l’utilisation inadéquate de radiographies de la colonne vertébrale, amorcent une tendance vertueuse.

Accessibilité et équité

Les dépenses de santé totales du pays représentent 10 % de notre produit intérieur brut. Ce chiffre est stable depuis 2009 ; il est légèrement supérieur à la moyenne européenne. Notre système de santé peut être considéré comme relativement accessible, grâce à notre assurance maladie obligatoire, doublée de filets de sécurité sociaux pour les revenus les plus faibles (interventions majorées, maximum à facturer). La contribution personnelle par habitant diminue légèrement mais la proportion des personnes qui ont dû reporter des consultations médicales pour des raisons financières reste plus élevée que la moyenne européenne, surtout pour les catégories sociales les plus défavorisées.Pour ces mêmes catégories défavorisées, certains autres points restent problématiques : moindre participation au dépistage du cancer, fréquence moins élevée de visites chez le dentiste, consommation plus élevée de médicaments. Le KCE publiera plus tard cette année des analyses approfondies sur l’équité dans l’accès aux soins, réalisées grâce au couplage des données de santé à d’autres données socio-économiques (revenus, travail).

Trop peu de médecins généralistes

Le chapitre du personnel qualifié disponible reste délicat. Les indicateurs relatifs à la médecine générale et aux soins infirmiers mettent en question la capacité de la Belgique à faire face au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques. Le nombre de médecins généralistes en exercice pose problème, mais aussi leur âge moyen. Contrairement aux besoins évalués par la commission de planification, les jeunes diplômés s’orientent toujours trop vers la médecine spécialisée au détriment de la médecine générale (mais cette situation semble s’améliorer). Petite consolation : l’utilisation des dossiers médicaux informatisés progresse bien et le recours aux médicaments bon marché continue à augmenter.
Dans les hôpitaux, les postes en personnel infirmier sont difficiles à pourvoir, de quoi alimenter une réflexion sur la politique de rétention de ce personnel qualifié.

Personnes âgées : préparer le papy boom

Dans les maisons de repos pour personnes âgées, on prescrit encore trop de médicaments (surtout les anticholinergiques, antidépresseurs, neuroleptiques). Par contre, le taux de vaccination contre la grippe y est plus élevé qu’à domicile. Les places disponibles pourraient être mieux utilisées ; elles sont souvent occupées par des personnes peu dépendantes pour qui il serait plus utile de développer des formes alternatives d’hébergement plus adaptées. De façon générale, le nombre de gériatres reste trop faible dans notre pays.En ce qui concerne les soins en fin de vie, on observe une progression du recours aux soins palliatifs, mais l’hôpital demeure le lieu de décès le plus fréquent pour les personnes atteintes de cancer, alors que ce n’est pas le souhait de la majorité d’entre elles.

Prévention et santé mentale peuvent mieux faire

Les soins de santé mentale restent les parents pauvres du système, avec des délais d’attente parfois considérables avant un premier contact. Les prescriptions d’antidépresseurs continuent à augmenter, comme partout en Europe, mais les chiffres belges restent plus élevés que la moyenne, surtout en Wallonie.Les soins préventifs décrochent aussi un score plutôt médiocre. Seule la couverture vaccinale des nourrissons atteint un niveau acceptable. La vaccination des adolescents contre la rougeole est trop faible en Wallonie et à Bruxelles et celle contre la grippe est insuffisante chez les personnes âgées dans les trois régions. Le dépistage du cancer du sein – surtout le dépistage organisé – est trop peu suivi, en particulier à Bruxelles et en Wallonie.

Mère et nouveau-né

En matière de soins à la mère et au nouveau-né, notre pays atteint aujourd’hui un taux favorable de mortalité néonatale. L’induction de l’accouchement et l’épisiotomie systématique sont encore trop souvent pratiquées, mais la situation s’améliore. Le nombre de visites prénatales est loin d’être optimal, souvent trop élevé, mais parfois aussi trop faible pour les femmes des catégories sociales les moins favorisées. Enfin, certains tests de dépistage en cours de grossesse sont surutilisés (toxoplasmose, cytomégalovirus).

Vue d’hélicoptère

L’objectif premier d’une évaluation de la performance du système de santé n’est pas de distribuer des bons et des mauvais points, mais d’offrir une vision large et régulièrement remise à jour de l’ensemble du système. Les données analysées datent parfois de plusieurs années, ce qui est un délai normal quand on utilise des bases de données administratives. Certes, cela ne permet pas de prendre en compte les modifications récentes de stratégie. Il reste néanmoins intéressant de voir l’évolution dans le temps des indicateurs, pour vérifier qu’une politique donnée porte ses fruits sur le long terme, ou pour constater, au contraire, qu’une situation s’est détériorée depuis la dernière mesure.

Pour l’avenir : fixer des objectifs et intégrer les données

Un rapport HSPA n’a pas pour vocation de formuler des recommandations sur la politique de santé, mais le KCE insiste tout de même sur la nécessité, pour notre pays, de se doter d’objectifs de santé mesurables en tenant compte des points d’attention que le rapport met en avant. Une autre recommandation est de continuer à améliorer l’intégration des différentes sources de données relatives à la santé. En effet, la qualité des données et leur disponibilité en temps utile sont essentielles pour une évaluation telle que celle-ci. Utiliser un identifiant unique pour chaque patient permettrait de suivre chaque personne à travers l’entièreté du système de soins. Cette intégration des différentes données relatives aux patients ne peut toutefois pas faire l’économie d’un débat autour des enjeux éthiques, juridiques et techniques d’une telle entreprise, qui doit évidemment être conditionnée à un respect strict des données individuelles et de la vie privée.

Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE :

Karin Rondia, Communication scientifique KCE
Tél. : +32 (0)2 287 33 48
GSM : +32 (0)475 769 766
Email : press@kce.fgov.be

Les citoyens prêts à partager leurs données génomiques, mais à certaines conditions

Le 30 Déc 20

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Les citoyens sont disposés à partager leurs données du génome si cela profite à la société. L’intérêt général doit être le fil conducteur qui guide l’utilisation de l’information génomique dans les soins de santé. C’est ce qui ressort du Forum citoyen organisé par la Fondation Roi Baudouin et Sciensano. Composé de 32 citoyens, ce panel s’est réuni durant trois week-ends pour discuter en profondeur de l’utilisation des données du génome dans les soins de santé. Le rapport d’avis du Forum citoyen est présenté ce vendredi aux diverses parties prenantes.

La connaissance du génome humain ne cesse de croître. La médecine génomique peut contribuer à améliorer les soins de santé, mais elle pose aussi de nombreuses questions. Que pensent les citoyens du partage de leurs données génomiques? Avec qui veulent-ils les partager, et à quelles fins? Quelles données les chercheurs peuvent-ils utiliser et lesquelles pas? Etc. Les nouvelles technologies font aussi évoluer le rôle du médecin et du patient.

La ministre de la Santé publique a demandé au Forum citoyen de se pencher sur ces questions afin d’orienter l’élaboration d’une politique relative à l’utilisation des données du génome, qui soit soutenue par les citoyens.

Le rapport décrit la méthode de travail utilisée ainsi que les résultats nuancés et les recommandations du Forum citoyen. Les citoyens se disent prêts à partager leurs informations génomiques si cela sert l’intérêt général, et plus particulièrement, la recherche scientifique. L’utilisation de ces données ne doit pas entraîner de discrimination ou d’exclusion sociale, économique ou juridique. C’est pourquoi un cadre législatif transparent doit être élaboré et régulièrement adapté aux progrès scientifiques. La plupart des citoyens veulent garder le contrôle de l’utilisation de leur génome et des informations relatives à leur santé, de manière transparente et après consentement personnel, explicite et éclairé.

A lire aussi: ‘Mon ADN, tous concernés ? L’avis des citoyens sur l’utilisation des données du génome dans les soins de santé’ sur https://www.kbs-frb.be/fr/Activities/Publications/2019/

L’ADN : une molécule hypersensible

Le 30 Déc 20

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Notre ADN ne détermine que pour une part notre état de santé. Les récentes recherches en épigénétique montrent que notre mode de vie – et en particulier notre manière de gérer notre stress et nos émotions – est en réalité plus déterminant que notre hérédité. Nathalie Zammatteo, biologiste et thérapeute namuroise, nous explique pourquoi.

