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“Des ateliers cuisine pour éduquer les pauvres ? Stop, la coupe est pleine”

Le 27 Mai 21

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Carte blanche de Christine Mahy, secrétaire générale et politique du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté.
S’il y a une violence ultime qui peut être infligée aux personnes, aux ménages, qui vivent dans le trop peu de tout, c’est de les considérer d’abord comme des incompétents à éduquer avant de leur garantir la sortie de la pauvreté par l’accès aux droits.

Cet article est paru initialement dans TCHAK ! La revue paysanne et citoyenne qui tranche, dans leur numéro du printemps 2021. Retrouvez-le ici. Nous les remercions, ainsi que l’auteure, pour leur aimable autorisation de reproduction.

Dans ce type d’approche, la gestion de la pauvreté bénéficie d’un boulevard pour une multitude d’initiatives publiques, privées et associatives, qui cherchent à convaincre qu’il est toujours possible de faire plus avec moins par l’éducation. Une éducation qui permettrait de combler le revenu qui s’écrase, le mal-logement qui mange le budget, le stress qui épuise, la monoparentalité brutalisée, l’endettement impossible à éviter, le report de soins par manque de moyens, le temps consacré à la débrouille de survie, la course à la justification pour arracher ou ne pas perdre du droit !

Quand, à l’économie que l’éducation pourrait soi-disant générer dans le portefeuille, les mêmes acteurs ajoutent les arguments de la prévention santé – « Ils sont obèses ou malades parce qu’ils mangent mal… » ; celui du frein à l’évolution vers une autre économie en faveur du climat – « Ils vont tous dans les grandes chaînes bon marché… » ; celui de la méritocratie individuelle – « Ils ne font pas d’efforts pour sortir de leurs conditions… d’autres l’ont bien fait… ». Et, cerise sur le gâteau – « Bien manger ne coûte pas plus cher car la quantité de mauvaise qualité bon marché est comblée par une disette de bonne qualité qui rassasie davantage… »… Eh bien tous les ingrédients de la recette de l’abandon de la lutte majeure contre la réduction des inégalités et les injustices sociales sont réunis !

Ils sont cernés… les pauvres !

Pour les plus de 25 % de ménages en Wallonie qui tirent le diable par la queue, et dramatiquement bien plus encore à Bruxelles, qu’ils vivent avec des revenus sous le seuil de pauvreté ou juste au-dessus, qu’ils travaillent ou pas, la coupe est pleine… pleine de rage !

Quand ce n’est pas le CPAS qui propose, lorsqu’il n’impose pas, la fréquentation d’ateliers cuisine, c’est parfois l’associatif qui perd la boussole en versant dans l’éducation des pauvres au bien-manger ; quand ce n’est pas une grande chaîne de magasin qui propose publicitairement des recettes dites « à prix écrasés » avec leurs produits industriels et la collaboration de certains CPAS, c’est la fierté des porteurs de l’aide alimentaire de mettre parfois des produits frais de qualité dans les colis qu’il s’agit d’apprécier.

Quand ce n’est pas le jugement de valeur qui fait mal pour longtemps lorsque l’école pointe du doigt ce que l’enfant n’a ou n’a pas dans sa boîte à tartines, c’est le dépliant de luxe en papier glacé d’un acteur de la santé qui laisse penser que ce n’est pourtant pas si difficile ; quand ce ne sont pas les multiples émissions télés et radios qui magnifient le bien-manger, le plus souvent de luxe, comme une évidence et la concurrence comme une stimulation saine, c’est la publicité du marché du terroir au plan local comme le lieu vertueux à fréquenter !

Impossible que leur échappe le fait qu’ils sont piégés dans la malbouffe, qu’ils sont le portefeuille et le marché de la malbouffe, qu’ils sont la poubelle des invendus et des riches, qu’ils sont nourris par l’aide alimentaire cache-sexe de l’illégitime et violente pauvreté institutionnalisée. Et, finalement, qu’ils sont sans doute incompétents tant en gestion budgétaire qu’en choix alimentaire, qu’en capacité culinaire, et qu’ils sont donc à éduquer quand ce n’est pas à rééduquer.

La nourriture, variable d’ajustement

Et pourtant ils savent… que pour eux la nourriture est une des variables d’ajustement du ménage pauvre. Les propos suivants sont légion :

  • « Je paye l’indispensable et puis on fera comme on peut pour se nourrir avec le reste…
  • On ira au colis ce mois-ci, on ira au resto du cœur, je passerai à l’épicerie sociale…
  • Faut que je garde pour le train pour aller au colis sinon on ne finira pas la fin du mois…
  • Ce mois-ci il y avait des gâteries pour les enfants dans le colis, ouf pour les collations de l’école même si c’est pas celles que l’école demande…
  • T’as vu les prix dans les magasins, même au moins cher…
  • Je connais les prix au centime près, va demander ça à un riche…
  • Ceux qui avaient les moyens se sont rués sur la pub, ils ont tout emporté…
  • J’aimerais bien lui acheter des bonnes chaussures, impossible de sortir l’argent en une fois, il faut être riche pour être pauvre…» [extraits de témoignages de témoins du vécu/militant.es au sein du RWLP].

Et pourtant ces mamans savent… comment inventer, solutionner, contourner, donner l’illusion : « Je servais le repas à mes filles et moi à table. Je trouvais une excuse pour ne pas manger en même temps qu’elles de façon à remettre ma part dans la casserole une fois qu’elles avaient quitté la table pour allonger le repas du lendemain ».

Ou encore : « J’ai vite compris que je ne devais plus prendre mes enfants avec moi pour faire les courses quand je me suis rendu compte que je devais leur dire non à tout, même à des trucs de base qu’il aurait été normal d’acheter ».

Et aussi : « Ils sont ados, ils ont faim tout le temps. Maintenant je cache parce que quand ils me vident le frigo en se relevant le soir ou quand je ne suis pas là, je ne sais pas aller racheter dans le mois ».

Et encore : « Je le sais bien que c’est mieux de manger de la soupe et des légumes, mais je vous jure qu’un hachis parmentier avec une grosse sauce et beaucoup de pommes de terre, ça les calle pour la journée ».

Et toujours : « Les restes, les colis, oui ça aide… mais à un moment donné t’en peux plus de devoir faire avec ce qu’il y a. Et tu dois souvent aller chercher à plusieurs endroits pour arriver à composer des repas complets… c’est dur d’aller demander partout».

Et aussi : « Les collations à l’école, ça doit être des fruits, des produits laitiers, ou des choses sans emballage… Mais les fruits à la maison, c’est parfois quand le budget va un peu mieux ; les produits laitiers, ça, ça va encore parce que dans les colis alimentaires, tu reçois souvent beaucoup de yoghourt, t’a intérêt à aimer ; les collations sans emballage, ben ça c’est la m… parce que le bon marché sans emballage tu peux courir… et l’emballage de toute façon tu l’as à la maison ! » ;

Et encore : « T’as déjà essayé de faire bien à manger avec deux taques électriques et un compteur à budget ? Ben moi, ce que je fais, je me prive la semaine pour garder de quoi recharger ma carte le week-end quand j’ai les enfants pour arriver à leur faire mieux à manger… »

Et toujours : « J’en ai marre qu’on me dise que je vais m’en sortir parce que je ferai un légume avec le blanc de poireau et de la soupe avec le vert… Ils pensent qu’on est con ? S’ils croient que c’est avec ça que j’arriverai à boucler la fin du mois, ils se foutent de notre g… »

Et aussi : « Je n’allais plus au marché près de chez moi le dimanche. L’odeur des poulets rôtis me donnait une envie folle et j’étais incapable de me faire ce plaisir. Maintenant que mes revenus ont augmenté, de temps en temps, je me fais ce plaisir… Et encore, il y a ceux de qualité et les autres… »

Et enfin ; « Quand le potager communautaire donne bien, on a des légumes régulièrement et gratuits… Mais bon, il faudrait cela tout le temps et pour tout le monde… » ; « Qu’est-ce qu’elles pensent les assistantes sociales ? Qu’on ne sait pas ce qui est bon… » [extraits de témoignages de témoins du vécu/militant.es au sein du RWLP].

Une violence institutionnalisée extrême

Et pourtant, ils ont su, ils ont oublié, ils ont voulu oublier ! La perte de mémoire des savoirs est parfois devenue le meilleur moyen de tenir et de continuer à sauver sa peau ! Car oui la pauvreté durable abîme, fait perdre des forces, des moyens et des compétences. Lorsqu’il s’agit de concentrer son énergie et sa créativité pour la survie du quotidien tout le temps, la broyeuse impitoyable des potentiels est en route !

Oui la pauvreté durable peut conduire à un estompement de la norme qualitative en toute matière… car comment vivre dans le regret de l’impossible ! Le refuge dans la satisfaction de ce qu’est le quotidien répétitif, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année, même dans le trop peu de tout, est devenu vital !

Et puis l’habitude, l’habituation sournoise, et les pratiques de débrouille s’installent, parce que c’est vital… la spirale de l’appauvrissement de toutes les ressources est en route ! Laisser une partie de la population dans cette pauvreté durable, et en organiser la gestion en y ajoutant la couche éducative, plutôt que de s’attaquer aux inégalités qui en sont la source, est d’une violence institutionnalisée extrême.

