Septembre 2003 Par S. BOURGUIGNON Initiatives

La consommation des jeunes interpelle le monde de la jeunesse. Le Service de la jeunesse de la Communauté française a organisé une Table ronde destinée à réfléchir sur cette question et à imaginer des hypothèses de solution aux problèmes. Compte tenu du long travail de réflexion déjà mené sur cette problématique, le Réseau – Association des Jeunes consommateurs (RéAJC) et la Confédération des organisations de jeunesse (COJ), tiennent une place de premier plan dans ce débat.
La Table ronde s’est penchée sur l’impact de la société de consommation sur les jeunes. Elle a posé les questions touchant divers volets développés par des intervenants extérieurs, spécialistes de ce domaine. L’approche est concrète.
Les Actes de cette journée sont regroupés dans le carnet ‘Table ronde. Les jeunes et la consommation, le bien-être à quel prix?’. Il peut servir de base de réflexion, peut-être même d’action, à ceux qui voudraient travailler davantage cette problématique, en particulier, les animateurs des associations qui peuvent sensibiliser les jeunes. Voici un bon aperçu de son contenu.

Améliorer la qualité de vie

Marthe Marie Rochet , fondatrice et présidente du RéAJC, définit trois axes de changements prioritaires pour améliorer la qualité de vie de tous en reconnaissant aux enfants, ados et jeunes adultes un statut de consommateurs.
D’abord, en finir avec le diktat des publicitaires qui nous entraîne dans une illusion coûteuse pour la santé, le budget, l’environnement, ignorant la dignité humaine. La volonté est d’établir nous-mêmes les normes du bien-être. Nous donner d’autres repères que les marques. Autrement dit, répondre à cette question: quelles sont les conditions de bien-être personnel et collectif jusqu’aux confins du monde? Rechercher un sens et une cohérence dans les choix de consommation. Rendre ce choix possible pour tous, y compris les plus démunis.
Ensuite, une volonté de voir les droits des jeunes consommateurs pris en compte dans les conventions des Droits de l’homme et de l’enfant: droit à la connaissance des besoins vitaux et à leur satisfaction (comme par exemple, l’eau qui doit être gratuite, agréable et disponible partout), droit à l’information et à l’éducation à la consommation, à la protection et à la défense juridique, à la réparation des dommages, à la consultation et à la représentation dans les organes représentatifs des consommateurs. Le respect de ces droits rendra possible l’exercice par les jeunes consommateurs de leur responsabilité. Au lieu de dire: il n’y a pas de droits sans devoirs, le RéAJC dit: ‘il n’y a pas de devoirs sans droits’.
Enfin, la volonté de voir les pistes institutionnelles ‘jeunes’ dessinées mais aussi celles qui associent les jeunes pour l’élaboration d’une politique globale et coordonnée visant à la promotion et au respect de leurs droits en tant que consommateurs. Deux jeunes mandatés par leur organisation de jeunesse représentent le RéAJC à la Commission de la sécurité des consommateurs. Ils tracent la voie.

Comprendre la consommation des jeunes

Yamina Ghoul , secrétaire générale de la Confédération des organisations de jeunesse (COJ), a conscience que les organisations de jeunesse ont le pouvoir de passer un message portant sur la consommation. Pour avertir les jeunes de la fréquente manipulation dont ils sont victimes dans ce domaine, leur donner les moyens de se défendre sans passer pour un adulte moralisateur, il est nécessaire de comprendre pourquoi le jeune consomme et quels besoins il cherche à assouvir par une surconsommation parfois compulsive. Les réflexions menées pour comprendre cette consommation tournent autour de 5 axes: les jeunes et l’argent; les jeunes et la publicité; les jeunes et la santé; les jeunes et les besoins vitaux, et les droits des jeunes consommateurs. Chaque axe est présenté par une personne de référence dans le domaine.

