Articles de la catégorie : Stratégies

Quel impact de la 6e réforme institutionnelle sur la prévention ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

L’accord institutionnel pour la sixième réforme de l’État du 1er décembre 2011 prévoit le transfert de pans importants de la sécurité sociale vers les entités fédérées. Pour le secteur de la santé, 16% du budget de l’assurance soins de santé (soit 4,2 milliards au moment de l’accord) vont être transférés en 2014. C’est énorme.

Les compétences suivantes sont visées par ces bouleversements :
– l’accueil résidentiel en maisons de repos, maisons de repos et de soins, en hôpital gériatrique isolé ou spécialisé en soins de longue durée isolé;
– les travaux de construction, de rénovation et de gros entretien des infrastructures hospitalières;
– certaines conventions entre l’INAMI et des établissements de revalidation;
– les aides à la mobilité (par exemple voiturettes);
– l’allocation d’aide aux personnes âgées (APA);
– les maisons de soins psychiatriques et les habitations protégées;
– des éléments importants d’organisation des soins de première ligne;
– la politique de prévention et de dépistage.

Notre article porte sur cette dernière compétence, dont l’impact en termes budgétaires est assez faible. Quand il y a lieu, les informations ont été actualisées à la date du 31 juillet 2013.

Contenu de l’accord institutionnel

Seules les entités fédérées peuvent prendre des initiatives en matière de prévention. Si ces actions de prévention supposent la participation des prestataires de soins par l’intermédiaire d’actes remboursables (par exemple des honoraires de dépistage ou les honoraires pour l’administration d’un vaccin), ces prestations pourront être honorées par l’INAMI. Ces accords peuvent être conclus avec l’INAMI de manière asymétrique, il n’est donc pas nécessaires que les Communautés appliquent les mêmes politiques de santé publique.

Les moyens, pour un total d’un peu plus de 80 millions d’euros (1), que le fédéral affecte actuellement à la prévention seront transférés et concernent les éléments suivants :
– programmes de vaccination (28,9 millions);
– vaccination HPV (1,3 million);
– sevrage tabac (2,5 millions);
– fonds de lutte contre les assuétudes (5 millions);
– dépistage du cancer du sein (30,2 millions);
– dépistage du cancer du colorectal (1,6 million);
– dépistage du cancer du col de l’utérus (10,1 millions);
– soins dentaires aux enfants (1 million);
– plan national nutrition santé (1 million).

Ces moyens seront répartis entre les Communautés selon leurs populations respectives et non selon leur niveau de dépenses actuel. Ils évolueront ensuite, chaque année, en fonction du taux de croissance de la population de l’entité concernée, de l’inflation et de 82,5 % de la croissance réelle du Produit intérieur brut.

À noter que l’accord prévoit un mécanisme de transition qui devra garantir que l’année de départ aucune entité ne soit gagnante ou perdante. Le montant d’égalisation restera constant pendant 10 ans en valeur nominale puis diminuera progressivement pendant les 10 années suivantes, avant de disparaître.

Situation actuelle des compétences dans les domaines concernés

La politique de prévention relève déjà essentiellement des Communautés. Les entités fédérées qui le souhaitent peuvent conclure des accords bilatéraux avec le fédéral leur permettant de bénéficier d’une intervention de l’INAMI couvrant les honoraires des prestataires de soins dans le cadre d’initiatives en matière de prévention.

Vaccination

Les programmes de vaccination sont organisés par les Communautés mais le financement des schémas vaccinaux, décrits dans le calendrier vaccinal établi par le Conseil Supérieur de la Santé, est supporté à raison de maximum 2/3 tiers par l’État fédéral via l’INAMI. Les 12 vaccinations des 0-16 ans sont visées, mais pas celles des adultes (2)(3).
Le paiement de cette quote-part se fait selon un schéma d’acompte et de décompte. L’acompte constitue 75% du montant alloué à la Communauté concernée et le solde, soit maximum les 25% restants, est établi sur base des factures envoyées par les Communautés à l’INAMI. Via un système de marchés publics, les Communautés et l’INAMI cofinancent l’achat en gros des vaccins auprès des firmes pharmaceutiques. Cela veut dire que chaque Communauté négocie pour son compte (par exemple les jeunes filles flamandes et francophones ne reçoivent pas le même vaccin contre le HPV).

La Fédération Wallonie-Bruxelles peut se targuer de très bons résultats en termes de couvertures vaccinales, en particulier pour la petite enfance (0 à 5 ans). Ainsi par exemple, pour la vaccination contre le pneumocoque, entre 2006 (vaccin recommandé mais payant) et 2012 (vaccin recommandé et gratuit), la couverture a été multipliée par dix, tant en Wallonie qu’à Bruxelles !

Sevrage tabac

En 2004, le Ministre de la Santé publique a lancé un Plan fédéral de lutte contre le tabagisme. Dans ce cadre, différentes mesures ont été prises, dont les consultations de sevrage tabagique et la mise en place d’un Fonds de lutte contre les assuétudes (voir plus bas).

L’aide au sevrage tabagique a d’abord été proposée aux femmes enceintes et leur partenaire, et a été depuis octobre 2009 élargie à toute la population, dans le cadre du Plan Cancer 2008-2010.
Il s’agit d’une intervention forfaitaire par consultation (30 € pour la première et 20 € pour les suivantes, avec un maximum de 7 consultations sur une période de deux années calendrier) couvrant les coûts d’accompagnement et de soutien par un médecin ou un tabacologue reconnu. Pour les femmes enceintes, l’intervention forfaitaire est de 30 €, pour toutes les consultations.

À noter, alors que 34% des fumeurs résident en Wallonie, 49% des bénéficiaires de cette intervention sont wallons, avec une surreprésentation des femmes et des 50-60 ans.

Fonds de lutte contre les assuétudes

Érigé en 2003, il s’agissait initialement du Fonds de lutte contre le tabagisme . Il était financé pour mettre en place une série de projets de lutte contre le tabagisme. En 2006, le Fonds de lutte contre le tabagisme a vu ses missions s’élargir à toutes les formes d’assuétudes (alcool, tabac, médicaments). Il a été rebaptisé Fonds de lutte contre les assuétudes .

Les objectifs du Fonds sont assez larges: informer sur les dangers des produits pouvant entraîner une accoutumance, limiter leur consommation (surtout chez les jeunes) et soutenir l’accompagnement médical, social et psychologique des consommateurs.

41 projets ont bénéficié du Fonds en 2012, pour moitié en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Dépistage du cancer du sein

Depuis 2001 en Flandre et 2002 en Wallonie et à Bruxelles, le programme organisé de dépistage du cancer du sein par mammotest offre à toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans une mammographie de qualité contrôlée et gratuite, et ce tous les deux ans. L’INAMI intervient pour le remboursement des tests de dépistage repris dans la nomenclature des prestations de soins de santé. En 2001, un code spécifique de la nomenclature a été prévu pour la mammographie de dépistage ou mammotest, en ajout à celui de la mammographie classique.

À noter qu’un avenant a été réalisé afin de permettre le prolongement pour 5 ans jusqu’à la fin 2013 du protocole d’accord du 25/10/2000 entre l’Autorité fédérale et les Communautés en matière de dépistage de masse du cancer du sein par mammographie.

Si le programme n’est organisé que depuis 2001, un dépistage spontané (nommé dépistage opportuniste ) prescrit par les médecins traitants et les gynécologues existait déjà, surtout dans le sud du pays et à Bruxelles. Ce ‘dépistage opportuniste’, en ayant recours au code de prestation de mammographie diagnostique clinique, continue à exister parallèlement au programme de dépistage organisé. À l’avenir, il est prévu qu’un seul code de nomenclature soit créé pour les deux types de dépistage.

Le programme est géré par le Centre de référence communautaire pour le dépistage des cancers pour la Wallonie et par l’asbl Brumammo (bilingue) à Bruxelles.

Éducation Santé vous a fréquemment parlé de ce programme et de l’évolution décevante de la couverture à Bruxelles et en Wallonie. Les dernières données disponibles concernent les années 2006-2007 et datent de 2010 (4). Des données plus récentes ont été annoncées pour le début 2013, mais nous n’avons malheureusement rien vu venir à ce jour…

Dépistage du cancer colorectal

Depuis le 1er mars 2009, la Communauté française organise un programme de dépistage du cancer colorectal pour les personnes âgées de 50 à 74 ans. Il se fait sur invitation du Centre de référence pour le dépistage des cancers ou sur prescription du médecin généraliste, via un test de recherche de sang occulte dans les selles à répéter tous les deux ans. C’est le Centre de référence qui se charge de l’analyse des tests.

Le programme a un faible succès jusqu’ici, ses responsables espèrent une amélioration sensible de la couverture dans le futur grâce au remplacement du test actuel par un autre, plus facile à utiliser, qui devrait favoriser la participation du public visé.

Dépistage du cancer du col de l’utérus

Le dépistage du cancer du col de l’utérus est actuellement remboursé via la nomenclature. Sur base des recommandations européennes, la Conférence Interministérielle Santé publique a approuvé, en mars 2009, le principe de l’organisation d’une campagne de dépistage systématique du cancer du col de l’utérus pour les femmes de 25 à 64 ans par frottis du col tous les trois ans (5).

Le protocole d’accord prévention signé le 28 septembre 2009 en Conférence interministérielle Santé offre un cadre permettant à l’autorité fédérale de cofinancer des campagnes de prévention organisées par les Communautés. Les Communautés étant actuellement dans la mise en œuvre d’autres programmes de prévention, un programme généralisé de dépistage du cancer du col de l’utérus n’a pas encore pu être développé.

Projet soins dentaires enfants

Depuis 2005, la Commission Nationale Dento-Mutualiste a pris diverses initiatives pour promouvoir la santé bucco-dentaire des jeunes. La nomenclature a progressivement été adaptée en ce sens et depuis 2009 les soins dentaires tant curatifs que préventifs pour les moins de 18 ans sont d’ailleurs tout à fait gratuits (à l’exception des soins d’orthodontie).

Ce projet prévoit le financement de la VVT (Verbond der Vlaamse Tandartsen) du côté flamand et de la Société de médecine dentaire du côté francophone pour renforcer la sensibilisation des jeunes à la santé bucco-dentaire, mais également pour mesurer l’impact des campagnes. Les organisations disposent à cet effet de ‘bus dentaires’ et de personnel (dentistes, assistants). Ces bus sont présents dans les écoles, aux événements organisés pour les jeunes, etc. afin de les sensibiliser et éventuellement de les examiner.

Plan national nutrition santé (PNNS)

Lancé en avril 2006, le PNNS a pour objectif premier de veiller à ce que la population belge puisse bénéficier d’actions concrètes, visibles et coordonnées au niveau national, qui permettent, par l’amélioration des habitudes alimentaires et l’augmentation de l’activité physique, de réduire le risque de maladies, d’optimiser l’état de santé et d’accroître la qualité de vie de tous. Il intègre les recommandations proposées par les instances internationales (OMS, CE) et s’appuie entre autres sur les résultats de l’enquête sur la consommation alimentaire menée en 2004 par l’Institut scientifique de Santé publique (ISP) ainsi que sur les avis du Conseil Supérieur de la Santé.

Contrairement au PNNS français qui est déjà à mi-parcours de sa troisième déclinaison (6), le PNNS belge n’a malheureusement pas répondu aux attentes qu’il avait suscitées lors de son lancement et est au point mort depuis près d’un an.

Que fera la Communauté française de ces nouvelles compétences ?

Le 19 septembre, les quatre partis francophones, PS, MR, Ecolo et cdH, présentaient leur ‘Projet commun d’organisation des nouvelles compétences en matière de santé, d’aide aux personnes et d’allocations familiales’ (7).

Selon leur déclaration, ils ‘fondent leur vision de l’organisation future des compétences transférées sur un certain nombre d’éléments essentiels qu’ils partagent :
– nécessité de maintenir et renforcer les liens privilégiés entre la Wallonie et Bruxelles pour faciliter la vie des bénéficiaires et prestataires, pour garantir la solidarité au niveau le plus haut possible et un accès aux prestations les plus larges pour l’ensemble des citoyens. Des liens seront également tissés avec la Flandre et la Communauté germanophone dans la mesure où elles le souhaitent, afin de ne pas entraver la mobilité des citoyens ni leur accès aux prestations et de favoriser la complémentarité de l’offre de soins ;
– maintien de l’implication, repensée, des interlocuteurs sociaux, des acteurs et des bénéficiaires des secteurs concernés, qui disposent d’une expertise permettant de reprendre efficacement la gestion des compétences visées ici au niveau des entités fédérées ;
– simplification des structures pour assurer l’efficience et la transparence du modèle, la cohérence, la transversalité et la gestion intégrée des politiques visées, la rapidité des décisions et des économies d’échelle en matière de gestion administrative ;
– construction d’un modèle juridiquement sûr et cohérent, tenant compte le cas échéant des compétences connexes aux matières transférées qui sont déjà gérées par les entités fédérées ainsi que des compétences qui continuent à être gérées au niveau de l’Etat fédéral, et garantissant la continuité des prestations au bénéfice de l’ensemble des citoyens de Wallonie et de Bruxelles.’

Prévention : transferts en cascade

L’ensemble des compétences relatives à la santé, aux personnes âgées et aux personnes handicapées, à l’exception des compétences qui continuent à relever de l’Etat fédéral sont concernées par cet accord.

Le projet des partis francophones va beaucoup plus loin qu’une ‘simple’ répartition de nouvelles matières entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale.

En effet, ‘l’exercice des nouvelles compétences en santé et aide aux personnes sera transféré de la Communauté française à la Région wallonne et le cas échéant à la Cocof pour les compétences qui ne relèveront pas exclusivement de la Cocom à Bruxelles, considérant que ces entités, de même que la Cocom, gèrent déjà un certain nombre de compétences en ces matières, et considérant que les mécanismes essentiels de la solidarité (financement, nomenclature INAMI…) restent communs à travers la sécurité sociale fédérale.

Afin de renforcer la cohérence globale, l’exercice des compétences actuelles de la Communauté française en santé sera transféré à la Région wallonne et à la Cocof, à l’exception des compétences de santé préventive pour les enfants et adolescents (compétences de l’ONE, médecine scolaire et vaccination jusqu’à 18 ans), du contrôle médico-sportif et des hôpitaux universitaires (8).

Ce transfert de l’exercice de ces compétences sera envisagé dans le cadre d’une perspective Wallonie-Bruxelles, qui se concrétise à travers un socle de principes communs, une structure permanente de concertation et un pacte de simplification entre la Cocof et la Région wallonne. Ces dispositifs seront élargis à la Cocom et à la Communauté germanophone dans la mesure où elles le souhaitent.’

(1) Il s’agit des montants de l’année 2011, au cours de laquelle la Communauté flamande offrait déjà aux jeunes filles la vaccination HPV et la Communauté française aux personnes âgées de 50 à 74 ans son programme organisé de dépistage du cancer colorectal. La situation a évolué depuis, la Fédération Wallonie-Bruxelles ayant ajouté la vaccination HPV à son calendrier et la Communauté flamande s’apprêtant à généraliser le dépistage du cancer colorectal l’an prochain. Cela dit, rapportés aux 26 milliards du budget annuel des soins de santé (2011), ces chiffres sont au mieux anecdotiques!
(2) Le vaccin contre le rotavirus est recommandé à tous, remboursé mais pas gratuit.
(3) Pour la vaccination HPV, voir l’article de Marie-Christine Miermans, Béatrice Swennen et Axelle Vermeeren, L’implantation de la vaccination contre le papillomavirus en PSE, Éducation Santé n°289, mai 2013, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1580
(4) Voir l’article ‘Résultats de 6 ans de dépistage organisé du cancer du sein en Belgique’, Éducation Santé n° 261, novembre 2010, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1309
(5) Depuis le 1er janvier 2013, le remboursement est effectivement limité à une fois tous les trois ans.
(6) Voir l’article d’Anne Le Pennec ‘Le plan national nutrition santé’ dans notre numéro précédent. https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1608
(7) Soit 90 députés sur 93…
(8) Auxquelles la note ajoute encore l’hygiène dentaire dans les écoles et l’agrément et le contingentement des professions de santé.

Un dialogue politique sur les inégalités sociales de santé

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

En début d’année, le Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement a invité au dialogue les différentes entités belges pour construire une politique ‘Santé dans toutes les politiques’ (‘Health in All Policies’, HiAP en abrégé) concernant les inégalités en matière de santé dans notre pays. L’objectif global de ce dialogue politique est d’aboutir rapidement à une proposition concrète en la matière. (1)

Le contexte international et belge

Le concept de ‘Santé dans toutes les politiques’ (HiAP) est devenu indissociable ces derniers temps des recommandations de l’OMS et de l’Union européenne pour la promotion de la santé et la réduction des inégalités existantes en matière de santé (2).

Une HiAP sous-entend littéralement la ‘santé dans tous les domaines politiques’, c’est-à-dire la conduite d’une collaboration intersectorielle en matière de santé impliquant la participation de tous les domaines d’action politique et de tous les niveaux de pouvoir.

Dans de nombreux pays européens, y compris dans l’Union elle-même, la HiAP est un élément crucial de la politique de santé, qui met à l’avant-plan l’importance de la santé pour les autres secteurs et vice versa.

Plusieurs pays d’Europe ont mis en place des mécanismes de fonctionnement destinés à assurer la collaboration entre les secteurs en matière de santé. Ces pays manifestent également un grand intérêt à poursuivre ce développement, notamment la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni et l’Espagne.

En Belgique aussi, on a déjà l’expérience de mécanismes de fonctionnement visant à favoriser la collaboration entre les différents secteurs. Songeons par exemple aux politiques en matière de pauvreté, de développement durable, de violence intrafamiliale. Dans le domaine des soins de santé également, une politique intégrée est développée par le biais de la Conférence interministérielle Santé publique. Mais il n’existe encore aucun mécanisme de fonctionnement en matière de HiAP au niveau national.

Une évidence utile à (ré)affirmer

La conduite d’une HiAP ne va pas de soi, étant donné que les autres secteurs ne considèrent pas la santé comme leur priorité. Et pourtant, il est de plus en plus évident que la plupart des gains en matière de santé sont à enregistrer en dehors du secteur des soins de santé ou de la santé en général !

Les autres secteurs doivent être informés des avantages qu’ils peuvent retirer lorsque le citoyen est en bonne santé. Une bonne information est capitale pour les convaincre de ce que l’investissement dans la santé peut également comporter des avantages pour eux.

La santé de la population a d’ailleurs une incidence sur d’autres secteurs. Les écoles (augmentation des chances de bons résultats scolaires), le marché du travail (moins d’absentéisme, plus de productivité), la sécurité sociale (moins de dépenses de santé, moins d’absentéisme, capacité des personnes en bonne santé de travailler plus longtemps, ce qui a aussi des implications pour les pensions), par exemple, ont tout intérêt à ce que la population soit en bonne santé. Par ailleurs, il importe que le secteur de la santé tienne compte de la logique des autres secteurs et la soutienne.

Une HiAP est également essentielle pour la prise en charge des inégalités sociales de santé. Ces inégalités peuvent se définir comme des différences systématiques et évitables entre groupes sociaux dans la prévalence ou l’incidence de problèmes de santé (Commission de l’OMS sur les déterminants sociaux de la santé, 2008 (3)).

De même que dans les autres États membres de l’Union européenne, des inégalités existent en Belgique en matière de santé et elles se développent selon un gradient social. Les résultats des enquêtes de santé successives indiquent régulièrement que les inégalités en matière de santé dans notre pays ne diminuent pas (4)(5).

Ces inégalités en matière de santé sont inacceptables parce qu’elles peuvent être évitées. Ce problème, qui concerne une partie importante de la population, est provoqué par une inégalité dans la répartition des richesses, mais aussi des opportunités, des connaissances et du pouvoir dans notre société. Pour parvenir à réduire les inégalités sociales de santé, une politique/une approche HiAP transversale aux différents niveaux de pouvoir est nécessaire.

Il ne suffira pas d’une politique en matière de pauvreté ni d’augmenter l’accessibilité des soins de santé pour réduire les inégalités existantes dans le domaine de la santé.

La mobilisation est nécessaire

Dans chaque domaine de l’action publique, il faut être attentif à des mesures politiques fondées sur un universalisme proportionné . On entend par là des mesures et/ou initiatives destinées à tous, mais mises en œuvre en fonction du niveau de précarité. Il faut investir plus souvent et avec plus de moyens en tenant compte du gradient qui divise la société.

Une politique simplement universelle n’a pas le même impact auprès de tous dans la société. C’est pourquoi des mesures universelles doivent idéalement s’accompagner d’une mise en œuvre complémentaire ou sélective qui varie en fonction des besoins. Ces mesures sélectives doivent être proportionnées au niveau d’inégalité. Les mesures ne doivent donc pas seulement cibler les plus défavorisés car, alors, seule une partie de l’inégalité est combattue. Une politique de ce genre ne s’attaquera pas aux inégalités en matière de santé qui existent auprès d’autres groupes socio-économiques. Le problème se déplace vers un nouveau sous-groupe.

Des outils pour discuter

Une communication bien structurée, des mesures d’impact sur la santé, des enquêtes de santé, de même que des fiches d’information spécifiques par secteur, expliquant de quelle manière les autres secteurs peuvent contribuer à réduire les inégalités en matière de santé, sont des outils importants pour développer une compréhension commune de la problématique des inégalités en matière de santé afin que tout le monde s’accorde sur ce qu’implique précisément cette problématique dans la pratique. Il le faut pour entamer de façon structurée le dialogue du secteur de la santé avec les autres secteurs.

Le SPF Santé publique et les trois régions du pays participent à l’action conjointe ‘Equity Action’ . Il s’agit d’une initiative conjointe des États membres de l’Union européenne pour transposer dans la réalité la communication de la Commission européenne sur les inégalités en matière de santé ainsi que les conclusions du Conseil. Cette action conjointe a débuté en 2011 et se déroulera jusqu’en 2014.

L’objectif final de cette action conjointe est que les États membres mènent une HiAP relative à la problématique des inégalités sociales de santé, où la réalisation de mesures d’impact sur la santé et l’implication des parties prenantes sont des éléments essentiels. Au niveau européen, il a été choisi d’organiser l’implication de ces dernières autour du thème ‘Equity from the start’ (L’équité dès le départ) , soit, en d’autres termes, de s’attaquer à la problématique des inégalités en matière de santé en offrant à chaque citoyen, dès la naissance, des chances égales d’une vie en bonne santé. On mesurera sans peine le caractère particulièrement ambitieux de cet objectif…

Le SPF Santé publique a estimé que ce thème offre une excellente opportunité pour développer une approche nationale HiAP dans le domaine des inégalités en matière de santé. Pour amorcer un dialogue politique sur cette question, une Commission nationale d’accompagnement a été mise en place.

Un dialogue en deux temps

Le 11 janvier 2013, une première rencontre à laquelle une bonne soixantaine de personnes étaient présentes avait pour objectif de mettre en place des balises et un référentiel commun pour garantir un dialogue fructueux.
En introduisant les travaux, Dirk Cuypers, Président du Comité de direction du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement eut cette formule spectaculaire, qu’on n’aurait sans doute pas entendue de la bouche d’un haut fonctionnaire ‘santé’ voici quelques années: «Les mesures ayant le plus fort impact sur la santé publique ne seront plus prises dans mon département à l’avenir.» ‘Enfin !’, serions-nous tenté d’écrire…
Il illustra ce nouveau paradigme avec la Norvège, qui a un plan d’action en développement impliquant neuf ministères en plus de celui de la santé.

Ensuite, Myriam De Spiegalaere (ULB) présenta avec sa clarté habituelle les principaux déterminants des inégalités sociales de santé (voir encadré), tout en stigmatisant le cercle vicieux de la précarité qui renforce les inégalités qui renforcent à leur tour la précarité. Elle souligna aussi la dualisation en oeuvre à Bruxelles, lisible de manière très spectaculaire sur des cartes liant le niveau socio-économique des quartiers et, par exemple, l’accessibilité des milieux d’accueil, la tranquillité de l’environnement, le nombre de pièces par logement. Démonstration accablante…

Qu’est-ce qui détermine la santé ?

Facteurs d’agression
agresseurs physiques (exemples: violence, températures excessives, humidité, accidents…);
agresseurs chimiques (exemples: polluants, composants alimentaires…);
agresseurs biologiques (exemples: bactéries, virus…);
agresseurs psychologiques (stress…).
Facteurs de protection : immunité, vaccinations, détente, estime de soi, alimentation équilibrée, logement adéquat, aménagement du territoire sécurisant, vêtements adaptés, code de la route, réglementations sur les produits chimiques, épuration des eaux…
Facteurs de production de santé : exercice physique, relations humaines de qualité, contact avec la nature, support social, sentiment d’utilité sociale, aménagement convivial de l’espace public…
Facteurs de réparation : soins informels, soins curatifs, soins préventifs.
D’après la présentation de Myriam De Spiegelare

Ne se limitant pas à répéter ses constats, elle estime que le moment d’agir enfin de manière concertée est venu, la crise à la fois économique et institutionnelle que connaît la Belgique offrant une chance de ‘reconstruction’ propice au travail commun entre secteurs et à l’intérieur des secteurs.

