Décembre 2003 Tribune

En parcourant le dernier numéro de votre revue, mon attention est attirée par la reproduction d’une affiche du Gracq, intitulée «le Vélo, c’est la Santé». Celle-ci m’inspire deux remarques.
La première concerne l’usage des majuscules. Nos instituteurs nous ont appris que les noms communs s’écrivent sans majuscule, sauf au début d’une phrase. L’auteur de l’affiche n’ignore certainement pas cette règle élémentaire. Le recours aux majuscules n’est probablement pas innocent. Il fait du vélo et de la santé des noms propres et leur confère un statut de personnes respectables: Monsieur Vélo rencontre Madame Santé. Vous connaissez la suite: comme dans tous les contes de fées qui se respectent, ils se marièrent, furent heureux et eurent beaucoup de tricycles…
La seconde remarque est plus sérieuse. Etant, comme vous, cycliste quotidien, je n’ai pas manqué d’observer que les deux cyclistes ne respectent nullement les préceptes d’une campagne présentée précédemment dans vos colonnes. Je crois me souvenir qu’il s’agissait d’une initiative des Mutualités chrétiennes qui visait à encourager les cyclistes à porter un casque de protection. On pourrait donc s’étonner d’un manque de cohérence entre deux campagnes qui visent l’une comme l’autre à promouvoir la santé de nos concitoyens.
Cette incohérence m’a certes quelque peu surpris, mais nullement choqué. J’oserais même dire qu’elle m’a réjoui.
Tout d’abord parce qu’elle contribue à me déculpabiliser de parcourir presque chaque jour 12 km en vélo dans les dangereuses rues de Bruxelles, sans autre protection que celle d’un chapeau qui me protège de la pluie et du froid aux oreilles, mais nullement des traumatismes crâniens en cas de chute.
Cette incohérence me réjouit surtout parce qu’elle me permet de constater que la promotion de la santé n’est pas encore entièrement récupérée par le Ministère de l’Intérieur et la police, et que la promotion de la santé n’est pas une science (exacte ou non), mais, comme la médecine, un art, et que les règles de l’art sont faites, non pour être respectées mais pour être constamment remises en question, discutées, améliorées voire transcendées.
Les bénéfices du vélo pour la santé cardiovasculaires valent-ils plus que les risques de traumatismes (évitables ou non)? L’obligation (légale ou morale) de porter un casque risque-t-elle de décourager la pratique du vélo? Ces questions sont et resteront heureusement encore longtemps sans réponse.
Mais, tout compte fait, sur l’affiche, il y a deux cyclistes… On aurait quand même pu en choisir un sur deux avec un casque!Un cycliste quotidien casse cou non casqué (nom connu de la rédaction)
P.S.: J’ai croisé ce matin un cycliste casqué qui tenait son guidon d’une main et son téléphone portable de l’autre…