Les jeunes et l’argent

Ce sujet est abordé dans le livret par le texte de Nadine Fraselle , directrice de l’Observatoire du crédit et de l’endettement. Pour elle, la consommation est un sujet complexe difficile à aborder sans traiter les grandes questions qui touchent à la consommation, aux marques et à la place de l’argent dans notre société. Sa question: en quoi consommation/argent/dépense sont-ils des leviers pour une évolution vers l’émancipation chez les jeunes?
La consommation est un phénomène social car consommer, c’est échanger, communiquer, interagir en société. Ne plus consommer correspond à une mort sociale. Sur le marché, des produits et des services offrent une réponse à des aspirations de reconnaissance et de liens sociaux. Ce processus guide les pratiques commerciales, surtout chez les jeunes.
Consommer, c’est aussi essayer de faire aussi bien que son voisin. Quand nous consommons, nous respectons des normes sociales de consommation. Cela peut être positif parce que c’est un processus d’émulation qui pousse les membres d’une catégorie sociale à accéder à une autre, juste supérieure. Quand les normes sociales évoluent plus vite que les revenus, ce processus peut déraper et mener à l’exclusion, la honte, le surendettement…
La consommation, c’est aussi discuter la question des choix et de la liberté des choix. Les sociologues ont montré que cette liberté est très relative et les conduites résolutoires rationnelles sont illusoires dans notre société de consommation. En étudiant le poids des marques dans la construction de l’identité des jeunes, on voit que la théorie de la différenciation sociale est bien plus importante que la théorie des besoins.

L’argent permet l’échange

L’argent est le moteur de la vie d’une société moderne où tout est monétarisé. Il permet l’échange, le lien. Il permet la construction de l’autonomie surtout chez les enfants et les jeunes. Il est important de respecter la liberté que l’argent leur procure. Le droit à avoir et le droit à dépenser est décisif pour se construire une image. Sur le marché, les pratiques commerciales sont orientées dans ce sens. Comment cette logique commerciale participe-t-elle à la construction de l’identité?
La séduction culturelle s’opère en répondant aux aspirations de reconnaissance sociale et aux aspirations de particularité. La pub offre à la fois une possibilité de construire une identité pour l’ensemble des consommateurs mais en même temps, elle propose des modèles de conduites pour des minorités, parfois même discriminées. Elle vise à véhiculer des modèles qui rassemblent des jeunes acheteurs appartenant à des milieux différents. Exemple, Nike développe ses publics cibles chez les riches mais aussi les pauvres. Les inégalités sont gommées. De sorte que, quels que soient les revenus et les catégories sociales d’appartenance, les grandes marques construisent l’identité.
Les marques et la pub envahissent les jeunes, les espaces de socialisation, la famille, le travail, les lieux de loisirs, les rues, l’école, et compensent, d’une certaine manière, les repères institutionnels. Auparavant, les modèles de conduite étaient donnés par l’armée, la justice, la police, les autorités publiques. De plus en plus, les grande marques prennent leur place et agissent en véhiculant des valeurs qui évoluent aussi. Dans ces valeurs, on distingue les valeurs terminales, qui sont des buts à atteindre dans la société, elles sont universelles et changent peu: sagesse, bonheur, fraternité, paix, sécurité, liberté, égalité, chance… Ce qui change, ce sont les valeurs instrumentales. Chez les jeunes, le risque, la vitalité, la volupté, le plaisir sont très présents.

Les marques et la pub envahissent les jeunes, les espaces de socialisation, la famille, le travail, les lieux de loisirs, les rues, l’école, et compensent, d’une certaine manière, la perte des repères institutionnels.

