Novembre 2006 Par Philippe BASTIN Tribune

Au cours des trois dernières décennies, presque tous les politiques, qu’ils soient de la santé, de la justice, de l’intérieur, vice ou premier, ministre ou parlementaire, quelle que soit leur appartenance politique, ont proclamé haut et fort qu’il vaut mieux prévenir que guérir et, dès lors, qu’il faut mettre la prévention au premier plan des priorités et des actions en matière de drogues. La répression doit intervenir le plus tard possible pour laisser le champ libre à l’information, l’éducation, la formation, la médiation… «la prison étant l’ultimum remedium» (1).
Malheureusement, à coté de ce discours «officiel», nous ne pouvons ignorer les cohortes d’usagers de drogues et de petits dealers croupissant dans le surpeuplement carcéral pour des faits le plus souvent bénins, sans commune mesure avec la lourdeur des sanctions prononcées.
En effet, du côté budgétaire (le «nerf de la guerre» comme on dit), les moyens consacrés (2) sont à l’exact opposé du discours tenu : 54 % des dépenses à la répression, 4 % à la prévention (3). Le fossé est immense entre un discours banalement généreux et l’implacable langage de l’allocation des ressources.
Or, il est possible et nécessaire, en matière de drogues, de mener une politique qui ne ferait pas l’amalgame entre justice et santé, usage de drogues et menace de l’ordre public. Une véritable prévention passe par des lois et des dispositifs juridiques qui, au lieu de renforcer le contrôle et la répression des populations supposées «à risque», stimuleraient leur participation et leur intégration.
Pour une société, prévenir l’abus de drogues, c’est aussi écouter ses jeunes, leur donner de l’espace et leur offrir des perspectives autrement folichonnes que celles d’être des outre-consommateurs exploités et sacrifiés aux lois du marché.
Une société au sein de laquelle la sécurité et l’éducation des jeunes repose sur la rencontre d’adultes soucieux de les accompagner dans leur devenir plutôt que sur la prolifération des moyens de contrôle en tout genre: dépistages, caméras de surveillance, et autres dispositifs de techno-sécurité.
Un jour, peut-être…
Philippe Bastin, Infor-Drogues asbl
(1) Voir notamment la Directive ministérielle du 16 mai 2003 «… l’approche pénale, et plus précisément la prison, doit être l’ultimum remedium…».
(2) Pr. B. De Ruyver, Pr. I. Pecl, Pr. J. Casselman, K. Geenens, P. Nicaise, L. From, F. Vander Laenen, K. Meuwissen, A. Van Dijck, La politique des drogues en chiffre: étude des acteurs concernés, des dépenses publiques et des populations atteintes, Academia Press, Gent, 2004, page 471. La recherche porte sur les années ’90 et s’arrête à 2002. Elle va être reconduite et portera sur les années suivantes.
(3) Dans ces dépenses sont également intégrés les montants consacrés aux contrats de sécurité et de prévention financés par le Ministère de l’Intérieur!