Alors, la moindre des choses, écoutons-les, et agissons à partir d’eux et avec eux ! Car les savoirs se réveillent s’ils sont respectés, les compétences s’acquièrent si elles sont en phase avec les choix et les temporalités des personnes, le droit à l’aisance se conquière pour toutes et tous si collectivement nous nous fédérons avec les abandonnés dans la pauvreté durable.

Parmi les acteurs investis dans le combat pour une alimentation saine et durable, en faveur du climat, de l’environnement et de la biodiversité, certains s’inscrivent aujourd’hui dans cette dynamique-là. Alors ils n’éduquent pas, ils font de l’éducation permanente, de l’éducation populaire, de la politique avec la population pour construire un rapport de force qui rende la gestion de la pauvreté tout aussi illégitime que l’est la pauvreté. C’est donc possible, certains étant déjà en train de le faire.

En sus d’un investissement permanent de terrain, les témoins du vécu/militant.e.s et le RWLP se proposent d’amplifier à travers une rubrique permanente dans Tchak ! ce mouvement, qui doit devenir viral. Rendez-vous au prochain numéro.

Tchak ! La revue paysanne et citoyenne qui tranche

est un projet éditorial qui englobe une revue trimestrielle (une centaine de pages), un site internet, des flux vers les réseaux sociaux. Le premier numéro a été publié mi-février 2020.

Tchak! s’adresse à tous ceux qui veulent couper le cordon avec l’agro-industrie et la grande distribution, dont il décrypte les impacts sur la société, le travail, l’économie, l’environnement et la santé publique.

Tchak ! veut fédérer autour de l’agriculture paysanne, de l’agroécologie et des nouveaux modèles de production, de distribution et de consommation (circuits-courts, magasins à la ferme, etc).

Tchak ! veut susciter/accompagner la prise de conscience à travers une information axée sur le témoignage, les faits, le décryptage, l’enquête ; mais aussi le commentaire, la carte blanche, la prise de position et le débat.

Tchak ! est un vrai projet journalistique; il parie sur un contenu qualitatif et indépendant, raison pour laquelle son comité de rédaction et son comité d’orientation ont souscrit à une charte éditoriale et au code de déontologie journalistique de l’Association des journalistes professionnels (AJP).

Ce comité de rédaction est pluriel, démarche peu habituelle dans une rédaction. Il est composé de journalistes, de représentants des partenaires du projet, d’experts des médias et du secteur agro-économique. Ou encore de scientifiques (ULiège/ Gembloux Agrobiotech – UCLouvain).

Tchak ! est un projet coopératif porté par quelque 25 organisations, des scientifiques, des économistes. Et, déjà, par plusieurs dizaines de citoyens coopérateurs. Un appel à souscriptions est lancé depuis octobre 2019.

Tchak! est distribué et mis en vente à Bruxelles et en Wallonie dans le réseau des librairies indépendantes, dans tous les points de vente publics des organisations partenaires du projets et est également disponible sur notre kiosque en ligne.
Rendez-vous sur https://tchak.be/

Lettre d’un bénévole énervé

Le 30 Déc 20

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J’ai lu l’article ‘Volontariat et emploi: frontières incertaines’Note bas de page paru dans le numéro de décembre dernier d’Éducation Santé avec un intérêt particulier, vu que je suis un de ces bénévoles qu’il évoque (je préfère le terme de bénévole à celui de volontaire, même si le premier traîne quelques relents caritatifs, parce que le second relève un peu trop de l’euphémisme).Pour que l’on me situe, disons que, préretraité forcé, j’anime des ateliers créatifs dans une maison de quartier, des tables de conversation en français dans une organisation d’éducation populaire et que de temps en temps, on me demande ou je propose un texte comme celui-ci. L’article cité plus haut m’a poussé à mettre en forme des réflexions que je trimbale depuis un moment.D’abord, il faut peut-être rappeler que le «duo terrible» salarié/bénévole est ancien: la question était présente lorsque j’ai commencé à travailler dans les années 1970. Nombre d’associations étaient/sont nées et se sont développées au départ d’initiatives où le bénévolat jouait un grand rôle, voire le rôle premier. Et par la suite, cela n’allait pas toujours sans tensions entre salariés et bénévoles.Lorsque ces associations se sont, assez récemment, regroupées en ‘secteurs’ (voir, pour Bruxelles, le décret de la COCOF sur l’ambulatoire santé-social), elles s’étaient largement professionnalisées et le bénévolat y avait pris beaucoup moins de place.Même si cela n’était et n’est toujours pas vrai pour d’autres secteurs, il peut paraître surprenant que la question fasse un come-back.

Concurrence

En quoi cette question est-elle neuve aujourd’hui? Il y a bien sûr le risque voire la réalité d’une concurrence entre bénévoles et salariés pour des raisons économiques: c’était l’objet de l’article.Mais ce point de vue institutionnel devrait être élargi: quid de ces raisons économiques? L’affirmation d’une rare platitude que l’on entend au jour le jour depuis quelques années – «Il n’y a plus d’argent, faut faire avec ce qu’on n’a pas» – ne tient pas trois secondes: on a trouvé en un tournemain des milliards pour «sauver les banques», sans leur imposer de contrepartie pour les empêcher de poursuivre leur gabegie ruineuse (ruineuse, mais pas pour tout le monde).Il est trop facile aussi de dire que «c’est la faute à la crise»: ce refrain qu’on nous serine depuis des décennies n’est que le camouflage d’un choix politique que l’on pourrait résumer comme suit: mort au supposé État Providence, vive l’État social actif! Ça vous semble simpliste? Regardez ces deux termes avec attention, vous verrez ce qu’ils cachent de tordu.

Professionnalisation

Autre aspect de la question: la professionnalisation du bénévolat. Certes, il ne suffit plus d’être de bonne volonté, et tant mieux: on sait ce que les bonnes intentions avancées peuvent cacher d’arrivisme, d’autopromotion, d’appétit de pouvoir sur les autres. Mais, de plus en plus, des savoirs et des savoir-faire spécifiques sont recherchés (comptabilité, droit, expérience dans tel domaine professionnel…), un CV est demandé, une formation ad hoc est proposée voire exigée.Cette exigence se justifie parfois – je pense par exemple aux services de permanence téléphonique genre SOS… (remplissez les pointillés) – mais le recours au bénévolat est-il alors un vrai choix ou un pis-aller en raison du manque de moyens?Il est assez clair pour moi que les pouvoirs publics, au prétexte de la prétendument inévitable ‘austérité’ – le mot s’est imposé dès les années 80, hein, ce n’est pas nouveau – se désengagent (ou ne se sont jamais engagés que du bout des lèvres et du budget) de missions sociales pourtant fondamentales et s’en déchargent sur les épaules de l’associatif.

Exemple vécu

J’exagère, je pinaille, je suis un exalté, un agitateur?… Allez, un exemple vécu.Dans mes recherches de travail bénévole, je suis tombé sur une offre d’enseignement du français langue étrangère. Le ton de l’annonce était sympa. Je prends rendez-vous. C’est une maison d’habitation chichement aménagée en locaux de bureaux, de réunions, etc. Si je fais abstraction des écrans d’ordinateurs et des imprimantes, je crois me retrouver trente-cinq ans en arrière, et ça ne me remplit pas vraiment de nostalgie.La coordinatrice intérimaire a reçu mon CV et m’explique le boulot: par semaine (hors congés scolaires), trois matinées d’enseignement, plus la préparation des cours, plus une sortie accompagnée de temps en temps, plus la concertation avec l’animatrice de l’atelier du vendredi, le tout assorti d’une formation sur le tas (observation du cours donné par l’autre prof) et, bien sûr, la possibilité – l’absolue nécessité, à mes yeux – de suivre des formations auprès de Lire & Écrire.Je résume: «C’est un gros mi-temps, quoi.»Réponse: «Oui… Mais vous pourrez sûrement négocier un défraiement.»Moralité: des associations sous-financées sont contraintes de recruter des chômeurs ou retraités bénévoles, sous-formés voire pas formés du tout, pour travailler avec les étrangers pauvres auxquels le bon peuple et maints élus reprochent de ne pas s’intégrer.Salariat? Bénévolat? On n’est pas principalement face à une question déontologique ou morale. On est face à une question politique qui se pose non seulement à l’associatif mais à nous tous, citoyens (pas juste électeurs), et à ceux qui sont censés exercer le pouvoir en notre nom.

‘Volontariat et emploi: frontières incertaines’, C. De Bock, Éducation Santé n° 317, décembre 2015.

Carte blanche ‘VIH et hépatites, une seule politique qui vaille: la santé publique’

Le 30 Déc 20

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Carte blanche ‘VIH et hépatites, une seule politique qui vaille: la santé publique’

À l’occasion de la Semaine européenne de dépistage du VIH et hépatites, menée à travers toute l’Europe du 20 au 27 novembre derniers, des acteurs de terrain et des fédérations concernés par ces questions ont cosigné une carte blanche à l’initiative de la FEDITO Bruxelles (Fédération bruxelloise des institutions pour toxicomanes) et du Réseau Hépatite C Bruxelles.