Ce contexte que l’on peut qualifier de capitalisme d’images remplace le capitalisme d’objets. Ces images participent à la construction identitaire. Pour Nadine Fraselle, c’est à ce niveau qu’il faut réfléchir afin d’amener les jeunes à une certaine autonomie. Sur le marché, les jeunes sont confrontés à l’obsolescence des produits. Ils disent devoir remplacer constamment leurs produits: ‘on ne suit pas!’. Dans ce contexte de capitalisme d’images, on se trouve confronté à une forte dissociation entre les fins et les moyens. L’argent peut tout autant conduire à l’autonomie et à l’émancipation qu’à la dépendance, l’égoïsme et l’exclusion.
Comment amener les jeunes confrontés au problème de l’argent à évoluer vers l’émancipation et l’autonomie? Il est nécessaire de prendre en compte la question des inégalités sociales. L’auteur fait référence à une étude menée par l’Observatoire du crédit et de l’endettement en automne 2001. Elle a été conduite avec des partenaires néerlandophones. L’Observatoire a mené des entretiens qualitatifs auprès de 60 groupes de jeunes. L’étude montre que les jeunes connaissent la valeur de l’argent, ont conscience du prix mais méconnaissent le coût général de la vie, le budget familial, les produits financiers et les banques. Ils surévaluent très fort les salaires par rapport à la réalité.
Quand les jeunes sont dans une situation d’indépendance financière par rapport aux parents, qu’ils ont des revenus, ils sont confrontés à cette indépendance de manière abrupte. Or, ils doivent être autonomes. Le consommateur décide pour lui-même, gère ses comptes, compare… Le jeune est confronté à cet appel d’autonomie sans y être bien préparé. Dans cette enquête, on voit que les problèmes sont liés aux inégalités sociales. Les jeunes isolés ont davantage de difficultés financières. Les jeunes en difficultés scolaires aussi. Les pistes d’action mises en évidence par l’étude sont diverses: il serait heureux que les familles appréhendent l’argent avec moins de peurs et fassent de l’argent quelque chose de dynamisant plutôt qu’un tabou.
Dans l’étude, on voit que les besoins émotionnels guident les achats, pas étonnant si l’on sait que les grandes marques construisent l’identité et travaillent sur l’émotion. Il y a différents profils de personnalités de consommateurs: les hédonistes qui se consacrent essentiellement aux loisirs, les shoppers, des expansifs (parfois prêts à acheter une voiture sans avoir le permis), les dépendants (des parents, des banquiers…). Ces divers profils doivent être pris en compte pour l’éducation chez les jeunes avec des pédagogies actives. Des moments à risques ont également été identifiés: le premier salaire, l’achat d’un véhicule, d’une maison… Les jeunes y sont confrontés sans y être préparés. Il y a là des possibilités de développer une pédagogie active. Sur le plan juridique, une recommandation concerne la relation avec le monde bancaire. Cette relation devrait être authentique et engageante pour les jeunes. Pourquoi un jeune de 16 ans doit-il demander l’autorisation parentale pour ouvrir un compte? L’Observatoire a demandé au Ministre de permettre aux jeunes de 16 ans d’ouvrir un compte sans l’autorisation parentale. Des critiques ont également été émises concernant l’utilisation du parent caution.

Les jeunes et la pub

Bernard Petre , Research director chez Taylor Nelson Sofres Dimarso, institut de sondages et de recherche, professeur de techniques d’enquêtes à l’IHECS et conférencier à la VUB, s’attaque au volet ‘Les jeunes et la publicité’ en délimitant le public jeune aux 3-30 ans.
A 3 ans, l’enfant devient cible des médias et donc de la pub et 30 ans, c’est l’âge où on s’installe définitivement hors du foyer des parents. Sa question: dans quel monde de référence les jeunes d’aujourd’hui vivent-ils? Il débute en listant des événements et référents qui sont à la base des grilles de lecture des personnes de plus de 40 ans et par conséquent, non connus par les jeunes de 3 à 25 ans:
– les jeunes n’ont pas connu la guerre sur notre territoire;
– cette génération est très peu confrontée à la mort naturelle: un jeune qui a aujourd’hui 20 ans a plus de chances d’être confronté à la mort via le décès d’un proche (accident de voiture…) que par la confrontation avec la mort naturelle d’un de ses deux parents;
– les jeunes d’aujourd’hui n’ont pour la plupart, pas connu la douleur physique;
– leur lien avec le monde rural traditionnel a très souvent disparu;
– contrairement aux adultes qui ont 40 ans ou plus, ils n’ont pas été confrontés à des institutions fortes (famille fragilisée, institutions en crise…);
– la grande majorité d’entre eux n’ont pas connu le manque physique;
– enfin, toujours selon l’auteur, ils ont très peu connu l’espoir, puisque depuis 10 à 20 ans, il y a très peu d’ouverture sur le plan imaginaire (le mythe internet a perdu de son aura et la génétique fait plus souvent trembler que rêver).
En revanche, poursuit Bernard Petre, les jeunes ont connu:
– les jeux TV, vidéo, les clips… ce qui les amène à devenir des critiques artistiques sévères en matière audiovisuelle, ce qui est important pour la publicité;
– des grèves et des difficultés dans l’enseignement. Ils ont baigné dans la crise du système de transmission de valeurs et de savoirs;
– les mouvements pour une autre mondialisation, des personnalités comme José Bové, de nouvelles pratiques comme le piercing ou la consommation de cannabis. Sur ce point développé par M. Petre, on regrette que les mouvements alter mondialistes, Bové, le cannabis et le piercing soient associés dans un fourre-tout un peu rapide.
Petre met à jour une première hypothèse concernant les jeunes et la publicité: ‘leur rapport à l’imaginaire, aux médias, à la consommation et à l’argent est radicalement différent du nôtre.
Ils savent qu’ils sont une cible et qu’on en veut uniquement à leur pouvoir d’achat. Ce serait tellement évident pour eux, qu’à leurs yeux, cette tromperie n’en serait pas une’.