Les autres intervenants illustrèrent avec à propos les mérites de l’ intersectorialité , que ce soit en termes de développement durable avec Sophie Sokolowski , Présidente du Service Public fédéral de Programmation Développement durable ou d’actions diverses en faveur de la petite enfance avec Rudy De Cock de Kind & Gezin.
Pour terminer, Stefaan Demarest (Institut scientifique de santé publique) présenta un outil du dialogue, l’ évaluation d’impact sur la sant (Health Impact Assessment)(6).

À la fin de cette première partie, chaque département était invité à remplir un questionnaire permettant d’identifier la contribution des différents domaines politiques impliqués sur la problématique des inégalités sociales de santé et de préparer la suite du processus.

Le 26 février, les bases de la collaboration avec les divers niveaux de pouvoir et administrations concernées étaient à l’ordre du jour. Deux tiers des participants à la première journée avaient répondu au questionnaire, dont une majorité de personnes issues d’un autre secteur que la santé. Une indication positive de ce que la stratégie intersectorielle indispensable pour s’attaquer sérieusement aux inégalités sociales de santé est jouable…

Le dialogue, animé par Caroline Costongs, d’Eurohealthnet (7), a démarré sur base de 8 propositions sur lesquelles les participants à la deuxième rencontre devaient voter, une bonne façon de susciter échanges et commentaires sur une matière parfois abstraite ! Le caractère un peu symbolique de cet exercice démocratique ne nous a pas échappé, le taux d’adhésion massif aux propositions en témoigne (voir encadré). Cela dit, cela induit une dynamique assez positive dans un groupe au départ hétérogène, ce qui est de bon augure.

Les 8 affirmations

  • Il est nécessaire de mettre en œuvre une stratégie ‘Health in All Politics’ concernant les inégalités sociales de santé (97,5% d’accord).
  • Création d’un groupe de travail ‘inégalités en matière de santé’ dans le cadre de la CIDD (92,5% d’accord).
  • Le mandat du groupe de travail comprendra notamment la rédaction d’un plan opérationnel ‘inégalités en matière de santé’, sa mise en œuvre, son suivi ainsi que son évaluation (85% d’accord).
  • Le groupe de travail doit faire usage du rapport de l’OMS ‘Report on social determinants of health and the health divide in the WHO European Region’ (document de référence de 44 pages paru en 2012 téléchargeable en anglais à l’adresse https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0004/171337/RC62BD05-Executive-summary-Report-on-social-determinants-of-health-and-the-health-divide-in-the-WHO-European-Region.pdf ) pour la rédaction du plan opérationnel afin d’en transposer les recommandations dans le contexte belge (97,4% d’accord).
  • D’après l’OMS le secteur de la santé doit être un leader et l’engagement politique est essentiel. D’où l’importance que la conférence interministérielle (CIM) santé publique puisse confier des missions au groupe de travail et que des rapports soient régulièrement présentés à la CIM pour l’informer de l’avancement des activités (95 % d’accord).
  • La création de synergies entre le futur groupe de travail et les autres groupes de travail intersectoriels (lutte contre la pauvreté, cohésion sociale, développement durable) est importante pour aboutir à une politique cohérente dans la lutte contre les inégalités sociales de santé (92,5% d’accord).
  • Pour éviter les redondances, il convient que les différents niveaux de pouvoir réfléchissent à la manière dont le ‘health impact assessment’ (HIA) peut être intégré dans les évaluations d’impact existantes (92,5% d’accord).
  • Pour améliorer la ‘capacity building’, la ‘sensibilisation’, le ‘stakeolder involvement’, la désignation de personnes de contact en matières d’inégalités sociales de santé est souhaitable dans les différentes administrations et aux différents niveaux de pouvoir. Leurs missions dans le cadre de la CIDD seront complémentaires à celles du groupe de travail (83,8% d’accord).

Le dialogue s’instaurera dans le cadre de la Commission interdépartementale de développement durable (CIDD). Il visera un objectif très ambitieux de réduction de 50% des inégalités sociales de santé, mais à (très) long terme, d’ici 2050… (8)

Christiaan Decoster, Directeur général au SPF Santé publique, a souligné aussi que la Commission interministérielle Santé publique pourra s’avérer un levier efficace pour que les acquis du dialogue ne restent pas lettre morte.

À suivre…

Ce dialogue politique pourrait être une première étape dans le développement d’instruments et d’un cadre commun d’action dans le domaine d’une politique HiAP transversale sur les différents niveaux de pouvoir et les différents départements concernant les inégalités en matière de santé en Belgique. C’est en tout cas ce qu’il faut espérer, en constatant avec intérêt que contrairement à ce qui s’est produit pour le Plan national nutrition santé (9), le SPF Santé publique a joué dès le début la carte de la modestie et de la co-construction du processus au sein d’une Commission nationale d’accompagnement ‘Equity Action’ où se retrouvent des représentants des différentes entités du pays.

Dialogue politique : vers l’équité en santé dans toutes les politiques en offrant dès le départ à chaque citoyen les mêmes chances d’une vie en bonne santé. Contact: michel.lambrechts@gezondheid.belgie.be

(1) Article basé en partie sur la documentation fournie aux participants aux deux demi-journées de préparation du dialogue politique.
(2) C’est ce qui ressort de la stratégie Health for All de l’OMS, de la future Health 2020 Strategy de la Région OMS Europe, de la Déclaration de Rio de l’OMS sur les inégalités en matière de santé, du Traité de Rome en ce qui concerne la HiAP, de la Charte de Tallinn sur les systèmes de santé et de la stratégie en matière de santé de la Communauté européenne.
(3) Commission de l’OMS sur les déterminants sociaux de la santé (2008). Combler le fossé en une génération: instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux . Genève, Suisse, OMS.
(4) Enquête nationale de santé par interview, ISP, Belgique, 2008.
(5) H. Van Oyen, P. Deboosere, Lorant, V., Charafeddine, R. (Éds.) (2011). Sociale ongelijkheden in gezondheid in België (Inégalités sociales en matière de santé en Belgique) . Gand, Academia Press.
(6) Notons à ce propos l’initiative du sénateur André du Bus , qui a déposé au cours de la session 2011-2012 une proposition de résolution relative à la prise en compte de la dimension santé dans toutes les politiques publiques sectorielles (document 5-1287/1 sur le site du Sénat). Cette proposition a été prise en considération, mais n’a pas encore abouti à ce jour.
(7) EuroHealthNet est un organisme sans but lucratif pour promouvoir la santé et l’équité en s’attaquant aux facteurs qui déterminent la santé, directement ou indirectement. Il offre des conseils et des informations aux décideurs politiques, et œuvre à la promotion de bonnes pratiques et d’innovations au moyen de méthodes éthiques et durables. Le bureau de liaison d’Eurohealthnet est situé à Bruxelles, rue de la Loi 67. Internet: https://www.eurohealthnet.eu .
(8) Voir le document ‘Vision stratégique à long terme de développement durable’, https://5003.fedimbo.belgium.be/sites/5003.fedimbo.belgium.be/files/explorer/publications/CIDD_visionfederalealongtermeenmatierededeveloppementdurable.pdf
(9) Voir l’article de Gaëtan Absil et Chantal Vandoorne, Évaluation du premier Plan national nutrition santé belge: peut mieux faire, Éducation Santé 283, novembre 2012.

Bientôt un Plan national de lutte contre le VIH/sida

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Comme le montrent les données épidémiologiques collectées par l’Institut scientifique de santé publique (voir-ci-dessus), l’épidémie de VIH/sida continue à progresser en Belgique. Les responsables politiques ont pris la mesure de l’enjeu.

En juin 2012, à l’initiative de Laurette Onkelinx, Ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, la Conférence interministérielle (CIM) santé a pris l’engagement d’élaborer un plan national sida pour l’année prochaine, c’est-à-dire en juin 2013. Ce plan couvrira la période 2013-2018.

Avant le démarrage de l’élaboration du plan, divers experts ont été consultés et une note intitulée «Priorités des ministres de la santé publique à l’issue des consultations préliminaires» a été approuvée le 15 septembre par le groupe de travail «maladies infectieuses»(1) de la CIM. Dans cette note, trois «piliers» principaux ont été définis: la prévention, le dépistage et le suivi, la qualité de vie et la prise en charge de la personne séropositive. Pour chacun de ces piliers, des pistes sont déjà mentionnées afin de baliser la construction du plan.

Cet engagement politique a rejoint par une étonnante et heureuse coïncidence une initiative des professionnels de la lutte contre le sida. En effet, le consortium BREACH (2) (Belgian Research on AIDS and HIV Consortium) a organisé en septembre 2012 un symposium d’un jour et demi consacré à la prévention du VIH/sida. Ce colloque visait à faire le point sur les données et constats actuels et à formuler des recommandations pour améliorer le travail de prévention. Il s’est intéressé particulièrement aux deux groupes prioritaires que sont les personnes originaires d’Afrique subsaharienne d’une part et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes d’autre part. Après une matinée de communications en plénière, une après-midi de sessions parallèles a permis d’approfondir six thématiques :
– l’analyse de l’épidémie;
– les stratégies de dépistage;
– le traitement comme prévention;
– la prévention communautaire dans le public migrant;
– la prévention communautaire parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes;
– le counseling préventif.

Le deuxième jour, les recommandations issues des différentes sessions ont été présentées et des experts réunis en table ronde ont été invités à les commenter.

Si les deux démarches sont nées séparément, les acteurs politiques et les organisateurs du symposium ont rapidement perçu l’intérêt d’accorder leurs agendas.
Ainsi, deux ministres, Laurette Onkelinx et Jo Vandeurzen (Ministre flamand du Bien-être, de la Famille et de la Santé) ont pris la parole au cours du symposium pour affirmer leur soutien à la lutte contre le sida et leur engagement dans le processus du plan. Ils ont également insisté sur leur souhait d’y impliquer les professionnels concernés mais aussi et surtout les personnes vivant avec le VIH. Les recommandations issues du symposium ont été intégrées à la nouvelle version de la note des ministres de la santé publique.

Depuis le mois d’octobre, à peine le symposium terminé, trois réunions du comité directeur du Plan sida ont permis de définir la méthode de travail, les acteurs à associer, les axes stratégiques et les objectifs. Ce comité directeur est présidé par le représentant du groupe de travail «Maladies infectieuses» de la CIM. Il est constitué des représentants du SPF Santé publique, de l’INAMI, de l’Institut scientifique de santé publique, des secteurs de la prévention, du dépistage et de la prise en charge (acteurs qui relèvent donc tant des compétences du niveau fédéral que de celles des entités fédérées), parmi lesquels des personnes séropositives.

Des groupes de travail ont été constitués et tous les acteurs seront consultés pour définir les actions stratégiques du Plan. Le processus d’élaboration fera l’objet d’une évaluation en février 2013. Il sera soumis à l’avis des experts de l’ONUSIDA et enrichi d’un benchmarking avec d’autres pays européens.

Les prochains mois promettent un travail intense et frénétique, l’enjeu étant colossal et l’agenda serré. Les parties prenantes, conscientes de l’importance d’une initiative qu’elles attendent depuis longtemps, se sont montrées plus qu’enthousiastes face à la volonté politique de mobiliser largement des expertises diversifiées pour mener à bien ce travail d’envergure.

Rendez-vous en à la mi-2013 pour découvrir le contenu du plan (3).

(1) Ce groupe de travail devrait prochainement devenir le «Groupe de travail sida» de la CIM.
(2) https://www.breach-hiv.be
(3) L’auteur remercie Vincent Cordier , représentant du groupe de travail «Maladies infectieuses» de la Conférence interministérielle, pour sa relecture attentive.

Actualités en matière de VIH/sida en Belgique

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

D’après des communiqués de la Plate-forme prévention sida et de la Ministre fédérale de la Santé

Les données récentes

En 2011, 1177 infections par le VIH ont été diagnostiquées en Belgique, soit plus de trois par jour, ce qui maintient le nombre de nouvelles contaminations par an à un niveau élevé (1). Par ailleurs, on a relevé en 2011 1,8 diagnostic positif d’infection par le VIH sur 1000 tests, contre 1 sur 1000 en 1996. Le nombre croissant de nouveaux cas de séropositivité diagnostiqués n’est donc pas dû à une augmentation des tests. On constate depuis 2002 une nette augmentation de la proportion d’homo/bisexuels masculins contaminés par le VIH et diagnostiqués. Elle est de 46,6% en 2011 contre 23,6% en 2002, ce qui ne correspond pas du tout à la taille de ce groupe de population par rapport à l’ensemble de la population de la Belgique.
Avec 49,5%, la contamination par rapports hétérosexuels reste toutefois en première position et s’observe en priorité chez les migrants en provenance d’Afrique subsaharienne.

Même si l’infection à VIH, en Belgique, concerne surtout les homo/bisexuels belges et les personnes d’origine étrangère, il n’en est pas moins vrai que le VIH est présent dans l’ensemble des groupes de la population. C’est encore plus le cas si on regarde les autres infections sexuellement transmissibles.

Concernant le ratio hommes/femmes, les deux tiers des nouvelles personnes infectées en 2011 sont des hommes, une proportion qui est à nouveau en augmentation.

Concernant l’âge, les 25-34 ans sont les plus touchés et cela se confirme et se renforce d’année en année (40 nouveaux cas en 1999 dans ce groupe contre 160 en 2011) mais tous les groupes d’âge sont touchés, y compris les jeunes qui débutent leur vie sexuelle: 40 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2011 chez les 15-24 ans.
Le nombre élevé de diagnostics d’IST (infections sexuellement transmissibles) se maintient également. Des chiffres qui confirment le relâchement des comportements de prévention observé ces dernières années.

Dépistage

Lorsqu’il y a eu comportement à risque, il est indispensable de réaliser rapidement un test de dépistage. Car on peut être contaminé par le VIH ou par une IST sans présenter de symptômes… et donc contaminer ses partenaires. La précocité du diagnostic permet, en cas de contamination avérée, une prise en charge médicale plus rapide et une modification du comportement sexuel.

Réduire le dépistage tardif doit être une priorité. Avec 42% en moyenne, le pourcentage de diagnostics tardifs est en régression ces dernières années. C’est particulièrement marquant au sein du groupe homo/bisexuel (33% de dépistages tardifs). Une évolution favorable, certes, mais non suffisante: un tiers de ces patients est encore diagnostiqué tardivement, cela reste trop important.

Quels enseignements Laurette Onkelinx tire-t-elle de ces chiffres ?

Pour la Ministre fédérale de la Santé, les chiffres 2011 confirment la nécessité de doter la Belgique d’un Plan sida (voir ci-dessous l’article de Vladimir Martens), qui permette à l’ensemble des acteurs d’unir leurs forces autour d’une stratégie efficace.

Ce Plan devra être transversal et impliquer d’autres ministres. Un Plan sida qui ne parlerait pas d’éducation, d’égalité des chances, d’intégration sociale, de lutte contre les discriminations, etc. n’aurait aucun sens.
La Ministre insiste une nouvelle fois pour faire tomber les tabous et regarder la réalité en face. Les populations les plus touchées sont les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH en abrégé) et les migrants. Pour Laurette Onkelinx, il ne s’agit pas de stigmatiser mais d’avoir une action efficace. «Le crime, ici en l’occurrence, serait de préférer le politiquement correct. Le crime serait de s’inquiéter de la popularité de ces mots pendant que certaines populations continuent à être exposées à un risque pour leur santé. Le crime serait de ne pas se battre pour que chacun puisse avoir une sexualité sans risque.»

La Ministre de la Santé souhaite mieux comprendre l’épidémie. Si l’on veut avoir une politique efficace auprès des groupes plus exposés au VIH, il faut mieux comprendre ces groupes. «On ne peut pas résumer la population des HSH à ce qu’on a coutume d’appeler la communauté gay. La population des HSH est bien plus complexe que cela. Il faut donc être nuancé et se doter des outils pour comprendre ce concept d’HSH. La Belgique manque d’études à ce sujet. Il convient d’y remédier». La Ministre demande entre autres aux groupes de travail chargés de l’élaboration du Plan de plancher sur ce point fondamental.

Les autres priorités de Laurette Onkelinx

En matière de dépistage

Il faut faire tomber les barrières au dépistage pour que le diagnostic soit plus précoce. Il en va de la santé des patients et de la santé publique en général. Ces barrières sont par exemple la vulnérabilité sociale, l’anticipation de la stigmatisation, mais aussi d’ordre culturel, linguistique, etc.

Il faut réduire les opportunités manquées de dépistage : «Il faudra accroître la vigilance des professionnels de santé, en les sensibilisant davantage, non seulement sur le VIH mais aussi sur toutes les autres maladies sexuellement transmissibles.»

Il faut enfin recourir davantage aux tests de dépistage rapides et décentralisés.

En matière de prise en charge

Dès le diagnostic, il faut garantir une prise en charge optimale, globale, un accès aux soins. Cette prise en charge doit impliquer les acteurs médicaux et les acteurs associatifs, dans le cadre de véritables partenariats, sans relation de subordination! Car pour Laurette Onkelinx «traiter le VIH, ce n’est pas uniquement traiter un système immunitaire malade. On traite, avant tout, une personne. Et la réponse doit donc être globale.» Dans ce réseau, les personnes séropositives elles-mêmes doivent être impliquées, et pas uniquement en leur qualité de patient, mais en tant que personne capable d’assumer un rôle clé dans cette mission.

Un Registre du VIH en 2013

En juin 2013, la Belgique disposera de son Plan sida (voir l’article de Vladimir Martens ci-dessous). Pour Laurette Onkelinx, Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, il était indispensable que dans cette perspective, les membres de la Conférence interministérielle santé puissent disposer au plus vite d’outils et d’indicateurs qui permettront de calibrer au mieux les politiques et de les évaluer rigoureusement.
La Ministre a donc décidé d’octroyer un budget de 300.000 euros à l’Institut scientifique de santé publique (ISP) pour la création d’un Registre du VIH.

L’ensemble des données que ce Registre devra collecter seront déterminées dans les prochaines semaines, en collaboration avec tous les acteurs. La Ministre associera également les médecins généralistes, dont le rôle est essentiel dans la collecte des données. Le Registre VIH reprendrait notamment des informations sur les éléments suivants: le mode de contamination, si le dépistage a été tardif ou pas, le temps entre le diagnostic et le début du traitement, l’évolution de la charge virale des patients et les mesures prises afin d’éviter la contamination d’autres personnes, la qualité de vie des patients porteurs du virus, si des patients ont interrompu leur traitement et les raisons pour lesquelles ils l’ont interrompu, etc.

Un protocole précis de recueil des données sera ensuite établi, en collaboration avec les centres de référence sida. Il sera soumis à la Commission de protection de la vie privée.

La Ministre demandera également à l’ISP que les données du Registre soient complétées au moyen d’études ponctuelles que l’Institut devra mener en collaboration avec les acteurs de terrain pour améliorer encore l’efficacité des mesures mises en œuvre.

Vécu des séropositifs

À l’occasion du 1er décembre, les résultats d’une enquête sur les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH en Belgique francophone ont été présentés. Objectif: disposer d’informations permettant d’améliorer les stratégies de lutte contre le sida et les discriminations.

Ce travail a été réalisé à l’initiative du GRECOS, Groupe de Réflexion et de Communication sur la Séropositivité. Il s’agit de la première enquête sur les conditions de vie des personnes séropositives menée en Belgique francophone. Elle aborde trois grands thèmes et vise à évaluer les conditions de vie des personnes séropositives du point de vue de leur santé et de leur rapport au milieu médical, de leur vie sociale et professionnelle et de leur vie affective et sexuelle, en essayant d’identifier les éventuelles difficultés et discriminations apparaissant dans leurs parcours.

Elle est le fruit d’une collaboration entre la Plate-forme prévention sida et l’Observatoire du sida et des sexualités auxquels s’est ajouté le Centre d’études sociologiques des Facultés universitaires Saint-Louis pour le traitement quantitatif des données.

Nous ne manquerons pas d’y revenir prochainement.

(1) SASSE A., VERBRUGGE R., VAN BECKHOVEN D. (2012), Épidémiologie du sida et de l’infection VIH en Belgique. Situation au 31 décembre 2011 , Bruxelles, Institut Scientifique de Santé Publique, Section Épidémiologie.

Réforme de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles : de nouvelles perspectives pour 2013 ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Voici la réponse de Fadila Laanan à une interpellation d’André du Bus le 8 janvier 2013 en Commission de la Culture, de l’Audiovisuel, de l’Aide à la presse, du Cinéma, de la Santé et de l’Égalité des chances du Parlement de la Communauté française quant à l’évolution de ce dossier très important pour le secteur de la promotion de la santé.

«En réponse aux dernières interpellations sur le rapport d’évaluation et la réforme des dispositifs de promotion de la santé, tels que souhaités par la Déclaration de politique 2009-2014 de la Fédération Wallonie-Bruxelles, je vous faisais part de mon intention d’assurer une concertation maximale avant de soumettre au Gouvernement une première version d’un avant-projet de décret.
Un premier texte complet a été transmis au Comité de liaison 1 le 27 juin 2012.
Ce texte a fait l’objet d’un processus d’échanges avec les membres du Comité de liaison et a abouti à des recommandations, des pistes d’amendement pour certaines dispositions. Elles ont, pour la plupart, pu être intégrées.
Par ailleurs, un examen légistique a été réalisé portant sur des vérifications techniques, notamment quant aux conditions fixées pour accueillir le personnel en provenance d’autres structures au sein du futur organisme d’intérêt public.
Complémentairement, mon Administration et le Centre d’expertise juridique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont également procédé à une lecture minutieuse et ont formulé des propositions d’amendement.
Il est tout à fait correct que j’avais l’intention de déposer un avant-projet de décret en première lecture au Gouvernement pour la fin de l’année 2012. Je dispose d’ailleurs de tous les éléments utiles pour concrétiser cette action.
Toutefois, vous savez que des discussions intra-francophones se déroulent actuellement sur le transfert des compétences.
Compte tenu de ces discussions, il ne me paraît pas pertinent de déposer un avant-projet de décret tant qu’elles sont en cours. En effet, vu l’avancement des travaux de part et d’autre, cela reviendrait à mener deux réformes successives dans le secteur, créant une grande instabilité dans les emplois et dans le service offert à nos citoyens. Il est donc préférable de patienter avant de poursuivre le travail.
L’organisme de pilotage fait partie intégrante de l’avant-projet de décret en cours. Dès lors, vous comprendrez que les démarches qui seront entreprises s’envisageront également à l’issue des discussions intra-francophones.
Ceci étant précisé, la qualité des services et le travail des acteurs de terrain ne devraient pas être affectés pendant les discussions intra-francophones. J’ai en effet pris les dispositions nécessaires pour garantir la continuité des services.
Ainsi, un avant-projet de décret modifiant le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé est actuellement à l’examen du Conseil d’État. Il prévoit de prolonger le programme quinquennal de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2014. Il prévoit également de prolonger les agréments des centres locaux de promotion de la santé (CLPS) et des services communautaires de promotion de la santé (SCPS) venant à échéance en 2013.
Quant aux programmes pluriannuels de promotion de la santé qui viendront à échéance cette année, ils seront prolongés d’un an s’ils répondent aux conditions d’éligibilité (c’est-à-dire de validité de leur demande pluriannuelle) et s’ils bénéficient d’avis favorables.
Plus particulièrement, sur la question du préavis qui est donné à certains employés, je tiens à souligner qu’il s’agit d’une décision qui appartient aux conseils d’administration des opérateurs. Cette décision n’est en outre pas spécifiquement liée à la réforme du secteur de la promotion de la santé mais bien au contexte économique difficile qui ne permet pas au Gouvernement de s’engager dans un subventionnement à durée indéterminée. Certains opérateurs prennent systématiquement une telle mesure à titre conservatoire, à chaque échéance d’agrément ou de convention.
Néanmoins, mon souhait est de protéger au maximum l’emploi des travailleurs du secteur de la promotion de la santé.
À ce stade, je peux vous informer que l’entrée en vigueur du futur décret de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles sera progressive. Une période transitoire sera prévue de façon à éviter les ruptures dans les contrats des travailleurs des organismes concernés par la réforme et dans les services offerts aux citoyens.»

(1) Il s’agit du Comité de liaison mis en place l’an dernier entre le Cabinet de la Ministre de la Santé et le Conseil supérieur de promotion de la santé (voir l’article de C. De Bock, Réforme de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles : état des lieux, Éducation Santé n° 284, page 10 et 11 .

Le certificat interuniversitaire en évaluation des politiques publiques

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Disposer d’un système de santé ouvert et efficace, d’une école de qualité, d’un réseau routier bien entretenu, d’un bon système de transports publics, de politiques sociales justes et efficaces, etc. Autant d’images dont rêvent sans doute la plupart des citoyens belges. Si les autorités développent une multitude d’instruments et de plans d’intervention pour atteindre de tels objectifs, de nombreux observateurs dénoncent un certain retard dans notre région en matière d’évaluation de l’impact de ces politiques. Pourtant les démarches d’évaluation représentent un moyen d’informer les décideurs politiques, quels qu’ils soient : l’évaluation permet aux parties prenantes, parlementaires, partenaires ou simples citoyens, de se former un jugement sur l’action d’un État dont la complexité tend à rendre la gestion publique de plus en plus opaque.

L’évaluation d’une politique publique consiste à mesurer les effets propres d’une politique pour porter un jugement sur sa valeur. Il s’agit très souvent d’une démarche partenariale entre administrations, cabinets et experts. Elle a pour ambition de contribuer à transformer les modes de fonctionnement de l’administration pour une gestion stratégique qui prenne pleinement en compte les finalités politiques, la logique d’intervention de l’État et de ses partenaires, pour poser la question de pertinence, d’économie, d’efficience et d’efficacité.