En Europe, 2,5 millions de personnes vivent avec le VIH, dont un tiers l’ignore. Plus de 28 millions de personnes sont atteintes d’hépatite virale, dont seule une petite partie est diagnostiquée et, encore beaucoup moins, traitée (3,5 % des hépatites C). Contrôler, faire régresser, ou même – dans le cas de l’hépatite C – vaincre ces épidémies est aujourd’hui, non seulement possible, mais surtout prioritaire au plan de la santé publique, vu leur place en tête de liste des causes mondiales de mortalité infectieuse. Il faut pour cela s’engager résolument dans la stratégie dite «test and treat».

Contrôler ces infections passe d’abord par la connaissance, par tous, des facteurs de risques et des moyens de se protéger. Puis, par le dépistage des personnes exposées, et enfin, par le traitement et le suivi des personnes infectées. Seule cette triple approche permettra aux personnes atteintes de vivre normalement, voire de guérir; et surtout, elle constitue la pierre angulaire du contrôle de l’épidémie. Il ne s’agit pas seulement de santé des populations, mais aussi de bonne gestion économique.

Car, si promotion de la santé, dépistage et traitement ont un coût non négligeable, celui-ci a toute chance de s’avérer beaucoup moins élevé que la gestion, à un stade et une ampleur plus avancés, d’une épidémie de toute façon incontournable et génératrice de complications sévères: ces virus sont devenus la première cause de transplantation hépatique, procédure sophistiquée, grevée d’une mortalité non négligeable et très coûteuse pour la collectivité, aussi en raison de la surveillance et des médications à vie ensuite nécessaires.

L’inventaire des pratiques les plus à risque semble d’emblée très stigmatisant: sexe non protégé, tatouage et piercing non stériles, injection de drogues. Mais en réalité, tout le monde est concerné. Il existe encore un réservoir important de patients non diagnostiqués qui ont été contaminés par des procédures médicales avant l’identification du virus de l’hépatite C (1990). Pensons aussi aux jeunes à l’entrée dans leur vie sexuelle active ou aux HSH, particulièrement exposés.

Tout le monde a avantage à ce que tous aient accès à l’information, au dépistage et au traitement, y compris et en priorité les groupes les plus à risque. Or ceux-ci, notamment les détenus, usagers de drogues, migrants, travailleurs du sexe, ne sont précisément ni les mieux informés ni certainement les plus privilégiés en matière de diagnostic et d’accès aux traitements.

Frileuse Belgique

De nouvelles molécules font espérer une éradication, au niveau mondial, de l’épidémie de l’hépatite C. Pourtant, leur prix exorbitant (à bien distinguer de leur coût réel, largement inférieur, même en y incluant recherche et développement) met au défi les systèmes d’accès aux soins, y compris dans les pays les mieux nantis. Ces traitements sont donc réservés aux personnes présentant une dégradation avancée de leur capital hépatique.

De même, en termes de VIH, les recommandations internationales de mise sous antirétroviraux des personnes porteuses du virus, dès leur diagnostic, ne sont pas d’application en Belgique, où il faut prouver une réduction déjà sérieuse des défenses immunitaires pour les obtenir. L’OMS recommande pourtant la mise sous traitement antirétroviral quel que soit l’état immunitaire de la personne. En outre le traitement agit comme moyen de prévention puisqu’une personne atteignant une charge virale indétectable ne transmet plus le VIH.

Il est donc incompréhensible que perdure un blocage dans la mise à disposition de nouveaux outils de dépistage fiables, ne nécessitant pas de prélèvement sanguin. Alors que l’usage de ces Tests Rapides d’Orientation Diagnostique (TROD) se développe rapidement chez nos voisins, y compris en milieu d’aide non médicalisé, alors que les pratiques sur le terrain, dans certains groupes à risque, sont à l’autotest, l’usage de ces outils de dépistage reste non reconnu en Belgique.

De même, si, en 2015, il reste plus dangereux de s’injecter des drogues chez nous que dans bien d’autres régions d’Europe – au détriment des usagers mais aussi de leurs proches et de la société en général – c’est en raison du déficit persistant de reconnaissance et de financement dont souffrent des dispositifs de réduction des risques largement validés ailleurs.

Certes, l’érosion de la capacité des gouvernements nationaux à influencer la construction des prix des nouveaux médicaments dans un sens favorable à la santé publique est une question très complexe qui ne trouvera pas de solution rapidement. Mais il faut prendre acte que, pour la première fois à l’époque moderne, dans nos contrées privilégiées, un problème de santé publique est soumis drastiquement au tempo des marchés de façon aussi évidente…

Il est donc d’autant plus nécessaire et urgent de développer les dispositifs de prévention et de dépistage, très peu coûteux et à l’efficacité bien documentée dont nous disposons. Spécifiquement, les TROD, VIH, et hépatite C, devraient être promus sans délais, non seulement auprès des médecins, mais aussi en non médicalisé, auprès de toutes les associations en contact avec des groupes davantage à risque, moyennant formation des intervenants. Quant à l’autotest, il serait pertinent de l’encadrer de façon responsable, sachant qu’il est déjà disponible en France… et sur internet !

Plus généralement, une stratégie globale est encore à privilégier. Les plans fédéraux VIH et hépatite C sont loin d’être appliqués alors qu’ils ont été élaborés il y a plus de deux ans. Ils donnent pourtant les repères nécessaires au développement de stratégies de santé publique efficaces et efficientes. Pour cela, il n’est pas besoin de modifier les grands rapports de forces économiques que nous évoquions plus haut. Il ne faut qu’un engagement et une volonté politique: celle de faire prévaloir l’intérêt public !

Signataires

Aide Info Sida, Carrefour hépatites – aide et contact (CHAC), Alias, Centre Bruxellois de Promotion de la Santé (CBPS), Centre Médical Enaden, DUNE, Ex-Æquo, Espace P, Fédération Bruxelloise des Institutions pour Toxicomanes (FEDITO BXL), Fédération Wallonne des Institutions pour Toxicomanes (FEDITO Wallonne), Fédération des Centres de Planning et de Consultations (FCPC), Fédération des Centres de Planning Familial des FPS (FCPF-FPS), Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF), Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF), Fédération des Maisons Médicales, Infor-Drogues, Lama (Centre médico-social pour toxicomanes), Maison d’Accueil Socio-Sanitaire de Bruxelles (MASS), Médecins du Monde Belgique, Modus Vivendi, Msoc Vlaams-Brabant, Observatoire du sida et des sexualités, Plate-Forme Prévention Sida, Prospective Jeunesse, Réseau ALTO (Réseau de médecins généralistes), Réseau d’Aide aux Toxicomanes (RAT), Réseau Hépatite C Bruxelles, Transit, Dr Chantal de Galocsy (hépatologue), Dr Christophe Moreno (hépatologue), Dr Jean-Pierre Mulkay (hépatologue), Dr Michel Roland (président de Médecins du Monde Belgique)…

Ode à Madame CAPL

Le 30 Déc 20

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Ode à Madame CAPL

Aurait-elle vécu à jamais cette chère institution?Note bas de page

Pourquoi nous quitte-elle? On cherche…

Ne l’avions-nous pas assez rassurée en lui balisant un calendrier parfois compliqué géré à la perfection par Sabine?

Il est vrai que parfois, elle a dû tout entendre : des arguties étonnantes nimbées de pseudo philosophies, en passant par d’improbables vérités plus chuchotées qu’assénées.

Il est vrai aussi qu’après avoir disséqué tant de bons projets à l’aide des scalpels idoines que nous lui avions confiés et qui s’appelaient ‘pertinence’, ‘plus-value’ ou ‘cohérence’, la pauvre était peut être au bout du rouleau.

Il est encore vrai que certain soir, elle a dû pleurer en silence, les jours où elle apprenait que les décisions avaient déjà été prises ailleurs…

Mais sont-ce là des raisons malhabiles pour tout abandonner, annulant ainsi toute une série d’initiatives originales dont le seul but ne visait que la ‘plus-value’ d’un ‘mieux être’?

Pourtant au fil du temps, elle avait acquis un port de reine, encadrée comme elle l’était par Mano, la reine de la synthèse traduite ensuite brillamment par le roi de la syntaxe Bailly de son état…

Dis quand reviendras-tu? Dis au moins le sais–tu?

Sache que nous tous ici et les associations de promotion de la santé, on se languit de toi, Oh belle CAPL!