A savoir


Au 31 décembre 2001, 25,1 % des bénéficiaires du minimex en Wallonie étaient des jeunes de moins de 25 ans (19,3 % en Région bruxelloise et 19,2 % en Flandre). Pour la Belgique, cela représente 15.873 jeunes (8691 en Wallonie, 4679 en Flandre et 2503 à Bruxelles). Si l’évolution est à la baisse, les chiffres restent éloquents et indiquent combien l’exclusion sociale touche les plus jeunes. En ce qui concerne les défauts de paiement en matière de crédit, 21.141 jeunes âgés de 18 à 24 ans étaient enregistrés fin 2001 dans la Centrale des crédits aux particuliers de la Banque nationale de Belgique.

Difficile de ne pas émettre de critique avec cet énoncé qui met les plus petits et les jeunes adultes dans le même ‘caddie’. Petre illustre ce propos: ‘il suffit de voir l’énergie qu’ils mettent (parfois de façon violente) à essayer d’obtenir ce que leur promet la publicité sans devoir passer aux caisses. Il suffit de regarder aussi l’énergie qu’ils consacrent à créer des biens et des valeurs non-marchands tout en sachant que ces biens et valeurs seront très rapidement réintégrés dans le circuit marchand.’ Dommage que les comportements violents d’une minorité de jeunes servent d’illustration aux propos.
C’est la dernière tendance citée par l’auteur qui aurait généré autant de ‘trend watchers’ dans les agences de pub et engendré chez certains annonceurs des recherches quasi ‘ethnographiques’ sur ‘la tribu des jeunes’ comme s’il était possible de ‘codifier leurs mœurs’ et de deviner ce qu’ils inventeront pour échapper à la logique marchande.
Petre décode ensuite une publicité pour la Xbox (console de jeu) en 7 caractéristiques que vous pouvez retrouver dans le livret. En conclusion de cette confrontation entre les jeunes et la publicité qui les vise:
– la pub orientée vers les jeunes devient de plus en plus complexe, sophistiquée. Elle ne transmettrait plus tellement de valeurs au sens strict. Elle serait finalement d’une efficacité moindre qu’il y a une dizaine d’années;
– cette évolution peut être considérée comme positive puisqu’en connaissant ses rouages, elle
deviendrait plus un spectacle qu’une offre marchande;
– moins positif: le système marchand offre de moins en moins de possibilité d’intégration aux jeunes non solvables puisque tout se joue au travers de la logique marchande;
– l’importance des jeunes dans les représentations sociales a plutôt diminué. La raison: avant, le système marchand anticipait le pouvoir d’achat du jeune non solvable, le jeune était un ‘solvable en devenir’. Aujourd’hui, on lui demande de montrer patte blanche, de prouver son intérêt économique ou d’être couvert par des adultes solvables. Le marché des jeunes est devenu un marché comme un autre. On s’adresse à eux lorsqu’ils sont des acheteurs solvables.
Conséquence indirecte: les marques qui s’adressent à eux ne s’adressent plus qu’à eux et utilisent des codes spécifiques.
Pour l’auteur, le résultat de toutes ces évolutions est que les publicités destinées aux jeunes contiennent un certain nombre de messages latents et de caractéristiques formelles communes: absence de valeurs morales, primauté absolue de la logique marchande, désintérêt pour ce que le jeune représente au futur, absence de sentiments et d’affects, sur-valorisation des sensations et des effets visuels et sonores.
Au fond, la pub sous-entend que pour exister, il faut être solvable et que seules les expériences qu’on achète à des marques valent la peine. Elle relaie ainsi le discours dominant de notre société.
Ce renforcement du discours sociétal pose un double problème.
Un problème de valeurs : est-ce bien la société dans laquelle nous voulons vivre? Et aussi un problème de transmission des valeurs et d’intégration . Notre société ne donne aucun mode d’emploi pour s’intégrer à la société marchande.
Constat: la pub emboîte le pas aux autres grands systèmes de transmission de valeurs et concentre son discours sur ce qu’il est intéressant d’avoir, sur les expériences intéressantes à vivre mais considère que ce n’est pas sa tâche de montrer comment y arriver.
Effet positif de cette évolution: les jeunes et les consommateurs sont de plus en plus curieux et exigeants à propos de la manière dont les biens de consommation sont produits.
Conclusion finale de M. Petre: nous sommes face à la fois à un problème majeur, comment une société qui ne propose pas à ses jeunes de véritables valeurs symboliques et des possibilités effectives de s’intégrer peut-elle survivre? Et face à un changement de paradigme au niveau des relations entre la publicité, les entreprises et leurs cibles/clients.