L’ADN : une molécule hypersensible

Docteur en biologie, Nathalie Zammatteo a longtemps travaillé comme chercheuse à l’université, prenant part à des travaux portant notamment sur la génétique et le cancer du sein. Au fil du temps, elle acquiert la conviction que les facteurs environnementaux ne sont pas suffisamment pris en considération. Souffrant elle-même de maux de tête de plus en plus envahissants, elle découvre la Cohérence Somato Psychique®, une approche thérapeutique qui vise la libération des inhibitions inscrites dans l’organisme, qui empêcheraient le processus naturel d’auto-guérison. Elle se forme alors comme thérapeute.

Auteure de L’impact des émotions sur l’ADN (éditions Quintessence), elle vulgarise le passionnant concept d’épigénétique, qui préside aujourd’hui à de nombreuses recherches scientifiques.

Pouvez-vous rappeler ce qu’est l’épigénétique ?

L’épigénétique signifie “au-dessus de la génétique” ou “en surface de la génétique” : il s’agit de mécanismes qui ne changent absolument pas l’ADN, le code génétique, mais le fonctionnement des gènes. J’aime l’expliquer en prenant l’exemple du livre de recettes. Si on prend un livre de recettes et qu’on l’ouvre à la page du soufflé au fromage, on peut lire et réaliser la recette. C’est pareil pour l’ADN : si on peut accéder au code, on peut le traduire en protéines. C’est cela l’expression des gènes. Ce sont ces protéines qui font qu’on est vivant. Mais si la page du livre de recettes est collée, on ne peut pas lire la recette. C’est le cas pour l’ADN : si certaines portions de l’ADN sont inaccessibles, on ne peut pas accéder à la séquence du gène et donc on ne peut pas produire ce qui lui correspond. On peut aussi illustrer ce fonctionnement à travers l’exemple des vrais jumeaux : ils sont génétiquement identiques mais s’ils vivent à un endroit différent et qu’on regarde à 20 ans l’expression de leurs gènes – l’épigénome –, on se rend compte que c’est comme s’ils n’avaient, de ce point de vue, aucun lien de parenté… alors que leur séquence d’ADN est identique depuis la naissance.

Il y a eu la grande époque du tout génétique mais aujourd’hui, cette intrication du génétique et de l’environnement est considérée comme une donnée scientifique essentielle. À quand remonte ce concept d’épigénétique ?

La recherche en épigénétique a commencé à la fin des années 1990. En 2002, on est parvenu à séquencer tout le génome humain. On pensait alors qu’on allait pouvoir tout résoudre et que la thérapie génique permettrait tout simplement de remplacer les gènes défectueux. Parallèlement, les recherches en épigénétique devenaient plus importantes et on s’est rendu compte que la séquence d’ADN n’était pas tout, puisque le gène est incapable de se réguler seul : son fonctionnement dépend de notre environnement interne, mais surtout externe. On a découvert que notre mode de vie – alimentation, exercice physique, régulation du stress, qualité des relations – avait un impact sur le fonctionnement de nos gènes et que ça influençait beaucoup plus notre santé que notre hérédité.

Dans quels types de pathologies l’épigénétique est-elle déterminante ?

On l’étudie principalement dans trois domaines : le cancer, les maladies métaboliques et le comportemental, notamment la régulation du stress. Il y a quelques années, au Télévie, les chercheurs ont dit qu’en effet ils s’étaient trompés, qu’ils avaient cru que le cancer était une maladie génétique mais qu’il s’agit en fait d’une maladie épigénétique. Certains cancers présentent bien sûr des mutations dans les gènes, mais cela ne représente qu’une toute petite proportion des cancers. Le reste, c’est un problème de dérégulation dans l’expression des gènes. Dans un cancer, des gènes s’expriment dans les cellules de la tumeur et promeuvent le développement de cette tumeur, tandis que d’autres gènes “oncoprotecteurs” cessent de s’exprimer dans les cellules cancéreuses. Il y a donc véritablement un changement dans l’expression des gènes.

Qu’en est-il du lien avec la régulation du stress ?

Le stress modifie fondamentalement l’expression des gènes. Les émotions ont un rôle dans toutes les maladies, et en particulier dans les douleurs. J’ai découvert qu’il existait toute une littérature scientifique sur ces cicatrices émotionnelles, qui viennent s’inscrire au coeur des cellules au point de se transmettre d’une génération à l’autre. Si, à la suite d’un traumatisme, l’expression des gènes est modifiée et qu’on est devenu beaucoup plus fragile face à ce stress, avec une tendance dépressive, les thérapies vont permettre de restaurer l’expression des gènes comme avant le traumatisme. Car ce sont aussi des mécanismes réversibles. On peut effacer ces traces.

Faut-il nécessairement passer par une thérapie pour corriger l’expression des gènes ?

Si on est bien en accord avec soi-même, si on est heureux dans ce qu’on fait, si on a un bon réseau affectif et social, c’est possible de faire sans. Disons que tout dépend aussi de la période à laquelle a eu lieu le traumatisme. Les 1000 premiers jours de la vie – vie foetale, naissance, premières années de la vie – sont une période de grande fragilité : il y a plus de chances qu’il faille passer par une thérapie, surtout si on a vécu des choses graves comme des abus.

Aujourd’hui, au quotidien, il existe différentes techniques qui nous permettent de réguler le stress, comme la pleine conscience, le yoga… Ces techniques diminuent l’inflammation généralisée dans le corps qu’entraîne le stress chronique. Ces outils pratiques permettent donc de faire de la prévention. Certains aliments nous protègent aussi, de même que l’activité physique. Nous pouvons produire dans notre corps des facteurs de santé.

Il faut aussi se sentir soutenu et sécurisé. Une étude américaine sur le bonheur initiée dans les années 30 aux États-Unis et toujours en cours actuellement montre que les gens heureux sont ceux qui ont des relations de qualité. Et ce sont sont aussi celles qui ont le meilleur état de santé à 80 ans.

Certains toxiques environnementaux ont également un impact sur nos gènes.

Oui, c’est le cas des particules fines, des pesticides, des métaux lourds, etc. Si on veut faire de la prévention des maladies, il faut tenir compte du volet émotionnel, mais aussi de ces facteurs de l’environnement. À Mexico, une ville très polluée, une étude a montré que les chiens exposés aux polluants développent l’équivalent de la maladie d’Azheimer, dont on pense qu’elle serait en partie liée à l’exposition à des métaux lourds. Mais à exposition égale, on sait que cela va davantage se corriger si on est dans un environnement sécurisant. L’impact de la bienveillance et du maternage en début de vie sont à mon sens plus importants que celui des toxiques.

La qualité des relations ne semble malheureusement pas dépendre de la seule volonté individuelle. Le monde du travail présente aujourd’hui des modes d’organisation qui ne favorisent pas la bonne santé de l’ADN… De même pour les problèmes d’isolement et de précarité.

C’est vrai. Mais c’est aussi une question de choix. Le stress, c’est utile à notre survie. Le problème, c’est l’absence de moments de pause. Parfois quelques minutes par jour suffisent. La cohérence cardiaque par exemple est un outil formidable, qui consiste à respirer pendant cinq minutes, avec le même temps sur l’inspire que sur l’expire: cela permet de réguler les principales hormones de notre corps qui nous permettent à la fois d’agir et de récupérer. Si on a ces moments de pause, le stress ne s’installe pas durablement. Si on a des activités où l’on a du plaisir, c’est pareil : on stimule le circuit de la récompense. Ce n’est pas une question de temps, ça ne nécessite pas d’investir une heure par jour. Le message, c’est que c’est accessible à tous et que nous sommes tous acteurs de notre santé. Alors oui, nous sommes dans une société où tout est axé sur les performances, mais cela signifie qu’il faut d’autant plus prendre soin de soi pour pouvoir être bien dans sa relation avec les autres. Il ne s’agit pas d’aller faire une retraite dans une grotte… c’est un outil du quotidien.