Jean-Pierre Demoulin est président du Centre local de promotion de la santé du Hainaut occidental

Pour mieux comprendre cette oraison funèbre lyrique, nous renvoyons le lecteur à l’article de Marie-Noëlle Paris, Didier Lebailly et Christian De Bock, Analyse des projets locaux en promotion de la santé, Education Santé n° 299, avril 2014. La réforme institutionnelle a eu raison de cette commission…

Dysfonction publicitaire

Le 30 Déc 20

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Vous n’avez pas pu échapper à la récente et massive campagne de ‘sensibilisation’ à propos des troubles de l’érection, qui touchent paraît-il 1 homme sur 3 à partir de 40 ans en Belgique: spots radio et télévisés, affiches, site Internet, imprimés distribués via le corps médical, l’émetteur du message a déployé les grands moyens pour convaincre le public qu’il s’agit là d’un problème de santé publique gravissime, bien plus préoccupant sans doute que les cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète et autres bobos du même genre.
Quel bienfaiteur de l’humanité priapique peut donc bien être à l’origine de cette campagne ? Pouvoirs publics, mutualités, membres éminents de la communauté scientifique dressés contre la mollesse ambiante ?
En cherchant bien, on découvre que cette communication émane d’un certain ELB, soutenu par la Belgian Society for Sexual Medicine. Mais qui est ELB, qui s’inquiète si aimablement et de façon si désintéressée de la qualité de nos érections ?
Je vous le donne en mille, il s’agit ô surprise du laboratoire pharmaceutique Eli Lilly Benelux, qui, par le plus grand des hasards, commercialise en Belgique une des trois molécules concernées par la question, de la famille des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 .
La firme contourne ainsi la loi qui interdit encore toujours aux laboratoires pharmaceutiques de faire de la publicité directe auprès du grand public pour des spécialités soumises à prescription, et ce malgré les pressions énormes de Big Pharma sur l’Union européenne.
Puisqu’on m’empêche de faire de la pub pour ma marchandise, j’en ferai pour la maladie, na, à laquelle je donnerai des… proportions gigantesques. Bien joué, non ? Et tant pis si cela profite aussi à mes collègues de Bayer et Pfizer : quand il y en a pour un, il y en a pour trois !
Christian De Bock , rédacteur en chef

La pub alcool devient imbuvable : la publicité doit être régulée

Le 30 Déc 20

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Le Groupe porteur «Jeunes, alcool & société», composé de douze associations actives dans les secteurs de la jeunesse, de l’éducation et des assuétudes en Communauté française (1), se réjouit de la proposition de résolution adoptée le 26 janvier dernier au Parlement de la Communauté française. Celle-ci engage le débat sur le déséquilibre entre les enjeux publicitaires et les enjeux de santé publique et propose une série de mesures pour y remédier. Ces mesures concernent notamment d’une part la nécessité d’un contrôle public de la publicité afin de «mieux réguler toutes les formes de publicité» (2) et d’autre part «d’étudier les enjeux liés à l’interdiction de la publicité pour l’alcool» (3).
En matière d’alcool, les professionnels de terrain partagent les mêmes constats: la publicité contribue largement à banaliser et valoriser la surconsommation d’alcool. Les jeunes en sont les premières cibles. La consommation se fait plus précoce et on constate une augmentation des consommations pour atteindre l’ivresse. L’évolution des pratiques commerciales autour des produits alcoolisés n’y est pas étrangère, relevant de stratégies de plus en plus ciblées, incisives et agressives. Cela fait déjà plusieurs années que le Groupe porteur «Jeunes, alcool & société» l’a dénoncé, notamment dans la publication «Les publicitaires savent pourquoi»(4).
En réponse aux nouvelles tendances de la consommation d’alcool chez les jeunes (alcoolisation abusive), l’État a interdit la vente de bières et de vins aux moins de 16 ans. Pour les spiritueux (dont les alcopops), la limite est de 18 ans. En prenant cette mesure nécessaire, l’État ne remet cependant en cause ni les producteurs, ni la publicité mais estime que c’est aux jeunes consommateurs de changer, d’arrêter de boire. Or, pour résoudre ce problème de société complexe, il faut un large éventail de mesures qui ciblent les différentes facettes de la question.
Si l’État a raison de s’inquiéter des comportements des consommateurs, jeunes ou non, il doit aussi impérativement encadrer le secteur des alcooliers et des publicitaires, comme il l’a fait pour le tabac. N’est-il pas paradoxal de faire de la prévention si on n’empêche pas la publicité pour l’alcool de matraquer le public avec des messages manipulateurs pour le ‘contraindre’ à boire ? Selon le Groupe «Jeunes, alcool & société», l’interdiction de la publicité pour l’alcool doit donc être un préalable à la mise en place d’une véritable politique de santé publique, comme l’envisage cette résolution. Alors, un réel travail d’éducation du public pourra se développer, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Par ailleurs, outre les médias classiques, une publicité plus agressive et insidieuse apparaît surtout dans de nouvelles technologies largement prisées et utilisées par les jeunes: Internet, messages par GSM, intrusion dans les blogs, etc. Ces nouvelles pratiques publicitaires seraient la norme aujourd’hui. En effet, si les chiffres officiels sur l’ensemble des investissements publicitaires font malheureusement défaut, de nombreuses estimations indiquent qu’environ 70% des investissements publicitaires et commerciaux se situeraient hors des médias classiques (télé, presse, affichage, cinéma, radio) sans faire l’objet d’aucune régulation publique, ni même privée.
Si la loi sur les pratiques du marché protège les consommateurs des publicités trompeuses et déloyales par une réglementation économique, il n’existe toujours pas en 2011 de contrôle public de l’éthique publicitaire. Or, il s’agit d’un enjeu fondamental compte tenu du pouvoir considérable de la publicité dans notre société, des revenus très importants qu’elle génère, de son omniprésence et surtout de son influence sur nos représentations sociales et nos comportements de consommation, plus particulièrement chez les jeunes et les consommateurs vulnérables.
Ce contexte commercial rend le travail mené au quotidien par les acteurs de la promotion de la santé chaque jour plus difficile et moins productif. Ainsi, le Groupe porteur «Jeunes, alcool & Société» pense qu’il est primordial et maintenant urgent que les pouvoirs publics agissent en la matière par l’instauration d’une régulation publique claire et efficace.
L’intervention des pouvoirs publics est un gage de reconnaissance de normes de protection harmonisées, élevées et ayant une portée large. Les codes de bonne conduite issus du secteur privé, qui régissent actuellement la publicité, ne sont pas adaptés lorsque des droits fondamentaux comme la protection de la santé sont en jeu.
La publicité influence les consommations et fait adopter des comportements parfois dangereux pour notre santé. Faisant partie intégrante de nos vies, elle touche à l’éthique et à des thèmes transversaux: éducation, santé, surendettement, développement durable, égalité des chances, assuétudes, etc. La régulation de ce secteur, dont les recettes financières aveuglent les enjeux sociétaux, doit donc se faire par la mise en place d’un Conseil fédéral public de la publicité.
Le Groupe porteur “Jeunes, alcool & société”
Groupe porteur ‘Jeunes, alcool & société’ en Communauté française, piloté par l’asbl Univers santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél: 010 47 28 28. Internet: https://www.univers-sante.be . Voir aussi le site https://www.jeunesetalcool.be .
(1) Citadelle, le Conseil de la jeunesse, la Fédération des Centres de Jeunes en Milieu Populaire, la Fédération des Etudiant(e)s Francophones, Infor-Drogues, Jeunesse et Santé, la Ligue des Familles, Prospective Jeunesse, Question santé, le R.A.P.I.D., Latitude Jeunes et Univers santé qui pilote le Groupe.
(2) et (3) Cf. proposition de résolution de la Communauté française, disponible sur: https://www.pcf.be/req/info/dossier?section=public&id;=001326204 (4) « Les publicitaires savent pourquoi, les jeunes, cibles des publicités pour l’alcool », Les dossiers de l’éducation aux médias, Média Animation, 2006, 52 pages. Disponible en ligne sur
https://www.jeunesetalcool.be (rubrique Qui sommes-nous ? Actions, fichier de 3Mb). Ce dossier sera actualisé et réédité prochainement.

L’info gratuite n’existe pas!

Le 30 Déc 20

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Il devient de plus en plus difficile de distinguer une information sérieuse d’une autre. Voici un truc: si elle est gratuite, elle est forcément orientée. Quelqu’un, quelque part, a payé (cher, très cher!) pour que vous la lisiez.
Les suppléments gratuits dédiés à la santé font florès ces jours-ci: chez votre pharmacien, dans votre quotidien ou votre hebdomadaire d’information. Le plus souvent, les articles qui y figurent ne sont là que pour créer un «environnement», pour donner l’illusion d’un vrai support de presse à ce qui ne serait, sans eux, qu’un prospectus publicitaire. Ces articles ne sont pas forcément faux, ni trompeurs. Au mieux, leur contenu est banal, consensuel et sans intérêt. Et, condition sine qua non, ils ne contiennent rien qui puisse contrarier des annonceurs potentiels. Lisses et sans aucun sens critique donc. C’est du marketing au premier degré: on y promotionne des crèmes contre les cors aux pieds et des tisanes pour maigrir.
Mais il y a des gratuits plus pervers. Les deux quotidiens leaders d’opinion de notre pays (au nord comme au sud) ont ouvert leurs pages depuis quelques mois à des suppléments qui affichent un look sobre et très sérieux, des interviews d’experts reconnus, et une prose de qualité. Et très peu de publicité… Ne vous laissez pas berner. Ces suppléments sont majoritairement financés par l’industrie pharmaceutique et servent à contourner très habilement l’interdiction qui leur est faite de diffuser de la publicité auprès du grand public pour les médicaments sur prescription. Cette interdiction, ultime bastion de la protection du consommateur en Europe, est devenu un Graal pour les labos, l’enjeu d’un féroce lobbying, et pourrait bien vaciller cette année.
Dans ces suppléments, l’information est correcte. Mais elle est tronquée. En renforçant l’éclairage biomédical dominant, on écrase le patient dans son rôle passif, on ne lui offre comme unique solution que l’issue médicamenteuse. Et on se paie même le luxe d’une image charitable en saupoudrant habilement le tout de fausse sollicitude à l’égard des associations de patients, dont la dépendance vis-à-vis des firmes est criante… pour des raisons financières bien compréhensibles.
Équilibre n’est pas un magazine de consommateurs. Notre but n’est pas de débusquer les innombrables arnaques que recèle le secteur de la santé. D’autres s’y emploient, et bien mieux que nous. Nous ne sommes pas davantage des activistes militants, pourfendeurs d’industrie pharmaceutique, car il serait absurde de diaboliser les médicaments. Simplement, nous essayons de véhiculer une approche positive et responsable des problèmes de santé. Sans dramatiser, ni minimiser. Mais sans jamais vous enfermer dans un sentiment d’impuissance, de passivité et de dépendance. Nous ne nous adressons pas au malade désemparé qui sommeille en chacun de nous, mais à l’individu bien vivant, optimiste et positif, qui prend sa santé en main et va de l’avant, libre dans sa tête.
Karin Rondia , rédactrice en chef Équilibre
Extrait de l’éditorial du n° 45 d’Équilibre, l’excellent mensuel indépendant de la santé et du bien-être

Fiscalité automobile: taxer plus et taxer mieux!

