Mai 2005 Par C. MAILLARD Données

L’Enquête sur la santé des jeunes a brièvement dressé un tableau des activités physiques pratiquées par les jeunes d’âge scolaire en Communauté française. Un bilan que veulent compléter et préciser les responsables de l’Observatoire de la Santé du Hainaut (1). Une province dont la population figure en queue de peloton de la fréquence de la pratique de l’activité physique et sportive en Belgique…
A en croire les chiffres repris dans l’enquête sur la santé des jeunes, on constate que 49,3% des jeunes de 13 à 17 ans affirment avoir des activités sportives en dehors des cours de sport ou de gymnastique au moins trois fois par semaine. Des chiffres qui pourraient surprendre, alors que l’on fustige de plus en plus les jeunes, accusés de ne pas assez bouger… «Ces chiffres ne m’étonnent pourtant pas, si l’on prend comme repère la pratique durant 20 minutes d’une activité quelle qu’elle soit, de la pratique d’un sport en club à une partie de football au jardin…» , explique le Dr Véronique Tellier , responsable du secteur Information sanitaire à l’Observatoire de la santé du Hainaut. Une différence qui se marque entre les filles et les garçons, les premières n’étant que 36,5% contre 63% de garçons…
Par ailleurs, ces chiffres mettent aussi en lumière une grande différence socio-économique, avec des élèves du professionnel près de trois fois moins actifs que ceux du général, avec un fossé encore davantage creusé entre filles et garçons…
Mais le Dr Tellier veut mettre l’accent sur un autre facteur important qu’est la structure familiale: «On constate que ce sont les enfants venant de familles où les deux parents travaillent qui pratiquent le plus de sport, suivis par les enfants issus de familles monoparentales, où la difficulté est surtout d’ordre financier pour payer les inscriptions et abonnements; quant à ceux des familles recomposées, ils figurent en bas de classement, éprouvant surtout des problèmes pratiques, l’enfant devant se partager entre deux milieux de vie et ne pouvant dès lors que trop rarement suivre régulièrement son sport…» , poursuit-elle.
Et comme elle le résume dans une étude menée en 2003, «On a d’autant moins de chances de pratiquer du sport en dehors de l’école qu’on est plus âgé, qu’on est une fille, qu’il n’y a pas de revenu du travail dans la famille, que la famille est monoparentale ou recomposée, que le père est d’origine étrangère (surtout de l’Union européenne) et qu’on est dans une filière d’enseignement technique ou professionnelle.»