Quand une évaluation est menée de façon pluraliste, transparente et reproductible, la discussion publique de ses résultats ne peut qu’améliorer le fonctionnement de notre système démocratique et renforcer la légitimité de l’État et de ses interventions.

Une préoccupation renforcée

On observe depuis quelques années des frémissements au niveau de la gestion publique dans notre région : dans une logique de «bonne gouvernance», de nombreuses politiques s’engagent à organiser des évaluations extérieures avant de définir leur action et plusieurs instances officielles travaillent dans une telle logique. La Cour des Comptes assure un contrôle ciblé de la gestion publique, en termes de qualité et de régularité des actions menées au regard des objectifs fixés par les pouvoirs publics. Depuis peu, elle en analyse aussi l’efficacité (a-t-on atteint les objectifs assignés ?) et l’efficience (les ressources ont- elles été utilisées de façon optimale au vu des résultats atteints ?). On peut aussi citer, en matière de politiques de santé et d’assurance-maladie, les rapports du KCE (Centre fédéral d’expertise des soins de santé). Au niveau régional, l’IWEPS est chargé de missions spécifiques d’évaluation, par exemple pour une étude approfondie des réalisations et des résultats du Plan Marshall en 2009.

La dernière déclaration gouvernementale régionale de 2009 mentionne plusieurs centaines de fois le mot «évaluation» et annonce de nombreux projets d’évaluation de dispositifs d’intervention. La mise en place d’une École d’Administration publique pour les fonctionnaires de la Région et de la Fédération Wallonie-Bruxelles relève d’une même logique : renforcer au sein de l’administration une culture du «management public» par une formation continue transversale.

Un nouveau projet de formation

Depuis de nombreuses années, des spécialistes en gestion publique de toutes les universités appellent à un renforcement des capacités de l’administration et des organes politiques en matière d’évaluation. C’est à l’initiative de la Société Wallonne d’Évaluation et de Prospective (la SWEP) que quatre universités francophones ont uni leurs forces en 2010 pour lancer un projet de formation professionnelle en évaluation des politiques publiques.
Ce certificat interuniversitaire a pour ambition de répondre aux enjeux et questions spécifiques que des acteurs de terrain confrontés aux phénomènes évaluatifs rencontrent.

Il s’agit plus particulièrement de donner aux acteurs les bases nécessaires à la compréhension de ce qu’est un processus d’évaluation intégré dans une démarche d’action publique. Ce programme a pour objectif de former les participants à occuper des fonctions dans lesquelles ils seront amenés à gérer des processus de suivi-évaluation, à intervenir dans leur conception, leur mise en œuvre, à accompagner l’évaluateur et les parties prenantes dans le processus de l’évaluation de façon à en maximiser l’apport de valeur en termes de connaissances et de propositions concrètes d’amélioration des politiques publiques.

Le programme vise toute personne occupant ou se destinant à occuper des fonctions dans le cadre de la préparation, de la commande, de l’organisation, du suivi et de la réalisation d’évaluations de politiques, de projets et de programmes publics et non-marchands, quel que soit le secteur d’intervention, depuis les transports jusqu’à la coopération au développement, en passant par la santé.

Le programme s’appuie sur des méthodes pédagogiques participatives valorisant un apprentissage coopératif: des enseignements théoriques, mais aussi des apprentissages par problèmes; des débats avec des invités; des analyses de cas réels rencontrés par les participants dans leur activité professionnelle. Il insiste sur une grande interactivité entre les participants et les intervenants, c’est pourquoi le nombre de participants est strictement limité à 25. L’objectif poursuivi est de permettre aux participants de développer des évaluations en toute autonomie avec un regard critique, prospectif et inventif. En effet, en plus des 150 heures de cours, un travail personnel est demandé aux participants, sous la direction d’un responsable académique et d’un expert du secteur considéré.

Le programme a été organisé en 2011 à Louvain-la-Neuve et en 2012 à Liège. Il sera organisé à Bruxelles de janvier à décembre 2013 à raison de 2 vendredis entiers et un samedi matin par mois.

Catherine Fallon, Université de Liège, Co-directeur du Certificat interuniversitaire en évaluation des politiques publiques ( https://www.certificat-evaluation.be )

Évaluation du premier Plan national nutrition santé belge : peut mieux faire

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Nous avons régulièrement évoqué dans nos pages cette ambitieuse initiative pilotée au niveau fédéral. L’accord politique relatif à la 6e réforme institutionnelle prévoit explicitement son transfert aux entités fédérées. Occasion pour Éducation Santé de partager avec ses lecteurs l’évaluation que l’Université de Liège a faite l’an dernier du PNNS-B. Au delà de l’analyse des avancées et des manquements de ce premier PNNS-B, ce rapport s’offre à une lecture pédagogique. Il illustre les difficultés de concevoir et de mettre en œuvre des objectifs qui reposent sur une multitude de leviers institutionnels, stratégiques et opérationnels. Il propose aussi un certain nombre de pistes, incontournables de la réussite d’un plan en promotion de la santé. Même s’il n’y aura sans doute pas de PNNS 2 dans toute l’acception du terme, il est très intéressant à découvrir. En voici une synthèse.

Contexte

Le premier PNNS a été élaboré en Belgique en 2005 pour couvrir une période quinquennale. Le PNNS-B se base sur les initiatives internationales au niveau de l’Union européenne, sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et en particulier sur la «Stratégie globale de l’OMS pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé». Il se donne pour objectif d’améliorer les habitudes alimentaires et d’augmenter le niveau de l’activité physique en vue d’une meilleure santé, afin de réduire nombre de maladies évitables comme les affections cardiovasculaires et leurs facteurs de risque (hypercholestérolémie, hypertension, diabète de type 2 ainsi que certains cancers, etc.). Ses priorités sont fixées à partir des données de l’enquête de consommation menée en 2004 par l’Institut scientifique de santé publique (ISP) et sur les recommandations nutritionnelles énoncées par le Conseil supérieur de la santé.

Objectif de l’évaluation

L’objectif était de réaliser une évaluation à la charnière entre le premier et le deuxième PNNS, dans le cadre d’une négociation du contenu de celui-ci avec les parties prenantes. Il a été décliné en trois questions évaluatives par les équipes de recherche :
– le contenu et l’architecture du plan sont-ils propices à en assurer l’efficacité ?
– quelles sont l’acceptabilité, la pertinence et l’efficacité des modes de gestion du plan tels que réalisés ?
– quelles synergies se sont/pourraient être développées entre le PNNS-B et les plans des entités fédérées ?

Méthode

Les résultats de l’évaluation ont été obtenus par le croisement de trois approches complémentaires prévues par le cahier des charges de l’évaluation :
– l’analyse de contenu d’interviews réalisées auprès des partenaires du plan (25 personnes);
– une comparaison entre les documents présentant le plan belge et les documents présentant 8 plans étrangers;
– une analyse des actions menées dans le cadre du plan en les replaçant dans un cadre logique (objectifs nutritionnels et stratégies).

Ces trois approches ont été combinées afin d’apporter des réponses concrètes aux questions d’évaluation, mais aussi de valider les résultats par triangulation. Seuls ont été retenus les résultats soutenus par une concordance entre les différentes analyses. Pour répondre à la demande présentée dans le cahier des charges, les résultats ont été synthétisés selon la méthode AFOM (Atouts, Faiblesses, Opportunités, Menaces). Les recommandations finales ont été élaborées à partir des suggestions des participants aux interviews, en y apportant l’éclairage de l’ensemble des analyses réalisées dans le cadre de la mission d’évaluation.

Les forces et les faiblesses du PNNS dans un environnement menaçant

Les résultats de cette évaluation s’intéressent à la structure du plan et à ses modes de gestion. Ces produits et processus ne concernent pas l’impact des actions sur la santé de la population (1), ils en constituent néanmoins le socle de l’efficacité et de l’efficience. La structure du plan et ses modes de gestion ont été analysés selon qu’ils induisent un effet opératoire (le plan favorise une transformation du réel) ou un effet mobilisateur (le plan motive les acteurs).

Produits et processus ont été examinés grâce aux critères suivants : la traçabilité et l’histoire du plan, la définition des concepts de référence, la qualité technique du plan, l’animation (ou dynamique de gestion), la pédagogie et l’ergonomie du plan, la vitalité et la créativité du plan.

Malgré ses réalisations et ses succès (allaitement maternel, réduction de la consommation de sel, dénutrition des personnes âgées), l’analyse montre que le plan est coincé entre des logiques devenues antagonistes : d’une part, une recherche d’efficacité, et d’autre part, le maintien d’une coalition d’acteurs mobilisée et motivée.

Soutenu par une équipe motivée et engagée, le PNNS est reconnu comme un lieu de concertation possible entre partenaires, et même comme un lieu de co-construction de normes partagées. Les problématiques qu’il aborde sont de nature à favoriser une mobilisation des acteurs politiques, des acteurs économiques et associatifs ainsi que de la société civile. Il a profité d’un engagement d’une partie du secteur marchand dans la promotion d’une alimentation saine, il a permis de se saisir de lignes d’action ouvertes au niveau européen.

Cependant, le PNNS évolue dans un environnement qui ne lui est pas favorable. Les déterminants des matières que sont l’alimentation et l’activité physique dépassent largement la seule compétence fédérale. De plus, alors que les recommandations internationales insistent pour une approche globale, le PNNS est confronté à un terrain institutionnel fragmenté. Malgré un intérêt récurrent des assemblées politiques (parlement, sénat, conférence interministérielle), le PNNS souffre d’une identité politique incertaine: il est porteur de valeurs et d’orientations nationales mais sa déclinaison opérationnelle est peu soutenue par des mesures législatives; il fait l’objet d’attention du politique mais ne semble pas intégré à un projet sociétal plus global.

Les acquis du PNNS sont fragilisés par un ensemble de faiblesses qui trouvent leur source dans la méthodologie de construction et les modalités d’animation du plan. Absence de cadre de planification en santé publique; animation peu adéquate pour maintenir la mobilisation des partenaires, des professionnels et de la population; manque de perception du projet sociétal sous-jacent sont trois lacunes importantes de ce plan. Pour en renforcer les atouts, des améliorations devraient être apportées au niveau de la construction et de l’animation du plan.

En outre, le déséquilibre entre les forces et les faiblesses internes au PNNS est accentué par un contexte particulièrement menaçant, et qui offre trop peu d’opportunités saisissables. Ou, formulé autrement: dans ce contexte, les opportunités sont rares et l’on doit toujours s’en saisir. Aussi, la gestion du PNNS apparaît-elle comme opportuniste. Un opportunisme à deux visages, qui est à la fois bénéfique car il permet la réalisation d’actions, et dommageable. En effet, il met le plan en danger en accentuant l’aspect désordonné (tel que perçu par les partenaires) de l’animation du plan.

Recommandations principales

Les recommandations tiennent compte des constats reflétés dans les résultats et intègrent les propositions émises par les personnes interviewées. Elles sont réparties en trois sections : Quels fondements poser avant même de débuter le PNNS-B2 ? Comment accroître les effets mobilisateurs et fédérateurs du plan ? Comment lui donner plus de cohérence et en assurer une régulation dynamique ?

Les fondements

Clarifier les enjeux sociétaux et choisir un cadre conceptuel en conséquence

Il s’agit, dans un premier temps, d’élargir les concepts de référence du plan (alimentation, activité physique) afin que les partenaires de différents secteurs et de différentes institutions puissent les relier à leurs propres enjeux. Dans un deuxième temps, il importe de construire une théorie de l’action commune, qui permette à chacun des partenaires de situer les déterminants et facteurs causaux sur lesquels il agira en priorité, en articulation avec le PNNS et en conformité avec ses compétences propres.

Cette clarification devrait aussi être soutenue par une vision politique forte qui mette à l’avant-plan les enjeux portés par la promotion de l’alimentation saine et de l’activité physique et leurs relations avec d’autres enjeux sociétaux, tels que la réduction des inégalités sociales de santé.

Concevoir un cadre politique acceptable et pragmatique

La nécessaire clarification de l’ambigüité entre plan national et plan fédéral devrait amener à concevoir un plan composé d’au moins trois sections, qui correspondent à des logiques de mise en oeuvre différentes :
– une section comprenant les objectifs opérationnels possibles à réaliser dans le cadre des compétences fédérales gérées par le SPF (par exemple, le travail au niveau législatif) et qui comprend l’articulation avec d’autres plans et priorités de santé publique (plan alcool, plan cancer, AFSCA, etc.);
– une section qui recouvre le travail multisectoriel entre les institutions relevant du gouvernement fédéral et des administrations fédérales hors santé publique;
– une section qui contiendrait plutôt une présentation articulée des plans et priorités, voire des actions, de l’autorité fédérale et des entités fédérées, faisant ressortir leurs points communs et leurs spécificités.

Un plan mobilisateur et fédérateur

Définir un organigramme qui valorise la place de chacun dans un ensemble

Une des conditions essentielles d’une adhésion dynamique des parties prenantes et partenaires est la clarification du fonctionnement interne du plan. Il faudrait viser la transparence des mécanismes décisionnels, notamment sur les priorités opérationnelles. Un schéma organisationnel devrait être construit au départ des différentes fonctions utiles à la conception et à la mise en oeuvre du plan, articulations politico-administratives, références scientifiques, représentations des secteurs à mobiliser, compétences techniques spécifiques, etc. La place du secteur privé dans ce cadre organisationnel doit être clarifiée.

Le futur plan devrait accorder plus d’attention à définir et mettre en place un réseau d’alliés (coalition) sur base de démarches méthodologiques adéquates; il s’agit d’y introduire progressivement de plus en plus d’acteurs disposant d’un pouvoir de décision stratégique important pour le déroulement des actions.

Le renforcement de l’équipe du plan est évoqué sous l’angle d’une augmentation des ressources, d’une diversification des compétences et sous l’angle organisationnel. L’externalisation d’une partie de la gestion et de l’animation du plan devrait faire l’objet d’une analyse de pertinence et de faisabilité. Le soin et la continuité à assurer quant à l’animation partenariale (suivi administratif des réunions, valorisation croisée des apports de chacun, relais des questionnements, etc.) font partie des compétences à renforcer.

Enrichir et planifier la communication sociale

La première étape est sans conteste la rédaction d’un document de présentation du plan qui soit ergonomique et pédagogique et en facilite une large diffusion. Au-delà, il importerait de définir un plan de communication sociale afin d’asseoir la visibilité et la notoriété du PNNS auprès de la population et des professionnels. Enfin les partenaires sont demandeurs de partage d’informations et de mutualisation de pratiques. L’ utilisation d’une plate-forme interactive pourrait faciliter la gestion d’informations entre et avec les partenaires du plan. La structure et la gestion du site web devrait être repensée pour faciliter la disponibilité et l’accès de l’information tant à la population qu’aux professionnels.

Un plan acceptable, structuré et efficace

La continuité est un des soucis récurrents des partenaires du plan, qu’il s’agisse de finaliser ou d’amplifier des actions qui n’ont pu être développées avec toute l’intensité souhaitable dans le PNNS-B1 ou d’éviter à l’avenir des ruptures et réorientations liées aux intérêts ponctuels des responsables politico-administratifs.

Par ailleurs, la clé d’un plan plus efficace et plus acceptable semble être l’utilisation d‘un cadre logique de planification en santé publique, qui assurerait la cohérence du plan dans ses différentes facettes et sur la durée. Il serait utilisé depuis une définition collective des objectifs jusqu’à l’évaluation de l’atteinte de ceux-ci, en passant par l’identification et la programmation des priorités opérationnelles et la répartition de celles-ci entre différentes catégories d’acteurs professionnels ou institutionnels. La programmation opérationnelle devrait inclure des méthodes et des critères de qualité pour la gestion du plan, afin de permettre une régulation dynamique de celui-ci.

Absil G., Vandoorne C. et al., Évaluation du Premier Plan Nutrition Santé belge (CCNVGP 2010/01 du SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et environnement – 35633 €), Université de Liège, École de Santé Publique, juin 2011. Cette évaluation a été réalisée avec la collaboration du service Nutrition Environnement et Santé, du Service de Santé au travail et d’Éducation pour la santé et du Centre de recherche SPIRAL, de l’Université de Liège.

Critères pour l’évaluation d’un Plan national nutrition santé

Distinguer plan et planification

La planification peut se définir comme un processus continu de prévision de ressources et de services requis pour atteindre des objectifs déterminés. Le plan, lui, est la mise par écrit du projet de ce processus. Le plan est donc un objet matériel souvent réalisé au début de la planification et qui fixe le cadre de référence de celle-ci.

Traçabilité/histoire du plan

Ce critère questionne une manière de positionner le plan nutrition dans une histoire politique continue. Ainsi, le plan s’inscrit-il dans une continuité, soit qu’il prolonge des processus en cours, soit qu’il favorise leur réorientation. Par cette inscription, les problématiques liées à la nutrition n’apparaissent pas comme une nouveauté. De cette manière, le plan gagne aussi le crédit de figurer comme un passage obligé pour l’évolution de la société.

La traçabilité interroge aussi la manière dont le plan mentionne les sources qui ont été utilisées pour son écriture qu’il s’agisse de littérature scientifique, d’experts, de commissions, de groupes… La mention des sources authentifie les choix opérés dans le plan et permet de situer le plan à la fois dans une actualité scientifique, dans un mouvement de consensus international ou dans une démarche de consultation participative des groupes nationaux ou régionaux.

Référentiel : définitions et concepts

Le plan porte un discours et ce discours est émaillé de concepts. Le choix des concepts pour exprimer les enjeux de l’alimentation n’est pas neutre. En fonction de ce choix, le cadre que représente le plan sera plus ou moins centré sur les aspects nutritionnels, diététiques et comportementaux ou il prendra en compte la complexité de la problématique de l’alimentation avec ses aspects sociaux et culturels, sa variété de déterminants et la nécessaire intersectorialité des actions. En termes d’effets, le choix des concepts et leur organisation dans un discours constitue un cadre de référence qui oriente les objectifs et la mise en place des actions. Le cadre utilisé peut ou non entraîner l’adhésion de certaines catégories d’acteurs présents ou potentiels. Il s’agit de définir l’alimentation comme un concept à la fois suffisamment riche et facile à manipuler par tous les partenaires et acteurs, présents ou potentiels.

Technicité du plan

Ce critère permet d’observer les composantes techniques de la conception et de la rédaction d’un plan. La technicité d’un plan importe dans la mesure où elle détermine la cohérence et la logique du plan. Les aspects techniques de la rédaction du plan peuvent être soutenus par l’emploi d’un cadre logique et d’une théorie de l’action. Une théorie de l’action correspond à une vision des relations de causes à effets et d’antériorité qui relient les actions à mettre en place pour obtenir certains effets. Le choix du cadre logique et d’une théorie de l’action sont en eux-mêmes porteurs d’une vision plus ou moins complexe et compréhensive de la problématique de la nutrition. L’intégration à l’intérieur même du plan d’une prévision opérationnelle des modes de gestion (partage des responsabilités, partenaires et acteurs privilégiés, procédures de régulation, etc.) est propice à en assurer l’efficacité.

Pédagogie et ergonomie du plan

La pédagogie du plan et son ergonomie représentent des conditions incontournables de la diffusion de ce dernier et de sa permanence en tant que référentiel auprès des acteurs : porteurs de projets, chercheurs, acteurs institutionnels… Le plan est-il en mesure, par sa présentation, son organisation, sa communication de favoriser son appropriation par ses lecteurs ? Le plan consiste-t-il en un seul document, ou faut-il en rassembler plusieurs pour en comprendre la logique, l’argumentation et les dynamiques ?

Animation du plan

L’animation analyse la manière dont le plan prévoit une gestion dynamique des interactions entre les partenaires. Par gestion dynamique, il s’agit d’échanges d’informations, de feedback, d’actualisation des intérêts et enjeux… Une gestion dynamique devrait favoriser la clarification des rôles de chacun et veiller à maintenir la mobilisation des partenaires et le recrutement d’alliés facilitateurs.

Vitalité et créativité du plan

Par vitalité du plan, nous entendons la manière dont le plan prévoit des éléments qui le conservent en «vie». C’est-à-dire des éléments qui conservent et amplifient le rôle d’actant du plan, son influence dans le contexte partenarial ou sociétal, voire qui font du plan un point de passage obligé (tous les autres actants doivent s’y référer). L’inverse de la vitalité d’un plan serait un plan «lettre-morte» qui ne serait qu’un papier et de l’encre, jamais lu, jamais approprié par les acteurs et les partenaires. Un des éléments fondateurs de la vitalité d’un plan peut être l’évaluation qui permet la régulation des objectifs, des planifications et des procédures.

(1) Cette évaluation a été réalisée dans le cadre d’un marché public. Dans ce contexte ni les conditions méthodologiques ni l’ampleur budgétaire nécessaire à la production de résultats valides sur les impacts des actions n’étaient réunies.

Évaluation dans le cadre du dispositif expérimental des «Cellules bien-être» en Fédération Wallonie-Bruxelles

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Le contexte : le bien-être à l’école

La promotion de la santé à l’école tend à dépasser les initiatives de type pédagogique pour s’orienter vers des approches intégrées considérant tant l’influence des contenus d’enseignement dispensés que celle des apprentissages informels et celle des modes de vie induits par l’environnement dans lequel les élèves évoluent (Young & Williams, 1989). Les professionnels, les scientifiques et les leaders politiques reconnaissent aujourd’hui la nécessité de favoriser une action globale et cohérente qui, dans une perspective écologique, prend en compte les interactions de l’individu avec son environnement physique et social (Fortin, 2004). Cette tendance, qui peut être rapprochée de l’essor de la notion de bien-être telle que définie dans les travaux du Conseil de l’Europe (2010) ou de l’OCDE (2010), favorise des approches multifactorielles intégrant les dimensions médicales, politiques, sociales et éducatives.

Depuis les années nonante, de nombreuses initiatives intégrées de promotion de la santé à l’école se sont développées en Communauté française de Belgique. Elles étaient généralement portées par des instances situées hors du champ de l’enseignement, notamment dans le cadre de projets financés par le secteur de la santé. En mars 2011 par contre, un dispositif pilote baptisé «Cellule bien-être» (CBE) est promu simultanément par les Ministères de l’Enseignement, de la Santé et de la Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Un dispositif ouvert et multi-niveaux

Concrètement, une CBE est un groupe de coordination local réunissant différents intervenants internes ou externes à une même école (chefs d’établissements, enseignants, éducateurs, membres des équipes des CPMS et des Services PSE, élèves…) qui se concertent régulièrement afin d’aider le chef d’établissement à définir les lignes de force de son école en matière de bien-être. Une Cellule bien-être a pour but, entre autres rôles, de «dynamiser» la promotion du bien-être dans le temps et l’espace scolaires, d’identifier les ressources internes et de déterminer les services de deuxième ligne et les services «extérieurs» auxquels faire appel afin de répondre au mieux aux problématiques spécifiques vécues dans chaque établissement en termes de santé et de bien-être. Le dispositif pilote s’étale sur deux années scolaires (2011-2012 et 2012-2013) et concerne 80 établissements de tous niveaux, tous réseaux d’enseignement et tous types (maternel et primaire, secondaire général et qualifiant, ordinaire et spécialisé). La liberté est laissée à chaque école de développer son propre projet en fonction de ses propres priorités et contraintes.

Le déploiement du dispositif est soutenu par l’accompagnement méthodologique des écoles, par une mobilisation des partenaires locaux, dont les SPSE et CPMS, ainsi que par des réflexions collectives à plusieurs niveaux. Des «journées territoriales» sont organisées deux fois par an et mettent en relation des écoles de mêmes provinces. À l’échelle plus globale de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des rencontres entre les différents services d’accompagnement ainsi que des assemblées stratégiques rassemblant des acteurs institutionnels de différents secteurs d’activité concernés par le bien-être à l’école, sont régulièrement programmées.

Le dispositif est donc pensé comme une organisation favorisant les apprentissages de tous les acteurs impliqués en contact les uns avec les autres. Enfin, le dispositif est géré par un Comité opérationnel où siègent des représentants des ministères impliqués et des administrations correspondantes ainsi que l’APES-ULg, chargée de l’accompagnement et de l’évaluation du dispositif à un niveau global.

Les 80 écoles retenues sont réparties en deux catégories. Les écoles A bénéficient d’une subvention de 1000€ par an et d’un accompagnement méthodologique. Cet accompagnement est confié à des services issus de différents secteurs: l’éducation permanente, la promotion de la santé, la jeunesse, l’aide à la jeunesse et le développement durable. Les écoles B sont des établissements ayant déjà développé des projets similaires aux cellules bien-être avant l’introduction du dispositif. Elles n’ont dès lors pas souhaité bénéficier d’un accompagnement, mais perçoivent le subside, participent aux rencontres collectives entre établissements et sont parties prenantes de l’évaluation.

Les objectifs de l’évaluation

L’APES-ULg anime le processus d’évaluation participative et négociée et évalue le dispositif des «CBE» pour les 80 écoles. L’évaluation vise à favoriser l’émergence des points de repère, qui pourront être exploités pour soutenir la dissémination de ce type de démarche après les deux ans d’expérimentation. Ces points de repère doivent prendre en compte les éléments transversaux, des expériences menées dans les divers établissements et les mettre en relation avec des caractéristiques du dispositif global.