La réversibilité des effets du stress sur l’expression des gènes peut-elle advenir rapidement ?

Les études montrent qu’après huit semaines – le temps du programme de réduction du stress par la pleine conscience –, on observe déjà des effets sur la plasticité du cerveau. Des paramètres sont mesurables sur la prise de sang. Avant et après ces huit semaines, il y a des différences sur les facteurs de l’inflammation, etc.

Cela signifie-t-il que l’apprentissage de la pleine conscience devrait faire partie des politiques publiques de prévention et promotion de la santé ?

Tout à fait. Aux États-Unis, la méditation est déjà considérée comme un moyen de prévention des maladies cardiovasculaires, avec des résultats tout à fait intéressants !

L’impact des émotions sur l’ADN par Nathalie Zammatteo.

Chaque cellule du corps porte en son noyau le même ADN qui a toute l’information nécessaire pour reconstituer l’ensemble du corps. Ainsi, même si chaque cellule n’exprime qu’une partie de cette information, celle-ci est contenue dans la moindre de ses extrémités. L’ADN est contrôlé par des signaux provenant de l’extérieur de la cellule, dans son environnement. Plusieurs millions d’interrupteurs se trouvant sur l’ADN permettent aux gènes d’être lus ou de rester silencieux. La science qui étudie ces interrupteurs et l’interaction entre l’ADN et l’environnement s’appelle l’épigénétique. Les découvertes récentes nous enseignent que tout ce qui fait partie de notre environnement, y compris les émotions, influencent l’ouverture ou la fermeture de ces millions d’interrupteurs sur l’ADN, agissant ainsi sur notre santé. Au travers de l’histoire de vraies jumelles, vous découvrirez que les émotions peuvent laisser des traces sur l’ADN et que ces traces sont transmissibles à la descendance. Alors que l’information portée par les gènes est stable, les étiquettes épigénétiques ont une stabilité relative car elles sont effaçables. Il y a donc une réversibilité potentielle permettant un retour en santé. La vocation principale de ce livre est de proposer une observation des conditionnements émotionnels sous un nouvel angle, celui de l’épigénétique, afin d’offrir la possibilité à chacun de trouver un nouvel équilibre. Disponible aux éditions Quintessence.

La parentalité en solitaire : famille monoparentale rime-t-elle toujours avec précarité ?

Le 30 Déc 20

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La parentalité en solitaire : famille monoparentale rime-t-elle toujours avec précarité ?

L’Observatoire de la Santé du Hainaut organisait en février dernier une nouvelle matinée « Sém’ISS » où professionnels de santé et spécialistes du secteur étaient invités à réfléchir à la situation des familles monoparentales de notre pays et aux inégalités sociales de santé qui pèsent sur elles.

Pour ce faire, étaient invités François Ghesquiere de l’IWEPS, Martin Wagener de l’UCLouvain et Cindy Marcelle du CPAS de Charleroi. Confrontant chiffres, cartographies et facteurs de risque qui expliquent comment les familles monoparentales s’engluent dans un cercle vicieux d’appauvrissement et d’accentuation des inégalités sociales de santé, ils en arriventà dépeindre le quotidien pas toujours simple de ces familles. Mais le ciel n’étant jamais tout à fait gris, la matinée fût aussi l’occasion de présenter un projet novateur mené par le CPAS de Charleroi, tel un arc-en-ciel après l’orage.

Revenu médian et privation matérielle, les chiffres parlent

C’est François Ghesquiere, sociologue de formation travaillant sur la question de la pauvreté à l’IWEPS[2], qui ouvre cette matinée d’échanges avec des chiffres surprenants. Il plante immédiatement le décor avec le taux de risque de pauvreté selon le type de ménage en Belgique. Ce taux est calculé sur base du revenu total net des ménages, c’est-à-dire la somme d’argent totale utilisable, remise au prorata de la taille des ménages (une famille de 5 personnes ayant besoin de plus de revenus qu’une famille de 3 par exemple). Ceci permet ensuite de déterminer le revenu médian : les ménages se situant en-dessous de 60% de ce revenu sont considérés comme à risque de pauvreté. Dans les trois régions du pays, ce sont les familles monoparentales qui sont les premières à être à risque avec un taux de 30% en Flandre, 45% en Wallonie et un peu plus de 50% à Bruxelles. Ces chiffres sont très élevés comparés aux familles composées de deux adultes ayant plusieurs enfants, ménages qui rencontrent le moins de difficultés.

Un second indicateur nous est ensuite présenté, celui de la privation matérielle. On s’intéresse ici à l’accès à une série de 9 biens et services :

  • un téléphone,
  • une télévision,
  • un lave-linge,
  • une voiture,
  • du chauffage,
  • la capacité de payer ses facture et son logement dans les temps,
  • une épargne (d’au moins 1 000€),
  • des protéines tous les 2 jours,
  • le fait de pouvoir partir en vacances une semaine par an.

Les ménages sont considérés en déprivation matérielle lorsqu’elles n’ont pas accès à au moins 4 éléments de la liste. Ici encore, les familles monoparentales wallonnes et bruxelloises sont en tête sur le podium du risque avec des taux dépassant les 20%. Cet indicateur est intéressant car il est très représentatif du quotidien de ces familles et des choses auxquelles elles doivent renoncer faute d’argent. Pour plus de la moitié d’entre elles ce sont les vacances et surtout l’épargne qui sont abandonnés en priorité, François Guesquiere précisant qu’on observe souvent des parents se priver et s’endetter pour ne pas « se priver d’activités de famille » comme les vacances par exemple.

Cette privation matérielle touche aussi directement les enfants. Ne pas remplacer les meubles abîmés, les vêtements, les chaussures, ne pas avoir accès à des loisirs ou pouvoir participer à des fêtes sont dans les familles monoparentales, plus que dans les autres, liées à la privation plutôt qu’à d’autres raisons.

La famille monoparentale comme seule cause d’exposition à la pauvreté ?

Il serait réducteur de s’en tenir à la simple équation « un seul parent = pauvreté » car ce n’est pas uniquement la monoparentalité et la diminution du revenu qui mènent à une situation précaire mais bien l’influence de cette construction familiale sur d’autres déterminants tel que l’emploi. La preuve en est que le taux d’emploi chez ces familles (et indépendamment du genre) est de +/- 50% contre 75% pour les couples non mariés avec des enfants… On sait également, autant pour les mères que pour les pères, que plus le nombre d’enfants dans la famille est élevé, moins il y a d’accès à l’emploi. Ceci s’expliquant facilement par la difficulté de faire garder plusieurs enfants pour se rendre au travail.

La recherche s’est également intéressée à la situation des femmes après la séparation du couple. Est-ce une source d’appauvrissement ou au contraire d’enrichissement ? Le résultat est ambivalent. Il mène vers un risque de précarité car la séparation entraine une diminution des revenus du ménage puisqu’on « enlève » un travailleur mais il peut mener également à un « enrichissement » (toute proportions gardées) par l’accès à une indépendance financière pas toujours réelle auparavant.

Un parent seul, mais pas que…

En guise de conclusion à son intervention, François Ghesquiere, rappelle avec humour qu’il ne faut pas percevoir la famille monoparentale comme une « cause à éviter ». Comprenez ici, pour éviter la pauvreté, arrêtons de divorcer ! Les études devraient également à l’avenir tenir compte des nouvelles compositions familiales (recomposition, implication du beau-parent…).

Il ne faut bien évidemment pas garder uniquement une vision trop négative de la monoparentalité car cela permet aussi de fuir des vies de couple/famille difficiles. Rappelons que l’accès au divorce et l’indépendance sont des causes historiquement défendues par les mouvements féministes mais également que la vision que se fait la société de la monoparentalité est influencée par l’image qu’en donne le politique.

Le modèle de la famille monoparentale : évolution et réponse publique

Martin Wagener, docteur en sociologie et professeur à l’université de l’UCLouvain[3], prend ensuite la parole. Il a consacré sa thèse[4] à la question de la monoparentalité et commence par rappeler que, quand on étudie les statistiques, on a une image à un moment donné, mais pas une idée de l’évolution de ces familles au cours du temps.

