On ne présente plus la plateforme de streaming mondialement connue : Netflix ! Vous la connaissiez pour son abondance de titres de films et de séries, pour les week-end de binge-watching (et la notification « Are you still watching ? ») mais aussi, peut-être même surtout, pour les séries originales Netflix. C’est dans cette catégorie que nous avons vu arriver début de l’année la série « Sex Education », 8 épisodes de 50 minutes a priori pour les teenagers. « A priori », parce que nous avons ici une pépite qui nous propose presque 8 séances d’EVRAS en ligne, à mettre dans les mains des ados comme des adultes, des pros du secteur comme des novices, ou de ceux qui ont simplement envie de voir qu’en 2019 on peut s’assoir un peu plus encore sur les clichés de notre société.
Plantons le décor. Nous sommes quelque part en Grande-Bretagne (accent british, thé, conduite à gauche), l’histoire se déroule majoritairement dans un lycée aux allures de campus américain, en témoignent les casiers dans les couloirs et les blousons à l’effigie du club sportif. L’espace-temps est clairement actuel, les personnages ont des smartphones et des laptops mais aussi totalement oldschool dans le style vestimentaire et les vieilles voitures qui vous rappelleront votre enfance (du moins pour nos lecteurs de plus de 25 ans…).
Dans cette série, on suit plusieurs personnages plus drôles et attachants les uns que les autres mais on y suit surtout Otis, un ado introverti que la sexualité met mal à l’aise (à tel point que la masturbation lui est impossible). Il est le fils unique d’une sexologue totalement décomplexée dont la maison est une ode à la sexualité, où phallus en bois et représentations du kamasutra se font la part belle dans la déco.
On y rencontre aussi Maeve, l’ado aux cheveux roses décolorés, intelligente et sarcastique, issue d’une famille déchirée entre le rejet de son père, la toxicomanie de sa mère et l’errance de son frère. La vie l’a fait grandir plus tôt que prévu, elle vit seule dans une caravane, trainant les casseroles du passé et une réputation peu glorieuse. Pourtant, entre Otis et Maeve, ça matche ! Loin des clichés de la belle et la bête que l’amour réunit, c’est ici le business qui les unit.
Otis a un don pour aider les gens à comprendre leurs relations et leur sexualité, Maeve a besoin d’argent et gère les rendez-vous des clients (leurs compagnons de classe) : c’est le début des consultations de sexologie au lycée !
Une série qui parle de sexe, oui, et alors ?
Oui, Sex Education est une série avec des adolescents qui parlent de sexe mais c’est surtout une série qui en parle bien ! On pourrait même dire que le fil rouge du succès netflixien s’inscrit dans le mouvement anglo-saxon sex-positive qui encourage la sexualité dans tous ses aspects, la sexualité consentie et surtout le dialogue. Ce dernier point prend encore plus de sens quand on se souvient que l’intrigue tourne autour des consultations de sexologie données par un gamin de 16 ans.
Si vous portez vos lunettes de spectateurs lambda en regardant Sex Education, vous passerez un bon moment, observerez toutefois quelques clichés (après tout c’est une fiction) et vous vous délecterez de l’humour britannique. Si vous vous parez de vos lunettes de professionnels, vous y verrez un grand nombre de sujets liés à l’EVRAS fort bien amenés et traités. Il serait impossible d’en parler sans « spoiler » le contenu pour les futurs fans de la série, alors en voici en quelques-uns.
- L’homosexualité : elle y est féminine et masculine. Le mec le plus cool du lycée est ouvertement gay, deux filles ne parviennent pas à trouver du plaisir ensemble, un autre encore connait les joies et les difficultés de se travestir. On parle ici d’homosexualité dans le quotidien, dans le futur, et on s’éloigne de la situation devenue cliché « Papa, maman, je suis gay, je fais mon coming-out ! ».
- La masturbation : on montre enfin un ado qui n’arrive tout simplement pas à se masturber parce que ça le dégoute. Terminé l’image de l’ado masculin obsédé par son slip. On montre surtout des adolescentes qui se masturbent pour trouver, comprendre et majorer leur plaisir. A fortiori, on parle réellement et explicitement du plaisir féminin.
« Je ne sais pas ce que je veux, personne ne m’a jamais demandé ça avant » (Un personnage à propos de son plaisir)
- L’IVG : oubliez le laïus de l’échec de contraception, l’introspection sur son éventuel désir de parentalité, la perspective du regret et la mélancolie comme acolyte. Non, Sex Education nous montre l’IVG telle qu’elle peut être (parce que chaque femme le vivra à sa manière) : une décision, une intervention accompagnée, des émotions qu’elles soient tristes ou joyeuses. Et c’est tout. On ne parle de l’IVG que dans un seul épisode, comme pour rappeler qu’il s’agit bien d’un choix posé à l’instant T dans une vie et non la transformation d’une femme dont l’IVG resterait dans un phylactère au-dessus de sa tête pendant des décennies.
- Le sexting et le chantage : se séduire, s’allumer, s’exciter et parfois montrer les parties de son corps les plus intimes par message ou par Snapchat. Sex Education c’est le portrait d’une génération qui a grandi avec les sites porno à portée de clic, la possibilité de se dévoiler sous couvert de photos temporaires et le risque que d’autres les utilisent de façon malveillante. La série nous propose une autre lecture et les plus connaisseurs reconnaitront cette réplique : « It’s my vagina ! ».
Une série résolument féministe et progressiste?
Eh bien oui ! La série offre une place particulière aux rôles féminins, d’ailleurs souvent des personnages forts. Une mère sexologue qui assume sa sexualité, un couple lesbien (une maman caucasienne et une maman noire, ça aussi, c’est rare au cinéma), une adolescente qui se masturbe dans un contexte de libération de la parole autour du plaisir féminin, une autre qui rêve d’avoir un rapport sexuel mais qui souffre de vaginisme, une autre encore qui exprime librement vouloir des relations sexuelles saines sans construire un couple… Sex Education rafraichit les mémoires ou éclaire les lanternes sur le fait que le plaisir féminin se découvre, s’apprend, se partage, se respecte mais surtout qu’il n’y a qu’une propriétaire : la femme.
Sex Education, du militantisme 2.0 ? Vous vous forgerez peut-être une opinion dans 8 x 50 minutes d’épisodes. Ce qui est par contre certain, c’est que cette série peut (devrait ?) être mise en toutes les mains…
Sex Education réalisé par Laurie Nunn – Janvier 2019
Disponible sur la plateforme Netflix
Education à la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle.
Interruption Volontaire de Grossesse.