L’APES-ULg soutient les acteurs du dispositif et ses commanditaires dans l’identification et la formulation des questions d’évaluation. Ainsi, les points de vue, intérêts et attentes de tous les acteurs impliqués dans le dispositif (membres de la communauté scolaire, accompagnateurs, décideurs politiques, acteurs institutionnels…) sont pris en considération afin de d’émettre un jugement éclairé depuis plusieurs angles de vue.

L’évaluation doit aussi s’intéresser aux configurations particulières des CBE et refléter de manière dynamique les interactions entre des éléments aussi variés que les caractéristiques des actions mises en place dans l’école, à l’initiative de la CBE ou parallèlement à celle-ci, les modalités d’organisation et la composition des CBE, les autres dispositifs/groupes avec lesquels la CBE entretient des liens à l’intérieur d’un établissement, etc.

Les choix méthodologiques

Pour rencontrer ces objectifs, plusieurs options méthodologiques ont été adoptées. Tout d’abord, aucune hypothèse n’a été formulée a priori sur les caractéristiques que devraient avoir une CBE, ni sur les leviers et contraintes auxquels s’intéresser. De plus, les outils de collecte et d’analyse des données (schéma actantiel et récit) ont été sélectionnés pour leur caractère ouvert autorisant la manipulation de méthodes qualitatives et quantitatives et permettant un processus itératif de récolte des données, de formulation et de vérification d’hypothèses.

Des outils de collecte et d’analyse

Le schéma actantiel

Le matériau d’analyse est constitué des dossiers de candidature des écoles, des observations des accompagnateurs sous forme de «feuilles de route» (écoles A), des entretiens avec les personnes impliquées dans les CBE (écoles B), d’échanges entre représentants des écoles lors des journées territoriales (écoles A et B) et de l’envoi d’un questionnaire (écoles A et B) en fin de dispositif. Les phases de récolte des données sont échelonnées sur les deux ans.

Une première méthode d’analyse de contenu, visant à déterminer des critères d’évaluation au départ du discours tenu par les acteurs scolaires impliqués dans le dispositif, a été sélectionnée. Cette méthode qualitative, inspirée de la sociologie et de la linguistique et plus précisément des propositions d’ A.J. Greimas concernant l’analyse structurale des récits, mobilise un schéma de quête se présentant sous la forme suivante:L’utilisation de ce schéma offre l’avantage de structurer les données récoltées tout en restant suffisamment ouvert pour permettre de faire directement surgir du discours des acteurs des critères d’analyse utiles à l’évaluation. Les informations propres à chaque école sont réorganisées et encodées et sous la forme d’un «schéma de quête individuel» grâce à un logiciel de soutien à l’analyse qualitative. Au fil de cet encodage, les catégories du schéma les plus documentées sont subdivisées en sous-catégories plus précises, aboutissant à un canevas d’une centaine de rubriques. On parle donc d’une analyse inductive sur base des informations récoltées dans les écoles participantes.

Ainsi, on peut à tout moment modéliser puis analyser les informations disponibles, soit de façon transversale sur l’ensemble des établissements ou sur des sous-groupes, pour faire apparaître des régularités et des divergences autour d’un code spécifique du canevas (voir plus loin le point relatif à une méthode d’évaluation mixte); soit de façon particulière, par école, pour rendre possible l’analyse systémique de la complexité du contexte dans lequel se développent les CBE. C’est cette dernière modélisation, école par école, qui a été utilisée dans l’étape suivante du processus d’évaluation: la construction des récits.

Les récits

Les récits sont construits selon un processus de condensation des données (Huberman et Miles, 1992). Cette étape consiste à réorganiser les codes du canevas sous la forme d’un texte continu, déroulé selon une structure commune pour chaque école. Quatre-vingt récits sont donc rédigés par l’APES-ULg et passent en revue les éléments suivants.

Des éléments factuels liés à la CBE et à son action

  • La cellule bien-être elle-même, sa composition, ses modalités d’organisation, ses interactions avec l’accompagnateur, sa permanence.
  • Ce que fait la CBE pour se faire connaître, développer un projet pour l’établissement, mobiliser à l’intérieur de l’école, développer des partenariats, durer…
  • Les actions que la CBE coordonne ou que la CBE met en place au bénéfice des élèves, des enseignants, etc.
  • Les effets que l’on peut observer sur la vie à l’école ou sur les comportements et le vécu des différents acteurs de l’école, en lien avec le bien-être.

Des éléments motivationnels

  • Ce qui met en mouvement: ce qui a été à l’origine de l’inscription de l’établissement dans le dispositif (une personne, une situation, des expériences antérieures, etc.), ce qui motive les personnes porteuses de la dynamique CBE, mais aussi ce qui mobilise le reste de la communauté scolaire pour des actions ou des projets spécifiques, etc.
  • Des bénéfices/des bénéficiaires d’une amélioration du bien-être : élèves, enseignants, directions, éducateurs, parents, climat de l’école, image de l’établissement, accrochage scolaire, réussite scolaire, etc.

Des éléments d’appui ( facilitateurs / adjuvants ) ou de résistance ( freins / opposants )

  • Ces éléments peuvent être liés à l’environnement extérieur de l’établissement : sa localisation, ses implantations, les infrastructures dont il dispose, la disponibilité des partenaires ou le type d’appui qu’ils fournissent…
  • Ils peuvent aussi être internes à l’établissement : élément liés à l’organisation de l’établissement, aux sections qu’il organise, à son projet d’établissement, à la stabilité de l’équipe éducative ou aux caractéristiques de sa population, au manque de moyens financiers ou humains…
  • Ils peuvent concerner un outil ou une démarche particulièrement dynamisante, des projets ou procédures déjà implantés dans l’établissement ou encore des organes de concertation existants…
  • Ils peuvent enfin toucher à la CBE elle-même : son ancrage et sa reconnaissance dans l’établissement, les moyens qui lui sont donnés, ses modes d’organisation, le manque de temps…

L’objectif de la construction des récits est de fournir un support utile à la collecte d’informations itératives. Cependant, il donne aux CBE l’occasion de formaliser leur expérience en cours de construction et d’en garder trace. Secondairement il est utilisé comme rapport d’activités. Enfin, il devient dans de nombreux cas un outil réflexif utilisé avec l’accompagnateur (écoles A).

Une méthode d’évaluation mixte

Au terme de chacune des deux années scolaires, un rapport d’évaluation est rédigé par l’APES-ULg. Celui-ci vise à réunir des informations rigoureusement documentées sur les modalités d’institutionnalisation des CBE. Ces informations sont vouées à être exploitées pour décider de l’opportunité de mesures qui soutiendront la dissémination des CBE dans les écoles à l’échelle de toute la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour la rédaction de ce rapport, l’ensemble des hypothèses émises par l’APES-ULg sur base des récits sont vérifiées et mises en perspectives avec les enjeux discutés dans les différentes instances de concertation se tenant à différents niveaux : réunion des accompagnateurs, Assemblée stratégique et Comité opérationnel. Pour ce faire, on repère d’abord les sous-catégories issues du schéma de quête qui sont documentées dans un nombre suffisant de récits, ces sous-catégories font alors l’objet d’une analyse de contenu. À titre d’exemple, si on investigue la rubrique «partenaires de la CBE» dans les catégories «facilitateurs» et «freins» du schéma de quête, on peut identifier toutes les CBE ayant exprimé les effets positifs ou négatifs d’une collaboration externe. On peut ensuite en déduire, par exemple, une typologie des partenariats.

Cependant, il est parfois utile de recoder certaines sous-catégories sous forme de variables quantifiées au sein d’un tableur. Ce type d’analyse permet la mise en évidence plus directement lisible d’éléments transversaux (contraintes communes, ressources communes, usages communs…) en rapport avec des éléments de contexte facilement accessibles comme le réseau, le niveau des écoles, leur type d’enseignement ou leur inscription éventuelle dans un programme d’encadrement différencié.

Par ailleurs, une analyse de type quantitative est aussi mobilisée afin de permettre une comparaison plus systématique entre des variables, et ainsi de rendre plus lisible certains liens privilégiés entre des caractéristiques des CBE, tels que le nombre de membres des CBE et le niveau d’enseignement dispensé par les écoles, ou encore la structure des CBE et les modalités de coordination, etc.

Processus itératif : des aller-retour entre collecte et analyse des données

Le récit de chaque Cellule bien-être est destiné à être enrichi, complété par ses représentants à plusieurs moments. Le but recherché est de pouvoir suivre l’évolution de la CBE grâce à l’enrichissement progressif de son récit. Pour ce faire, les deux années scolaires dédiées au projet pilote sont subdivisées en plusieurs périodes, séparées par des «temps d’arrêt». Ces temps sont l’occasion pour les membres de chaque CBE de s’approprier leur récit, d’en corriger certains éléments, d’en actualiser d’autres et ensuite de le valider afin qu’il reflète le plus fidèlement possible la conjoncture de leur Cellule.

Après chacun de ces temps d’arrêt, les informations supplémentaires ajoutées au récit par les CBE et leurs accompagnateurs sont ajoutées dans le canevas d’encodage par l’APES-ULg (grâce au logiciel). Les informations ré-encodées donnent ensuite lieu à la révision du schéma de quête de chaque école, à l’écriture d’une nouvelle version du récit, mais aussi à l’affinement progressif des hypothèses nécessaires à l’évaluation. L’évaluation finale nécessitera alors de demander aux établissements de remplir un questionnaire standardisé afin de tester définitivement les hypothèses retenues.

Conclusion

De ces différentes étapes de l’évaluation résulte une méthode mixte originale où approches qualitatives et quantitatives se combinent afin de conjuguer le reflet de la complexité et de la diversité des CBE en construction avec la nécessité de dégager des repères utilisables à moyen terme par des acteurs institutionnels. En outre, l’approche qualitative basée sur le schéma de quête, les récits et les processus de catégorisation et de condensation itérative des données apparaît favorable à la mise en œuvre d’apprentissages collectifs, garants de continuité.

Bibliographie

CONSEIL DE L’EUROPE (2010), Construire le progrès sociétal pour le bien – être de tous avec les citoyens et les communautés . Guide méthodo ., Éditions du Conseil de l’Europe, Paris.
FORTIN J. (2004), «Du profane au professionnel en éducation à la santé: modèles et valeurs dans la formation en éducation à la santé». In Jourdan (Éd.), La formation des acteurs de l’éducation à la santé en milieu scolaire , Éditions Universitaires du Sud, Toulouse, pp. 51-65.
GREIMAS, A.J. (1976), Sémiotique et sciences sociales , le Seuil, Paris.
HUBERMAN, M., MILES (1992), Analyse des données qualitatives , De Boeck, Bruxelles.
OCDE (2010), L’éducation , un levier pour améliorer la santé et la cohésion sociale , Éditions OCDE.
SAINT LEGER L., YOUNG I., BLANCHARD C., PERRY M. (2010),Promoting Health in Schools, from Evidence to Action, UIPHE
YOUNG I., WILLIAMS T. (1989), The Healthy School , Scottish Health Education Group, Edinburgh

De l’évaluation des projets et services à la gestion du territoire

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Comment passer de la réalisation d’un projet ou du suivi d’un service au niveau microsocial (l’évaluation des actions menées par les acteurs de terrain sur un territoire local) à une évaluation au niveau macrosocial (le pilotage d’un programme ou d’une politique sur un territoire plus étendu qui englobe ce territoire local) ? Le pilotage de politiques à l’échelle d’une province, d’une région, d’une ville peut-il (devrait-il) se fonder sur les informations produites par des porteurs à l’échelle locale (un milieu de vie, une catégorie de population, un quartier) ? Ces questions se posent dans plusieurs cas de figures, qui ont pour point commun le besoin d’une vision intégrée des territoires et des acteurs. Nous en avons choisi deux à l’échelle du territoire de la Fédération Wallonie Bruxelles.

Le premier cas de figure est l’encodage des données des bilans de santé par les services de promotion de la santé à l’école (SPSE). Ce travail est une mission décrétale des services (« L’établissement du recueil standardisé d’informations sanitaires doit contribuer à une définition des besoins locaux en matière de santé et à l’élaboration d’une politique communautaire pour la santé des jeunes »). Les données doivent donc servir un double but, le pilotage de la politique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que la mise en place et le suivi des projets des services.

Cette mission et ce double but semblent aller de soi : les services sont en contact avec les enfants en âge scolaire, ils sont en bonne position pour observer; il leur suffirait d’utiliser ces informations à leur niveau et de relayer à un organisme centralisateur. Cependant, cela ne va pas sans questionnement sur le sens, les moyens et l’usage de ces données. Les résultats des bilans de santé sont des informations de nature épidémiologique. Suffisent-elles pour construire un projet de service ou piloter un territoire ? Si les indicateurs sont définis et standardisés, la manière de les recueillir et les outils de ce recueil ne sont pas standardisés. Les services disposent de logiciels différents. Aussi existe un questionnement sur l’uniformisation des techniques permettant l’encodage. Tous n’ont pas les ressources et les compétences pour le traitement et l’analyse des données. Certains services s’interrogent sur l’utilisation de ces données dans le cadre de leur projet local: pour l’ensemble des élèves, pour certaines écoles ou pour toutes. La qualité variable des données interpellent certains experts sur la possibilité d’en tirer des informations valides à l’échelle du territoire.

Le deuxième cas de figure est celui de la diversité des porteurs de projet dans un secteur qui fonctionne essentiellement par projets subventionnés. Cette diversité, qui est un vivier de créativité et de qualité, semble assez peu miscible avec les exigences d’une évaluation globale, formalisée qui permettrait un pilotage du secteur. C’est cette difficulté qui est pointée dans l’audit du secteur commanditée par la ministre de la santé. Pour être plus précis, prenons le cas de l’appel à projets communaux pour réduire les inégalités sociales de santé. Comment à la fois soutenir une évaluation solide des projets au niveau des communes en tenant compte d’un budget et d’un laps de temps très limités et en tirer des informations utiles pour une politique de réduction des inégalités sur l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Ces deux cas de figures témoignent des enjeux liés à l’emboîtement des acteurs concernés par l’évaluation ou impliqués par elle sur un territoire donné. L’article aborde successivement trois enjeux de l’évaluation face à la question des territoires: la diversité et l’emboîtement des territoires, la négociation et la participation des parties prenantes dans les différentes composantes de l’évaluation que sont l’identification des données, la construction et l’uniformisation des outils, l’analyse et l’utilisation des résultats et, enfin, la temporalité de l’évaluation.

De la diversité et de l’emboîtement des territoires

Le premier enjeu concerne la signification donnée au territoire et la manière dont on se représente l’emboîtement des territoires à diverses échelles. Quel est le territoire en cause ? Depuis le quartier (le plus petit ?) jusqu’à l’Union européenne (le plus grand ?), les différents territoires sont-ils la somme de leurs parties ? Ou bien chaque territoire ne devrait-il pas être considéré comme une entité à part entière ayant ses propres objectifs, qui ne recouvrent que partiellement les objectifs de ses plus petits ou de ses plus grands composants ?

Une première distinction à faire est de ne pas confondre espace et territoire. Définir un espace géographique de référence doit nécessairement renvoyer à des acteurs. Sans acteurs en capacité de dire et d’agir sur cet espace, il ne saurait y avoir de territoire. Dès lors si certains territoires disposant d’un niveau d’action politique et administratif (communes, régions, états) sont relativement faciles à identifier, il n’en va pas toujours de même pour un service ou une association. Quel est le territoire d’une école ? L’espace physique de l’établissement ou l’espace d’origine des élèves ? Quel est le territoire d’un service de promotion de la santé à l’école ? L’ensemble des territoires des écoles, des élèves, de son pouvoir organisateur ? Il n’y a pas de réponse simple, mais poser la question fait entrevoir la difficulté de la relation entre évaluation et territoires.

L’emboîtement des territoires pose aussi des questions spécifiques. Dans les deux cas cités ci-dessus, pour simplifier, nous n’avons considéré que deux niveaux. Mais, dans l’usage des données statistiques, la question de l’agrégation de ces dernières se pose sans cesse. La donnée d’un service de prise en charge d’un usager toxicomane va ainsi cheminer du service local (cet usager peut d’ailleurs n’avoir aucun lien géographique direct avec ce service), à la Région, puis au niveau fédéral avant d’alimenter enfin le niveau européen, voire mondial.

Et dès lors, les informations doivent-elles nécessairement parcourir le chemin du plus petit au plus grand, du plus local au plus global ? On rejoint ici le présupposé que la vérité serait dans le contact direct avec la réalité. Moins il y aurait de filtres entre la réalité et sa traduction sous forme de données, plus ces données seraient vraies, mieux elles reflèteraient la réalité.

La mobilisation des partenaires et des citoyens apparaît souvent comme une réponse à cette question «comment gérer le plus grand en exploitant les compétences et les capacités des acteurs des plus petits territoires ?». Cependant, il est important de tenir compte des possibilités de chacun à participer à ce processus d’évaluation et/ou de collecte des données. On surévalue souvent les possibilités de collecte d’informations offertes par la proximité des acteurs avec le terrain. Les contraintes organisationnelles, techniques et éthiques sont nombreuses qui entravent la faisabilité et la validité d’une telle collecte.

Si l’on essaie d’échapper à ces présupposés, les questions se posent en d’autres termes.
De quelles informations un territoire donné a-t-il besoin pour évaluer/piloter/réguler ses actions ? Ces données sont-elles disponibles auprès des acteurs de terrain ? Quel est l’intérêt des acteurs de terrain pour récolter et transmettre ces informations ? Quelles sont les capacités et les possibilités pour les acteurs de terrain de récolter des informations utiles pour le pilotage d’un territoire plus large que leur territoire d’action ? La diversité des intérêts en jeu et des objectifs des différents territoires rend nécessaires la négociation et la concertation.

Trois composantes de la négociation et de la participation : l’identification des données, la construction d’outil et la communication des résultats

Dans un système d’évaluation «territorialisé», ces trois composantes devraient être animées par un mouvement de «va et vient».

Identifier les données

L’enjeu est d’identifier les données qui répondent à trois exigences: disponibilité, faisabilité et validité (sens) à la fois pour les acteurs de terrain et les acteurs territoriaux. Toute donnée «théoriquement» disponible à l’échelle locale doit être interrogée en termes de faisabilité et de sens pour l’acteur local comme pour l’acteur d’un territoire plus large. Certaines données qui ont du sens à une échelle territoriale ne devraient pas nécessairement être recueillies au niveau local, si la faisabilité ou l’utilité en sont trop faibles à ce niveau.
Quelles sont les données que les acteurs de terrain peuvent injecter dans une évaluation à l’échelle d’un territoire ? Quelles sont celles qui ne sont pas accessibles autrement et qui seront utiles à une évaluation en vue du pilotage d’un territoire plus large ? La réponse doit venir des acteurs territoriaux, qui, le plus souvent sont aussi les financeurs, mais cette réponse doit être construite avec la collaboration des acteurs locaux.

Pour ce faire, il est indispensable d’interroger les pratiques d’évaluation des acteurs de terrain. Ainsi, par exemple, à l’occasion d’une évaluation du Programme régional de la santé des jeunes en Région PACA (France), les porteurs de projets ont été interrogés sur le type de données qu’ils récoltent spontanément et les contenus sur lesquels elles portent. Ce sont des données quantifiables (nombres de participants aux réunions), des données qualitatives (modification de comportement), des observations indirectes et l’émergence d’outils. Ces données sont celles qui sont à la fois les plus accessibles et les plus faciles à observer pour les porteurs de projet. Parmi les observations spontanées, pour peu qu’elles soient formalisées et validées, quelles sont celles qui pourraient servir à l’évaluation d’un territoire englobant ?

Construire et formaliser des outils

D’une part, les actions menées sur le terrain par les porteurs de projets locaux sont génératrices de données d’évaluation qui, par manque de moyens, de temps et de compétences, restent souvent inexploitées. D’autre part, une évaluation qui agglomère les informations de plusieurs territoires locaux ne peut être menée sans le recueil systématisé de données valides liées à des indicateurs standardisés. L’utilisation de données issues du terrain pour une évaluation globale ne peut donc se concevoir sans une formalisation des outils de récolte des données pour garantir la comparabilité. Cette construction formelle d’outils doit permettre la récolte, la transmission et l’analyse des données/informations standardisées.

Ce travail de formalisation comporte deux écueils. Le premier écueil est celui de la cohérence de la formalisation avec la perception que les porteurs de projet ont de leur action. L’outil formalisé propose (impose parfois) une grille de lecture qui ne peut pas être appliquée telle quelle par les porteurs de projet sans le risque de modifier soit leur action soit les données introduites (on remplit une obligation en biaisant les réponses, en «remplissant les cases»). Sans précautions, l’évaluation ne reflète pas l’action ou pire elle induit l’action. Dans les deux cas l’information récoltée a peu d’intérêt pour le pilotage d’un programme. En effet, nous pouvons nous interroger sur la validité des données fournies et sur la justesse des analyses et des conclusions qui en sont issues.

Des méthodes existent pour formaliser un recueil de données au départ de la complexité des observations des acteurs de proximité.
Par exemple, l’ethnométhodologie permet de faire émerger les données à partir du vécu et de l’expérience des acteurs. Partant d’un relevé écrit des incidents et situations considérés par une équipe comme des indicateurs de la pertinence et de l’impact de leur action, des «allers et retours» ont été réalisés entre trois points: la formulation de critères en relation avec ces énoncés, l’approbation de cette analyse par l’équipe et enfin la mise en relation avec les objectifs généraux du programme. Au final, ces «allers et retours» ont assuré la construction participative d’une grille d’évaluation ayant un sens pour les acteurs de terrain de cette équipe. Si l’ensemble des acteurs concernés adoptent la grille, elle permettrait de recueillir des données valides et fiables qui pourraient être intégrées dans l’évaluation d’un programme sur un territoire global (G. Absil, Santé de l’homme, n° 390, 2007).

Le deuxième écueil est celui de l’intégration des outils dans la pratique ou dans le temps de travail. On a vu ci-dessus que si la formalisation est très éloignée de la perception que les porteurs de projet ont de leur action, les outils ne seront pas utilisés. Ils le seront encore moins si les porteurs de projets ont le sentiment que l’application de ces outils «vole» du temps qui serait mieux investi dans l’action. Pour pallier cette difficulté, les outils doivent leur permettre d’engranger des informations nécessaires à l’évaluation de leur propre projet. Enfin, pour être utilisables au quotidien, les outils doivent offrir une possibilité d’encodage équilibrée entre systématisation et homogénéisation d’une part (diminuer les différences interindividuelles ou temporelles dans la sélection des informations à encoder) et souplesse (laisser place à une certaine spécificité pour prendre en compte des cas très particuliers, ne pas forcer l’encodage quand ce n’est pas adéquat).

Analyser et utiliser les résultats

L’exploitation des données à un niveau global soulève aussi des questions: celle de l’analyse et du retour vers l’échelle locale, celle de la possibilité pour les porteurs de projet de se situer par rapport aux indicateurs globaux ou des acteurs territoriaux de situer l’action locale, et enfin la transparence sur la prise de décision à partir de ces analyses.

Ainsi, les acteurs, locaux et territoriaux, injectent des informations sur des objets dans le système d’évaluation en fonction de leur utilité pour un programme territorialisé (local et global). En échange, l’évaluation devrait fournir aux acteurs locaux des informations qui fassent sens pour leur action locale et leur permettent d’identifier les questions posées par le pilotage local.

L’évaluation peut aussi permettre aux porteurs locaux de comparer leurs actions par rapport à l’indicateur global. Cette comparaison peut être porteuse de nouvelles questions évaluatives ou de réorientation des actions. Mais elle peut aussi permettre une relativisation des résultats. Les acteurs locaux pourraient ainsi constater que ce n’est pas leur action en elle-même qui n’est pas performante mais qu’une tendance plus lourde indépendante de l’action, est à l’oeuvre.

Par ailleurs, une évaluation territoriale construite sur la base de données locales comparables peut offrir au pilote global une vision fine des phénomènes et de leurs évolutions pour des impulsions beaucoup mieux adaptées à la variabilité des situations. Mais il importe que les acteurs locaux puissent appréhender comment ces informations s’intègrent dans le pilotage d’un niveau territorial plus global. Un processus «d’aller et retour» doit donc être mis en place entre les données issues des pratiques du terrain et leur utilisation en termes de décision par les territoires globaux.

À l’échelle d’un territoire donné, il est nécessaire de penser la communication des résultats de l’évaluation et des prises de décision qui en découlent. «Vous avez participé à tel forum sur, à telle enquête sur… voilà ce que nous en traduisons et voilà les décisions que nous prenons» (dans une version plus élaborée, une étape «Êtes-vous d’accord avec notre traduction» devrait être envisageable avec des modalités en fonction de la taille du territoire).
Une évaluation explicite communique comment les résultats ont mené à une prise de décision. L’explicitation répond à une volonté de transparence, certes. Mais surtout, nous pensons qu’elle permet de rendre un pouvoir de décision aux acteurs de terrain. Une fois les données transmises, le processus d’analyse tend à leur échapper. Expliciter le lien entre les données et la prise de décision revient à donner aux acteurs de terrain un droit de regard sur l’utilisation des données qu’ils produisent. C’est aussi montrer que les données ne sont pas lettre morte, qu’elles nourrissent une évaluation qui sert la société et ses acteurs.