Le 30 Déc 20

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À l’occasion du Salon de l’auto de Bruxelles (1), en janvier dernier, la Fédération Inter-Environnement Wallonie sortait un dossier quelque peu provocateur posant les jalons d’une fiscalité automobile efficace au service de l’environnement.
Les enjeux environnementaux imposent de sortir de «l’autocentrisme» prévalant depuis des décennies. Pour ce faire, la sensibilisation et l’information en faveur d’autres habitudes de mobilité ne suffisent pas; la dimension sociale et quasiment affective associée à la voiture impose en effet des mesures fortes pour décourager son utilisation abusive.
La Fédération Inter-Environnement Wallonie a réalisé un dossier argumenté qui met à mal quelques mythes entourant la fiscalité automobile et propose des pistes concrètes vers une taxation adaptée aux coûts réels du transport routier en termes d’environnement et de santé publique.
Le discours de la fédération environnementale risque de faire rugir non pas les moteurs mais les professionnels et les amateurs de carrosseries qui ont arpenté pendant dix jours les couloirs du Heysel et qui considèrent que l’automobiliste est d’ores et déjà «la vache à lait d’État».
C’est d’ailleurs là le premier mythe que le travail réalisé par Inter-Environnement Wallonie démonte, chiffres à l’appui: même en élargissant au maximum l’assiette concernée (en y incluant, par exemple, la TVA sur la main d’oeuvre et sur les pièces de rechange, la taxe sur les autoradios, le contrôle technique, les amendes ou encore le coût du permis de conduire), les recettes générées par le secteur automobile sont inférieures aux dépenses que ce secteur impose à la collectivité…
D’autres mythes (comme l’intérêt environnemental de la «prime à la casse») passent de vie à trépas sous les coups d’une analyse fouillée grattant sous la surface des mesures.
Mais le dossier réalisé par Pierre Courbe , expert en mobilité de la Fédération, ne se contente pas de démontrer que la fiscalité automobile aujourd’hui en vigueur dans notre pays est insatisfaisante et inefficace pour faire face à la gravité des enjeux environnementaux. Il propose aussi et surtout des pistes concrètes pour réformer le système.
Révision à la hausse des taxes de mise en circulation et de circulation annuelle en les liant aux performances environnementales des véhicules, augmentation des accises sur le diesel, régime moins avantageux pour les voitures de société…: les propositions sont détaillées, argumentées et chiffrées.
Pour la Fédération Inter-Environnement Wallonie, ses propositions ne relèvent pas de l’utopie mais d’une approche rigoureuse et responsable qui a d’ailleurs déjà fait ses preuves dans d’autres pays.
Le dossier de Pierre Courbe est disponible sur simple demande à info@iewonline.be (68 pages, 10 euros frais d’envoi inclus) et téléchargeable à l’adresse https://www.iewonline.be/IMG/pdf/fiscaliteautoOK.pdf (487 Ko).
Fédération Inter-Environnement Wallonie (1) Salon au cours duquel le lobby automobile s’est livré comme d’habitude à un matraquage publicitaire insupportable, donnant un bel exemple du cynisme du ‘greenwashing’ (ou ‘écoblanchiment’).

Qui se souvient ?

Le 30 Déc 20

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Qui se souvient encore d’un projet européen qui voulait développer la santé à l’école?
Qui se souvient que c’est le service Éducation pour la Santé de la Croix-Rouge qui fut chargé de mettre en œuvre ce projet en Communauté française, au grand dam d’autres institutions?
Qui, en dehors de ceux qui ont porté le projet, se rappelle de cette période exceptionnelle où des écoles de différents réseaux, de la maternelle au supérieur ont travaillé ensemble dans un esprit de vraie camaraderie?
Qui se souvient de l’essai de généralisation du projet à toutes les écoles de la Communauté française sous la pression d’une ministre sous influence et de conseillers pressés par le temps politique?
Au-delà de ceux qui s’en souviennent, pour l’avoir vécu, que reste-t-il de ce formidable élan d’enthousiasme de quelques-uns?
Que reste-t-il de toute cette énergie déployée?
Rien sans doute, ou si peu.
Et puis, un jour au détour d’une réunion-débat sur l’école, à mille lieux de la promotion de la santé, on croise une échevine de l’enseignement qui développe avec conviction et enthousiasme tout ce qui se fait dans les écoles de sa commune pour la santé des enfants et des adolescents.
Elle raconte des actions diverses, construites en lien direct avec les parents, les enseignants et les élèves.
Elle évoque une équipe de coordination où se retrouvent quelques-uns de ces utopistes qu’on a côtoyés il y a bien longtemps.
L’échevine, probablement trop récemment élue, n’a jamais entendu parler du projet «Écoles en santé». Sait-elle que le médecin directeur du Centre de santé a participé aux formations Croix-Rouge, sait-elle que le merveilleux dentiste dont elle parle a été un des piliers de la Campagne Dents 2000 de la Croix-Rouge, il y a 20 ans?
Sans doute que non. Tout cela n’a d’ailleurs aucune importance.
Cependant c’est avec un léger sentiment d’euphorie et le sourire aux lèvres qu’on quitte la réunion…
Il faut du rêve dans la vie et on a pu croire un moment qu’une parcelle de l’enthousiasme de l’équipe Croix-Rouge de ‘dans le temps’ se perpétuait dans ce projet en plein développement.
Viviane Delegher

Quand la pub joue au dealer…

Le 30 Déc 20

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Une campagne de publicité vient d’être lancée pour convaincre les jeunes adolescents d’adhérer à l’offre de TMF Mobile (1). Cette campagne, pour persuader sa cible, utilise un visuel qui n’est pas sans rappeler l’apparence du cannabis, dont les feuilles sont faites de téléphones portables, accompagné d’un slogan accrocheur ‘Legalize it’.
Le CRIOC, Univers-santé et Infor-Drogues dénoncent cette publicité irresponsable et demandent, une nouvelle fois, que les pratiques publicitaires soient mieux encadrées.

La publicité et les jeunes

Comme tout le monde le sait, les jeunes sont particulièrement sensibles à la publicité. Aujourd’hui, de nouvelles pratiques commerciales agressives les ciblant particulièrement se développent. Ce constat avait déjà été fait dans le dossier ‘Les publicitaires savent pourquoi – Les jeunes, cibles des publicités pour l’alcool’. (2)
Aujourd’hui, pour vendre un produit, la publicité doit proposer des ‘contenus’ qui frappent, qui émeuvent, qui touchent.
Pour toucher et sensibiliser les adolescents, les publicitaires n’ont pas hésité ici à mettre en avant la consommation du cannabis et à se positionner pour sa légalisation. Il s’agit d’une pratique publicitaire presque systématique: pour valoriser son produit, il faut l’enrober d’un appel à la transgression. Transgression de la politesse, de la propreté, de l’autorité parentale et, dans ce cas-ci , de la loi pénale.

Le cannabis et les jeunes

Soyons clair. Notre rôle n’est pas de mettre le cannabis sur le banc des accusés mais bien les publicitaires qui n’hésitent pas à en faire un argument commercial pour la vente de leurs produits.
Que le cannabis soit dangereux ou pas, qu’il doive être légalisé ou pas, sont des questions dont il peut être logiquement et raisonnablement débattu. Cependant, le fait qu’il s’agisse d’une substance psychoactive et interdite est un fait incontesté. A ce titre, que celle-ci soit utilisée comme argument de vente est inacceptable, d’autant plus quand le message est adressé aux plus jeunes.
En agissant de la sorte, les publicitaires font indirectement la promotion du cannabis et, plus largement, incitent l’adolescent à se croire obligé de transgresser pour exister. Or, d’une part, le cannabis, quel que soit l’opinion portée sur sa dangerosité, est un produit tentant pour les jeunes, curieux d’essayer de nouvelles expériences et, d’autre part, les messages d’incitation à la transgression ne devraient pas être autorisés, surtout à destination des adolescents.
Gardons-nous de diaboliser mais soyons attentifs à une banalisation de la consommation de cannabis chez les jeunes, qui fait fi de l’énorme travail de prévention, d’information et de sensibilisation effectué sur les substances psychoactives par les professionnels de la santé (3). Si certaines personnes peuvent avoir une consommation responsable et modérée, on ne peut occulter les problèmes que ces drogues peuvent occasionner chez d’autres.
La promotion de la santé publique et du vivre ensemble ne devrait pas pouvoir être altérée et dénigrée par des industriels qui mettent en valeur, pour leurs profits immédiats, des produits et des comportements illégaux.

