Article paru initialement le 24 juin 2020 à cette adresse.
À la demande de l’INAMI et du CHU de Namur, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a étudié l’impact des consultations vidéo sur la santé des patients atteints de maladies (somatiques) chroniques et a analysé la manière dont ce type de consultations est organisé en France et aux Pays-Bas. D’après le KCE, il n’existe actuellement aucune preuve scientifique que les consultations vidéo aient un impact différent sur la santé des patients que les consultations ‘ordinaires’. Les soignants ont semblé quelque peu réticents à utiliser ces technologies et leur introduction en France et aux Pays-Bas a aussi montré que le chemin est long et semé d’obstacles. Mais la crise du coronavirus a éclaté dans le courant de cette étude et les chercheurs ont été rattrapés par la réalité ; les consultations à distance par téléphone ou par vidéo ont soudain été acceptées et remboursées partout dans le monde. La dynamique actuelle devrait être mise à profit pour introduire davantage ce type de soins ‘numériques’ comme complément utile à une consultation en face à face, et non pour la remplacer. Certaines conditions doivent toutefois être respectées, dont notamment le consentement éclairé du patient.
La crise du coronavirus a donné un sérieux coup d’accélérateur
Ces dernières décennies ont vu se développer un foisonnement de technologies numériques, y compris dans le secteur des soins. Ces technologies ont reçu des dénominations et définitions diverses : santé à distance, téléconsultation, télé-monitoring, télé-expertise, e-santé, santé mobile, etc. Grâce à elles, soignants et patients ne doivent plus nécessairement se trouver dans le même espace physique, ce qui peut éviter des déplacements aux personnes moins mobiles et aider à limiter le problème des salles d’attente bondées, des longs trajets et des délais d’attente.
Jusqu’il y a quelques mois, les soins numériques étaient considérés avec une certaine suspicion mêlée d’expectative et les soignants restaient assez réticents à les utiliser. C’est alors qu’est apparu le coronavirus… Chez nous comme dans le monde entier, des mesures drastiques de ‘distanciation sociale’ ont été mises en place pour contenir sa progression. Dans le domaine des soins numériques, certaines décisions comme l’autorisation et le remboursement des consultations par téléphone ou par vidéo ont été prises en l’espace de quelques jours alors qu’elles semblaient encore hautement hypothétiques – voire inacceptables – peu de temps auparavant. L’essor des soins numériques semble désormais inéluctable, tant ils paraissent prometteurs pour rendre les soins de santé plus accessibles et contribuer à leur amélioration.
Pourtant, les soins à distance soulèvent également de nombreuses questions concernant leur sécurité, leur qualité et leur efficacité, le bien-être des patients, le respect de la vie privée, le remboursement du prestataire de soins, les responsabilités et les assurances. Il est donc bien nécessaire de réfléchir à la meilleure façon de les intégrer dans l’organisation actuelle de nos soins de santé.
Focus sur les maladies chroniques (somatiques)
Cette étude du KCE s’est spécifiquement focalisée sur les vidéo-consultations entre des prestataires de soins et des patients atteints de maladies chroniques (somatiques) comme par exemple le suivi de l’insuffisance cardiaque, de l’accident vasculaire cérébral (AVC), de l’insuffisance rénale, du diabète, de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), de l’asthme ou encore des maladies rhumatologiques. Les chercheurs ont analysé la littérature scientifique internationale et ont étudié la manière dont les consultations vidéo sont organisées et remboursées en France et aux Pays-Bas. Ils ont également consulté les parties prenantes belges et étrangères.
Les vidéo-consultations méritent d’être davantage encouragées
Malgré de nombreuses recherches déjà effectuées, il n’existe encore aucune preuve formelle que les vidéo-consultations soient équivalentes ou meilleures que les consultations en face à face. Mais rien ne prouve non plus qu’elles puissent avoir un impact négatif sur la santé des patients, qui pour leur part s’en montrent globalement satisfaits.
En ce qui concerne les patients chroniques, il existe toutefois suffisamment d’indications – chez nous comme à l’étranger – que les vidéo-consultations peuvent être davantage encouragées. Le KCE recommande donc de développer une politique (de remboursement) des vidéo-consultations et plus généralement pour l’ensemble des soins numériques, et de la mettre en œuvre étape par étape et de manière réfléchie. Cela correspond d’ailleurs aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et aux politiques d’incitation de la France et des Pays-Bas.
Le consentement éclairé du patient est indispensable
Les associations de professionnels et de patients devront déterminer ensemble dans quels cas les vidéo-consultations peuvent être utiles et dans quels cas elles ne le sont pas, et à quelles conditions. L’une de ces conditions est qu’il ne peut y être fait appel qu’avec le consentement éclairé du patient.
La technique et l’équipement doivent fonctionner correctement, être pratiques à l’usage et s’intégrer facilement aux soins habituels. Les soignants et les patients doivent disposer des compétences nécessaires pour les utiliser (ou avoir l’occasion de les acquérir), ce qui, pour certains patients, nécessitera un certain accompagnement. Les critères de bonne pratique actuellement applicables aux consultations face à face devront être respectés, tout comme certaines conditions spécifiques aux soins numériques (encore à définir).
Une liste des applications fiables et conviviales
Une pléthore d’applications de vidéo-consultations ont vu le jour, ce qui ne facilite pas une vision claire de la situation, ni pour les prestataires de soins, ni pour les patients. Il est également indispensable que ces applications soient assorties de garanties de sécurité et de conformité à toutes les exigences légales. Il serait par conséquent souhaitable qu’un organisme officiel indépendant les évalue de manière transparente et publie une liste de celles qui satisfont à toutes ces conditions, c’est-à-dire, au minimum, être conformes à la législation sur la protection de la vie privée, être compatibles avec le système belge eHealth et pouvoir s’inscrire dans le portail de santé personnel des patients. Ceci afin d’éviter qu’un patient ou un prestataire de soins doive utiliser plusieurs applications différentes.
‘Never waste a good crisis’
Les vidéo-consultations ne sont pas censées remplacer toutes les consultations classiques ; les contacts interpersonnels, l’examen physique et la communication en face à face restent les fondements des soins de santé. Mais les vidéo-consultations peuvent en être une modalité complémentaire utile.
L’expression de Churchill ‘Never waste a good crisis’ (Ne jamais gaspiller une bonne crise) est tout à fait d’actualité dans le contexte de la pandémie du coronavirus. Cette crise a causé énormément de dégâts, mais elle a aussi créé de nombreuses opportunités inédites. On peut espérer que les soins numériques et les vidéo-consultations feront partie intégrante de notre système de soins de santé à l’avenir. Ils sont encouragés depuis longtemps au niveau international, mais leur mise en œuvre est restée difficile. Voici donc l’occasion de leur donner une nouvelle impulsion.