Temporalité de l’évaluation

Fernand Braudel percevait la réalité historique comme la présence simultanée de durées qu’il distinguait scientifiquement: une longue, multiséculaire; une courte, pouvant comprendre quelques décennies; et une événementielle, d’une année ou même d’un mois. L’analyse historique devait se confronter ainsi à des rythmes différents afin de percevoir ce qui est structurel, conjoncturel ou, simplement, événementiel. L’évaluation devrait elle aussi se confronter à ces rythmes.

Certes, l’implantation, les effets et les impacts d’une politique de santé peuvent se mesurer à intervalles réguliers. Cependant, il est souhaitable que les procédures d’évaluation correspondent à l’échelle temporelle du territoire, c’est-à-dire à l’échelle de la pérennité des institutions qui le définissent et pas seulement à l’échelle des gouvernements qui en ont la gestion. Or l’évolution des territoires s’inscrit plutôt dans une temporalité très longue. Dans cette temporalité propre au territoire, le paysage des acteurs de terrain est mouvant. Comment gérer la disparition de certains et l’arrivée d’autres? Comment le processus d’évaluation pourra-t-il mettre en place une pédagogie qui permette aux nouveaux de trouver une place dans un système qui aura été créé sans eux ?

Réfléchir l’évaluation à partir des territoires

En conclusion, il nous semble nécessaire de distinguer les évaluations de projet et l’évaluation des politiques publiques qui ne reposent pas identiquement sur les mêmes critères, indicateurs et données. L’enjeu est alors de définir quelles sont les données utiles pour chaque niveau de politique et de mettre en place un système efficace de transmission d’informations standardisées vers les centres de décisions ainsi qu’un retour vers les acteurs ou les citoyens sous forme de décisions motivées. La construction d’outils pourrait permettre aux acteurs d’apporter des données utiles et valides pour l’évaluation de politiques publiques. Nous plaidons donc pour la mise en place d’évaluations territorialisées co-construites par les acteurs, tenant compte de la nature des données (épidémiologiques, d’activités, de résultats…), de leurs modes de récolte et d’analyse et des niveaux territoriaux impliqués. Croire qu’un enregistrement en routine d’information sur le fonctionnement des services peut servir à la fois à un contrôle comptable, au pilotage d’un programme et à la gestion d’une politique reste encore trop fréquent.

Par ailleurs, la participation des acteurs de terrain à une évaluation de politique publique devrait inclure des acteurs diversifiés (décideurs, professionnels, citoyens) représentatifs de la diversité des territoires. Pour ce faire, il serait nécessaire de faire précéder l’évaluation de sensibilisations et de formations, avec l’objectif d’inscrire une culture de l’évaluation entre les acteurs sur un même territoire.

Cet article est une version actualisée d’un texte posté sur E-Colloque 3: les enjeux de l’évaluation (E-colloques pour une Charte Sociale Wallonne), 2005
Gaëtan Absil , APES-ULg, Michel Demarteau , PhD, Observatoire de la santé du Hainaut

L’évaluation des politiques publiques

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

L’évaluation est entrée dans le langage courant de la communication politique, bien plus elle tend à s’affirmer dans les pratiques d’une bonne gouvernance.

L’évaluation des politiques vise à la fois à apprécier la valeur d’une action publique et à enrichir le débat public sur ces mêmes politiques. L’évaluation des politiques publiques peut se décliner selon plusieurs modalités : le contrôle et la sanction (vise la conformité à la réglementation), le pilotage et la gestion (suivre l’exécution des actions), l’audit et la correction (réduire les risques), la décision stratégique (optimiser les effets par rapport aux besoins, expliquer les écarts entre effets attendus et atteints). Cette évaluation se caractérise aussi par une ouverture aux sciences politique et économique.

Un des enjeux des évaluations des politiques publiques réside dans une tension entre une technocratisation de l’État, où l’évaluation serait une affaire d’experts et de spécialistes (souvent au nom de la complexité du monde et de la spécialisation des savoirs) et le débat démocratique, où l’évaluation sert au peuple comme contrôle sur les élus et représentants. Champs d’expression des tensions entre différentes visions de la société, entre différentes positions institutionnelles, entre décideurs au niveau global et opérateurs de proximité ou opérateurs à des niveaux intermédiaires, les politiques publiques offrent un terrain particulièrement adéquat aux approches d’évaluation négociée. Ainsi, la collecte de données utiles au pilotage de la politique de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles suppose d’articuler les enjeux de l’action locale et de la gouvernance plus globale. L’article de Gaëtan Absil et Michel Demarteau illustre et analyse les objets et processus de négociation pour ce faire.

Allant plus loin que l’approche négociée, pour accentuer les dimensions émancipatrices de l’évaluation, Noémie Hubin expose quel protocole d’évaluation a été mis en place dans le cadre du dispositif pilote des Cellules bien – être à l’école. Ce protocole vise à laisser émerger, sans a priori, au départ des actions locales, ce que seront les repères d’une future action publique en ce domaine. Il permet aussi d’outiller les différents acteurs, depuis les partenaires des communautés éducatives jusqu’aux services du Gouvernement et aux conseillers politiques, afin qu’ils participent à la formalisation progressive de ces points de repères.

Ni négociée, ni émancipatrice, l’évaluation du premier PNNS belge est centrée sur la structure et les modalités de gestion d’un plan de santé publique et repose sur des analyses qualitatives. Ce faisant, elle offre une réelle occasion de réflexion formative sur les valeurs opératoires et mobilisatrice d’un outil de gestion de l’action publique de plus en plus fréquemment utilisé.

De telles approches de l’évaluation seront d’autant plus fructueuses que se développe aux différents paliers de l’action publique une culture de l’évaluation, fondée sur une initiation théorique et technique, mais surtout sur une approche concrète des démarches démocratiques et pluralistes de l’évaluation.

S’il est opportun de développer une culture de l’évaluation auprès des décideurs et acteurs administratifs (comme tente de le faire le certificat universitaire présenté par Catherine Fallon), dans le même mouvement, il est intéressant d’inciter les citoyens et les opérateurs de proximité à s’approprier les évaluations, à mieux comprendre leur réalisation et leur finalité. L’appropriation de l’évaluation devient ainsi un acte de citoyenneté, offrant la possibilité d’une critique constructive et argumentée des substrats des décisions politiques et sociétales.

C’est donc pour densifier le tissage de cette culture commune que nous incitons les lecteurs d’Éducation santé à découvrir ces quelques cas d’évaluation des politiques publiques.

Réforme de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles : état des lieux

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

L’an dernier, la Ministre de la Santé Fadila Lanaan rendait public un rapport d’évaluation des dispositifs de politique de santé en Communauté française (1). Ce rapport, relativement critique, suscita beaucoup de réactions, tant de la part des travailleurs concernés que de la classe politique francophone. Éducation Santé s’en est fait l’écho en son temps.

Fadila Laanan déclarait à l’époque qu’elle s’attelait à une révision en profondeur de ces dispositifs légaux et réglementaires. «Les recommandations vont permettre à la Communauté française de clarifier l’exercice de ses compétences en matière de santé, de renforcer la cohérence, la lisibilité et la transparence des dispositifs, d’améliorer le fonctionnement des opérateurs et enfin de définir un mode de pilotage et de suivi permanent», précisait la Ministre. «Sur le plan de la transparence et de la lisibilité des dispositifs, j’ai l’intention de rassembler les textes en un seul décret, le code de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce code rassemblera non seulement dans un ordre logique les divers textes législatifs traitant de la politique de santé mais surtout, il dégagera des principes communs aux textes existants et indiquera les lignes de force de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Je veillerai également à ce qu’il puisse évoluer en fonction de l’émergence de problématiques nouvelles et à pouvoir y intégrer de nouvelles compétences, le cas échéant, sur base d’un nouvel accord institutionnel.
Par la suite, il sera nécessaire d’y greffer des arrêtés d’application afin de mettre en œuvre les différents programmes de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Sur le plan de l’organisation des structures et de la coordination des politiques contribuant à la santé pour tous, j’analyse actuellement la possibilité de confier à un organisme spécifique, qui serait à créer le cas échant, un rôle de documentation, de sensibilisation, de coordination, de pilotage et d’évaluation des politiques de santé.»

La Ministre espérait pouvoir déposer son avant-projet de décret en janvier 2012 afin que le nouveau texte soit opérationnel à partir de 2013.

Gestation plus longue que prévue

Où en est le nouveau code de la santé à l’automne 2012 ?
À l’heure où nous rédigeons ces lignes (octobre 2012), l’avant-projet n’a pas encore été déposé, il semble donc que l’élaboration du texte ait pris un certain retard par rapport au calendrier souhaité initialement par la ministre.

Parmi les explications de ce retard, on peut imaginer que l’ampleur de la tâche a été quelque peu sous-estimée au départ. Après tout, il s’agit de rendre cohérent l’ensemble des textes légaux ayant trait aux compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de santé, et cet exercice n’est pas purement formel; le nombre et la virulence parfois des réactions à l’initiative ministérielle ont également poussé la ministre à prendre le temps d’expliquer sa démarche, tant vis-vis des travailleurs du secteur que du monde politique et des médias.

Le Conseil supérieur de promotion de la santé avait recommandé que la ministre dégage des moyens pour une étude de faisabilité des modifications à introduire dans le futur décret. Cela ne s’est pas fait, et il a donc dû pallier vaille que vaille l’absence d’une concertation plus large et d’une telle étude (2).

La ministre a toutefois tenu à associer le Conseil au travail de rédaction du décret via la mise en place d’un Comité de liaison issu de celui-ci et chargé de faire le lien entre son cabinet et l’organe d’avis. Évidemment, ce type de concertation ne se fait pas en un jour ou deux et implique quelques allers-retours entre le ‘politique’ et les ‘professionnels’.

Concrètement, cinq membres du Conseil supérieur de promotion de la santé ont été élus par leurs pairs pour cette tâche de liaison (3), et la consultation a démarré le 19 janvier 2012. Depuis cette date, moyennant le respect d’une exigence ministérielle de stricte confidentialité, le Comité a eu plusieurs occasions d’exprimer des remarques et des critiques, mais aussi de faire des suggestions à plusieurs phases de l’écriture du décret, depuis l’architecture générale du texte jusqu’à un ‘brouillon’ assez élaboré, rédigé juste avant les grandes vacances.

Les mois d’été ont été mis à profit par le Comité de liaison pour structurer remarques et suggestions avec l’appui d’un groupe de travail du Conseil qui a pu fonctionner malgré cette période particulière de l’année et s’est réuni à deux reprises.

Dans un courrier adressé à la ministre avec ses remarques, le Comité de liaison écrivait : «La réunion de l’ensemble de ces textes en un seul code permet aux uns et aux autres de mieux prendre conscience des contraintes de leurs champs de travail respectifs. L’exercice illustre des points de tension qui méritent une attention accrue. Cet important travail législatif ouvre donc une réelle opportunité de rendre plus cohérente l’application des différentes compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles.»

Ainsi, le Comité de liaison est intervenu pour :
– suggérer des concepts, des définitions ou des cadres de référence communs aux enjeux de promotion de la santé et aux compétences de la Communauté française;
– se projeter dans les implications concrètes des textes proposés pour en estimer les limites, les incohérences, les faiblesses et les atouts eu égard aux motivations de ce renouvellement législatif et aux modalités de fonctionnement habituelles des opérateurs;
– recueillir les avis d’opérateurs spécialisés sur des portions de texte les concernant particulièrement;
– traduire dans les textes les recommandations émises par le Conseil dans ses avis à propos de l’évaluation du dispositif actuel et du projet de code de la santé.

On a pu reprocher à Fadila Laanan d’avoir bouclé l’évaluation sans donner au secteur l’opportunité de nuancer le dossier. En ce qui concerne le futur code de la santé, on ne pourra pas lui imputer pour de mauvaises raisons le retard pris par rapport au calendrier qu’elle a fixé elle-même. Une place réelle a en effet été accordée à la consultation dans le processus de rédaction du code de la santé. Cette consultation sur base de l’avant-projet de texte ne s’est d’ailleurs pas limitée au seul Conseil supérieur via son Comité de liaison, elle a visé aussi d’autres acteurs.

Les grandes lignes du futur décret : encore un peu de patience !

Il est prématuré de donner aujourd’hui (4) une description précise d’un texte qui n’a pas encore été finalisé ni d’ailleurs soumis au Conseil supérieur de promotion de la santé et au Conseil d’État et qui n’a pas encore été non plus présenté au Gouvernement et au Parlement.

Quant à l’aboutissement du processus, on peut raisonnablement estimer que le texte sera voté courant 2013, avec entrée en vigueur fin 2013 ou début 2014, soit quelques mois avant le terme de la législature actuelle.
Le secteur de la promotion de la santé, déjà passablement secoué en 2011, devra donc encore vivre plusieurs mois dans l’incertitude.

La maturation du texte du décret est plus longue que prévu au départ, ce qui semble plutôt positif au Comité de liaison. Mais il n’est pas possible d’ignorer les difficultés que cela soulève dans le travail quotidien des acteurs de promotion de la santé.

Comment la transition du dispositif actuel vers le ‘nouveau paysage’ se dessinera-t-elle ? Quid du programme ‘quinquennal’, prolongé plusieurs fois depuis 2008 ? Qu’en est-il aussi (surtout) de la continuité des financements durant cette période qui se prolonge ?

Les travailleurs de plusieurs services vivent dans l’inconfort de préavis et craignent de se retrouver sans emploi pendant de longs mois si ceux-ci viennent à échéance avant la mise en application du nouveau décret. En outre, les gestionnaires de services sont contraints de planifier les activités et l’organisation de leurs équipes sur le court terme. Bref, tout le monde souhaite y voir clair !

Dans ce contexte, aux dernières nouvelles Fadila Laanan a l’intention de jouer encore les prolongations, avec une période transitoire qui irait jusqu’en 2015 (sous réserve du vote indispensable d’une petite modification décrétale). De quoi rassurer quelque peu les équipes agréées et espérons-le aussi les porteurs de projets subventionnés…

(1) Voir l’article de Colette Barbier ‘Évaluation des dispositifs de santé en Communauté française: constats et recommandations’, Éducation Santé n° 269, juillet 2011, p. 13 à 15.
(2) Pour en savoir plus sur les réflexions du Conseil supérieur de promotion de la santé:
Évaluation des dispositifs de la politique de santé en Fédération Wallonie-Bruxelles, Chantal Leva, Éducation Santé n° 274, janvier 2012 (avis du 19/8/2011).
Réforme du dispositif des politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles , Chantal Leva, Éducation Santé n° 279, juin 2012 (avis du 17/2/2012).
(3) Il s’agit (dans l’ordre alphabétique) de Christian De Bock, Fabienne Henry, Vladimir Martens, Bernadette Taeymans et Chantal Vandoorne.
(4) Ce texte est rédigé le 10/10/2012.

La philosophie de travail des centres locaux de promotion de la santé (CLPS)

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Cet article reproduit de larges extraits d’un document rédigé dans le cadre des travaux préparatoires du futur «Code de la santé» de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il nous a semblé important de le partager avec nos lecteurs dans la mesure où il propose des éléments de fond à notre réflexion, détachés d’un contexte événementiel par définition transitoire.

Six axes transversaux fondent la philosophie de travail des CLPS : la prise en compte des déterminants de la santé et la mise en œuvre des stratégies pour réduire les inégalités sociales de santé; l’implantation et le renforcement des stratégies de promotion de la santé et plus particulièrement l’intersectorialité, la participation et les partenariats et les milieux de vie; la mobilisation des acteurs et des ressources des territoires pour le développement de dynamiques locales de promotion de la santé; le fait de favoriser un service équitable pour tous les professionnels des différents secteurs sur tout le territoire; le renforcement de l’accessibilité des concepts et stratégies de promotion de la santé par la communication et la valorisation des projets locaux; l’augmentation des compétences et de la capacité d’action des acteurs locaux par la formation et l’éducation permanente.

Prendre en compte les déterminants de la santé et mettre en œuvre des stratégies pour réduire les inégalités sociales de santé

Selon l’Organisation mondiale de la santé, ce sont les déterminants sociaux qui influencent le plus la santé (Déterminants sociaux de la santé. Les faits, OMS, 2004): « On estime à l’heure actuelle que seulement une faible part des problèmes de santé trouve une solution dans le cabinet du médecin. Les autres problèmes sont influencés par ce qu’on appelle les déterminants de la santé. Parmi ceux – ci, on sait maintenant que ce sont les déterminants sociaux qui ont le plus grand impact».

D’autre part, la littérature nous indique que les interventions visant à réduire les inégalités sociales de santé peuvent se répartir en quatre catégories ( Concepts and principles for tackling social inequities in health , Dahlgren G., Witehead M., 2007) :
– renforcer les capacités et les compétences des individus;
– renforcer les communautés;
– améliorer les conditions de vie et de travail;
– promouvoir des mesures politiques favorables à la santé.

C’est dans ce cadre que les CLPS développent des partenariats avec les acteurs locaux dont les activités tendent à agir sur les déterminants sociaux de la santé, ou qui travaillent spécifiquement avec les publics qui subissent le plus les conséquences de ces inégalités (organismes d’insertion socioprofessionnelle auprès de publics spécifiques tels qu’ex-détenus, sans-abri, personnes en grande précarité…).

L’objectif du développement de ces partenariats est de proposer aux acteurs :
– de situer les activités dans une analyse globale du contexte socio-économique permettant de prendre en considération les différents déterminants de la santé;
– d’intégrer des stratégies et des priorités de promotion de la santé dans leurs activités sociales (exemple: stratégie d’actions communautaires, priorité de lutte contre les inégalités sociales).

Le souhait des CLPS est toujours de maintenir les collaborations existantes et de développer de nouveaux contacts. Cette démarche et ces collaborations visent à :
– systématiser la question des publics fragilisés dans les projets locaux de promotion de la santé;
– créer ou renforcer les synergies entre ces acteurs (en fonction de priorités, de publics, de milieux de vie…);
– proposer une approche en promotion de la santé dans les pratiques de ces acteurs;
– faire des liens avec le travail réalisé par d’autres acteurs sur les inégalités sociales de santé. Un exemple, l’outil « lentille ISS » ( https://www.inegalitesdesante.be ) de la Fondation Roi Baudouin;
– accompagner une réflexion sur l’évaluation de l’effet des actions sur les inégalités de santé (définition des indicateurs d’impact, identification des processus qui fonctionnent et de ceux qui ne fonctionnent pas…).

Initier et renforcer les stratégies de promotion de la santé et plus particulièrement l’intersectorialité, la participation et les partenariats et les milieux de vie

En ce qui concerne l’intersectorialité et le partenariat, cette stratégie découle de la conception multifactorielle et donc intersectorielle de la santé, qui caractérise la promotion de la santé. Elle cherche à créer les conditions d’une action plus globale et donc adaptée à la complexité des réalités en créant des modes de concertation réunissant des partenaires provenant de divers secteurs: social, culturel, environnemental et économique.

Les CLPS, dans le cadre de démarches proactives ont l’objectif de favoriser le décloisonnement, l’élargissement du cadre de référence, la mise en commun de ressources diversifiées, la coordination des actions menées au sein des différents secteurs, la diffusion de messages cohérents…

Cette démarche d’intersectorialité est un travail de longue haleine. Intéresser ces secteurs aux questions de promotion de la santé et de qualité de vie prend du temps et passe par des étapes préalables: renforcement de la crédibilité des CLPS, reconnaissance de leur rôle d’interlocuteur privilégié, argumentation autour de la pertinence de l’approche intersectorielle, recherche de points de complémentarité entre les secteurs…

En ce qui concerne les démarches participatives, la définition même du concept de promotion de la santé, fait que leur appropriation par les acteurs locaux est une stratégie prioritaire à laquelle les CLPS tentent de répondre.
Dans l’objectif de les intégrer progressivement dans les actions/projets, les CLPS questionnent systématiquement la participation des usagers, habitants, citoyens (lors de concertations, de suivis méthodologiques…). Ce questionnement permet de soulever :
– les résistances des professionnels à mettre en œuvre des démarches participatives (ainsi que les raisons de ces résistances);
– la méconnaissance du processus participatif par une partie des acteurs de terrain;
– la représentation parfois erronée de l’impact de la participation sur les habitants, sur les projets…

Il met également en lumière les moyens à développer pour soutenir les démarches participatives: formations, sensibilisation/argumentation, présentation d’outils pratiques…

Mobiliser les acteurs et les ressources des territoires pour le développement de dynamiques locales de promotion de la santé en tenant compte de leurs spécificités

Aborder la promotion de la santé au niveau local implique de réfléchir à la notion du territoire pertinent sur lequel agir. Cette dynamique territoriale peut s’envisager à différentes échelles (quartiers, communes, bassins de vie…). Elle va mobiliser les acteurs locaux concernés (acteurs publics, privés, associatifs, citoyens…) sur le développement de projets partagés et élaborés en commun.

Dans ce cadre, l’appui proposé par les CLPS a pour objectif le développement de la qualité et de l’efficacité des interventions mises en œuvre, celles-ci s’appuyant sur les stratégies suivantes :
– intégrer une démarche de promotion de la santé dans un processus de développement local, en prenant en compte l’action communautaire, l’amélioration du milieu de vie, le développement des aptitudes individuelles et sociales, la réorientation des services de santé et l’élaboration d’une politique publique saine (stratégies définies par la charte d’Ottawa);
– reconnaître, porter et animer cette démarche au départ d’un dispositif organisé;
– répondre à des besoins prioritaires locaux, identifiés au travers de diagnostics quantitatifs et qualitatifs;
– encourager et organiser la participation citoyenne;
– veiller au travers des interventions à réduire les inégalités sociales de santé.

La démarche des CLPS est d’apporter un soutien dans le développement des projets locaux. Concrètement, ils proposent un accompagnement méthodologique au fur et à mesure des étapes des interventions; une recherche de partenariats intersectoriels; une mise à disposition de supports et d’outils; un accompagnement à la prise de décision, à l’animation et à l’évaluation des interventions; une réflexion sur les implications et la mise en œuvre de processus participatifs des citoyens.

Les CLPS aident aussi les projets locaux à développer leurs capacités et leurs compétences, par l’offre de réponses collectives aux besoins exprimés; l’organisation d’espaces d’échanges d’expériences; l’organisation de formations en lien avec les attentes formulées.

Enfin, les CLPS appuient également les politiques communales de santé: « L’élu local est en première ligne. Il connaît sa ville et les personnes qui l’habitent. Il connaît les quartiers qui la composent. Dans ses relations entretenues avec les habitants et ses groupes, avec les acteurs des mondes sociaux, sanitaires, économiques, culturels, sportifs… des questions de santé fortement identifiées ou non, apparaissent au quotidien. En réponse aux besoins repérés, – le maire, ses adjoints, les conseillers municipaux – forts de cette connaissance des modes de vie, des équipements et services communaux, des actions de proximité, occupent une place privilégiée et disposent d’atouts pour agir» (L’élu local, un promoteur de santé, Rubrique Repères pour agir en promotion de la santé, n ° 7, page 1, février 2009).

Comme le montre cette citation, le développement de la santé et de la qualité de vie des habitants d’une commune est l’affaire de tous: les citoyens, les associations, les entreprises, les institutions et les élus locaux.

Ces derniers ont en effet en mains les clés pour agir dans les matières dont ils ont la responsabilité : l’environnement, l’éducation, l’urbanisme, la mobilité, le social, la culture, le logement, le sport… ayant toutes une influence positive ou négative sur la santé et la qualité de vie des citoyens.

Favoriser un service équitable pour tous les professionnels des différents secteurs sur tout le territoire

Cela ne peut se faire qu’en tenant compte des difficultés de mobilité et en formulant des offres décentralisées de manière à être attentifs à l’accessibilité de leurs services.

Renforcer l’accessibilité des concepts et stratégies de promotion de la santé par la communication et valoriser les projets locaux

Les CLPS déploient différentes actions de communication permettant de mettre en évidence et de faire connaître leurs services et leurs activités, et de développer ou d’entretenir des contacts (locaux, régionaux et internationaux).
Cette dynamique leur permet de diffuser de manière récurrente des informations scientifiquement fiables et accessibles au grand public; de multiplier les lieux où il est possible de réfléchir et de faire émerger des actions sur les questions liées à la santé et au bien-être des personnes; de renforcer la visibilité et la notoriété de leurs partenaires; de renforcer leur rôle de centralisation et de diffusion de l’information.

Augmenter les compétences et la capacité d’action des acteurs locaux par la formation et l’éducation permanente

Les CLPS mettent en place des formations en promotion de la santé en réponse aux besoins et aux préoccupations des professionnels. Ces formations ont pour finalités d’intégrer la promotion de la santé dans les pratiques quotidiennes par le biais de l’utilisation d’outils; de développer de nouvelles compétences sur le terrain en terme de savoir, savoir-faire et savoir-être; de soutenir le développement de projets et d’initiatives locales.

Réforme du dispositif des politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Réflexions du Conseil supérieur de promotion de la santé

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Ce texte est le fruit d’une réflexion entamée par le Conseil en octobre 2011. Son objectif est de pointer les éléments fondamentaux qui devraient être pris en compte dans la réforme du dispositif des politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Cet avis d’initiative soutient les réflexions du Comité de Liaison (1) mis en place par le Conseil à la demande de Madame la Ministre en novembre 2011. Ce Comité de liaison est une délégation du Conseil qui accompagne l’écriture du code de la santé entrepris par la Ministre.