Historiquement, dans notre pays et dans bon nombre d’autres pays européens, la « famille classique » (Monsieur, Madame et les enfants) était le schéma traditionnel à suivre. La famille est alors la cellule de solidarité souvent organisée par les femmes. L’individu naissait dans une famille classique, passait dans une seconde par le lien du mariage (le tout sous la gestion du pater familias) suivant ainsi le chemin conventionnel jusqu’à la fin de vie. Ceux et, surtout celles (répondant au doux nom de « fille-mère »), qui s’éloignaient « du droit chemin » par la séparation ou par la conception d’un enfant « hors-mariage » devenaient alors parias de la société. Aujourd’hui les choses ont changé et il est devenu habituel de rencontrer des familles monoparentales. Ce qui est indéniable c’est que l’évolution des familles, des mœurs, et l’évolution des familles monoparentales, va de pair avec l’évolution des droits des femmes et donc les combats féministes de nos grands-mères.

Du point de vue statistique, l’augmentation du nombre de familles monoparentales ne va connaître un ralentissement qu’à partir de 2010, avec toujours une plus grande majorité de femmes seules avec leur(s) enfant(s) que d’hommes. Mais pourquoi ? Il est tout d’abord difficile de lire les statistiques liées à la monoparentalité à cause de plusieurs facteurs : les différentes possibilités de gardes partagées, la déclaration fiscale des enfants sur le salaire d’un des parents qui ne représente pas forcément le type de garde… Martin Wagener souligne que, lors des entretiens qualitatifs, il a pu remarquer que souvent, les pères se déclarent comme famille monoparentale (aussi fiscalement, dans un contexte d’inégalité salariale entre hommes et femmes), mais qu’en réalité la charge éducative et organisationnelle des enfants repose sur la mère. Il existe des pères en famille monoparentale exclusive mais le plus souvent dans les cas de veuvage, de toxicomanie ou de problèmes de santé mentale.

 

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Allo, le pouvoir publique ?

En Belgique, la question des familles monoparentales n’a pas été prise en compte dans les politiques publiques avant les années 90. Il faut même attendre 2003 pour voir arriver la Plateforme fédérale des familles monoparentales grâce aux mouvements féministes du nord et du sud du pays, des chercheurs et quelques représentants de milieux politiques. En sont ressortis une définition scientifique de la monoparentalité et surtout le constat qu’il existe une multitude de composition et d’organisation de familles dont le statut de ménage ne peut être la seule définition. Plus simplement, on ne peut pas dire qu’il n’y a qu’une seule forme de famille monoparentale et que seules ces familles sont pauvres, il était donc nécessaire de développer des politiques universelles.

En 2008 est créée la Plateforme technique de la monoparentalité à Bruxelles qui fournit dans un premier temps un état des lieux (2009) et ensuite, un livre bleu (2013) basé sur la thèse de Martin Wagener. La question des politiques universelles a alors été remise sur la table. Bien qu’intéressantes, on se rend compte que quand on est trop universel on n’atteint pas les personnes les plus vulnérables et que pour y arriver il faut adopter des stratégies pour renforcer l’universalisme. Il illustre ceci par l’exemple des crèches bruxelloises où les familles monoparentales ne sont presque pas représentées. A l’inverse, les crèches flamandes ont renforcé volontairement la qualité d’accueil des familles étrangères, pauvres, avec un faible niveau éducatif mais aussi des familles monoparentales. En quelques années le taux de représentation de ces familles a presque atteint les 20%. Ce qui influence, comme expliqué précédemment, l’accessibilité à l’emploi des parents et donc la qualité de vie.

« Se dire qu’on est égal pour tout le monde, en fin de compte on risque d’être injuste avec les personnes qu’on n’arrive pas à toucher » – Martin WagenerAujourd’hui, le professeur met en avant que les politiques, et plus particulièrement les politiques fédérales, du chômage et de l’accès au CPAS par exemple touchent énormément les familles monoparentales mais ne servent pas pour autant leur cause. A chaque approche d’une période électorale, l’ensemble du monde politique souhaite soutenir ces familles mais pour ce faire il serait nécessaire de globaliser et d’intégrer les publics fragiles dans l’ensemble des programmes…

Pour terminer son exposé, Mr Wagener rappelle combien il est difficile de définir la monoparentalité car il existe autant de familles monoparentales que de familles tout court. Les difficultés qui peuvent être rencontrées dépendent de beaucoup d’éléments : contexte de séparation, lieu de vie des parents, accès à une crèche, organisation de la garde, présence d’un soutien familial ou au contraire stigmatisation (souvent à l’égard des mères, « qu’as-tu fait pour laisser ta famille se détruire ? »).

A propos du soutien, on observe aujourd’hui, que contrairement à la vieille idée reçue, la solidarité la plus forte ne se trouve plus dans les campagnes pauvres mais bien dans les classes moyennes hautes. Car l’entourage est plus enclin à soutenir ponctuellement la garde d’un enfant quand il peut aussi aller à la crèche que quand il faut assurer 5 jours de garde. D’où l’importance encore plus grande de services publics forts…

Le projet MIRIAM, de l’empowerwent au féminin

Cindy Marcelle du CPAS de Charleroi nous présente le projet Miriam, développé dans plusieurs CPAS du pays, dont le sien, qui a pour but de fournir un « trajet intensif » d’un an à un public très spécifique, les femmes dans une famille monoparentale, bénéficiant d’un revenu d’intégration (ou équivalent). Le but final est de donner ou de rendre aux mamans la possibilité de prendre leur vie en main et de décider de leur position dans la société en luttant contre la pauvreté et l’isolement social.

Il s’agit d’un trajet dit intensif car chaque participante est accompagnée par un case manager qui joue le rôle de personne de référence, de coordinateur de trajet. Coach, soutien, oreille attentive, conseil bienveillant… les facettes du case manager sont multiples pour soutenir, guider et apporter un éclairage différent sur les situations vécues par les usagères. Les mamans rencontrent leur coordinateur au minimum une fois chaque semaine, ce qui permet de créer du lien et de la sécurité mais elles bénéficient aussi de rencontres collectives pour échanger entre elles (au moins deux rencontres par mois).

En prenant appui sur les questions de genre (qui renvoient aux normes sociales imposées aux femmes) et sur l’empowerment, les femmes et les case managers travaillent des points essentiels pour atteindre l’objectif final : l’information, la participation, la connaissance et l’usage de ses droits, l’orientation vers des services d’aide et enfin, la confiance en soi. Ce dernier point est d’autant plus important et symbolique que le projet Miriam s’adresse aux femmes en situation d’isolement majeur, là où l’aide « traditionnelle » ne suffit plus.

Un accompagnement basé sur le genre et l’empowerment, mais de quoi parlent-elles ? Pour faire simple on pourrait dire qu’elles parlent de tout ! Que ce soit en séance individuelle ou en groupe de parole, l’accompagnement y est holistique. Chaque domaine de la vie des mamans solosest pris en compte dans sa globalité et non comme des « parties » fragmentées de leur vie. Le logement inadapté, l’accès au marché de l’emploi, l’organisation de son quotidien pour intégrer le fait même d’aller travailler, l’image de soi… et tant d’autres sujets qui sont abordés, discutés et parfois résolus en groupe, le collectif étant considéré comme moteur de réussite.


[1] Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique.

[2] L’IWEPS propose un accès aux différentes données statistiques sur le site : https://www.iweps.be/

[3] UCLouvain – FOPES et CIRTES

[4] Trajectoires de monoparentalité à Bruxelles: Les femmes face aux épreuves de la parentalité – Martin Wagener. Disponible ici : https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A134855/datastream/PDF_01/view

Réédition du guide sur l’évaluation des effets des interventions – activité physique, alimentation et santé psychique

Le 30 Déc 20

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Dans le cadre des programmes d’action cantonaux, Promotion Santé Suisse soutient de nombreux projets qui encouragent les enfants et adolescent·e·s ainsi que les personnes âgées à pratiquer une activité physique suffisante, à adopter une alimentation équilibrée et à améliorer leur santé psychique.

