Comment un projet social peut-il amener les professionnels et les usagers à changer leurs regards et comportements ?
En 2013, un projet ayant pour objectif de réduire les inégalités sociales de santé des habitants est né dans un quartier social de la province du Brabant Wallon. La nouvelle brochure du service d’éducation permanente de l’asbl Question Santé décrit comment, à travers différentes initiatives, ce projet a réussi à changer les représentations et comportements, tant du côté des travailleurs sociaux que du côté des résidents. En apparence, la ville d’Ottignies/Louvain-la-Neuve a un territoire « riche » avec une population plutôt aisée. Dans les faits, c’est aussi l’une des villes classées parmi les plus inégalitaires de Wallonie. C’est dans cette ville située dans la province du Brabant Wallon que se trouve, en effet, un quartier de logements sociaux, isolé du reste de la ville et où aucun commerce n’est présent : le quartier de la Chapelle aux Sabots. Ici, selon les statistiques de l’AIM (Agence Inter-Mutualiste), près de 50% des habitants bénéficient d’une intervention majorée et une personne sur deux présente un statut économique faible.
Un projet contre les inégalités sociales de santé
Selon un rapport de l’AIM, les citoyens belges les plus pauvres présentaient, en 2016, un risque de mortalité de 22 % supérieur à celui de la population générale. Par rapport aux personnes les plus aisées, la surmortalité est de 56 % supérieure. Notre santé est, en effet, influencée par une série de facteurs tels que l’éducation, les liens sociaux, l’isolement social, l’environnement,… Appelés déterminants sociaux de la santé, ces facteurs sont susceptibles d’engendrer des inégalités sociales de santé. C’est dans l’objectif de faire baisser les inégalités sociales de santé dans le quartier de la Chapelle aux Sabots qu’un groupe de travailleurs sociaux a lancé, en 2013, un vaste projet autour de la santé et du bien-être des habitants.
Un projet qui change les regards
Au-delà des objectifs relatifs à la réduction des inégalités sociales de santé, le projet a beaucoup appris aux travailleurs sociaux. Lors des entretiens menés avec les habitants, une forme de maltraitance de la part des travailleurs sociaux à leur égard a ainsi été dénoncée par les habitants. Ceux-ci ont, en effet, évoqué certains travailleurs sociaux qui se contentent de dire d’envoyer un mail, y compris à des personnes qui ne savent pas écrire ou des employés qui pénètrent dans les intérieurs et font des remarques ressenties comme dénigrantes.
Aussi, les travailleurs sociaux se sont retrouvés face à l’idée qu’il y a des sujets qu’il vaut mieux ne pas aborder. « Parler de faibles revenus ou de revenus de remplacement posait problème, comme si, à chaque fois, on faisait le lien avec leurs échecs » explique ainsi Etienne, chargé de projet à la Cellule de cohésion sociale de la ville d’Ottignies/Louvain-la-Neuve. De même, les travailleurs sociaux ont dû apprendre à écouter de façon neutre en faisant abstraction de leurs propres valeurs, convictions ou représentations. « Lors des réunions, j’ai également davantage perçu le fait qu’il y avait des vécus qui étaient éloignés des miens. (…) En fait, ma représentation d’une vie de quartier n’est pas la leur… De même, notre objectif de professionnel, c’est de s’ouvrir à la diversité. Mais ce n’est pas le leur » explique Steve, chargé de projet à la Cellule de cohésion sociale de la ville d’Ottignies/Louvain-la-Neuve.
Un gain d’autonomie
Au sein du quartier de la Chapelle aux Sabots, le projet initial voulu par les intervenants sociaux a permis aux habitants de gagner en autonomie. Geneviève, responsable ONE à Ceroux-Mousty-Ottignies, estime ainsi qu’« avant, beaucoup de personnes attendaient totalement que tout passe à travers l’intervention de professionnels. On est un pas plus loin. Y compris du côté des professionnels qui mettent en place des initiatives qui n’auraient pas été proposées il y a quinze ans. » Au final, les regards et les attitudes ont changé, tant chez les habitants que chez les professionnels. Du côté des usagers, certains préjugés sont tombés. Du côté des professionnels, des interventions et des pratiques ont été questionnées puis adaptées. A travers les différents témoignages des protagonistes impliqués dans le projet du quartier de la Chapelle aux Sabots, la nouvelle brochure de Question Santé, intitulée « Tiens, je ne me/je ne te voyais pas comme ça », décrit comment un projet de santé et une action menée par les habitants d’un quartier peuvent changer les regards que l’on pose sur les autres et sur soi-même. Un outil qui s’adresse à tous les publics et qui devrait, en particulier, intéresser les travailleurs du social ou de l’interculturel.
A propos de la brochure d’éducation permanente
Pour prendre connaissance de cette nouvelle brochure, vous pouvez consulter le site : www.questionsante.org/educationpermanente. Elle est disponible gratuitement auprès de l’asbl Question Santé et peut être commandée par courrier Rue du Viaduc, 72 – 1050 Bruxelles, par téléphone au +32 (0)2 512 41 74 ou par email à info@questionsante.org.
A propos de Question Santé
L’asbl Question Santé met en débat les enjeux individuels et collectifs de la santé et les traduit en projets et outils, accessibles à des publics variés. Elle est un acteur reconnu dans le domaine de la santé, en matière d’information, d’éducation, d’animation, de gestion de projet et de communication. Intégrée dans de multiples réseaux d’acteurs institutionnels et de terrain, Question Santé s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire, à l’écoute des besoins et des évolutions sociétales.