Préalables

Le Conseil soutient l’intérêt d’une réforme du dispositif organisant le secteur de la promotion de la santé et les politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans cette perspective, il insiste sur l’importance de prendre en compte la complexité des leviers de la promotion de la santé et sur l’importance d’avoir une vision systémique, que ce soit en veillant à l’articulation des missions comme à l’articulation des «opérateurs» entre eux.
Il privilégie un processus d’élaboration des politiques à partir d’une approche «bottom up» plutôt que «top down», respectant en cela un des principes de base de la promotion de la santé: la participation des publics et des acteurs à la définition des besoins et à la mise en œuvre des politiques.
Le Conseil souligne la nécessité de mettre sur pied un système de pilotage de la politique de promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin de mesurer l’impact notamment en termes de réduction des inégalités sociales de santé et d’accès universel aux offres et services de santé et de promotion de la santé. Il a élaboré dans le passé un document déclinant différents aspects nécessaires à la bonne gestion d’une politique de promotion de la santé au bénéfice de tous (Plan directeur pour la construction d’un système d’information sanitaire en Communauté française, février 2003, document du CSPS).
Le Conseil insiste également sur la nécessité d’octroyer des budgets à la mesure des bénéfices de santé qui résulteraient d’un redéploiement conséquent des programmes de promotion de la santé.
Introduction

Ce document pointe la nécessité de mener certaines analyses opérationnelles pour pouvoir construire la réforme du dispositif. Le Conseil a ainsi réfléchi autour de trois questions qui fondent la promotion de la santé.
-Quels éléments doivent être clarifiés pour arriver à une plus grande universalité de l’offre en promotion de la santé?
-Comment arriver à une meilleure participation de la société civile à la prise de décision sur les priorités de promotion de la santé? Quels sont le rôle et la place d’un Conseil dans ce processus?
-Quelles analyses devraient être menées pour définir de façon opérationnelle les fonctions d’un organisme de pilotage, de telle manière qu’il apporte une réelle plus-value quant à la performance du dispositif de promotion de la santé?
Le texte qui suit développe ces questions et avance certains éléments de réponse.
Quels éléments doivent être clarifiés pour arriver à une plus grande universalité de l’offre en promotion de la santé?

Le Conseil suggère de considérer l’universalité des services en promotion de la santé en prenant en compte le rôle réel et potentiel des différents échelons d’action: au niveau local, intermédiaire et central.
Dans le dispositif actuel, il n’existe pas d’obligation d’offrir un service universel minimum de promotion de la santé à l’ensemble de la population. Or il s’agit d’un enjeu capital si on souhaite avoir un impact sur la santé de la population (2). Dans cette perspective, pour déboucher sur une universalité et une non-discrimination dans les interventions, il s’agit de prendre en compte les populations à besoins spécifiques, compte tenu des différences et des vulnérabilités psychiques, mentales, physiques (sensorielles et motrices), sociales, culturelles et de genre.
Un véritable service universel, non-discriminant, nécessite de prendre en compte la mise en place d’actions positives pour établir une égalité des chances pour les populations présentant des vulnérabilités.
La question qui se pose est le comment de la mise en place de tels dispositifs et avec quels moyens. C’est au niveau local et au niveau des communautés de vie que ces interventions sont les plus efficaces. Comment mettre en place un système qui garantisse, dans tous les milieux de vie et pour toutes les populations, ce service minimum de promotion de la santé? Cette question de l’universalité se pose également au niveau d’autres institutions/services… comme par exemple les écoles, les crèches, les communes, la PSE…
Actuellement, on constate que l’offre en matière de promotion de la santé est très variable et hétérogène en fonction des territoires et des populations concernées. Comment améliorer et renforcer par un soutien et une expertise l’action au niveau local? Et comment s’assurer que ce niveau intermédiaire de soutien bénéficie d’une certaine permanence?
Le Conseil suggère de mettre à profit dans cette réflexion l’expérience des services agréés et des Centres locaux de promotion de la santé ainsi que des acteurs et organismes relais intervenant sur l’une ou l’autre thématique ou pour l’une ou l’autre population.
Quel rôle pourrait donc jouer un organisme central pour stimuler les actions de terrain? Quelle sera la chaîne d’intervention qui permettra de favoriser un aller-retour entre le niveau local et le niveau central en prenant en compte les populations les plus vulnérables et les plus discriminées en matière de bien-être et de santé?
Un défi à relever est de donner une meilleure visibilité, plus de clarté et plus d’identité, pour les autres intervenants locaux, de ce que signifie «promouvoir la santé». Comment dès lors, le secteur concerné peut-il davantage développer un plaidoyer en faveur de la promotion de la santé à l’instar de ce qui se fait en matière de cohésion sociale ou de développement durable où beaucoup d’initiatives sont prises au niveau local?
Notons que la publication et la diffusion par le Collectif des acteurs de promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’un plaidoyer intitulé ‘ La santé partout et par tous ! Pour une politique exigeante’ (3) est un pas dans cette direction, témoignant d’une organisation croissante du secteur pour faire connaître ses principes d’action et pour encourager des démarches intersectorielles aux différents niveaux d’action politique et citoyenne. Dans le même ordre d’idées, on peut citer la publication du Comité de concertation des CLPS ‘ La promotion de la santé , vous connaissez ? ’ .
Une meilleure compréhension des moyens d’action et des priorités d’une politique de promotion de la santé pourrait jouer en faveur d’une plus grande universalité de l’offre et des services en promotion de la santé. Cela nécessite des moyens sans devoir sacrifier d’autres priorités. Actuellement, les ressources disponibles pour le secteur ne permettent pas de rencontrer cet objectif d’universalité. Comment s’assurer que les ressources soient suffisantes afin d’offrir un service de qualité en promotion de la santé où que l’on se trouve en Fédération Wallonie-Bruxelles et quelles que soient les caractéristiques des populations?
Comment arriver à une meilleure participation de la société civile à la prise de décision sur les priorités de promotion de la santé? Quels sont le rôle et la place d’un Conseil dans ce processus ?
Dans un souci de cohérence avec la démarche participative que revendiquent les acteurs en promotion de la santé, le Conseil est particulièrement soucieux des mécanismes qui seraient mis en place pour que ces décisions concernant les priorités en promotion de la santé ne soient pas uniquement portées par les professionnels du secteur. Il s’agit dès lors de s’interroger sur les modes de participation de la société civile en veillant à la représentativité de celle-ci: quels sont les porte-paroles de la société civile, s’agit-il de groupes de citoyens organisés, d’associations, d’élus…?
Un défi de la politique de santé – et du dispositif qui la soutient – serait de concevoir et de mettre en œuvre des processus pour encourager l’expression et la prise en compte de la parole des citoyens, y compris les citoyens ayant des besoins et des attentes spécifiques dus à des vulnérabilités. Et cela tant pour définir les situations à améliorer, les besoins de changement, que pour faire émerger les propositions d’action visant le bien de tous et la santé collective.
Le Conseil souligne l’intérêt de rendre davantage visible la part de l’expression collective dans la prise de décision. Il avance une série d’hypothèses sur ce qui pourrait favoriser la prise en compte des publics et encourager leur participation.
1. Une plus grande visibilité de leur impact sur les décisions pourrait favoriser la participation collective à d’autres concertations. La valorisation des savoirs profanes serait dès lors un facteur de participation.
2. L’éducation de tout un chacun à l’écoute et à l’expression pourrait également contribuer à encourager cette participation. Favoriser le lien entre éducation permanente et promotion de la santé serait soutenant pour amener la société civile à participer aux prises de décision.
Le Conseil s’interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour qu’une méthode participative se retrouve à tous les niveaux de pouvoir. Une attention particulière devrait être portée à l’implication des professionnels «hors secteur» dans cette démarche et plus particulièrement ceux qui sont en contact avec des populations fragilisées comme par exemple: les enseignants, le personnel des crèches, des CPAS, des écoles de devoirs, des AMO, des plaines de jeux, etc.; mais aussi dans des lieux de vie tels que les lieux de travail.
Pour soutenir la participation des publics, des lieux et des acteurs existent – ou sont encore à créer – qui pourraient encourager des méthodes d’expression avec des canaux d’échange et de communication. En ce sens, la multiplication des lieux collectifs et le soutien à ces acteurs qui font remonter la parole des gens, sont essentiels. Localement, les communes pourraient fonctionner également comme des lieux d’expression privilégiés pour faire remonter la parole des citoyens.
En ce qui concerne les décisions sur les priorités politiques et d’action en promotion de la santé, le Conseil se questionne sur le rôle qu’il pourrait jouer pour consolider le processus de participation dans la prise de décision.
Le Conseil pourrait-il être l’instance permettant de récolter la parole et de rendre compte des décisions prises?
Le Conseil veut veiller au respect du principe fondamental évoqué du «bottom up» afin que les différents secteurs et les différentes populations puissent participer aux définitions des politiques d’action et aux dispositifs de décision.

Quelles analyses devraient être menées pour définir de façon opérationnelle les fonctions d’un organisme de pilotage, de telle manière qu’il apporte une réelle plus-value quant à la performance du dispositif de promotion de la santé ?

Depuis des années, des praticiens pointent les difficultés et proposent des solutions mais les moyens manquent. Le Conseil estime qu’une démarche de planification structurelle est certes nécessaire mais il considère qu’il manque une analyse approfondie des besoins afin d’estimer en quoi et comment un nouvel organisme opérationnel pourrait y répondre. L’analyse de la problématique doit être étoffée et les nécessités d’un pilotage doivent être pointées. Le Conseil souhaiterait qu’une véritable réflexion sur les missions, les modes de décision et la représentativité de cet organisme externe soit menée pour en définir le fonctionnement et les pouvoirs.
Les missions qui ont été citées pour ce nouvel organisme peuvent être réparties en trois catégories: soutien méthodologique, coordination (pilotage, évaluation), action et recherche.
Pour faire avancer la réflexion à ce sujet et envisager l’opérationnalisation d’un nouvel organisme en lien avec les activités des acteurs du secteur de la promotion de la santé, le Conseil tient à partager certaines questions.
-Sur quelles bases seraient définis les missions, fonctions, services, profils du personnel de l’organisme opérationnel?
-Quels seraient les liens organiques entre cet organisme opérationnel et les différents acteurs du secteur?
-Par ailleurs, des questions spécifiques doivent être considérées dans l’opérationnalisation de cet organisme telles que: comment maintenir et développer l’intersectorialité et la transversalité des approches, ainsi que les réseaux existants? Comment assurer sans perte de ressources une transition du système actuel vers le nouveau? Comment éviter les conflits d’intérêt pouvant surgir d’un cumul de missions comme, par exemple, soutenir et évaluer des programmes?
S’il est décidé de créer une nouvelle structure, le Conseil recommande une analyse institutionnelle solide qui réponde à l’ensemble de ces questionnements pour que la réforme prenne en compte la complexité de la promotion de la santé et assure la transversalité entre les secteurs et les différents niveaux de pouvoir.
Avis d’initiative du Conseil supérieur de promotion de la santé du 17 février 2012.
Chantal Leva , Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé
(1) Voir l’article ‘Réforme des dispositifs de santé en Fédération Wallonie-Bruxelles’ , Fadila Laanan, Éducation Santé n° 276, mars 2012, pages 12 et 13.
(2) En atteste la plaquette ‘La réduction des inégalités sociales de santé – Un défi pour la promotion de la santé’, Conseil supérieur de promotion de la santé, avril 2011 (publié en novembre 2011). Document téléchargeable sur la page d’accueil du site https://www.educationsante.be
(3) Ce plaidoyer est paru dans Éducation Santé n° 274, janvier 2012 ( https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1444 )

Le budget santé de la Communauté française en 2011

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Voici comme chaque année un récapitulatif des engagements financiers de la Communauté française en matière de santé l’an dernier.
Le tableau ci-dessous indique la part que chaque programme représente par rapport au budget global (près de 42 millions d’euros). L’évolution des dépenses entre 2010 et 2011 est également précisée, avec cette réserve que certains écarts considérables s’expliquent par des glissements d’une partie du budget à une autre plutôt qu’à une forte augmentation ou diminution des montants d’une année à l’autre.
La tendance générale est en tout cas à la stabilité légèrement améliorée. Espérons qu’elle ne s’inversera pas (trop) en 2012…

Les dépenses en 2011

Programme
Nature Contenu 2011 En % du budget Évolution
par rapport à 2010
Programme 0 Subsistance Fonctionnement conseil et commissions, réunions, enquêtes… 61.018,14 0,15% -28.481,86
Programme 1 Interventions diverses Accords de coopération et dotation à l’Académie royale de médecine 151.907 0,36% -7.500
Programme 2 22.279.496,68 répartis comme suit:
Contrôle médico-sportif 502.051,06 1,2% +23.453,06
Mise en œuvre du Plan communautaire opérationnel 15.657.537,63 répartis comme suit :
Vaccination 6.476.000 15,47% +902.000
Assuétudes 1.381.398,96 3,3% +5.725,96
EVRAS et sida 2.645.732 6,3% +429.737
Cancer 1.513.650 3,62% -283.141
Cardio-vasculaire 640.592 1,53% -52.960
Tuberculose 1.268.986,87 3,03% -92.099,13
Traumatismes et sécurité 260.000 0,62% +40.000
Études, recherches et pilotage du PCO 0 -153.272
Subventions diverses pour mise en œuvre du PCO 1.046.255 2,5% +222.500
Subventions aux pouvoirs locaux pour mise en œuvre de projets de promotion de la santé 424.922,8 1,01% +50.284,8
Promotion et protection de la santé 6.119.907,99 répartis comme suit :
Marchés publics 1.159.186 2,77% +761.790
Organismes agréés (CLPS et SCPS) 3.028.666 7,23% 0
Divers projets, problématiques émergentes 228.116,6 0,54% -502.795,4
Programmes locaux 419.939,39 1 +133.300,39
Dépistage maladies métaboliques 871.000 2,08% +21.000
Dépistage surdité néonatale 413.000 0,98% +35.000
Subventions aux programmes de transition professionnelle 0 0
Subvention à l’Institut scientifique de santé publique 0 -834.000
Programme 3 Promotion de la santé à l’école 19.375.441,17 46,27% +973.261,17
Total général 41.867.862,99 100% +1.643.262,99
Grandes tendances

Entre 2010 et 2011, l’enveloppe globale a augmenté de plus d’un million six cent mille euros, au bénéfice de la promotion de la santé/médecine préventive (+ 700.000) comme de la promotion de la santé à l’école (quasi un million en plus).
Après une diminution de 400.000 euros en 2010 par rapport à 2009, la vaccination a augmenté de 902.000 euros et conforte sa place de poste le plus important, et de loin, pour près de 30% du total (hors PSE). Cela concerne la gestion de la politique vaccinale de la Communauté française, et aussi (surtout) la participation de la Communauté au coût de l’achat des vaccins.
La prévention du sida obtient 10% en plus pour la seconde année consécutive, avec cette nuance toutefois que ce budget intègre maintenant aussi des dépenses en matière d’éducation sexuelle et affective.
La prévention du cancer a vu son budget diminuer d’un quart sur 2 ans, passant de 2.138.000 euros en 2009 à 1.513.650 euros en 2011. Explication : cette diminution reflète la progression plus lente qu’espéré de la couverture des programmes de dépistage, avec comme conséquence des dépenses moins importantes que prévues.
Les subventions aux pouvoirs locaux (nouveauté 2010) sont confirmées et bénéficient même d’une légère augmentation.
Depuis l’an dernier, la Fédération Wallonie-Bruxelles a lancé des appels d’offres pour la réalisation de diverses missions précédemment financées dans le cadre des subventions octroyées à l’Institut de santé publique. Les montants pour la réalisation de ces missions sont proches de ceux octroyés en 2010 à l’ISP. Ces montants apparaissent dorénavant dans la rubrique ‘marchés publics’.
Dotations à plus de 100.000 euros

Impossible de citer ici toutes les initiatives, permanentes ou ponctuelles, soutenues par la Communauté française dans le cadre de son budget ‘santé’, il y en a près de 150…
Par convention, nous avons sélectionné celles dotées de 100.000 euros ou plus. Cela donne une idée des démarches sur lesquelles la Communauté porte un effort particulier. Il s’agit pour la plupart de programmes pluriannuels (2, 3 ou 5 ans).
Financement du ‘dispositif permanent’
10 centres locaux de promotion de la santé, et 4 services communautaires (1).
Assuétudes
Observation toxicomanies (Eurotox), Aider les jeunes dans leurs consommations (Citadelle/Canal J), Prévention des conduites à risque (Centre de santé mentale du CPAS de Charleroi), Programme pluriannuel d’Infor-Drogues, Programme pluriannuel de Prospective Jeunesse.
Prévention sida et éducation sexuelle et affective
Prévention à destination des hommes prostitués (Alias), Espace P, Ex Aequo, Modus Vivendi, Observatoire du sida et des sexualités, Plate-forme prévention sida, SIREAS (migrants), SES Huy, Fédération laïque des centres de planning, ARAPH-FUNDP.
Cancer
Dépistages du cancer du sein et du cancer colorectal, dotation au Registre du cancer.
Cardiovasculaire
Promosanté et médecine générale, Coordination Éducation Santé, Réseau Santé diabète, FARES (prévention tabac à destination des jeunes).
Tuberculose
Frais de fonctionnement du FARES et de ses unités de secteur.
Traumatismes
Éduca-Santé.
Études, recherches, et subventions en relation avec le PCO
Lutte contre les inégalités de santé (Fédération des maisons médicales), revue Éducation Santé (ANMC, notre publication représente 0,36% du budget ‘santé’), promotion de la santé et inégalités : échange de savoirs (Cultures et Santé), Médiathèque, formations en promotion de la santé (Repères), Outilthèque santé (UNMS), CEPiP (recueil de données périnatales).
Autres
On retrouve ici comme indiqué plus haut le financement de l’Institut de santé publique, à hauteur de 842.701 euros, soit un peu plus qu’en 2010 (834.000 €).
Bref commentaire

Le budget frôle maintenant les 42.000.000 d’euros , soit 1.500.000 de plus qu’en 2009. Pas mal, mais cela semble dérisoire comparé au budget fédéral (qui flirtait avec les 26 milliards en 2011). Cela témoigne néanmoins de la capacité réelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles à assurer le financement de nouvelles initiatives, tel le programme de dépistage du cancer colorectal lancé en 2009 ou encore l’extension de son programme de vaccination.
Christian De Bock et Didier Lebailly (Direction de la promotion de la santé Communauté française)
(1) Ces derniers ne feront plus partie du dispositif permanent après le vote de la réforme annoncée en 2011, et qui interviendra sans doute dans les prochains mois. Ils verront toutefois leur agrément prolongé jusqu’en août 2013.

La réforme de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles : quel impact sur la prévention des IST/sida ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Divers intervenants de la prévention du VIH/Sida et des autres infections sexuellement transmissibles (IST) en Fédération Wallonie-Bruxelles se sont mobilisés depuis l’année 2004 autour d’un processus de concertation et de planification participative intitulé «les Stratégies concertées de la prévention des IST/sida». Un comité de pilotage et d’appui méthodologique (CPAM) se réunit régulièrement pour encadrer ce processus.
Le présent texte constitue la réaction du CPAM vis-à-vis de la réforme du dispositif de santé francophone annoncée depuis quelques mois. Il fait état des demandes des intervenants dans le contexte actuel de la prévention des IST/sida dans la Fédération Wallonie-Bruxelles et des questions que les intervenants se posent à ce sujet.

Réaction d’ensemble concernant l’évaluation et la réforme annoncée

Plus de dix ans après l’entrée en vigueur du décret de 1997 organisant la promotion de la santé, il nous semble pertinent qu’une évaluation ait pu avoir lieu et que des enseignements en soient tirés par les responsables politiques. Néanmoins, plusieurs éléments ont retenu notre attention.
En tant qu’intervenants mobilisés autour d’une thématique de santé spécifique – la prévention du VIH/sida et des autres infections sexuellement transmissibles (IST), nous constatons dans le rapport d’évaluation l’absence de préoccupation pour les différentes thématiques de santé et les acteurs responsables de ces thématiques. Par conséquent, nous nous questionnons sur la place qui sera réservée dans l’avenir à la prévention des IST/sida, en particulier dans un contexte de recrudescence des nouveaux cas.
La réforme du secteur promotion de la santé repose sur la rédaction d’un nouveau « Code de la santé » visant à rassembler les textes traitant des compétences santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce code de la santé n’a pour l’heure (1) pas fait l’objet d’une concertation des acteurs concernés. Cette absence de dialogue pose la question de la manière dont l’existant sera pris en compte dans l’élaboration de la réforme.
Par ailleurs, nous avons pris connaissance de l’intention de la Ministre Laanan de créer un organisme chargé du pilotage centralisé de la promotion de la santé dans la Fédération. Cet organisme concentrerait des fonctions diverses: documentation, observation, recueil de données, recherche, communication, remise d’avis et de recommandations, pilotage des programmes, organisation des dépistages et de la vaccination, évaluation… Les opérateurs qui remplissent actuellement certaines de ces fonctions seraient amenés à disparaître et à voir leurs missions intégrées au sein de cette structure. Pour ce qui concerne la prévention des IST/sida, cela entraînerait la disparition de la Plate-forme Prévention sida et de l’Observatoire du sida et des sexualités.
Ce projet soulève beaucoup de questions et d’inquiétudes, d’autant que le secteur sida a connu une période de coordination par l’Agence de prévention du sida qui a montré les limites de ce genre d’organisme: budgets disproportionnés (au détriment du terrain), conflits d’intérêts, planification peu efficace, dirigisme. Le secteur s’est d’ailleurs réorganisé depuis plus de dix ans en tenant compte des enseignements de cette période. Ainsi, les missions de construction des campagnes grand public assurées auparavant par l’Agence ont été reprises par la Plate-forme Prévention sida, créée à cet effet en 2000.
L’Observatoire du sida et des sexualités, créé en 2001, a quant à lui repris les missions de recherche, d’observation et de planification. En collaboration avec le Service communautaire Sipes (ESP-ULB), il a mis en place les Stratégies concertées de la prévention des IST / sida en 2004, un processus de planification participative associant les divers intervenants de la prévention des IST/sida et visant à définir un cadre de référence commun pour l’analyse et l’action.
L’arrivée d’un organisme central remet fortement en question le statut des Stratégies concertées en tant que processus – ‘bottom-up’ et horizontal – et en tant que cadre de référence pour l’intervention. Si elles étaient intégrées, elles co-existeraient avec des missions de contrôle de l’organisme (notamment de pilotage et d’évaluation) ainsi que d’actions de communication, ce qui peut s’avérer incompatible.
En ce qui concerne la Plate‐forme, c’est tout le travail de participation des publics cibles et des professionnels de différents secteurs réalisé en amont ainsi que les démarches d’accompagnement et de formation à l’utilisation des outils qui pourraient être remis en question. Les tendances politiques actuelles font craindre que les campagnes soient réduites à des actions ponctuelles (via des appels à projets ou des appels d’offre) sans réel travail de promotion de la santé.
Prévention des IST/sida: des spécificités à maintenir

Les enseignements de près de trente ans de lutte contre le sida ainsi que les acquis des dernières années nous permettent de mettre en évidence des spécificités et des «incontournables» à maintenir pour une prévention de qualité:
-la prévention des IST/sida en Fédération Wallonie-Bruxelles est mise en oeuvre à travers des approches complémentaires: travail avec des publics cibles spécifiques (homosexuels masculins, prostituées et prostitués, usagers de drogues, migrants), interventions de proximité à l’échelle locale et développement de campagnes de communication vers la population générale et les jeunes. Cette articulation entre publics cibles particuliers, spécificités locales et campagnes plus généralistes est nécessaire et doit être maintenue;
-la lutte contre le VIH/sida s’est élargie depuis plusieurs années à la prévention des autres IST ainsi qu’à celle des hépatites. De plus, elle ne peut se réduire à la diffusion d’information et à la promotion du préservatif. La défense des droits et la lutte contre les discriminations dont sont l’objet différents publics cibles – en particulier les personnes séropositives – sont indissociables du travail de prévention et de promotion de la santé globale et constituent un objectif transversal des Stratégies concertées;
-la proximité avec des publics marginalisés, stigmatisés (usagers de drogues, migrants sans papiers, personnes séropositives, etc.) et la participation de ces publics est une des caractéristiques du travail des associations de terrain, du processus de construction des campagnes et des Stratégies concertées. L’organisation future du secteur de la promotion de la santé ne doit pas entraver, mais doit au contraire soutenir cette participation et favoriser un climat de confiance entre professionnels et non professionnels;
-l’intervention auprès de publics précarisés, marginalisés voire clandestins nécessite parfois une souplesse qui cadre mal avec le statut d’un organisme centralisé. Par exemple les comptoirs d’échange de seringues ont d’abord été mis en place par les associations et n’ont été avalisés officiellement que 6 ans après leur mise en place, alors qu’ils ont clairement contribué à diminuer la prévalence du VIH parmi le public des usagers de drogues injecteurs;
-l’articulation prévention-dépistage-soins est recherchée à travers les collaborations sur le terrain et les Stratégies concertées, en rassemblant des acteurs de ces trois domaines. Cette articulation est insuffisante au niveau politique alors qu’elle est plus que jamais nécessaire dans un contexte où le traitement est reconnu comme ayant un impact au niveau préventif et où le dépistage précoce devient la clé de voûte du dispositif de prévention. La réforme doit intégrer cette exigence d’intégration en favorisant l’intersectorialité et en permettant le développement d’une réelle politique en matière de dépistage;
-les processus de construction des campagnes de communication grand public ont été développés dans le souci de stimuler la participation d’acteurs de différents secteurs et de différentes zones géographiques de la Fédération ainsi que celle du public cible. Des procédures spécifiques de travail et des critères de qualité ont été élaborés collectivement afin de permettre la prise en compte de la parole des parties prenantes dans la construction des campagnes et d’intégrer les publics spécifiques dans les campagnes générales. L’expertise accumulée en la matière et les enseignements de ce travail doivent être sauvegardés afin de continuer à garantir la qualité de ces actions;
-le développement de dispositifs de recherches et recherches-actions pertinents nécessite des interactions permanentes avec le terrain sur un pied d’égalité entre chercheurs et intervenants. Il doit bénéficier d’une indépendance vis-à-vis du politique tant en termes de choix des questions de recherche, de méthodes de recueil de données que d’interprétation et d’utilisation des résultats afin d’éviter toute instrumentalisation, en particulier sur des sujets sensibles et des catégories de la population marginalisées. L’indépendance et l’horizontalité sont des acquis qui ne doivent pas être remis en question;
-une planification utile et efficace doit reconnaître pleinement l’expertise des acteurs de terrain à travers la mise en oeuvre de processus de concertation participatifs et représentatifs de ces acteurs. Elle doit viser l’exhaustivité dans l’analyse des problématiques et l’opérationnalisation des réponses avant d’établir des priorités en fonction des moyens disponibles. La planification et la concertation doivent continuer de répondre à une logique qui part du terrain pour remonter vers le politique (bottom-up), tout en renforçant le dialogue entre intervenants et décideurs.
Questions posées par la réforme