Par le passé toutefois, les effets de ces projets ont fait l’objet de trop rares évaluations systématiques.

Au travers de ce guide, Promotion Santé Suisse met donc à votre disposition un outil vous permettant d’évaluer les effets de votre projet.

Découvrez ce document ici.

Réédition du guide sur l’évaluation des effets des interventions – activité physique, alimentation et santé psychique

Faire le tour de la promotion de la santé… en 180 minutes (ou presque)

Le 30 Déc 20

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L’IREPS Bourgogne-Franche-Comté publie un glossaire illustré « Faire le tour de la promotion de la santé… en 180 minutes ou presque ». Réalisé par Anne Sizaret, ce dossier documentaire a pour objectif d’accompagner le dispositif du service sanitaire en région Bourgogne Franche-Comté. Il est organisé autour de 19 concepts importants en promotion de la santé.

Pour chacun d’eux, sont mentionnées :

  1. des définitions sourcées qui permettront aux lecteurs de s’approprier les grands repères de la promotion de la santé ;
  2. une illustration sous forme d’infographies, d’articles courts ou de schéma, et
  3. des ressources bibliographiques pour aller plus loin.
Faire le tour de la promotion de la santé… en 180 minutes (ou presque)

Le glossaire est disponible ici.

Les Belges veulent un avenir sans tabac pour leurs enfants Que décidera le prochain gouvernement ?

Le 30 Déc 20

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Note préalable : « Cet article reflète les positions des partis politiques lors d’un débat organisé le 22 mars 2019, soit avant les élections.

Chaque enfant né à partir de 2019 doit pouvoir grandir dans un environnement sans tabac afin qu’il ne se mette pas lui-même à fumer. Pour atteindre cet objectif et aider les fumeurs dans leur sevrage, l’Alliance pour une Société sans Tabac souhaite que le prochain gouvernement adopte une série de mesures cohérentes à l’instar des autres pays européens. À cette fin, l’Alliance organisait, le 22 mars dernier, en collaboration avec AXA Belgium, un débat politique sur une société sans tabac. Elle y a détaillé les positions des partis politiques sur les mesures qu’elle propose. La question des inégalités sociales de santé a été largement abordée.

Les Belges veulent un avenir sans tabac pour leurs enfants Que décidera le prochain gouvernement ?

Détricoter et retricoter, c’est en quelque sorte ce que veut faire l’Alliance pour une Société sans Tabac en cherchant à dénormaliser le tabagisme pour créer un monde dans lequel ne pas fumer deviendra la norme. D’où sa campagne « Générations sans Tabac » lancée en 2018.

L’idée se base sur le fait que les jeunes imitent leurs aînés, le comportement tabagique se transmettant, du coup, malheureusement souvent d’une génération à l’autre. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère elle-même que la dénormalisation du tabagisme est une stratégie clé pour empêcher les jeunes de fumer.

Aussi, prenant exemple sur les pays voisins, l’Alliance pour une Société sans Tabac souhaite que le prochain gouvernement adopte un ensemble cohérent de mesures se renforçant les unes les autres. Celles-ci visent à préserver les enfants d’un premier contact avec le tabac pour prévenir le risque d’addiction tabagique et à aider les fumeurs dans leur sevrage. Nouveauté de taille mais également cohérente : ces mesures doivent être prises sans consulter ou associer d’une quelconque manière l’industrie du tabac.

14 000 décès annuels

Dans son mémorandum[1], l’Alliance pour une Société sans Tabac rappelle que le tabagisme est la première cause évitable de mortalité. En Belgique, il tue 14 000 personnes chaque année. Un fumeur sur deux décédera de sa dépendance au tabac. Un cancer sur trois est provoqué par le tabagisme. Chez nous, à l’heure actuelle, une personne sur cinq fume encore. Selon l’enquête Tabac 2017 de la Fondation contre le Cancer, le nombre de fumeurs quotidiens était de 22% en 2013 contre 17% en 2015. Le nombre total de fumeurs, quotidiens ou occasionnels, est quant à lui passé de 27% à 20%. Mais le nombre de fumeurs n’a plus diminué entre 2015 et 2017. « Nous nous efforçons de mettre un emplâtre sur une jambe de bois, déplore l’Alliance pour une Société sans Tabac.

L’industrie du tabac parvient encore à séduire de nouveaux jeunes fumeurs et à créer une dépendance. Chaque fumeur qui arrête de fumer ou qui décède est remplacé par un nouveau fumeur. Cela doit cesser ! »

Coût social colossal

Le tabac représente également un énorme coût pour la société. Une étude menée pour l’année 2012 sur « Le coût social des drogues licites et illicites en Belgique », mieux connue sous le nom d’« étude SOCOST », menée par BELSPO, la Politique scientifique fédérale, confirme que les coûts liés à la consommation de tabac sont considérables. Les coûts directs (soins de santé, dont visites chez le médecin, hospitalisations et soins ambulatoires) s’élèvent à 615 millions d’euros et les coûts indirects (notamment la baisse de productivité) atteignent jusqu’à 746 millions d’euros. À ces montants, il faut encore ajouter 12 milliards d’euros de coûts cachés (liés à la perte de longévité et de qualité de vie).

La Belgique en recul

En ratifiant la Convention-cadre pour la lutte antitabac (FCTC), la Belgique s’est expressément engagée à déployer les efforts nécessaires pour contribuer à enrayer le fléau du tabac dans le monde. « Cependant, cela reste insuffisant pour combattre l’épidémie du tabagisme : notre pays a chuté de la 13ème place en 2013 à la 17ème place en 2017 sur le Tobacco Control Scale, un classement renommé des pays européens sur la politique en matière de tabac, souligne l’Alliance. Au niveau européen, la Belgique a toutefois transposé la Directive européenne sur les Produits du Tabac (Tobacco Products Directive ou TPD) dans la législation belge mais bien du chemin reste à faire. »

Des pays comme la France, l’Irlande et les Pays-Bas montrent pourtant qu’une politique de prévention ambitieuse est non seulement possible mais qu’elle porte des fruits.

Adhésion massive de la population

« Il est très important de souligner en présence de nos représentants politiques que, selon les dernières enquêtes, 93% des Belges sont favorables à ce que nos enfants puissent évoluer dans un monde libéré du tabac, déclare Anne Boucquiau, porte-parole de l’Alliance pour une Société sans Tabac et de la Fondation contre le Cancer. Ils considèrent même que c’est un droit de l’enfant. Huit Belges sur dix souhaitent que le prochain gouvernement mette en place les mesures nécessaires pour faire de ce concept une réalité. »

Le tabac, une des principales causes des inégalités sociales de santé

On sait qu’un lien fort existe entre le tabagisme et les indicateurs socio-économiques tels que l’éducation, le revenu, le statut professionnel, etc. Ce constat, largement documenté, est partagé par l’Alliance : « Plus les conditions de vie et la situation d’une personne sont fragilisées, plus grand est le risque qu’elle fume et souffre de maladies ou décède des suites de la consommation de tabac. Les populations ayant un faible niveau de formation et les personnes à plus faibles revenus sont davantage touchées que les personnes à revenus plus élevés. »

Le 22 mars dernier, le représentant d’AXA l’a souligné dans son introduction au débat politique : « La question des inégalités sociales face au tabac reste entière car la baisse globale enregistrée depuis quelques années concerne peu les catégories sociales défavorisées. Les mesures prises comme les campagnes médiatiques qui incitent à l’arrêt, les interdictions de fumer dans certains lieux de vie (horeca, écoles, transports), l’aide téléphonique pour les candidats à l’arrêt, les trop faibles augmentations de prix de certains produits du tabac, etc. semblent inefficaces pour réduire l’écart grandissant avec les catégories plus favorisées. Pouvons-nous laisser les plus pauvres payer le prix fort de cette épidémie, au sens propre comme au sens figuré ? Ne laissons pas le tabac être un marqueur social. »