Rappels importants

La culture, l’importation, la vente et la détention de cannabis restent toujours interdites dans tous les cas.
Le CRIOC, Univers santé et Infor-Drogues souhaitent, à l’appui de ce nouvel exemple, réitérer une nouvelle fois la nécessité d’encadrer et de réguler plus fortement la publicité par une législation plus précise et contraignante, et par la création d’un Observatoire de la publicité, outil de dialogue et de concertation à vocation scientifique. Un tel outil permettrait de développer une véritable éthique publicitaire qui soit en adéquation avec les concepts de responsabilité sociétale des entreprises et de développement durable.
CRIOC , Infor-Drogues et Univers santé

(1) Proximus a récemment hérité de l’offre jeune TMF Mobile qui était chez Base. Les 285.000 clients concernés «appartiennent» toujours à Base, qui les a déjà migrés vers sa nouvelle offre Jim Mobile. Les nouveaux partenaires, quant à eux, se doivent donc de déployer des efforts relativement importants pour convaincre ces jeunes de les suivre.
(2) Les dossiers de l’éducation aux médias n° 3, Media Animations, 2007: ‘Les publicitaires savent pourquoi – Les jeunes, cibles des publicités pour l’alcool’. Voir https://www.educationsante.be/es/article.php?id=903 pour une présentation détaillée de cet excellent outil.
(3) A l’image du groupe porteur ‘Les jeunes et l’alcool’, initié en 2003 et piloté par Univers santé asbl, qui mène en Communauté française réflexions et actions pour une consommation plus responsable et moins risquée d’alcool par les jeunes. Celui-ci réunit les associations suivantes: Fédération des centres de jeunes en milieu populaire, Fédération des Etudiant(e)s Francophones, Groupe RAPID, Infor-Drogues, Jeunesse et Santé, Ligue des Familles, Latitude Jeunes, Prospective Jeunesse, Univers santé.

La publicité automobile plus propre?

Le 30 Déc 20

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Action

FEBIAC, la Fédération belge de l’automobile et du cycle, et le Conseil de la publicité ont finalisé le nouveau Code de déontologie volontaire portant sur la publicité automobile, qui existe depuis une dizaine d’années. Ce Code adapté sera contrôlé par l’organe autodisciplinaire du Conseil de la publicité, à savoir le JEP (Jury d’éthique publicitaire). La mission du JEP est de vérifier la conformité des publicités diffusées dans les médias de masse (télévision, radio, cinéma, Internet, magazines, presse quotidienne et affichage) par rapport aux dispositions légales et éthiques applicables. Il peut notamment être saisi sur la base de plaintes de consommateurs.
Ces révisions et amendements reflètent la volonté de FEBIAC et du Conseil de la publicité/du JEP, de participer de manière proactive à la diffusion d’une information correcte aux consommateurs en ce qui concerne la consommation et les émissions de CO2 des nouvelles voitures.
La nouvelle disposition (article 5 du code, pour les détails voir https://www.febiac.be/public/pressreleases.aspx?ID=627⟨=FR ) définit les critères minimums auxquels doit satisfaire la mention obligatoire de la consommation et des émissions de CO2 des nouvelles voitures.
Les membres de FEBIAC ont été informés de ces nouvelles exigences, et ont procédé à l’adaptation de leurs campagnes publicitaires depuis le 1er septembre 2008 de façon à ce qu’elles répondent aux nouvelles exigences.
L’entrée en vigueur de ce nouveau Code permettra au JEP de traiter les plaintes en matière de lisibilité et visibilité des mentions CO2 et consommation de carburant. L’objectif est également de permettre aux annonceurs de régulariser leurs publicités sur la base du nouveau texte.
La mention de la consommation et des émissions de CO2 des voitures dans la publicité a été rendue obligatoire par l’annexe IV de l’Arrêté royal du 5 septembre 2001, mais sans normes concrètes en termes de lisibilité et de visibilité. L’article 5 du nouveau code définit ces normes de manière objective et quantifiable: en ce qui concerne les formats publicitaires les plus courants, une taille minimum a été imposée pour les caractères afin de garantir une bonne lisibilité et de faire ressortir clairement ces informations, importantes pour les consommateurs, dans le message publicitaire. Des directives ont également été émises pour les sites web.
Les normes environnementales concernant les automobiles sont de plus en plus strictes et l’offre en véhicules plus propres et plus économiques ne cesse de croître sur le marché belge, mais le succès de ces véhicules est principalement défini par le choix des consommateurs. En insistant davantage sur la consommation et le rejet de CO2 dans les imprimés publicitaires et sur les sites web, il est possible d’orienter ce choix dans la bonne direction.
FEBIAC compte néanmoins aussi – et surtout – sur une révision rapide de la fiscalité automobile selon des critères environnementaux (normes Euro et émissions de CO2), qui reste à ce jour le moyen le plus efficace de promouvoir les voitures propres et économiques et d’inciter les consommateurs à les adopter.

Réaction

Pour ‘Friends of the Earth Europe’, « Le nouveau code publicitaire de la FEBIAC est un écran de fumée ».
Leur représentant Jeroen Verhoeven affirme que « La publicité pour les voitures joue un rôle important dans l’information des consommateurs et l’orientation de leurs choix vers des voitures qui consomment moins de carburant et émettent moins de CO2 . Depuis 2001 déjà , les constructeurs ont l’obligation légale de mentionner clairement les données relatives à la consommation et aux émissions de CO2 dans toutes les publicités pour les voitures .
Le fait que la FEBIAC ait attendu 7 ans pour appliquer cette loi montre combien les constructeurs automobiles rechignent à travailler à la réduction de la consommation des voitures.
Seule l’adoption d’une proposition de loi européenne obligeant les constructeurs automobiles à réduire la consommation et les émissions de leurs véhicules de 25 % d’ici 2012 , pourrait changer les mentalités et les inciter à véritablement utiliser la consommation réduite comme argument de vente ».
Education Santé a déjà abordé ce sujet, voir https://www.educationsante.be/es/article.php?id=969.

Schumi, la métastase de Bob

Le 30 Déc 20

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En avril 2008, les abribus de Bruxelles se sont parés d’un apparent civisme «responsable». Bacardi et Schumacher nous conseillaient «Si vous sortez ce soir, prenez un taxi». C’est sympa, on n’y aurait pas pensé tout seul. Après les campagnes «Bob» initiées par les producteurs de bière, voici la campagne «Schumi», initiée par un producteur d’alcool fort. Leur point commun: pas de sortie sans alcool , beaucoup d’alcool.
Votre unique responsabilité est tantôt de désigner un Bob, tantôt de payer un taxi.
L’affiche s’adresse à nous en anglais, c’est plus classe. D’ailleurs, on est entre gens branchés, ça se voit au premier coup d’œil. Ici pas de bière populaire, ni de slogan macho, encore moins de déhanchés lascifs, rien que du haut de gamme: alcool blanc ou coquetels délicats savourés entre gens riches et responsables. Alors pourquoi une telle affiche aux arrêts de bus au lieu des pages en papier glacé des magazines de luxe?
«L’alcool fort c’est ce qu’on boit, nous les champions» voilà la confidence adressée au petit peuple, «et d’ailleurs plusieurs verres plutôt bien remplis…». Le but de ce type de campagne est de fixer le véritable enjeu d’identification sur la consommation d’alcool. Prendre un taxi n’est qu’un conseil et n’est absolument pas mis en valeur puisque l’image du taxi est totalement absente et sa référence faite dans un anglais compliqué pour le commun des mortels.
Bref, cette campagne est une preuve supplémentaire que la «responsabilité» de l’industrie reste bel et bien de vendre ses produits. Même quand elle prétend, de manière hypocrite, le contraire …
Infor-Drogues , avec le soutien du groupe porteur ‘Jeunes et alcool’

Stériliser le lait, oui, les toxicomanes, non.