En parallèle aux spécificités mises en évidence ci-dessus, la réforme en cours soulève des questions que nous souhaitons adresser aux responsables politiques.
Comment les priorités seront-elles établies? La prévention des IST/sida sera-t-elle maintenue en tant que priorité?
La prévention et la promotion de la santé auprès de publics cibles spécifiques (homosexuels masculins, prostitué/es, usagers de drogues, migrants) seront-elles garanties et comment?
Comment les spécificités locales, en particulier pour les acteurs travaillant en Wallonie, pourront-elles être prises en compte par un organisme centralisé, censé coordonner les actions en Fédération Wallonie-Bruxelles tout en étant implanté à Bruxelles?
En quoi le fonctionnement de l’organisme en voie de création sera-t-il différent de celui de l’Agence prévention sida (hormis le fait qu’il coordonnera l’ensemble de la promotion de la santé, y compris la médecine préventive)? Quels seront les impacts concrets sur le travail des associations? Quelle sera la plus-value pour les acteurs de terrain? En quoi l’intersectorialité sera-t-elle soutenue et renforcée? Pourquoi concentrer des missions aussi diverses, dont certaines semblent même incompatibles (soutien, action et évaluation, par exemple)?
Les exigences en termes de qualité et d’évaluation sont de plus en plus rigoureuses vis-à-vis des associations (réalisations de pré et post-tests, critères de qualité, participation des publics et des professionnels etc.). L’organisme sera-t-il soumis aux mêmes exigences dans ses activités, et un contrôle du respect de ces exigences sera-t-il mis en place? Quelle sera la place des promoteurs de programmes et de projets en son sein?
En quoi la réforme en cours permettra-t-elle de répondre aux enjeux centraux posés par la prévention IST/sida aujourd’hui? En particulier, comment pourra-t-elle intégrer les questions du traitement comme prévention? Permettra-t-elle de définir une politique de dépistage adéquate?
Les procédures de financement, de suivi et de contrôle seront-elles modifiées? Quelles seront les éventuelles nouvelles exigences? Quels seront les rôles respectifs de l’Administration et de l’organisme en la matière?
Quelles seront les modalités de participation et de concertation des acteurs professionnels et non professionnels, y compris le public cible?
En conclusion

Les acteurs de la prévention des IST/sida souhaitent mettre en évidence trois incontournables.
Conserver à la prévention des IST/sida son caractère prioritaire dans un contexte de recrudescence des cas de VIH et d’autres IST.
Sauvegarder et valoriser les acquis et les enseignements de dix ans de travail, basé sur: la construction collective et participative des campagnes de communication grand public assurée par la Plate‐forme prévention sida; l’élaboration concertée des analyses de situation et des plans opérationnels pour les différents publics cibles à partir des acteurs de terrain, de leurs partenaires (professionnels ou non) et des publics cibles, assurée par l’Observatoire du sida et des sexualités; l’approche intégrée qui articule les programmes destinés à des publics cibles vulnérables, le travail de proximité au niveau local et l’approche de communication grand public.
Rencontrer dans la réforme en cours les nouveaux défis posés par la prévention , en soutenant l’intersectorialité afin de développer une politique de dépistage adéquate et de renforcer les liens avec le secteur curatif pour faire face aux enjeux du «traitement comme prévention».
Comité de pilotage et d’appui méthodologique des stratégies concertées de prévention IST/sida
Le Comité de pilotage et d’appui méthodologique (CPAM) des Stratégies concertées est composé des personnes et institutions suivantes: F. Arends (Ex æquo), V. Laloux (Ex aequo), C. Cheront (Espace P), J. Defourny (Sidasol), A-F. Gennotte (Centre Elisa – CHU Saint-Pierre), J-C. Legrand (Centre de Référence CHU Charleroi/Sida-IST Charleroi-Mons), M. Louhenapessy (Sidaids migrants – Siréas), V. Martens (Observatoire du sida et des sexualités, FuSL), T. Martin (Plate-forme Prévention Sida), F. Parent, (Sipes ESP-ULB), M. Quinet-Le Docte (SES Huy), B. Rusingizandekwe (CPSA Namur), F. Uurlings (Centre de Référence CHU Liège), C. Van Huyck (Modus Vivendi)
(1) Ce texte a été publié à l’occasion de la journée mondiale du sida du 1er décembre dernier.

Évaluation des dispositifs de la politique de santé en Fédération Wallonie-Bruxelles

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Le Conseil supérieur de promotion de la santé se réjouit qu’en application du décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé, une évaluation du secteur ait été mise en œuvre comme il le souhaitait depuis plusieurs années.
Toutefois, le Conseil estime que le rapport d’évaluation ne représente qu’une première étape d’un processus plus large. Une réflexion devrait-être poursuivie en vue de la construction d’un nouveau dispositif. Cette réflexion devrait précéder les changements législatifs et faire l’objet d’un investissement financier pour que des professionnels puissent y travailler en tenant compte du terrain.
Le Conseil rappelle qu’une réforme à enveloppe fermée ne suffira pas pour amener une amélioration notoire de la qualité et de l’universalité des services. Pilotage, priorisation, coordination ne constituent pas des panacées là où le budget est nettement insuffisant par rapport aux besoins de la population et aux enjeux de la prévention qui visent la réduction des coûts des soins de santé. Il faut absolument investir dans la promotion de la santé pour couvrir l’ensemble de la population. À ce sujet, la structure institutionnelle de la santé en Belgique représente un frein. Il faudrait en effet un changement structurel important pour laisser une meilleure place à la promotion de la santé dans les politiques et dans les financements.
À propos du rapport d’évaluation , il apparaît qu’il présente certaines lacunes, incohérences et contradictions internes au texte. Il manque de nuance, de finesse d’analyse, il contient parfois des erreurs factuelles importantes.
À titre exemplatif, le Conseil aurait souhaité:
•une meilleure prise en compte du cahier des charges formulé par le Conseil lui-même ainsi qu’une concertation plus régulière avec le Conseil afin de soutenir le pilotage de cette évaluation et l’analyse des résultats;
•une référence au cadre réflexif de la réduction des inégalités sociales de santé. Celle-ci aurait été un atout pour l’analyse des pratiques en matière de services de santé, de médecine préventive et de promotion de la santé. En ce sens, le Conseil regrette aussi l’absence d’analyse des enjeux liés à l’intégration de la promotion de la santé dans les services de santé de première ligne tels que la médecine générale;
•une meilleure prise en compte des références en matière de promotion de la santé;
•que la promotion de la santé ne soit pas exclusivement envisagée au travers de textes de définition, voire d’un point de vue légal, mais aussi comme un corpus de bonnes pratiques, de compétences et de critères de qualité spécifiques;
•un relevé de l’existant des « bonnes pratiques » et des processus de travail fructueux en matière de concertation, de partenariats, de participation et d’intersectorialité;
•un échantillonnage plus large prenant en compte tous les acteurs du secteur, qu’ils soient subsidiés ou non;
•en matière de programmes de médecine préventive, une analyse qui ne soit pas focalisée sur PROVAC en laissant de côté les programmes de dépistage des cancers, des maladies métaboliques, de la surdité et les structures qui y sont associées tels que les centres de référence pour le dépistage des cancers;
•une analyse des politiques de la Région Wallonne dans un souci de complémentarité, par exemple une analyse du dispositif mis en place dans le cadre de la cohésion sociale et la lutte contre les inégalités sociales de santé, aurait pu être porteuse de pistes intéressantes pour les dispositifs de promotion de la santé;
•une investigation plus avancée des niveaux politiques et institutionnels qui peuvent impacter le dispositif de promotion de la santé;
•une analyse plus systémique de la mise en œuvre des missions par les divers acteurs;
•un recoupement des informations (triangulation) qui aurait permis d’apporter une validation à certains constats. En particulier, le croisement entre les points de vue d’acteurs qui exercent des missions à différents niveaux (action locale, action communautaire, administration, acteur institutionnel ou de proximité, dédié ou non à la promotion de la santé);
•une analyse opérationnelle des informations collectées. Ainsi toute une série de missions, remplies par des organismes ou services agréés, sont présentées de manière théorique (observation, documentation, aide méthodologique, évaluation, communication, ..) mais les services concernés n’ont pas été interrogés sur leur façon de les mettre en œuvre dans leur activité propre;
•dans certains cas, une analyse présentant des résultats en rapport avec le référentiel posé par les évaluateurs. Ainsi la PSE est parfois budgétairement complètement intégrée dans la promotion de la santé et à d’autres moments, elle est prise en considération dans la médecine préventive. Or, les services PSE assurent à la fois des missions de médecine préventive, d’observation et de promotion de la santé. Dans un autre domaine, la promotion de la santé dans le sport n’est abordée que sous l’angle de la surveillance (contrôle du dopage), conception étroite du sens du décret qui cadre ces missions;
•voir mieux apparaître des commentaires, analyses ou réflexions des experts internationaux sur les informations récoltées par les évaluateurs.
Le Conseil souhaite également pointer l’intérêt des éléments suivants ressortant du rapport:
•le rapport d’évaluation met en lumière l’intersectorialité et le partenariat comme des éléments-clés du concept de promotion de la santé. Il propose la promotion de la santé comme un référentiel commun qui tisserait des liens entre les compétences en s’inscrivant dans les agendas politiques des entités fédérées, des Provinces et des Communes, au même titre que le développement durable;
•en conséquence, le rapport propose que le cadre légal de la promotion de la santé en Communauté française prévoie différents niveaux d’action: une action au niveau des politiques de santé spécifiques à la Communauté française; une action par voie de protocoles d’accord avec les autres politiques gérées par la Communauté française (ONE, enseignement, culture, sport, éducation permanente, etc.). À ces deux niveaux, le Conseil suggérerait d’ailleurs d’ajouter la nécessité de protocoles de collaboration avec l’autorité fédérale et les autres entités fédérées pour l’action sur les déterminants de santé qui dépendent de celles-ci;
•le rapport propose que l’implémentation de la promotion de la santé dans les différentes compétences de la Communauté française soit à charge d’une cellule plurisectorielle dépendant directement du Secrétariat général du Ministère de la Communauté française;
•le rapport souligne que les opérateurs financés par le secteur investissent la question de l’évaluation, mais que les évaluations et rapports d’activités réalisés ne sont pas toujours exploités pour un meilleur pilotage de la politique. Il suggère des pistes pour capitaliser sur cette habitude d’autoévaluation en vue d’un meilleur pilotage de la politique. Pourquoi ne pas donner plus de moyens pour utiliser les évaluations?
•le rapport insiste sur la nécessité de préserver l’autonomie des acteurs et sur la nécessité d’associer les acteurs de proximité à la définition des plans et programmes;
•en particulier, le rapport insiste sur l’importance de s’adapter à la spécificité locale des structures et des offres en promotion de la santé, grâce notamment aux CLPS, tout en assurant un cadre d’action commun. Le CSPS suggère en outre d’accorder une attention particulière aux mécanismes qui assurent un juste équilibre entre cadre commun et possibilités d’adaptation aux spécificités locales. Une analyse de la manière de mobiliser les autres niveaux territoriaux (province, communes) devrait aussi être réalisée.

Les réflexions et analyses préalables à une réforme du cadre décrétal

Les réflexions ci-dessous portent sur les deux grandes propositions du Cabinet de la Ministre de la santé que sont la rédaction d’un « Code de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles » et la mise sur pied d’un organisme de « pilotage opérationnel et de coordination de la santé ».
Réflexions à propos du «Code de la santé de la Fédération Wallonie Bruxelles»

Comme signalé dans les préalables, il semble prématuré de créer un Code de la santé pour la Fédération Wallonie-Bruxelles notamment dans le contexte de la future réforme de l’État.
Il s’agit tout d’abord de fixer à quel niveau opère le concept de promotion de la santé.
Fournir une référence intégrative pour servir de toile de fond à un décret , en accord avec les recommandations des organismes internationaux ( OMS ). Ces recommandations montrent l’importance d’agir sur l’ensemble des déterminants de la santé, instaurent l’accès à la santé comme un droit fondamental et transcendent nos normes juridiques parce qu’elles prennent racines dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Dans cette optique, le critère ultime de la justesse d’une politique de santé sera l’universalité des services offerts à tous les niveaux (dépistage et prévention, éducation pour la santé et promotion de la santé). Cependant il faut avoir conscience que l’étroitesse des ressources et des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles reste le premier frein à l’universalité dans l’offre et/ou la qualité des services proposés.
Définir un corpus de pratiques et de compétences spécifiques qui s’exercent , en première et en deuxième ligne . Pratiques et compétences s’exercent en première ligne , au niveau de l’interaction individuelle ( éducation , information , dépistage et protection ) et au niveau de la mobilisation des communautés ( empowerment et action sur les milieux de vie ). Elles s’exercent en deuxième ligne , dans le domaine du plaidoyer auprès des institutions et dans celui des partenariats intersectoriels pour veiller à faire bouger les déterminants collectifs de la santé .
Au cours des dernières années, le CSPS a émis plusieurs avis très documentés qui montrent l’absolue nécessité de combiner ces niveaux d’interventions pour atteindre l’efficacité des politiques publiques en matière de santé. (Consulter notamment l’avis sur les bonnes pratiques de dépistage, l’avis sur la réduction des inégalités sociales de santé).
Le soutien de ce corpus de compétences et de pratiques spécifiques représenterait le champ d’application du « code de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles ». Au sens institutionnel du terme, cette « compétence technique » constituerait ainsi la spécificité et l’exclusivité de la FWB, lui permettant de marquer de manière visible son utilité au service de la santé des citoyens.
En conséquence, il importera aussi de clarifier quelle est la place (l’impact) de la promotion de la santé vis-à-vis des autres compétences notamment les compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles (culture et audiovisuel, sport, enseignement, éducation permanente, enfance et jeunesse…). La seule mention de « passerelles » semble trop faible pour définir ces liens. Il importe en effet d’assurer une meilleure pénétration des outils et du soutien que peut apporter la promotion de la santé dans d’autres domaines de compétences et à d’autres niveaux de pouvoir. Pour ce faire, des accords formalisés, ayant une base juridique, sont incontournables.
Réflexions à propos de l’organisme de «pilotage opérationnel et de coordination de la santé»

La conception de l’organisme de pilotage opérationnel et de coordination relève d’une analyse managériale des données d’évaluation, empreinte de technicité. L’emphase est mise sur une planification descendante, négligeant souvent une vision plus « organique » centrée sur la mobilisation, l’adhésion, l’amélioration coopérative de la qualité des services rendus et l’exercice de la responsabilité.
Cette grille de lecture est-elle adaptée pour affronter les tensions qui traversent un secteur d’activité dans lequel la fonction publique communautaire ou régionale doit impulser des politiques, être garante du fonctionnement d’un dispositif, d’un choix judicieux de priorités, de l’universalité et de la qualité des services, alors que les activités sont essentiellement déployées par le monde associatif ou par des partenaires publics locaux? Il est important que le mode de pilotage et de coordination soit en cohérence avec le pacte associatif qui préserve une large part de liberté et d’initiative aux acteurs associatifs.
En outre, le mode de pilotage proposé ne prend pas suffisamment en compte le principe de subsidiarité. Ainsi, le partenariat entre les structures publiques sur le terrain local est le point de convergence des politiques de tous les niveaux territoriaux. Malheureusement, ces politiques sont souvent trop peu cohérentes entre elles. Un pilotage descendant à partir d’un seul niveau de pouvoir ne permet pas l’implication du pouvoir local et ne favorise pas la complémentarité et l’harmonisation entre les multiples dispositifs coexistant sur un territoire local.
Si un organisme de pilotage opérationnel et de coordination devait voir le jour, il devrait rester dans une logique de service public. Il s’agirait de bien clarifier les relations entre le service public et le secteur associatif; ne pas mélanger contrôle, évaluation et soutien et bien définir ces termes. Le rôle de cette structure ne serait pas de mener à bien ses propres projets. Les subsides resteraient pour les projets mis en œuvre par le secteur associatif.
Historiquement le secteur de l’éducation pour la santé, puis de la promotion de la santé avait trouvé un équilibre entre contrôle public et initiatives associatives en mettant en place des processus de soutien de la qualité des projets et des pratiques à divers niveaux: outils de dépôt de projet et d’examen des demandes de subvention, appui méthodologique et logistique mis gracieusement à disposition des acteurs, etc. À enveloppe fermée, suffira-t-il d’installer un pilotage central pour améliorer la qualité des services actuellement rendus en termes de médecine préventive et de promotion de la santé?
Des outils de pilotage stratégiques existent actuellement au travers du programme quinquennal et des plans communautaires opérationnels, mais aussi par l’intermédiaire des PACP des CLPS et des avis du Conseil et encore, par l’obligation à tout opérateur de prévoir une évaluation pour solliciter une subvention. Il est donc faux de penser que le secteur de la promotion de la santé évolue actuellement sans pilotage. Certains secteurs ont développé, en sus, leurs propres outils de pilotage spécifiques, par exemple les stratégies concertées de prévention du SIDA et des IST, le comité de concertation intersectoriel de la vaccination, etc.
Dans l’organisation projetée, la concertation des acteurs est située au niveau de « l’organisme de pilotage et de coordination » qui aura pour rôle « de faciliter la déclinaison opérationnelle des priorités et stratégies définies par le Gouvernement et ses services » (extrait de la présentation du Cabinet de la Ministre). Le Conseil considère qu’il est important de maintenir un organe représentatif de consultation stratégique, tel que le Conseil supérieur de promotion de la santé, en dehors de la structure de pilotage.
Le Conseil estimerait adéquat d’aborder la nécessaire amélioration du pilotage de la politique de santé de la Communauté française au départ des atouts et des outils existants, notamment en accroissant les moyens consentis aux partenariats susceptibles de favoriser l’application de tels outils. Le Conseil estime que la plus-value potentielle d’un organisme central pour le pilotage de la politique de santé devrait être solidement argumentée sur base d’une analyse de faisabilité et des scénarios opérationnels, avant d’être actée par décret.
Enfin, le Conseil insiste sur l’absolue nécessité que cette réforme non seulement préserve le volume d’emplois au sein des différentes structures et l’expérience acquise par les professionnels en place. Au-delà, il souhaite surtout qu’elle apporte des améliorations en termes de stabilité et de valorisation des emplois dans le secteur de la promotion de la santé et de la médecine préventive. Stabilité et valorisation des emplois sont les conditions incontournables d’une professionnalisation et d’une amélioration de la qualité des pratiques et des services rendus à la population dans le cadre des politiques de santé de la Communauté française.
En conclusion, le Conseil reprend une ligne de force proposée dans le rapport d’évaluation: « que ce nouveau décret nous aide à bien faire l’essentiel ». Pour le Conseil, l’essentiel reste le développement d’un soutien pour une amélioration continue de la qualité des pratiques, aussi bien parmi les professionnels de première et de deuxième ligne que parmi les bénévoles, les acteurs institutionnels et les décideurs. Cette amélioration devrait s’articuler sur une mutualisation des expériences des acteurs de la Communauté française, qui intègre aussi les acquis des expériences internationales et qui soit diffusable au sein d’autres secteurs d’activité. Les missions d’un éventuel organisme de pilotage opérationnel et de coordination devraient prendre pour objectif principal cette mutualisation au service d’une réduction des inégalités sociales de santé.
Au vu des nombreuses remarques émises, le Conseil propose que soit mis en place un groupe de travail et le financement d’une équipe pour réfléchir à une réforme de fond autre que juridique.
Avis d’initiative du Conseil supérieur de promotion de la santé du 19 août 2011
Chantal Leva , Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé

La santé partout et pour tous. Plaidoyer pour une politique exigeante

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Introduction

Ne le cachons pas: depuis ce printemps 2011, en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), le monde des acteurs liés de près ou de loin à la «promotion de la santé» est inquiet quant à ses perspectives d’évolution et à la possibilité de maîtrise de son développement . Un projet ministériel envisage d’ici juin 2012 la rédaction d’un nouveau «Code de la santé» et la mise en place d’un organisme d’intérêt public (OIP). Cet organisme de pilotage rassemblerait les différentes fonctions opérationnelles de la santé aujourd’hui assurées par divers opérateurs: observation, recherche, documentation, communication, coordination, animation, organisation des dépistages et de la vaccination et évaluation. Les services communautaires de promotion de la santé, les centres de référence pour le dépistage, les observatoires thématiques ainsi que certaines asbl sont concernés par cette réorganisation. Au départ de ce projet: une « Évaluation des dispositifs de politique de santé », confiée à deux bureaux de consultance externe. Depuis juin dernier ce document a été passé au crible de la critique, ferme mais constructive, tant dans une instance officielle comme le Conseil supérieur de promotion de la santé que dans des assemblées ayant mobilisé cet été nombre de représentants dits «du secteur» (essentiellement les organismes subventionnés mais aussi divers intervenants œuvrant dans d’autres cadres budgétaires, tout en se réclamant de la promotion de la santé ou en se situant de fait dans son orbite).
Le présent plaidoyer sert à rappeler aux autorités politiques compétentes les principes incontournables sur lesquels nous souhaitons fonder la réforme de la promotion de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles pour qu’elle apporte une réelle plus-value en termes de qualité des services offerts.
Notre document rend compte sous une forme compacte des enjeux essentiels de ce débat crucial, que l’ « Évaluation » commanditée par la ministre de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles permet utilement de relancer vers les citoyens dans leur ensemble (élus inclus). Une vraie opportunité s’ouvre ici pour les acteurs concernés de faire entendre leur voix et leurs revendications, les principes et les objectifs profonds de la promotion de la santé étant jusqu’ici restés confinés dans une sphère de spécialistes fort compétents mais peu compris. Cela notamment sous l’influence des représentations dominantes souvent très simplistes, partagées et véhiculées par toutes les strates de la société, concernant les mécanismes fondamentaux de protection et de renforcement de la santé des populations. Ceux et celles qui veulent en savoir plus trouveront plus loin des renvois à une documentation plus complète sur les points de vue en présence. À ce stade en tout cas, malgré quelques paroles rassurantes des autorités, le pouls du secteur oscille entre le mode «dubitatif» et le mode «alerte».
En bref, les lacunes de l’Évaluation

Le malaise domine:
1° pourquoi avoir baptisé «concertation» une méthodologie non homogène et très partielle de consultation de certains organismes, le plus souvent via de simples questionnaires écrits?
2° comment éviter une vision managériale à court terme des projets de santé et une logique verticale («top-down»), au risque de brider l’autonomie et la créativité des acteurs?
3° quid de la brusque incertitude sur les budgets de la santé et l’avenir des travailleurs?
4° que penser des dysfonctionnements épinglés mais peu articulés aux expertises et bonnes pratiques existantes, qui sont pourtant des clés pour une réforme de qualité?
5° quelle place pour une «démocratie sanitaire» où soit valorisé le rôle de vigie des professionnels confrontés aux inégalités et périls croissants de santé (voir l’encadré suivant)?