Les jeunes et la santé

Laurence Kohn , chercheuse à l’ULB-PROMES (Unité de promotion et d’éducation pour la santé de l’école de santé publique de l’ULB) présente quelques données sur les comportements de santé des adolescents en rapport avec la consommation. Ces résultats proviennent de l’étude menée en Communauté française depuis 1986 ‘Health behaviour in school aged children’. La même étude est réalisée dans plusieurs pays européens sous le patronage de l’OMS. Elle est également menée en communauté flamande.
L’étude sur les comportements de santé des jeunes est basée sur une enquête périodique, répétée au moins tous les 4 ans. La 7e collecte est en cours. Un des objectifs est d’assurer une approche globale de la santé des jeunes par la mise en relation de variables socio-démographiques (âge, sexe, statut socio-économique…) d’une part et d’autre part, de déterminants des comportements de santé (environnement économique, social, familial, loisirs, estime de soi…).

Apprendre à distinguer besoin, moyens de satisfaction, désir ou envie, signaux de manque et symptômes de problèmes relatifs aux besoins, et confronter ces distinctions aux faits, c’est nous mettre dans les mains des outils de discernement pour notre consommation.

La répétition des collectes de données permet de suivre l’évolution. Le caractère international permet une comparaison géographique. Les résultats présentés portent sur les collectes de 1986 à 1998 et concernent des échantillons représentatifs des jeunes scolarisés, au niveau de la province, du réseau scolaire, de l’orientation. Les élèves de la 5e primaire à la 6e secondaire ont été interrogés. Les analyses ont porté sur l’ensemble des élèves participant depuis la première enquête, soit sur 43.000 jeunes environ âgés de 10 à 19 ans.
Les taux présentés n’ont de valeur que comparés les uns par rapport aux autres, contrairement aux taux bruts qui reflètent la réalité de la situation à un moment donné.

La consommation de tabac…

Parmi les élèves interrogés en 1998, les prévalences brutes du tabagisme étaient: 68 % ne fument pas actuellement, 20 % fument quotidiennement, 6 % fument chaque semaine et 6 % fument moins d’une fois par semaine. Depuis 1990, on constate une augmentation de la prévalence d’essai du tabac au cours de la vie chez les élèves, de 47 % environ en 1990 à 57 % en 1998. Même constat d’augmentation pour la consommation régulière (au mois une fois par semaine): le tabagisme est en augmentation chez les adolescents scolarisés, atteignant 25 % d’entre eux en 1998 pour 14 % en 1990. Les enseignements de type technique et professionnel sont plus concernés par ce comportement que l’enseignement général. Les prévalences augmentent avec l’âge. Les fumeurs de plus de 20 cigarettes par semaine sont aussi en augmentation.

et d’alcool

La consommation hebdomadaire d’alcool semble stable au cours du temps chez les adolescents. L’alcool le plus consommé est la bière puis le vin. Ils sont plus consommés par les plus âgés, alors que les apéritifs et cocktails le sont plus par les plus jeunes. Les quantités consommées semblent augmenter: la prévalence des jeunes qui consomment plus de 7 verres par semaine est passée de 20 % en 1988 à 27 % en 1998. Une même tendance est observée pour la consommation de plus de deux verres d’alcool par jour. Ce comportement concerne plus les garçons que les filles et est plus fréquent dans l’enseignement technique et professionnel que général. Le fait d’avoir été ivre au cours de sa vie est en augmentation par rapport à la première enquête. L’indicateur augmente avec l’âge des élèves.