Le 30 Déc 20

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Depuis début mars, Margriet Hermans , députée au Vlaams Parlement, lance ses idées concernant la «prévention des drogues» (1). Il s’agirait d’une part d’une stérilisation, volontaire et temporaire, des toxicomanes, et d’autre part, d’un enfermement dans un centre de sevrage suivi d’un accompagnement obligatoire durant plusieurs années.
Ces propositions montrent la vision d’un certain monde politique face aux consommateurs de drogues: des délinquants voire des criminels à incarcérer, des malades mentaux à enfermer et à soigner (dans un premier temps) pour les protéger d’eux-mêmes et protéger la société. Considérés comme irresponsables, il faut les contraindre. Que certains envisagent même de le faire au mépris de l’intégrité physique de ces personnes démontre le peu de respect accordé à leur humanité. En effet, on ne peut considérer comme «volontaire» une décision prise sous contrainte judiciaire avec comme seule alternative un séjour en prison.
Aujourd’hui, malgré son coût humain et financier (2) important, l’échec de la guerre à la drogue… et aux drogués est pourtant patent. Madame Hermans le constate aussi mais, paradoxalement, propose encore davantage d’enfermement. Enfermement pour les usagers de drogues dures, placement de leurs enfants en famille d’accueil, stérilisation c’est-à-dire aussi l’enfermement dans un statut d’incapacité et d’irresponsabilité.
Aider ces personnes en détresse, ce que tout le monde affirme souhaiter, passe-t-il par l’exclusion, l’enfermement, la contrainte, le recours à des traitements de «sous-hommes»? Réalise-t-on qu’un tel durcissement des sanctions («pour les aider») aura pour conséquence première un durcissement symétrique de la capacité de la population à les insérer?
Ces mesures vont ainsi surtout les exclure encore davantage. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui est en train de se passer sous nos yeux concernant «les jeunes»: pour réagir à des cas de violence isolés, l’Etat est en train de mettre en place des dispositifs de contrôle et de contrainte démesurés sans véritablement s’attaquer aux causes de ces violences.
D’ailleurs, on constate une fois de plus que le volet préventif des usages problématiques n’est pas abordé par le politique. Nos responsables n’ont-ils plus que la répression, le contrôle et l’enfermement comme solutions aux différents problèmes de la société? Actuellement, la prévention, pourtant présentée comme prioritaire (3), ne reçoit que 4% des moyens (4) dévolus à la politique des drogues en Belgique!
Soyons clair: l’enfermement, carcéral ou médical, n’a pas réglé et ne règlera pas la question de l’usage de drogues. Rappelons que les toxicomanes sont et demeurent des êtres humains à part entière disposant de l’usage de leur raison malgré leur consommation de drogues.(5) Dès lors, ne conviendrait-il pas d’éviter les a priori sur leurs difficultés et sur les problématiques qu’ils vivent?
Un peu comme dans l’expérience liégeoise de distribution contrôlée d’héroïne où l’Etat se fait (pour une fois) violence en ne subordonnant pas d’office son aide à l’arrêt de la consommation.
Pour améliorer durablement la situation, ne conviendrait-il pas que l’autorité publique, et, reconnaissons-le, une bonne part de la population, changent le regard qu’elles portent sur les consommateurs de drogues et écoutent l’expertise des professionnels des soins et de la prévention? Peut-être faut-il commencer par créer un lieu où débattre de façon méthodique de telles questions? (6)
Comme le grand public, nos responsables politiques perçoivent ce phénomène d’assez loin. Tant les professionnels qui côtoient au jour le jour les usagers de drogues que ceux qui analysent l’évolution, l’étendue et la nature profonde des situations disposent d’un savoir utile à la prise de décision politique. Sachant qu’il faut apporter des solutions diversifiées à des situations très différentes les unes des autres.
Changer de méthode pourrait éviter à l’avenir les fausses solutions à ces vrais problèmes. Commencerait alors une nouvelle approche du phénomène. Plus respectueuse de l’être humain, plus citoyenne et, au final, faisons-en le pari, plus efficace.
Infor-Drogues – Ce texte a fait l’objet d’une Carte blanche dans ‘Le Soir’ du 28/03/2007 dans une version légèrement différente (1) Voir aussi son site https://www.margriet.be . A lire ses positions carrées en matière de prévention, vous avez sans doute une petite idée du parti auquel elle appartient? Raté! Elle est Open VLD . Mais il faudrait plutôt dire Gesloten VLD en l’occurrence…
(2) La répression coûterait chaque année plus de 98 millions et les soins, bien souvent contraints par la justice, 72 millions. In La politique des drogues en chiffres , De Ruyver, Pelc, Casselman, Service Public fédéral de Programmation Politique Scientifique, 2004.
(3) Cf. par exemple, Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir? Le gouvernement fédéral plaide donc pour une politique de prévention efficace , in Note politique de janvier 2001 du Gouvernement fédéral relative à la problématique de la drogue.
(4) In La politique des drogues en chiffres , De Ruyver, Pelc, Casselman, Service Public fédéral de Programmation Politique Scientifique, 2004.
(5) La question reste de découvrir le sens, l’utilité de cette consommation pour ces personnes.
(6) A ce propos, notre pays attend depuis 2001, la création de la Cellule politique «drogues» rassemblant tous les acteurs concernés annoncée dans la Note du Gouvernement.

Rabattages

Le 30 Déc 20

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On assiste actuellement en Europe, et notamment en France, au déferlement de vastes campagnes d’«information du public» sur des «maladies».
Pas n’importe quelles «maladies»: des états déclarés «pathologiques» pour lesquels des firmes veulent à tout prix développer les ventes de leurs médicaments: «syndrome métabolique», «ostéoporose», «insuffisance sexuelle », «déprime», «agitation des enfants», etc.
Pas n’importe quels «partenaires» de campagnes: le plus souvent l’association d’une firme, avec son «sponsoring» et son «savoir-faire», d’une société médicale dite savante (sponsorisée) et, si possible, de la caution d’un organisme public porte-chandelle.
Pas n’importe quels moyens mis en œuvre: des actions d’ampleur considérable, multimédias, multicibles, avec distributions massives sur la voie publique.
Bien en amont de ces campagnes, le terrain a été préparé. Les prescripteurs, les pharmaciens, les infirmiers ont été «travaillés» par les visiteurs médicaux et les leaders d’opinion. Les Agences du médicament ont petit à petit autorisé des indications plus larges ou plus imprécises. Les structures gouvernementales ad hoc ont accepté la prise en charge de prix élevés. Au niveau international, la définition des critères d’intervention dans ces «maladies» a été préalablement arrangée, de façon à ce que la majeure partie de la population soit considérée comme «malade», justifiant les médicaments commercialisés par les sponsors des campagnes.
Examinez par exemple le concept de «préhypertension artérielle». N’est-il pas beau cet élargissement de la population à traiter! A combien de milliards d’euros va se solder la surdépense à l’échelle de l’Europe? Pour quels résultats en termes de morbimortalité cardiovasculaire, et pour combien d’effets indésirables de toutes sortes?
Ces campagnes d’ «information du public» mises en œuvre dans le cadre de plans marketing planétaires ne doivent pas être confondues avec l’information-santé solide, comparative, qu’attendent les utilisateurs des services de santé.
L’information-santé véritable n’a rien à voir avec le dépistage alarmiste, le rabattage organisé, au service d’intérêts particuliers. L’information-santé n’est pas là pour tromper, pour vanter des bénéfices hypothétiques et taire les effets indésirables possibles. Elle est là pour donner les moyens du choix, de la décision partagée.
Les soignants sont-ils complices des manipulations en cours? Ou resteront-ils garants de la confiance des citoyens pour les choix cohérents de santé?
Editorial du n°278 de La Revue Prescrire, décembre 2006, reproduit avec l’aimable autorisation de la publication.

Fumeurs, réveillez-vous!

Le 30 Déc 20

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Je vais être honnête. Avant de m’adresser à vous, autant que vous le sachiez: moi aussi, comme la majorité des non-fumeurs, je suis plutôt favorable aux réglementations qui me permettent de vivre dans un environnement sans fumée. Et dans une logique médicale, je ne peux qu’y adhérer et encourager les fumeurs qui le désirent dans leur chemin vers l’abstinence.
Pourtant, j’assume une ambiguïté certaine quand je me projette dans votre quotidien… Car enfin, jusqu’où accepterez-vous d’être désignés à la vindicte collective?
Supporterez-vous donc d’être interdits en tout lieu de vie, d’être regroupés dans des lieux dévolus à l’assouvissement, sous surveillance, de votre «vice»? Et peut-être demain d’être exclus des systèmes de solidarité comme l’assurance maladie invalidité, sous prétexte que vous recherchez sciemment par votre comportement les ennuis de santé?
Appréciez-vous d’être traités avec pitié ou condescendance? Jusqu’à quand supporterez-vous d’être désignés comme des tueurs (via le tabagisme passif que vous imposez aux autres), des inconscients et des suicidaires (vous qui attentez plusieurs fois par jour à votre santé et à votre vie), au mieux des malades incapables de résister à ce poison qui hante vos pensées?
Mais, au fond, êtes-vous encore des citoyens à l’égal des non-fumeurs?
Comment en arrive-t-on à de telles situations? Où est passé le souci de John Stuart Mill , qui prônait la plus large liberté dans la vie privée des individus, seuls juges des comportements infligés à leur corps? Le même s’insurgeait contre les mouvements qui cherchaient à éradiquer des comportements jugés déviants, comme l’alcoolisme, le jeu, etc.
Ce débat lancé il y a près de trois siècles reste d’une troublante actualité: jusqu’où la société doit-elle guider les citoyens vers la vertu pour faire leur bonheur? La polémique peut évidemment s’enrichir de la classique assertion «ma liberté s’arrête où commence celle des autres» – qui peut s’appliquer sans conteste aux situations de tabagisme passif – et de bien d’autres encore que je n’ai pas l’espace de citer ici.
Est-il donc si difficile de préserver à la fois la liberté, le respect des individus et le simple bien-être général? Ne peut-on éviter de stigmatiser des styles de vies ou des conduites… dont on construit progressivement, à coups de réglementations et d’interdictions, l’immoralité?
Mais une autre interrogation me turlupine. Il m’apparaît qu’on a peu légiféré sur le produit de tous les dangers. Pourquoi n’a-t-on pas interdit à l’industrie l’usage de toutes ces substances dont on sait qu’elles sont incorporées au tabac pour accroître son addictivité, ces produits par ailleurs eux-mêmes sources de toxicité? Bien d’autres exemples nous amèneraient au même doute: face aux pouvoirs économiques, les Etats ne délaisseraient-ils pas leur rôle de protection du «bien commun», négligeraient-ils de «construire les conditions du possible pour que la santé des citoyens puisse se déployer» ?
Patrick Trefois
Pour ceux qui ont envie de continuer sur ces réflexions: Je fume, pourquoi pas vous? Contre la tabacophobie. Sous la direction de Marc Cohen. 2005. Fondation du 2 mars. Pauvert Ed.
Voir aussi la page https://www.toxicoquebec.com/actus/index.php?2006/10/25/1498-mort-au-fumeur-decrete-le-sociologue-robert-castel

Vrrrrooommm !!!