Témoigner, plaider, se démarquer, décrypter

En 2003, Jean-Pierre Deschamps , professeur français de santé publique et infatigable héraut-militant du secteur livrait avec le recul et l’émergence de la mondialisation une puissante «relecture de la charte d’Ottawa»: « L’interpellation est salutaire car les professionnels sont aussi des citoyens comme les autres , et surtout parce qu’ils savent . Ce sont eux qui , mieux que d’autres , savent à quel point l’insécurité – la vraie , pas celle que fabriquent les médias et quelques politiques pour mieux rogner la démocratie –, la pauvreté , le chômage génèrent des atteintes terrifiantes au bien – être et à la santé . Les professionnels voient les situations , en identifient les causes . (…) En témoignant , (…) ils peuvent aussi être avocats , plaider pour les personnes et les groupes écrasés par leurs conditions d’existence , et constamment rappeler aux décideurs , personnellement ou plus probablement par leurs associations professionnelles , leur responsabilité directe dans la santé des populations . Il ne s’agit pas d’agresser , mais d’expliquer , car beaucoup de responsables , imprégnés du modèle biomédical de gestion de la santé , imaginent de bonne foi que tout est un problème de médecine … Tout n’est justement pas un problème de médecine et les professionnels de santé pourraient même refuser d’intervenir si leur action ne devait être qu’un alibi à la perpétuation de situations dramatiques , une façon de donner bonne conscience aux responsables . (…) N’oublions pas que ce qui est en jeu est le contrôle exercé par les gens sur leur santé . Peut – on contrôler ce que l’on ne connaît pas ou ce que l’on ne comprend pas ? Qui peut décrypter avec les personnes et les groupes , les mécanismes en cause dans l’altération de la santé , sinon les éducateurs de santé ? ».

La santé: une ressource et un droit

Toutes les cultures ont élaboré des visions singulières et développé des actes signifiants autour de la souffrance et de son relatif antipode: l’état de confort physique, social, mental. Parmi les définitions les plus modernes, épinglons-en deux: celle du prof René Leriche « La santé c’est la vie dans le silence des organes ». On notera néanmoins que dans une évolution de la santé publique marquée par la prédominance des maladies dégénératives multifactorielles ou à éclosion lente, ce poétique «silence des organes» peut s’avérer redoutablement trompeur quant à leur état paisible. Et celle de René Dubos : « La santé , c’est la situation dans laquelle l’organisme réagit par une adaptation tout en préservant son intégrité individuelle . (…) La santé , c’est un état qui permet à celui qui en jouit de se consacrer pleinement à son ou à ses projets et qui met donc toujours en jeu des forces socioculturelles , non inscrites dans le code génétique ». Reste la classique définition de la santé élaborée au lendemain de la deuxième guerre mondiale en perspective de la création de l’OMS (cf. encadré).
Bien peu savent qu’elle a été essentiellement « le fait de diplomates de grande envergure et de personnes venant d’horizons très divers . (…) La santé était considérée comme un problème central de société et non un problème médical » (1). C’est sensiblement l’inverse aujourd’hui! Où est la faille? Sans doute en partie dans l’expansion galopante du marché des métiers, des infrastructures et des technologies médicales de pointe en matière de diagnostic et de soins, si précieux soient-ils. Mais sans doute aussi dans la constance médiatique et politique avec laquelle on n’a cessé de mettre en avant la seule première phrase de la définition de la santé par l’OMS, au détriment des huit suivantes, dont l’ensemble constitue une charpente solide et lucide quant aux mesures à prendre contre les facteurs de maladies et, plus prioritairement encore, contre les causes fondamentales d’emballement de ces facteurs pathogènes.
40 ans avant la Charte d’Ottawa, tout était quasi dit !

Prologue aux articles de la «Constitution de l’Organisation mondiale de la santé» (signée le 22 juillet 1946 à New-York par les représentants de 61 États, entrée en vigueur le 7 avril 1948).
« LES ÉTATS parties à cette Constitution déclarent , en accord avec la Charte des Nations Unies , que les principes suivants sont à la base du bonheur des peuples , de leurs relations harmonieuses et de leur sécurité :
La santé est un état de complet bien – être physique , mental et social , et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité .
La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain , quelles que soient sa race , sa religion , ses opinions politiques , sa condition économique ou sociale .
La santé de tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du monde et de la sécurité ; elle dépend de la coopération la plus étroite des individus et des États .
Les résultats atteints par chaque État dans l’amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous .
L’inégalité des divers pays en ce qui concerne l’amélioration de la santé et la lutte contre les maladies , en particulier les maladies transmissibles , est un péril pour tous .
Le développement sain de l’enfant est d’une importance fondamentale ; l’aptitude à vivre en harmonie avec un milieu en pleine transformation est essentielle à ce développement .
L’admission de tous les peuples au bénéfice des connaissances acquises par les sciences médicales , psychologiques et apparentées est essentielle pour atteindre le plus haut degré de santé .
Une opinion publique éclairée et une coopération active de la part du public sont d’une importance capitale pour l’amélioration de la santé des populations .
Les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leurs peuples ; ils ne peuvent y faire face qu’en prenant les mesures sanitaires et sociales appropriées .
ACCEPTANT CES PRINCIPES , dans le but de coopérer entre elles et avec tous autres pour améliorer et protéger la santé de tous les peuples , les Parties contractantes acquiescent à ladite Constitution et établissent par les présentes l’Organisation mondiale de la Santé comme une institution spécialisée aux termes de l’article 57 de la Charte des Nations Unies ».
En 2003, à Genève, devant la Commission des droits de l’homme des Nations unies, le rapporteur spécial Paul Hunt soulignait ainsi notamment que le droit à la santé: « est un droit global , dans le champ duquel entrent non seulement les prestations de soins de santé appropriées en temps opportun , mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l’accès à l’eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement , l’hygiène du travail et du milieu et l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé , notamment la santé sexuelle et génétique », mais aussi qu’il « impose diverses obligations avec effet immédiat . Ces obligations immédiates comportent les garanties de non – discrimination et d’égalité de traitement , ainsi que l’obligation de prendre des mesures délibérées , concrètes et ciblées pour la réalisation intégrale du droit à la santé , notamment en élaborant une stratégie nationale et un plan d’action national dans le domaine de la santé publique . La réalisation progressive signifie que les États ont une obligation spécifique et permanente d’avancer aussi rapidement et efficacement que possible vers le plein exercice du droit à la santé ». Et encore qu’il engage d’abord les États mais aussi la responsabilité de tous: particuliers, collectivités locales, organisations intergouvernementales, ONG, entreprises privées, etc. Pour conclure sur l’interdépendance juridique: « le droit à la santé est étroitement lié à l’exercice d’un certain nombre d’autres droits de l’homme et d’autres libertés fondamentales énoncés dans les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme . Il s’agit notamment du droit à l’alimentation , au logement , au travail , à l’éducation , à la vie , à la non – discrimination et à l’égalité , du droit de ne pas être soumis à la torture , du droit au respect de la vie privée , du droit de participer , du droit d’accès à l’information , et des droits à la liberté d’association , de réunion et de circulation ».

En suivant ce cadre juridique normatif, il semble que nous pouvons tenir la Fédération Wallonie-Bruxelles responsable de la mise en œuvre, dans un cadre fédéral de santé publique, d’un plan d’action sur les déterminants fondamentaux de la santé. Ce qui renvoie à de nombreuses compétences: politiques d’éducation, d’aide aux parents (crèches, écoles de devoirs), d’emploi, de logement, de sport à bon marché, d’accès à la culture, d’environnement, de mobilité, d’animation de quartier, de jeunesse (notamment le soutien précoce à l’estime de soi). Ce qui renvoie aussi à traquer les facteurs de stress délétères (dont une des dimensions les plus pernicieuses est celle de l’aliénation qui consiste à être habité par le sentiment de ne plus pouvoir contrôler sa vie). Ces déterminants fournissent le cadre pour une action multifocale sur la réduction des inégalités sociales de santé.
Promeut-on adéquatement la santé chez nous ?

Sur le papier (du Moniteur belge ), la formule est nette et entraînante. À l’article 1er du décret du 14/07/1997 portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française, il est dit: « Par promotion de la santé au sens du présent décret , il faut entendre le processus qui vise à permettre à l’individu et à la collectivité d’agir sur les facteurs déterminants de la santé et , ce faisant , d’améliorer celle – ci , en privilégiant l’engagement de la population dans une prise en charge collective et solidaire de la vie quotidienne , alliant choix personnel et responsabilité sociale . La promotion de la santé vise à améliorer le bien – être de la population en mobilisant de façon concertée l’ensemble des politiques publiques ». Et dans les faits? Ce décret semble avoir amené plus d’évolutions concrètes dans les pratiques des acteurs de proximité et des professionnels (de promotion de la santé, de santé communautaire, etc.) que dans celui des politiques publiques et de la concertation des acteurs institutionnels. Ainsi les budgets réellement dédiés à la prévention et à la promotion de la santé sont déjà bien maigres (cf. encadré ci-dessous). Sans compter que l’importance accrue accordée aux démarches de prévention médicalisée entame à sa manière l’action sur les déterminants non médicaux de la santé. Piètre consolation: selon DV McQueen , le phénomène de minimisation de l’intérêt des démarches menées en promotion de la santé et des savoirs thésaurisés dans ce domaine est une tendance qui domine quasi partout dans le monde!
Soigner les conditions de vie, raboter les inégalités

(Brefs extraits d’une opinion du Dr. Luc Berghmans , publiée dans La Libre Belgique le 28 septembre 2011 et reproduite intégralement dans Éducation Santé n° 272, novembre 2011).
Les inégalités sociales de santé sont des réalités bien documentées en Belgique. L’absence de plans ambitieux de l’action publique pour les réduire significativement est préoccupante dans une société où l’égalité des chances est une valeur de référence. On dispose pourtant de multiples études, à l’image des tableaux de bord de la santé en Wallonie, de l’Enquête nationale de santé ou encore des études des mutualités et de la Fondation Roi Baudouin qui quantifient le problème et avancent des pistes de solutions.
Quelques chiffres donnent à réfléchir: un écart d’espérance de vie de 7 ans entre classes sociales défavorisées et aisées; pour l’espérance de vie en bonne santé, cet écart monte à 18 ans; 50% de sur-incidence des maladies cardiovasculaires chez les plus défavorisées, etc. (…).
Le constat est clair: les politiques sociales des dernières décennies ont permis un accès relativement équitable aux soins de santé mais pas à la santé! (…).
Un scénario, à étudier sérieusement, serait de convaincre les gestionnaires sociaux et professionnels de l’INAMI de consacrer 1% du budget soins de santé à un investissement en «bons pères de famille» dans la promotion de la santé. Un impressionnant panel d’experts internationaux rappelait récemment dans le Lancet que 2/3 des maladies chroniques (maladies cardiaques, accidents vasculaires cérébraux, diabète, hypertension, cancers, troubles mentaux…) ont pour facteurs favorisants communs le tabagisme, une alimentation déséquilibrée, le manque d’activité physique, la consommation excessive de sel et d’alcool. La promotion de la santé est un moyen efficace de lutter contre ces facteurs. Ne pas la prendre en compte spécifiquement dans les réflexions en cours sur le budget INAMI et l’impact du vieillissement serait une erreur de gouvernance.
L’opérationnalisation de cet investissement devrait être confiée aux Communautés / Régions parce que très logiquement c’est en décentralisation et en proximité avec la population que cet investissement structurel a le plus de chance d’être productif. Les communes et provinces devraient être impliquées dans ce dispositif parce que leur proximité avec les citoyens et leur capacité d’action sur le cadre de vie en font des niveaux de responsabilité publique incontournables pour intégrer sur le terrain promotion de la santé, développement durable et cohésion sociale.

Pour une approche complexe du réel

Travailler sur la complexité, en matière d’évaluation de l’efficacité des pratiques de terrain par exemple, c’est s’interdire de s’alarmer intempestivement face à des indicateurs d’augmentation de certains problèmes (de société, de santé, de délinquance…). Le premier réflexe est généralement de se dire: mais que font donc les acteurs attitrés censés veiller au grain? Il vient rarement à l’idée de se demander si la croissance choquante du problème «x» n’aurait pas été encore bien plus élevée en l’absence des énergies mobilisées. Comme si seuls un statu quo ou une baisse des chiffres pouvait attester une réelle «efficacité»! Alors que des facteurs tiers liés à la crise globale ou des paramètres inédits non encore identifiés peuvent tout aussi bien expliquer le mauvais score, non synonyme d’échec pour autant. Travailler la complexité c’est aussi éviter de prendre pour seuls indicateurs la quantification des résultats obtenus en matière de comportements de santé , de production d’outils d’information , de nombre de séances d’animation , important ainsi un «modèle» d’évaluation à l’œuvre dans le secteur marchand. C’est, par contre, reconnaître la valeur pour l’évaluation d’éléments qualitatifs tels que les mises en réseaux, le travail sur l’intégration de pratiques de divers professionnels, le travail d’appropriation des actions par la population concernée, le travail de plaidoyer pour faire évoluer les politiques. Travailler la complexité c’est encore évaluer les raisons d’une non-conformité aux protocoles et bonnes pratiques pour en faire surgir le potentiel d’amélioration et les nécessaires remises en question.
La promotion de la santé tend de plus en plus à faire la preuve de sa pertinence pour appréhender les enjeux et problématiques de santé de manière complexe (cf. encadré page suivante). À ce titre, elle s’avère particulièrement appropriée pour identifier des diagnostics élargis aux milieux de vie, à la société globale et à ses turbulences, en dépassant donc la seule question – surestimée – des modes de vie personnels. Ce travail de cadrage gagne aussi à s’appuyer sur des confrontations entre les vécus et expertises de santé des publics et ceux des professionnels de nombreux secteurs à vocation non marchande. Il doit fournir l’assise de toute politique de santé rationnelle bien comprise, au plus près des réalités quotidiennes des groupes les plus malmenés, qui sont actuellement les signaux d’alarme vivants les plus éloquents quant aux tendances délétères et aux responsabilités de remédiation.
L’oxygène de la complexité

« Nous demandons légitimement à la pensée qu’elle dissipe les brouillards et les obscurités , qu’elle mette de l’ordre et de la clarté dans le réel , qu’elle révèle les lois qui le gouvernent », dit le sociologue et philosophe Edgar Morin . Ajoutant en substance que « la connaissance scientifique fut longtemps et demeure encore souvent conçue comme ayant ( ce type de ) mission ». Mais sachant que les disciplines scientifiques sont souvent cloisonnées, on observe qu’elles ont plutôt tendance à se débarrasser des autres grilles de lecture qui pourraient les gêner dans l’approche de leur objet principal. Bref, elles simplifient le réel. À l’inverse la démarche complexe entre en jeu lorsqu’on considère « ce qui ne peut se résumer en un maître mot , ce qui ne peut se ramener à une loi , ce qui ne peut se réduire à une idée simple » et lorsqu’on suspecte « les limites , les insuffisances et les carences de la pensée simplifiante ». Alors que cette dernière « désintègre la complexité du réel , la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants de penser , mais refuse ( leurs ) conséquences mutilantes (…) et finalement aveuglantes », dans la mesure où elle « occulte tout ce qui relie , interagit , interfère »…

Principes auxquels tiennent les acteurs

1° Globalité . Il convient que la santé soit appréhendée dans toutes ses dimensions: physique, psychologique, sociale, économique, spirituelle, etc. Ce qui élargit la conception de la santé à la notion de qualité de vie . Face à une vision individualiste et « segmentée » de la santé , la promotion de la santé propose donc une approche qui interroge les [ i ] conditions de vie [/ i ] et [ i ] modes d’organisation de la société [/ i ](2).
2° Proximité . Parce qu’ils la vivent au quotidien, à l’école, en famille, sur leur lieu de travail ou dans leur quartier, les citoyens peuvent énoncer des priorités d’action pour améliorer leur qualité de vie. Ils peuvent aussi identifier des ressources individuelles et collectives, activables dans leurs environnements respectifs. Encore faut – il être à l’écoute des citoyens et leur reconnaître des ressources et des compétences .
3° Marier besoins et aspirations . Si l’épidémiologie offre une contribution importante à l’établissement des besoins et priorités de santé, elle envisage a priori la santé de manière négative et parcellaire, à partir de la maladie et des facteurs de risque. Mais cela pourrait-il constituer tout l’enjeu de santé en Fédération Wallonie-Bruxelles, ou même sa part la plus significative? Sans éluder l’intérêt des données de santé publique, il apparaît essentiel d’impliquer et de concerter les publics sur l’une de leurs réalités les plus précieuses . Les acteurs de promotion de la santé veulent préserver cette capacité de médiation entre besoins et aspirations de santé des publics , pour garantir une offre de santé adéquate et dynamique en Fédération Wallonie – Bruxelles .
4° Évaluer pour évoluer. La continuité des interventions, de même qu’un climat constructif distillant la confiance, sont des conditions sine qua non à la mise en œuvre et la diffusion de pratiques d’évaluation dont les acteurs de promotion de la santé se revendiquent . Le nécessaire contrôle des ressources allouées par les fonds publics et la nécessaire coordination des actions en vue de l’atteinte d’objectifs prioritaires ne peuvent toutefois servir de prétexte à une normalisation des pratiques, antagoniste de la nécessaire adaptation à la diversité des besoins des populations et à la complexité des déterminants des phénomènes de santé.
Valoriser l’intelligence collective

Les principes exposés dans ce plaidoyer pourraient être mis à mal par la réforme de la promotion de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles et les incertitudes qui l’accompagnent. C’est pourquoi nous réclamons :
a ) L’instauration d’un dialogue équitable et la réelle prise en compte de la parole et de l’expertise des acteurs concernés [ i ] avant [/ i ] la mise en place de la réforme , afin que celle-ci tienne compte de l’histoire d’un secteur, qu’elle valorise les ressources (compétences, expertises, réseaux) existantes et qu’elle s’inscrive réellement dans le respect des principes de la promotion de la santé.
b ) La reconnaissance de la nécessité d’investir en promotion de la santé pour favoriser le bien – être des populations et réduire les inégalités sociales de santé , ce qui implique une nette augmentation des budgets alloués à ce domaine de compétences. Avant cela, le maintien des budgets existants, leur indexation et la garantie de la préservation des compétences professionnelles existantes constituent un socle minimum pour la pérennité d’une politique de qualité.
c ) Le maintien d’une culture de la qualité des interventions , qui passe par la définition collective et négociée de critères de qualité et par le soutien aux acteurs pour intégrer ces critères.
d ) La remise en question d’une conception managériale centralisatrice qui semble voir dans la création d’un organisme de pilotage la solution à tous les problèmes . Nous plaidons pour le développement d’une approche qui privilégie le principe de subsidiarité et qui identifie de manière rigoureuse , systémique et participative les besoins de santé et les réponses à y apporter. D’éventuelles nouvelles structures ne pourront être créées qu’à partir d’une telle analyse qui en montrera la pertinence et qui en guidera les modalités d’implémentation adéquates.
Si vous retrouvez vos préoccupations dans le plaidoyer ci-dessus, n’hésitez pas à marquer votre accord en envoyant à collectifpromosante@gmail.com un courriel avec vos nom et prénom et le titre auquel vous adhérez à cette démarche.
Vous pouvez aussi réagir via le site mis en place par le Collectif, à l’adresse https://www.sites.google.com/site/collectifpromosante . Vous pourrez y consulter la liste des signataires régulièrement mise à jour. Vous y trouverez également plusieurs documents précisant la démarche du Collectif.
Le Collectif des acteurs de promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles
(1) Selon un article d’Ilona Kickbush paru dans le très riche dossier ‘La santé : usages et enjeux d’une définition’, revue Prévenir n° 30, 1er semestre 1996, Ed. CVM (Coopérative d’édition de la vie mutualiste, Marseille)
(2) Voir ‘Les déterminants sociaux de la santé : les faits’, OMS Europe, 2e édition, 2004, 42 p. ( https://www.euro.who.int/_data/assets/pdf_file/0006/98439/E82519.pdf )

Prévenir les maladies non-transmissibles à partir des approches de promotion de la santé

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Un appel à l’action de l’Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé (UIPES), et du Réseau francophone international de promotion de la santé (RÉFIPS)
« On sait que les maladies non – transmissibles sont la résultante de facteurs de risque , de causes , et de causes de ces causes , associés , qui surviennent dans des contextes sociaux extrêmement variés et compliqués à comprendre . Elles présentent un ensemble de caractéristiques que le champ de la promotion de la santé a depuis longtemps identifiées , comprises et essayé d’aborder , avec peu de ressources , des moyens limités et peu de soutien de la part des autorités gouvernementales et des agences internationales , partout dans le monde .» (Mc Queen, 2011) (1)
Pour faire face à la crise mondiale des maladies non-transmissibles, l’UIPES et le RéFIPS demandent
1. Un rôle élargi et renforcé de la promotion de la santé.
Une approche globale de promotion de la santé comprend des actions qui visent à renforcer les compétences et capacités des individus à améliorer leur santé à côté d’actions visant à changer les conditions économiques, environnementales et sociales qui ont un impact sur la santé. Cela est particulièrement important dans les pays à faible et moyen revenu où la promotion de la santé peut contribuer à la fois à améliorer la santé mais aussi le développement durable, l’équité et la justice sociale. Cela est valable bien sûr dans les pays à haut revenu où le fossé des inégalités est en train de s’élargir.
2. Des actions coordonnées ayant un impact sur les déterminants de l’épidémie des maladies non-transmissibles dans toutes les populations.
Toutes les stratégies de lutte contre les maladies non-transmissibles, pour être efficaces, doivent aller au-delà des approches par les modes de vie et aborder les déterminants comme l’éducation, l’emploi, le logement, le revenu, l’accès aux soins, et le manque d’accès à des approches de promotion de la santé qui ont fait la preuve de leur efficacité. Nous demandons que des actions sur les leviers structurels de la répartition inéquitable du pouvoir, de l’argent et des ressources, et des droits humains, et en soutien aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, soient mises en place.
3. Des systèmes de santé qui redirigent les ressources en faveur de la promotion de la santé et de la prévention des maladies non-transmissibles et fassent de la promotion de la santé une priorité et une fonction essentielle des départements ou ministères de la santé.
La promotion de la santé a besoin pour se développer d’un financement explicite et solide. Dans cet engagement, les systèmes de santé doivent investir dans la recherche sur les preuves de l’efficacité et du coût-efficacité des politiques et interventions de promotion de la santé, et faciliter l’émergence d’un nouveau paradigme qui conjugue et articule recherche-politique-pratique permettant l’échange et l’application des connaissances.
4. Un engagement accru avec les secteurs qui ne font pas directement partie du champ de la santé et avec lesquels on pourrait beaucoup mieux faire avancer des politiques économiques, sociales et environnementales comme solutions aux maladies non-transmissibles.
« Le système de santé hérite des problèmes résultant de l’épidémie des maladies chroniques et doit les traiter. Cela étant, il n’a pas les moyens d’aborder les causes de ces problèmes car les réponses ne sont pas d’ordre médical ou clinique mais d’ordre social et environnemental.» (Kickbush, 2010) (2)
5. Un investissement accru dans la formation de ressources humaines en promotion de la santé, placées à des postes importants et dotées de compétences essentielles pour mettre en œuvre les connaissances, les politiques et les pratiques dont on dispose actuellement.
L’UIPES a développé un consensus autour des domaines de compétences essentielles en promotion de la santé. Ces compétences doivent façonner une offre accrue de spécialistes en promotion de la santé.
6. La prise en considération de trois domaines essentiels, à savoir la nutrition, l’activité physique et le contrôle du tabac et un accord sur des indicateurs solides dans ces trois domaines. Une véritable action de promotion de la santé sur la nutrition, l’activité physique et le contrôle du tabac peut avoir un énorme impact sur la réduction du fardeau des maladies non-transmissibles dans l’ensemble de la population.
L’UIPES et le RéFIPS reconnaissent que la réduction des maladies non-transmissibles demande de se concentrer sur plusieurs domaines. Cela comprend le contrôle du tabac, l’amélioration de l’approvisionnement et du système alimentaires, des environnements favorables à l’activité physique, la réduction de l’abus d’alcool, et la distribution de technologies et de médicaments essentiels à un coût abordable. Toutes ces composantes sont importantes, mais si les principaux facteurs de risque (tabac, sédentarité, mauvaise alimentation) étaient éliminés, une large proportion des maladies cardiaques, des accidents vasculaires, des diabètes de type 2 et des cancers pourraient être prévenus, ce qui permettrait de sauver des millions de personnes d’une mort prématurée.
7. Que l’on se focalise sur l’équité entre les pays et à l’intérieur même de ceux-ci et que l’on fasse tout particulièrement attention aux besoins des groupes défavorisés.
Les facteurs de risque s’accumulent dans les populations et communautés défavorisées, et ce sont souvent les personnes de ces communautés qui ont le plus mauvais accès aux services de santé, aux environnements favorables à la santé et aux programmes de promotion de la santé.
L’UIPES et le RéFIPS sont particulièrement intéressés à relever avec succès le défi et la problématique complexe des maladies non-transmissibles et désirent vivement soutenir le rôle important de la promotion de la santé à l’échelle mondiale pour changer l’environnement actuel de sorte qu’il soit favorable à la prévention de ces maladies. Ils ont un rôle et une responsabilité importants pour conseiller et influencer des résultats. Ces deux organisations ont un réseau et des groupes de travail spécifiques d’experts et d’institutions reconnus, et une forte présence dans toutes les régions du monde. Elles sont désireuses et capables d’apporter leur contribution et une solide expérience et expertise unique en promotion de la santé, et de jouer un rôle essentiel en apportant des conseils sur l’efficacité de la promotion de la santé et en mobilisant leurs membres pour mettre en œuvre une stratégie de lutte contre les maladies non-transmissibles. (1) McQueen D. (2011) Un défi pour la promotion de la santé. Global Health Promotion, 18
(2) Kickbush I.(2010) L’intégration de la santé dans toutes les politiques: Adelaïde 2010, Ministère de la Santé d’Australie méridionale