De son côté, l’Alliance considère que permettre aux personnes ayant un niveau de formation moins élevé et à celles issues des groupes défavorisés de pouvoir arrêter de fumer et de ne pas commencer, constitue l’un des défis majeurs de toute politique antitabac. « C’est pourquoi une attention particulière doit être accordée à la réduction des inégalités sociales en matière de santé. Cependant, améliorer la situation socio-économique et les conditions de vie des groupes défavorisés et des populations ayant un faible niveau de formation ne suffit pas à faire baisser la prévalence du tabagisme. Le fort pouvoir addictif du tabac, la culture familiale au sein de laquelle l’usage du tabac est transmis et la facilité pour les fumeurs débutants d’accéder au tabac dans notre pays sont autant d’autres facteurs importants à prendre en compte. Il faut donc également s’attaquer à ces causes. Les autorités politiques de notre pays doivent prendre les mesures structurelles qui s’imposent. »

L’exemple de la France, qui s’est « armée » d’un programme national de lutte contre le tabac composé d’un ensemble de mesures « cohérentes », est encourageant. « On observe pour la première fois une diminution du tabagisme et de la prévalence tabagique dans les couches défavorisées, se réjouit Stephen Lequet, directeur de Droits des Non-Fumeurs (DNF), vice-président de l’Alliance contre le tabac et de l’European Network for Smoking an Tobacco Prevention (ENSP). Les personnes les plus fragiles sur le plan économique et se trouvant dans les situations sociales les plus compliquées sont les plus impactées par la réduction du tabagisme et par tous les avantages que cela représente, y compris en termes de pouvoir d’achat. » 

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Position des partis politiques

Selon Vincent Lorant, professeur de sociologie médicale à l’UCL, trois éléments sont nécessaires pour que le changement arrive dans le domaine de la santé publique : « Une bonne définition du problème, des solutions et l’accord des responsables politiques. Nous avons défini le problème du tabagisme et le mémorandum nous apporte les solutions. »Quid de nos responsables politiques ? L’Alliance pour une Société sans Tabac a invité les partis politiques à se positionner par rapport aux mesures qu’elle préconise[2]. Neuf partis ont répondu à l’enquête : MR, cdh, PS, ecolo, open vld, CD&V, NVA, sp.a et GROEN. Tous soutiennent le principe de « Génération sans Tabac ». Le cdh, ecolo, le CD&V, la sp.a et Groen se sont montrés favorables envers toutes les mesures. Les plus réfractaires sont le PS et la NVA. Le PS s’est montré récalcitrant face aux mesures concernant la taxation des produits du tabac et à l’interdiction de vente de tabac aux moins de 18 ans. La NVA ne soutient pas six mesures, dont l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants et les interdictions liées à la publicité et à la vente de produits du tabac.

Fiscalité du tabac : une mesure très efficace

Tous les spécialistes s’accordent à dire que l’augmentation des taxes est un outil très efficace pour réduire la prévalence du tabac et les inégalités de santé. L’harmonisation des taxes entre pays voisins renforce encore l’effet de la mesure, notamment parce que cela n’incite pas à aller se fournir en tabac dans le pays voisin.

« Une étude européenne menée dans sept pays montre que les fumeurs se fréquentent, raconte Vincent Lorant. Les fumeurs sont amis de fumeurs. La réponse doit donc être collective, sociale. Elle ne doit pas être individuelle. Parmi les mesures à prendre, on connait avec certitude l’efficacité des taxes. »

Cette efficacité est prouvée par de nombreuses études et confirmée dans le « rapport de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabagisme 2015 » : « On y apprend deux leçons majeures, rapporte Stephen Lequet. D’une part, une hausse [du prix] de moins de 10% n’a pas d’effet et, d’autre part, il faut une récurrence des hausses pour renforcer l’effet. »Or, Vincent Lorant attire l’attention sur l’ambiguïté de nos responsables politiques par rapport aux taxes. « À quoi servent-elles ? Sont-elles là d’abord pour remplir les caisses du Trésor ? Ou sont-elles là pour améliorer la santé de la population ? Sont-elles un instrument santé ou financier ? » Et le professeur de pointer le PS qui s’est montré opposé à l’harmonisation des taxes avec la France et les Pays-Bas et à la taxation du tabac à rouler au même taux que les cigarettes manufacturées.

Au cours du débat politique du 22 mars dernier, qui réunissait les représentants des neufs partis ayant participé à l’enquête de l’Alliance, l’ex porte-parole du PS, André Frédéric (PS), député à la Chambre des Représentants de Belgique et membre effectif de la Commission Santé publique, a tenu à nuancer cette opposition. « Le PS est favorable à l’objectif d’une génération zéro tabac. Mais nous émettons une opposition de principe face à l’augmentation des accises en général pour protéger le pouvoir d’achat des ménages qui sont de plus en plus en difficulté. Le PS ne s’oppose à une augmentation ciblée des accises sur la tabac et produits dérivés. »La nuance est importante car Anne Boucquiau n’a pas manqué de relever le non-sens du refus d’augmenter la taxation sur le tabac comme argument pour défendre le pouvoir d’achat.

« C’est un argument que nous, acteurs de santé publique, on ne peut pas entendre. C’est un comble en termes de santé publique quand on connait tous les problèmes financiers que le tabagisme engendre suite aux maladies qu’il provoque chez les fumeurs, mais aussi dans leur entourage, y compris chez les enfants qui présentent notamment des infections respiratoires. Avant de décéder, beaucoup de problèmes de santé vont venir grever le pouvoir d’achat des fumeurs : frais de pharmacie et santé, absentéisme au travail. Se baser uniquement sur le pouvoir d’achat, c’est vraiment dommage car c’est une vision à très court terme. Au final, bien sûr que les fumeurs y perdent financièrement. »

Malgré la frilosité du PS et de la NVA, l’optimisme semble pouvoir être de mise. En effet, les représentants du PS et de la NVA ont déclaré lors du débat ne pas être nécessairement d’accord avec la position globale de leur parti et se sont engagés à faire un plaidoyer au sein de leur propre parti. « Du coup, il y a de grands espoirs de trouver un accord de gouvernement avec une politique antitabac forte afin que le concept de « Générations sans tabac » devienne une réalité pour nos enfants, quel que soit le niveau socio-économique de leur famille», s’est réjouie Anne Boucquiau au terme du débat politique.

Deux mesures approuvées en avril dernier

Le 24 avril dernier, la Chambre des représentants a approuvé deux mesures importantes qui contribueront à faire émerger une première génération sans tabac. D’une part, l’âge légal pour acheter des produits du tabac est relevé à 18 ans au lieu de 16. Depuis le 1er janvier 2019, la Belgique était le seul pays de l’Union européenne où les jeunes de moins de 18 ans pouvaient encore acheter des cigarettes. D’autre part, l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de 18 ans s’applique désormais à l’ensemble de la Belgique qui emboîte ainsi le pas à plusieurs pays européens. La Flandre a adopté il y a peu une interdiction similaire, mais pour les enfants de moins de 16 ans, alors que la Wallonie avait opté pour l’interdiction de fumer en présence d’enfants de moins de 18 ans.

Qui est l’Alliance pour une Société sans Tabac ?

L’Alliance pour une Société sans Tabac est une initiative de la Fondation contre le Cancer, Kom op tegen Kanker, de la Ligue Cardiologique Belge, du Fonds des affections respiratoires (FARES), du Service d’Étude et de Prévention du Tabagisme (SEPT), de l’Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH), du Vlaams Instituut Gezond Leven, de la Vlaamse Vereniging voor Respiratoire Gezondheidszorg en Tuberculosebestrijding (VRGT) et de l’asbl Gezinsbond. Des dizaines d’associations médicales et d’organisations actives dans le domaine de la santé ont signé une charte[3] à travers laquelle elles s’engagent, en collaboration avec leurs membres, à faire de la première génération sans tabac une réalité.

Campagne Générations sans Tabac

Lancée en 2018 par l’Alliance pour une Société sans Tabac, la campagne « Générations sans Tabac » vise, en collaboration avec les autorités, les organisations de la société civile, les entreprises privées, les particuliers, etc., à transformer des lieux fréquentés par de nombreux enfants et jeunes en environnements sans tabac. Source : Alliance pour une Société sans Tabac, Mémorandum pour les partis politiques.