Le 30 Déc 20

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La Région wallonne et Formula One Association, la société de Bernie Ecclestone, ont signé le 11 octobre dernier la convention réglant les aspects commerciaux du retour de la Formule 1 à Francorchamps. A l’heure où des signaux forts en matière de maîtrise énergétique, contrôle de la pollution et lutte contre l’insécurité routière s’imposent, Inter-Environnement Wallonie regrette qu’une autorité publique ait jugé bon d’investir dans une activité dont la nature et les valeurs vont à l’encontre de l’intérêt général.
C’est désormais officiel: dès 2007, le Grand-Prix de Formule 1 sera de retour à Spa-Francorchamps. La nouvelle réjouira les amateurs de sport automobile, les commerçants locaux et tous ceux qui veulent voir dans la F1 un moteur du rayonnement de la Wallonie.
Le contexte dans lequel ce retour s’inscrit devrait par contre interpeller l’ensemble des citoyens. Le Gouvernement wallon, autorité publique garante de l’intérêt général, s’est en effet impliqué grandement et a investi massivement dans l’opération (1). Or, la nature de l’événement et les valeurs qu’il véhicule vont à l’encontre de celles que des gouvernants responsables se doivent de prôner aujourd’hui. Inter-Environnement Wallonie déplore donc cet accord dans lequel elle voit une incohérence politique.
Tous les signaux concernant les ressources énergétiques, la pollution atmosphérique et les changements climatiques sont aujourd’hui au rouge et appellent des mesures urgentes qui apparaîtront d’autant plus radicales qu’elles seront retardées. Il s’avère dès lors difficile de comprendre comment un Gouvernement peut s’engager dans la promotion d’une activité qui constitue une véritable apologie de comportements irresponsables.
Ainsi, alors que des efforts considérables sont entrepris pour réduire la consommation des voitures et camions, une F1 engloutit plus de 60 litres aux 100 km… De même, tandis que le Parlement européen recommande d’imposer au secteur automobile, responsable de près d’un quart des gaz à effet de serre, des normes d’émissions de 80 à 100gCO2/km, une F1 en produit allègrement 1400…
On peut par ailleurs s’interroger sur les valeurs véhiculées par cette course. Le phénomène d’émulation traditionnellement lié au sport de haut niveau semble ici surtout susceptible de donner de mauvaises idées à des champions du dimanche avides de prouver leur maîtrise de la conduite et leur pointe de vitesse sur la voie publique. C’est là un fameux pied de nez aux campagnes de sécurité routière!
Quand les discours politiques tournent autour de «sobriété énergétique», «lutte contre l’effet de serre», «sécurisation des routes», «promotion de la mobilité durable», est-il normal que des pouvoirs publics se fassent – même indirectement – les chantres du gaspillage, de la pollution et de la vitesse? Poser la question, c’est y répondre…
Inter-Environnement Wallonie
(1) Pour la seule édition 2007, l’investissement public, travaux compris, sera au minium 100 fois supérieur à celui dévolu à la Semaine de la Mobilité en Région wallonne et, toujours au minimum, trois fois supérieur au budget annuel de tout le sport en Communauté française…

Tout le monde aime la prévention… mais d’un amour platonique!

Le 30 Déc 20

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Au cours des trois dernières décennies, presque tous les politiques, qu’ils soient de la santé, de la justice, de l’intérieur, vice ou premier, ministre ou parlementaire, quelle que soit leur appartenance politique, ont proclamé haut et fort qu’il vaut mieux prévenir que guérir et, dès lors, qu’il faut mettre la prévention au premier plan des priorités et des actions en matière de drogues. La répression doit intervenir le plus tard possible pour laisser le champ libre à l’information, l’éducation, la formation, la médiation… «la prison étant l’ultimum remedium» (1).
Malheureusement, à coté de ce discours «officiel», nous ne pouvons ignorer les cohortes d’usagers de drogues et de petits dealers croupissant dans le surpeuplement carcéral pour des faits le plus souvent bénins, sans commune mesure avec la lourdeur des sanctions prononcées.
En effet, du côté budgétaire (le «nerf de la guerre» comme on dit), les moyens consacrés (2) sont à l’exact opposé du discours tenu : 54 % des dépenses à la répression, 4 % à la prévention (3). Le fossé est immense entre un discours banalement généreux et l’implacable langage de l’allocation des ressources.
Or, il est possible et nécessaire, en matière de drogues, de mener une politique qui ne ferait pas l’amalgame entre justice et santé, usage de drogues et menace de l’ordre public. Une véritable prévention passe par des lois et des dispositifs juridiques qui, au lieu de renforcer le contrôle et la répression des populations supposées «à risque», stimuleraient leur participation et leur intégration.
Pour une société, prévenir l’abus de drogues, c’est aussi écouter ses jeunes, leur donner de l’espace et leur offrir des perspectives autrement folichonnes que celles d’être des outre-consommateurs exploités et sacrifiés aux lois du marché.
Une société au sein de laquelle la sécurité et l’éducation des jeunes repose sur la rencontre d’adultes soucieux de les accompagner dans leur devenir plutôt que sur la prolifération des moyens de contrôle en tout genre: dépistages, caméras de surveillance, et autres dispositifs de techno-sécurité.
Un jour, peut-être…
Philippe Bastin, Infor-Drogues asbl
(1) Voir notamment la Directive ministérielle du 16 mai 2003 «… l’approche pénale, et plus précisément la prison, doit être l’ultimum remedium…».
(2) Pr. B. De Ruyver, Pr. I. Pecl, Pr. J. Casselman, K. Geenens, P. Nicaise, L. From, F. Vander Laenen, K. Meuwissen, A. Van Dijck, La politique des drogues en chiffre: étude des acteurs concernés, des dépenses publiques et des populations atteintes, Academia Press, Gent, 2004, page 471. La recherche porte sur les années ’90 et s’arrête à 2002. Elle va être reconduite et portera sur les années suivantes.
(3) Dans ces dépenses sont également intégrés les montants consacrés aux contrats de sécurité et de prévention financés par le Ministère de l’Intérieur!

Le meilleur des mondes de l’assurance

Le 30 Déc 20

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Depuis longtemps, de nombreuses compagnies d’assurances pratiquent des tarifs d’assurance-vie différents selon que leurs clients fument ou non.
Récemment, en France, deux assureurs ont été plus loin en favorisant les clients qui consomment des produits alimentaires baissant le taux de cholestérol (1).
Chez nous, un assureur diminue depuis quelques mois la prime de ceux de ses clients dont l’indice de masse corporelle est situé entre 19 et 25.
La firme fait montre d’une logique inattaquable: accorder le juste tarif pour le juste risque, segmenter le marché pour donner un avantage aux ‘bons risques’ et faire payer plus cher les ‘mauvais risques’.
Rien de plus normal dans une société d’individus irresponsables de leur consommation frénétique, mais très responsables de leur bonne ou mauvaise santé (2).
Ce qui me chiffonne un peu ici, c’est la frilosité de ces firmes, qui auraient intérêt à pousser cette logique bien plus loin.
Exclure les personnes jugées trop vieilles en augmentant leurs primes de façon à les faire renoncer à leur couverture vie, ok, c’est banal.
Ne pas fumer, c’est bien; consommer des ‘yaourts aux stérols’ chers et remboursés par la mutuelle (pardon, je veux dire par l’assureur privé), c’est bien aussi; pénaliser les ‘gros pleins de soupe’ (et de choses moins recommandables), ce n’est pas mal non plus, mais il y a moyen de faire mieux.
Faire payer aux hommes des primes plus élevées qu’aux femmes, c’est de bonne guerre, mais franchement insuffisant. Pourquoi ne pas réserver les polices exclusivement aux femmes, on écarte ainsi d’un seul coup environ 50% de moins bons risques!
En écartant d’abord les hommes, puis les femmes trop âgées, les femmes qui fument, les femmes trop rondes, ou celles qui ont eu des enfants, ou celles qui n’en ont pas eus, on obtient le résultat parfait: des conditions d’affiliation qui excluent 100% des clients potentiels. Plus le moindre sinistre à provisionner!
Vous me direz qu’en contrepartie, il n’y aura plus non plus la moindre prime à encaisser, mais c’est un détail mesquin comparé au vertige d’avoir atteint le risque zéro grâce à une saine utilisation du principe de précaution.
Génial, non?
Christian De Bock
Si vous voulez prendre la parole à cette tribune, adressez-moi vos propositions (2500 signes maximum) à christian.debock@mc.be. (1) En croyant à l’hypothèse non prouvée qu’une baisse modeste du taux de cholestérol a un effet positif sur le risque cardio-vasculaire. Une mutualité belge vient de leur emboîter le pas en août 2006: rassurez-vous, ce n’est ni la chrétienne, ni la socialiste!
(2) Voir l’essai de Christian Léonard, ‘Croissance contre santé’ , présenté dans le numéro 212.