Ecoles et communes sport admis

Il est vrai que la pratique d’un sport en club ou en salle coûte souvent cher et que faute de moyens pour payer l’abonnement, les parents abandonnent. Alors, faut-il vraiment s’inscrire dans un club pour pouvoir pratiquer un sport? Les jeunes ne devraient-ils pas fréquenter davantage les infrastructures scolaires ou publiques, communales notamment?
«Tout d’abord, on constate que la part informelle du sport diminue, à savoir les sports pratiqués sur des terrains publics, dans les écoles, etc. Une tendance qui est confirmée par le manque croissant de structures dans les parcs ou les écoles» , regrette-t-elle. En quoi elle est rejointe par Michel Demarteau , responsable du secteur Prévention et promotion de la santé de l’Observatoire, qui observe aussi l’évolution de notre société qui se sédentarise et qui a du mal à mettre en place des solutions qui sont complexes et qui touchent à la mobilité, à l’accessibilité, à la sécurité…: «Cette réflexion sur la possibilité de pratiquer un sport informel doit être menée tant dans les administrations communales qu’au sein même des écoles . On constate que dans les cours de récréation , il y a peu de modules de psychomotricité par peur que les enfants ne se blessent , les enfants ne jouent plus au ballon pour ne pas casser des vitres , il n’y a même quasiment plus d’espaces verts parce qu’ils risquent de se salir , et parfois on leur interdit de courir parce qu’ils risquent de tomber Et pratiquer un sport hors de l’école , comme en rue , ça devient très difficile : la sécurité n’est plus assurée , tant sur les routes par exemple pour les cyclistes , qu’en termes de ‘mauvaises’ rencontres .
Enfin , pour les jeunes qui veulent se rendre dans un cadre plus sécurisé , donc dans un club par exemple , ils doivent avoir un moyen de transport . Nous avons dans la périphérie de Mons de belles structures , mais elles sont trop peu accessibles en transports en commun et s’y rendre à vélo relève d’une mission impossible ! Trop souvent , l’accès à ces structures en transports en commun est trop difficile , notamment le soir et le week end donc quand les enfants ou les jeunes ont le temps avec des bus trop rares . Ils dépendent alors de la voiture des parents qui ne sont pas nécessairement disponibles , par exemple le mercredi après midi.»
Une constatation faite dans le Hainaut, terrain d’action de l’Observatoire, mais qui est transposable dans bien d’autres provinces…
Aussi, parfois le privé réagit. Ainsi, à Bruxelles, par exemple, un ramassage scolaire est organisé par un club de sport dans les écoles de la commune. Une idée très séduisante et particulièrement intelligente… qui devrait être relayée par les administrations communales.
« Dans le Hainaut , des initiatives sont menées un peu partout pour améliorer les conditions de pratique sportive , mais aucune coordination n’existe . Les uns ignorent ce que les autres organisent », regrette Michel Demarteau. C’est pourquoi l’Observatoire mène, avec différentes communes de la province, une réflexion sur les moyens d’améliorer la mobilité, les contacts avec et entre les associations culturelles et sportives ou l’accueil extra-scolaire. « Le Hainaut compte de grands clubs au niveau professionnel , tant en football qu’en basket ball ou en tennis de table , par exemple . Or , il fait trop peu pour le sport de loisir , le sport pour tous

Campagnes: d’accord, mais à cibler

Pierre Bizel , responsable du secteur Education santé à l’Observatoire, regrette pour sa part que la sensibilisation à la pratique d’activités physiques soit un thème relativement peu prisé, notamment par les écoles dans le cadre de la promotion de la santé. « Aussi , lorsque nous animons des séances d’information sur l’alimentation , nous couplons ce sujet à celui de l’activité physique . Heureusement nous avons des actions qui fonctionnent très bien , comme un projet pilote dans les écoles pour promouvoir l’activité physique et qui consiste à organiser une journée d’initiation au sport santé sur le site de l’Observatoire , avec un suivi durant toute l’année .
L’objectif est de faire essayer un sport aux enfants , dans l’espoir qu’ils le poursuivent le reste de l’année . Environ 1000 écoliers y participent dans la région de Mons Borinage . Pour le reste du Hainaut , la demande est encore trop faible : la sédentarité n’est pas partout intégrée comme un déterminant de santé publique
A côté de cela, l’Observatoire mène des campagnes générales d’information comme la campagne ‘Bouger pour votre santé. 30 minutes par jour suffisent’ qui a été très bien accueillie et relayée, en particulier par les médecins généralistes. Mais elles ont leurs limites: elles s’adressent à un moment donné à un public très varié, qui a ses motivations propres. C’est pourquoi le travail concret, quotidien avec les acteurs de terrain est essentiel. Pour, l’espère-t-on, en arriver au même niveau de prise de conscience que celui aujourd’hui atteint pour promouvoir l’alimentation saine…
Carine Maillard
Référence: D. Piette, F. Parent, Y. Coppieters, D. Favresse, C. Bazelmans, L. Kohn, P. de Smet, La santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire. Quoi de neuf depuis 1994?, ULB PROMES, décembre 2003. Le document est accessible sur le site http://www.ulb.ac.be/esp/promes .
(1) Depuis deux ans, l’Observatoire a mis sur pied un groupe de travail interne chargé d’étudier les habitudes des Hennuyers en termes d’activité physique, à côté d’autres groupes chargés du tabagisme et de l’alimentation.