[1] Pour consulter le mémorandum de l’Alliance pour une société sans tabac :https://www.cancer.be/nouvelles/memorandum-alliance-pour-une-societe-sans-tabac

[2] Voir l’enquête.

  1. Signer et partager la Charte : www.generationssanstabac.be

E-santé et promotion de la santé : un mariage fécond ?

Le 30 Déc 20

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E-santé et promotion de la santé : un mariage fécond ?

Le Centre verviétois de promotion de la santé (CVPS) fête ses 20 ans d’existence. Pour célébrer cet événement, il a tenu une conférence dédiée à l’e-santé. Plusieurs intervenants sont venus apporter leur expertise sur les liens existants, et à créer, entre la santé connectée et la promotion de la santé.

Apparue il y a une dizaine d’année, l’e-santé se développe de plus en plus rapidement. Elle constitue probablement une voie royale pour épauler très efficacement la promotion de la santé dans sa mission. La santé connectée est en effet dotée de nombreux outils pouvant aider et encourager les individus à mieux prendre leur santé en main. Encore faut-il rester vigilant pour que cette évolution n’aggrave pas davantage les inégalités en tous genres, mais soit bien un moteur de progrès.

Pour mieux cerner les enjeux de l’e-santé, rien de tel que de revenir aux sources de la promotion de la santé.

Comme l’a rappelé Raffaele Bracci, coordinateur du CVPS, 1986 fut une année charnière en matière de santé avec la création, via la Charte d’Ottawa, de la promotion de la santé. Dans cette logique est apparue la notion d’empowerment, ce processus visant à donner aux individus les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci. Une double nécessité vit alors naturellement le jour, celle d’agir sur les déterminants de santé et de réduire les inégalités sociales.

C’est dans ce tout nouveau paysage que les neufs Centres locaux de promotion de la santé furent créés en Région Wallonne, dont le Centre verviétois en 1998. Subsidié et agréé par la Région Wallonne, avec le soutien de la Province de Liège et de la Ville de Verviers, « le Centre verviétois de promotion de la santé a su, au fil du temps, prendre sa place dans le domaine de la santé, se réjouit Robert Botterman. Il est maintenant reconnu pour ses actions et sa compétence à accompagner les différents services et institutions qui font appel à lui. Il compte une cinquantaine de partenaires dont la Province de Liège, la Ville de Verviers, des institutions hospitalières et de soins, des mutuelles et une trentaine d’associations et services divers. Son champ d’intervention couvre la partie francophone de l’arrondissement de Verviers, à savoir vingt communes francophones pour à peu près 220.000 habitants. »

Littératie en santé

Il y a quelques années, la notion de littératie en santé est apparue. Elle désigne la capacité d’une personne à trouver, comprendre, évaluer et utiliser l’information sur la santé afin de prendre des décisions éclairées concernant sa propre santé ou celle d’un proche. « Pratiquement, c’est par exemple la capacité de prendre un rendez-vous, précise Raffaele Bracci, coordinateur du CVPS. C’est également savoir partager son cursus de santé avec des professionnels de santé, accéder aux services ad hoc, aux bons médecins, favoriser les comportements propres à une bonne adhésion thérapeutique, adopter ou maintenir des comportements de santé, mieux gérer sa maladie chronique, mieux prendre en compte les conseils des professionnels de santé, savoir accéder à des infos en ligne, notamment dans le cadre du dossier médical personnalisé. »

La littératie est bien sûr une notion cruciale aujourd’hui face au développement fulgurant de l’e-santé qui est définie comme les services et informations en matière de santé fournis via Internet et les technologies apparentées afin de soutenir les soins de santé ou les améliorer. Raffaele Bracci rappelle que dans le plan d’action e-santé fédéral 2013-2018, parmi les vingt points d’action concrets, deux sont particulièrement en lien avec la promotion de la santé : « L’accès des patients à leurs propres données médicales et les applications de santé mobile (mobile health). Le but de ces deux points étant de soutenir la littératie en santé des patients. »

Malgré cette volonté de renforcer l’éducation thérapeutique du patient, en favorisant notamment les techniques de dépistage, en soutenant le diagnostic et le traitement, le coordinateur du CVPS pose néanmoins plusieurs questions : « Si l’équité est bien mise en avant, tous les publics ont-ils réellement accès à l’information ? Qu’en est-il des niveaux préalables de littératie en santé qu’il faudrait pour pouvoir accéder et comprendre l’information ? »

Littératie en santé digitale

Denis Mannaerts, Directeur de l’asbl Cultures & Santé, pose également des questions, notamment celles de savoir si les technologies liées à l’e-santé vont réellement agir sur les déterminants de santé et contribuer à réduire ces inégalités ? Pour répondre à cette question, il fait appel à la notion de littératie en santé adaptée à l’univers numérique et digital.

Au-delà des compétences de base propres à la littératie en santé (lire, écrire, s’organiser, s’orienter, interagir avec les acteurs de soins, comprendre l’information, avoir un esprit critique…), le domaine de l’e-santé exige de nouvelles compétences : « Il faut non seulement accéder à la technologie via l’achat d’un smartphone, d’un ordinateur, mais aussi pouvoir utiliser ces appareils et leur contenu en sachant que le monde numérique est en constante évolution, analyse Denis Mannaerts. Nous sommes également amenés à maîtriser une langue véhiculaire et technique, différente du français, ainsi que des codes culturels propres au numérique. Il faut pouvoir évaluer, critiquer, trier des informations qui se densifient, se complexifient, se contredisent et derrière lesquelles se cachent souvent des intérêts commerciaux. »

40% en difficulté

Malheureusement, des enquêtes de la Mutualité chrétienne montrent que 40% de la population rencontre des difficultés pour mobiliser des capacités en littératie en santé. « Sans surprise, la population concernée vit dans des conditions socioéconomiques précaires, détient un diplôme de faible niveau et rencontre davantage de difficultés dans la vie », constate le directeur de Cultures & Santé.

Responsabilisation individuelle

Denis Mannaerts attire l’attention sur le fait que ces nouvelles technologies pourraient entraîner les individus dans une logique individualisante. « Nous glissons d’une responsabilité collective qui exige de mettre en place des moyens structurels pour que les conditions des personnes s’améliorent, vers une responsabilisation individuelle. Chacun va devoir, à travers la technologie, suivre un comportement adapté. Il y a un risque de disqualification sociale des personnes ayant un moins bon niveau de littératie numérique. D’autre part, n’allons-nous pas entrer dans un monde de plus en plus anxiogène où tout sera paramétré, mécanisé, où il faudra être connecté de manière constante ?

Soutien nécessaire

Les actions sur la littératie en santé doivent donc à la fois augmenter les compétences des personnes dans le domaine de l’e-santé et agir sur les conditions de leur exercice. « Dès le plus jeune âge, il faut mettre en œuvre des programmes permettant de développer la littératie en santé, tout en sensibilisant à l’évaluation et à la critique de l’information. Cela doit se faire à l’école, mais aussi tout au long de la vie en créant des espaces collectifs d’apprentissage dans des associations d’éducation permanente, d’alphabétisation, de formation continue, etc. Il est très important de veiller à la précaution universelle et donc d’adapter les technologies et les contenus aux réalités socioculturelles. Il ne faut pas tout livrer au numérique mais maintenir, voire développer des offres et accompagnements humains. Aussi devons-nous questionner la place des technologies dans les processus de promotion de la santé. Quand sont-elles vraiment pertinentes et quand sont-elles juste un écran de fumée ? »

