Août 2003 Par S. BOURGUIGNON Initiatives

Le Comité interprovincial de médecine préventive (CIMP), asbl créée en 1985 à l’initiative des députés permanents francophones, a édité ‘Vous travaillez à horaires irréguliers… voici des conseils pour mieux vivre’.
Cette brochure, disponible gratuitement dans les trois langues du pays, offre aux travailleurs à horaires irréguliers un grand nombre de conseils utiles et pratiques visant à améliorer leurs conditions de vie et de bien-être.
La brochure fait le point sur le mécanisme des rythmes du sommeil et de la sieste puis sur la meilleure manière de composer et de prendre ses repas lorsqu’on travaille en pause. Les trois chapitres qui suivent s’intéressent aux rythmes distincts de sommeil et de repas des personnes qui se lèvent à 5h ou avant, de celles qui travaillent la nuit et enfin de celles qui travaillent l’après-midi. Le dernier chapitre est consacré aux grandes causes de somnolence et aux dangers générés. Avec ses illustrations humoristiques, ses textes courts et précis, ce document se présente comme un allié bienveillant de tous ceux qui partagent ce mode de vie décalé.

Sommeil trompeur

Cette publication a également le mérite de mettre un coup de projecteur sur les particularités, les difficultés et les problèmes de santé encourus par ces travailleurs à horaires irréguliers, soit 20% des travailleurs de la Communauté européenne.
Comme tous les êtres vivants, l’homme alterne les phases actives et les phases de repos. Ces phases se succèdent selon un rythme régulier. Il est fait pour être actif le jour et au repos la nuit.
Pour les travailleurs de jour, phases diurnes et phases nocturnes sont en totale harmonie. Par contre, pour les travailleurs de nuit, elles sont en contradiction. Ces derniers travaillent quand leurs corps est ensommeillé et dorment pendant la phase de réactivation diurne. Le sommeil du travailleur à horaires irréguliers est perturbé, amoindri et moins réparateur.
Les raisons pour lesquelles la qualité du sommeil est moindre lorsqu’il se passe en journée sont multiples:
– la durée du sommeil est toujours plus courte de 1 à 2 heures;
– le sommeil est morcelé car le rythme de la faim et des sécrétions gastriques interfère avec celui du sommeil et provoque le réveil;
– la lumière et le bruit perturbent le sommeil;
– le sommeil paradoxal peuplé de rêves est plus court, or c’est lui qui répare la fatigue mentale.
Les rythmes biologiques sont des rythmes héréditaires, génétiques qui se trouvent renforcés par des facteurs environnementaux, naturels, sociaux…
Contrairement aux croyances, les rythmes biologiques ne s’inversent pas après un temps d’adaptation. Il n’y a pas ‘accoutumance’ mais ‘intolérance’ progressive au travail de nuit (surtout chez les travailleurs de plus de 45 ans).
De plus, ces biorythmes sont soumis à l’influence contradictoire des horaires sociaux et familiaux. On retrouve les mêmes troubles chez la femme et chez l’homme, mais ils sont généralement aggravés chez la femme par les usages sociaux qui l’astreignent à une double occupation (professionnelle et familiale).

Effets sur la santé

Les effets néfastes de telles conditions de travail sont encore accentués lorsque le travail demande un investissement mental conséquent.
Parmi les principaux effets sur la santé, on peut citer:
– l’épuisement permanent qui conduit au mal-être et à un vieillissement prématuré (le déficit en sommeil lent – paradoxal – accroît les effets de l’âge par une moins bonne régénération des tissus);
– l’apparition de troubles gastro-intestinaux, tels que la constipation ou la diarrhée, voire un ulcère ou l’obésité;
– l’émergence de troubles nerveux qui peuvent se traduire par une absence d’énergie (asthénie), des insomnies, une somnolence après les repas ou encore une modification du caractère (agressivité ou dépression);
– la venue de troubles circulatoires, tels que: hypertension, troubles circulatoires des membres inférieurs en position debout;
– et enfin, un risque accru d’accidents de travail dus à la perte de vigilance mentale et/ou physique.
Autre risque majeur: celui de voir se conforter certains comportements comme la consommation excessive de café ou de thé, voire de boissons alcoolisées, de cigarettes ou encore la prise de somnifères pour dormir le jour et de stimulants pour veiller la nuit!
Les symptômes varient d’un individu à l’autre. Ils peuvent surgir rapidement ou, au contraire, n’apparaître qu’après 10 ou 20 ans de travail de nuit. Environ 18% des personnes travaillant de nuit ont des problèmes de santé liés au rythme de travail.
Au niveau de la vie privée, l’harmonie familiale et sociale du travailleur de nuit est souvent perturbée car son sommeil est entravé par l’activité et/ou le bruit autour de lui. De plus, il vit de manière décalée par rapport à sa famille et ne peut exercer ses responsabilités familiales et/ou sociales normalement. Empêché de mener des activités collectives, il peut vivre un sentiment d’isolement.

Les conséquences du travail posté sur la santé du travailleur ne sont donc pas négligeables. Seulement 10 à 20% des travailleurs s’adaptent facilement à cette situation. Nous ne sommes pas tous égaux devant le travail à horaires irréguliers. L’adaptation est plus difficile:
– si le travailleur a plus de 40 ans, s’il exerce un second travail ou s’il souffre de différentes pathologies (psychiatriques, alcoolisme, diabète, épilepsie, problèmes cardio-vasculaires);
– s’il est couche-tôt, il s’adapte plus facilement à un poste du matin qu’à un travail de nuit;
– si son besoin de sommeil est important, il va supporter moins bien la dette de sommeil liée au travail à pause.

Améliorations

On peut améliorer la situation des travailleurs à horaires irréguliers en agissant à deux niveaux:
Organisation
– en concevant mieux les horaires, c’est-à-dire en informant les travailleurs en rotation de leur calendrier de travail bien à l’avance, en allouant un nombre suffisant de pauses pour récupérer de la fatigue et en étant aussi flexible que possible en tenant compte des besoins et des préférences de chacun;
– en offrant des installations permettant aux travailleurs d’être en sécurité et le plus à l’aise possible etc.
Individu
– en informant les travailleurs des effets du travail à horaires irréguliers sur la santé et la sécurité et de ce qu’on peut faire pour les contrer. Il est notamment utile de leur donner une formation en matière de techniques de détection et de réduction du stress.

Vu l’importance du rôle qu’ils peuvent jouer en faveur de ces travailleurs, il paraît nécessaire que les représentants des travailleurs, leurs employeurs, les services médicaux du travail et les services de prévention et de protection s’intéressent sérieusement aux conditions de vie et de travail de tous ceux qui turbinent à l’heure du repos. La brochure du CIMP est là pour amorcer la réflexion et apporter des informations bien utiles!
Sylvie Bourguignon
‘Vous travaillez à horaires irréguliers… voici des conseils pour mieux vivre’, brochure gratuite disponible:
– en français au CIMP, av. Herbofin 9/9, 6800 Libramont. Tél.: 061-23 27 82. Fax: 061-23 28 59. Site: http://www.cimp.be ;
– en allemand et en néerlandais au Service publications du Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail, rue Belliard 5, Bruxelles. Tél.: 02-233 42 14.