Les drogues illicites

La plus consommée chez nous et en Europe est le cannabis . Son usage est en forte augmentation depuis les années 1990: les prévalences standardisées sont passées de 13 % en 1994 à 24 % en 1998 pour l’essai au cours de la vie. Cette forte augmentation témoigne de la généralisation du phénomène et de l’augmentation de la déclaration du comportement. La consommation régulière de cannabis (au moins une fois par semaine) est passée de 4 à 6 % environ. Les expérimentateurs de cannabis sont davantage des garçons et davantage issus des filières technique et professionnelle.
La consommation d’ecstasy, concernait environ 4 % des élèves en 1994 et 6 % en 1998. Elle est surtout consommée par les garçons et l’essai de cette drogue augmente avec l’âge. L’enseignement professionnel est le plus concerné par ce produit. Même déterminants (sexe et âge) pour la consommation d’ecstasy au moins une fois par semaine.
En matière de drogues, on constate un phénomène de poly-consommation de produits licites et illicites. Seuls 30 % ne consomment que de l’alcool, 6 % uniquement du tabac et 1 % uniquement une ou des drogues illicites. 43 % des garçons et 46 % des filles interrogés ne consomment ni tabac, ni alcool, ni drogues et 6 % de jeunes consomment les trois types de substances.

La consommation de médicaments

La consommation de médicaments contre les maux de tête, nervosité, fatigue et problèmes de sommeil semble stable dans le temps. Ceux contre les maux d’estomac sont en augmentation depuis 1988. Les médicaments pour maigrir sont aussi en augmentation, ils sont surtout consommés par les filles et plus particulièrement dans l’enseignement technique et professionnel.
L’enquête approche les grands consommateurs de médicaments par l’indicateur ‘a consommé parmi les différentes familles de médicaments (maux de tête, ventre, estomac, nervosité, fatigue, produits pour dormir, pour maigrir) au moins un de chaque produit au cours du dernier mois ou a consommé plusieurs fois le même type de médicament plus un autre’. Les prévalences standardisées de grande consommation de médicaments montrent une légère tendance à la hausse au cours du temps mais cette tendance n’est pas confirmée par l’analyse multivariée. Cette dernière nous enseigne que ce comportement concerne plus les filles et plus les élèves du technique et professionnel.
Si la prise de médicaments résulte certainement de caractéristiques individuelles et de facteurs socio-économiques, on peut s’interroger sur leur accessibilité pour les adolescents et sur le rôle de la prescription médicale. A ces âges, les élèves ne décident pas toujours seuls d’avoir recours à une médication.

L’alimentation

Prendre un petit déjeuner avant l’école ne dépend pas toujours de l’élève mais il reflète l’organisation et la tradition de la famille. En 1998, 64 % des élèves interrogés prenaient un petit déjeuner tous les jours, 15 % une à trois fois par semaine et 21 % rarement ou jamais.
La consommation de fruits et de légumes au moins une fois par jour a chuté de manière vertigineuse entre 1986 et 1998: les prévalences passent de 90 % à 70 % pour les légumes et de 80 % à 60 % pour les fruits.
Les garçons sont moins nombreux à consommer quotidiennement des légumes. On ne constate pas de différences liées à l’âge. Les élèves du technique et du professionnel se comportent ‘moins bien’ que ceux du général. Les prévalences de consommation journalière de frites, hamburger, boissons au cola ou bonbons sont en augmentation depuis 1986. Les garçons sont plus nombreux à déclarer boire des boissons au cola ou des limonades au moins une fois par jour, de même que les plus jeunes et les élèves du technique et du professionnel.
La consommation de bonbons est aussi en augmentation et concerne plus les garçons sans différence avec l’âge et l’orientation scolaire.
Conclusion: si la situation semble se dégrader, il est difficile d’établir si cette tendance concerne particulièrement les adolescents ou si elle reflète une évolution de toute la société.
La réforme de la médecine scolaire, davantage axée sur la promotion de la santé, permettra peut-être d’enrayer ce phénomène chez les adolescents et permettra d’approcher la santé des élèves de manière globale.
Référence: Piette D., Parent F., Coppieters Y., de Smet P., Favresse D., Bazelmans C. & Kohn L., La santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire. Quoi de neuf depuis 1994? Comportements et modes de vie des jeunes scolarisés et en décrochage scolaire en Communauté française de Belgique (1986-1998)

Les jeunes et les besoins vitaux

Formatrice d’adultes dans le secteur de l’éducation permanente, Martine Content-Dupont s’attaque à ce volet. Son intervention aborde l’axe qui relie l’état de santé avec la satisfaction des besoins fondamentaux de l’être humain. Elle apporte une contribution essentiellement théorique qui réunit quelques modèles susceptibles d’alimenter la réflexion.