L’e-santé ou le présage d’un basculement

Le Professeur Philippe Coucke, Chef du service de radiothérapie au CHU de Liège, est, quant à lui, venu donner sa vision de la médecine, telle qu’il la voit dans quelques années. « L’écosystème des soins dans lequel nous vivons aujourd’hui n’est plus durable, affirme-t-il. Plusieurs facteurs montrent qu’un changement est inévitable. Entre 2004 et 2050, le nombre de personnes de plus de 65 ans aura doublé. À cet âge, les pathologies chroniques et les polypathologies sont nombreuses, et coûtent de plus en plus cher à nos sociétés. Ce ‘tsunami gris’ touchant également les professionnels des soins, nous allons en plus au-devant d’une énorme pénurie en matière de professionnels de soins. »

Génération Y et Z

Les jeunes des générations YNote bas de page et ZNote bas de page rendent inévitable la marche vers la santé connectée. « Leur relation à la technologie est celle de l’hyperconnexion, confirme le spécialiste. Ils utilisent la technologie numérique de manière intuitive et permanente. Totalement addicts au clic, ils veulent tout de façon instantanée. Cette relation à la technologie ouvre la porte au patient connecté qui devient un objet connecté dans l’Internet des objetsNote bas de page. »

La marche en avant du 7ème continent

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Mega Pharma, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Alibaba, Netflix, Airbnb, Tesla, Uber… Ces grands noms ont en commun d’investir annuellement des milliards de dollars dans l’intelligence artificielle et l’accumulation de données. « Ils sont en train de réaliser une OPANote bas de page sur les soins de santé, affirme le Pr Coucke. Dans un futur proche, on peut très bien imaginer des patients qui, après s’être informés auprès de leur Apple Chatbox sur un problème de santé, se verront orientés vers un hôpital géré par Amazon où ils recevront des médicaments produits par Google. »

La standardisation des échanges de données et l’utilisation du cloud pour ces échanges de données préfigure de grands changements. « L’imposition de nouvelles technologies, comme le cloud, permet une approche beaucoup plus holistique en matière de santé, un investissement dans la médecine préventive et le développement de l’empowerment du patient. Nous nous dirigeons vers une nouvelle relation entre le soigné et le soignant, avec une démocratisation et une généralisation de la médecine connectée qui sera incontournable face à la pénurie financière et au manque de ressources humaines.»

Serait-ce la fin du modèle médical de type curatif ? « Il va disparaître car il se révèle peu efficace. Mais la culture médicale n’est pas prête pour ce genre de révolution. Il faudra donc investir dans ce nouveau modèle sans enlever la prise de l’ancien. Tout va aller très vite. Nous allons basculer d’un modèle à l’autre, très probablement avec beaucoup de mal et de grincements de dents. Nous n’aurons pas le choix car nous sommes soumis au déterminisme technologique. La technologie s’impose à nous.»

Deux applications numériques très intéressantes

Comunicare : soutien au traitement contre le cancer et l’insuffisance cardiaque

La plateforme Comunicare a été créée au départ d’un simple constat : « Lors d’une consultation d’annonce de cancer, le patient ne comprend que la moitié des termes, explique Alfred Attipoe, directeur de Comunicare Solutions. Or, la littérature médicale et scientifique montre qu’un patient qui comprend bien son traitement peut mieux se soigner. »

C’est pourquoi l’équipe de Comunicare a choisi de définir un concept d’accompagnement permettant au patient, dans un contexte de traitement long, d’être accompagné par une série d’informations et de communiquer son ressenti à l’équipe soignante, afin de faciliter l’adhésion au traitement. Cette idée existe déjà dans certaines disciplines faisant usage du carnet de liaison. « Nous avons simplement décliné ce carnet de liaison papier en application mobile. » Concrètement, l’application donne accès à différentes informations comme le traitement (chimiothérapie, radiothérapie, etc.), la description des effets secondaires éventuels, ainsi que des recommandations pour tenter d’y faire face.

L’application encourage le patient à surveiller son poids, à prendre ses médicaments, à noter ses rendez-vous dans l’agenda.Autre avantage, la plateforme est munie d’outils destinés à fédérer le patient, son entourage et le personnel soignant. « Les proches du patient peuvent également avoir accès à toutes les informations nécessaires pour lui offrir la meilleure aide possible. Par ailleurs, la plateforme permet aux soignants de recueillir un certain nombre de données transmises par le patient. Ils peuvent ainsi mieux évaluer la prise en charge thérapeutique et prévenir les situations à risque. »

L’outil est actuellement expérimenté sous forme de projet-pilote au CHU de Liège et Saint-Pierre, en oncologie. Une application mobile sera bientôt fonctionnelle pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque.

Help-Ados évalue les comportements à risque

Jérôme Gherroucha, psychologue et directeur du Pôle enfants/adolescents, département des Affaires sociales en Province de Liège, collabore au développement d’une application numérique destinée à établir, non pas un diagnostic, mais un bilan de risque du comportement de l’adolescent pour déterminer vers quel spécialiste l’orienter ensuite.

Help-Ados a été créé par le Dr Xavier Pommereau, chef du Pôle aquitain de l’adolescent au CHU de Bordeaux. « En tant que service public, nous voulons outiller un maximum d’intervenants, non seulement les généralistes, mais aussi les psychologues, les travailleurs sociaux, pourquoi pas les éducateurs, bref un large public, et cela de manière gratuite et dans différents secteurs comme la santé, l’aide sociale et à la jeunesse, l’enseignement, les maisons de jeunes… ». Installés dans une même pièce, le professionnel de la santé et l’ado, sont tous les deux équipés d’un smartphone.

« L’application est utilisée pendant quinze minutes maximum et sert de tiers médiant pour entrer en contact avec le jeune dans deux types de situation : d’une part, lorsque le professionnel ne connait pas bien le jeune, le smartphone joue le rôle de ‘doudou’ auprès de celui-ci et facilite l’entrée en contact pour aborder des questions délicates. D’autre part, l’appli aide les soignants à aborder des thématiques qu’ils ne maîtrisent pas. »

L’outil est adapté aux pratiques des ados dans le domaine du numérique et est conçu pour aborder le plus efficacement possible différentes thématiques, de manière très tactile « Il est plus facile de poser des questions délicates avec cette application. Par exemple, ce n’est pas évident pour un professionnel de demander à une fille de 13 ans si elle a eu des rapports sexuels. Avec l’appareil, ça ne pose pas de problème. L’ado y répond aussi plus facilement. »

Neuf thématiques peuvent être abordées : consommation d’alcool, de cannabis, troubles du comportement alimentaire, auto-mutilations, addictions aux substances et aux pratiques, dépression, sexualité et risque suicidaire.Des questionnaires, pouvant être menés de différentes manières, notamment en fonction du profil du jeune, permettent de classer le comportement du jeune selon quatre critères : à surveiller, inquiétant, grave, très grave.

« Une fois le questionnaire terminé, il est recommandé au professionnel de débriefer avec le jeune car nous avons constaté que les ados ont besoin de savoir ce que révèle le test. L’échange et la discussion sont de cette manière favorisés. Le jeune peut repartir avec le questionnaire et ses réponses, et les soumettre à un généraliste ou un spécialiste. »

Cette application a par ailleurs l’avantage de renvoyer le professionnel à une bibliographie d’outils disponibles sur Internet. « Il peut ainsi creuser certaines questions dans une optique de formation continue. »

Help-Ados est actuellement utilisé en phase de test en province de Liège. « Le projet devrait s’étendre à la région de Namur via le Réseau Santé Kirikou et du Luxembourg. L’idéal serait de le tester au niveau de toute la fédération Wallonie-Bruxelles. »

Centre verviétois de promotion de la santé ASBL (CVPS)

Rue Xhavéee 214800 VERVIERSTél. : 087 35 15 03Site internet : www.cvps.beMail : info@cvps.be

Naissance entre 1980 et 1995

Naissance à partir de 1996

L’Internet des objets (IdO) caractérise des objets physiques connectés ayant leur propre identité numérique et capables de communiquer les uns avec les autres. Les objets connectés produisent de grandes quantités de données dont le stockage et le traitement entrent dans le cadre de ce que l’on appelle les big data. Le phénomène IdO est très visible dans le domaine de la santé et du bien-être avec le développement des montres connectées, des bracelets connectés et d’autres capteurs surveillant des constantes vitales. Le nombre d’objets connectés devrait largement augmenter au fil des ans.

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