Définition d’un concept

Que faut-il entendre par besoin vital? Simplement, un besoin dont la satisfaction nous permet de nous maintenir en vie et en prise avec notre vitalité, c’est-à-dire notre force, notre élan et notre énergie de vie. Défini ainsi en relation avec la survie, un besoin est une exigence qui émane de notre nature humaine qui est à la fois biologique (santé physique), psychologique (santé émotionnelle et mentale), spirituelle (santé de notre rapport au sens de la vie) et ce, dans un contexte social et culturel donné puisque la dimension grégaire est inscrite dans notre ‘humanitude’. Sous l’égide de cette définition, les besoins sont universels. Ce qui va varier est la manière dont chacun va identifier ses besoins prioritaires et les moyens concrets qu’il va mobiliser pour les rencontrer.

‘Qui je suis’

Le mode de satisfaction de nos besoins (en fait, notre mode de vie) est influencé par nos appartenances, nos habitudes, notre niveau d’information et de conscience par rapport à ces besoins. Le ‘connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux’ invite au retour sur soi pour introduire davantage d’information et de conscience à notre propre endroit. Une introspection fructueuse se doit d’être alimentée par un bon questionnement.
Dans le vocabulaire courant, on ne fait pas référence au concept de ‘besoin vital’ quand on emploie le mot ‘besoin’. Un jeune peut demander de l’argent à son père en argumentant qu’il en a besoin pour acheter une carte pour recharger son téléphone portable et pouvoir communiquer avec ses amis, ou pour acheter un sandwich parce que déballer ses tartines, c’est ringard… Ceci donne lieu à beaucoup de méprise chez ceux qui réfléchissent sur cette notion. Il y a différents niveaux de moyens relatifs à la satisfaction de certains besoins. L’argent est devenu un moyen par excellence de servir nos besoins en l’utilisant pour consommer.
Mais nous employons d’autres procédés pour aller vers nos besoins vitaux, notamment produire, échanger, donner, partager… et pas seulement des biens et des services, aussi des idées, des expériences, de l’amour, de la présence, du temps, de l’action…

L’ombre de la mort

Nous sommes sans cesse occupés à satisfaire des besoins. C’est pourquoi, il est si important de savoir ce que nous faisons vraiment et de passer notre mode de vie au crible de la connaissance de nos besoins vitaux. Car il y a problème lorsque certains d’entre eux ne trouvent pas satisfaction pendant trop longtemps. Le délai critique diffère selon le type du besoin, voire d’une personne à l’autre. Si les besoins ne sont satisfaits que partiellement ou inadéquatement, notre état de santé sera altéré avec la perspective de voir d’autres besoins compromis dans leur satisfaction, la maladie s’installer et en bout de course, la mort possible. Entre-temps, nous ressentirons toute une série de signaux internes qui avertissent des besoins en souffrance jusqu’à devenir des symptômes montrant que notre santé, notre vie est en danger. Entre la santé et la maladie mortelle, il y a un continuum de signaux censés nous ramener à la vie.

Substitution, subterfuge et aliénation

D’où l’intérêt d’apprendre à repérer les besoins vitaux concernés par les moyens que nous mettons en œuvre pour vivre comme nous le faisons et de vérifier s’ils sont appropriés. Certains de ces moyens sont trop indirects et peuvent nous empêcher de rencontrer l’un ou l’autre besoin ignoré… ou alors nous faire sur-satisfaire un besoin au détriment d’un autre peut-être plus urgent (ex: travailler beaucoup peut me plaire au point que j’en oublie de me reposer) ou encore nous faire substituer un besoin par un autre (ex.: les boulimiques qui ingurgitent de la nourriture en compensation d’autres manques). Nombre de substances ou d’objets sont consommés en substitution pour tenter de combler des besoins de sentiments de sécurité, d’importance, d’appartenance, de stimulation, de sens de la vie… Dans ce cas, il y a substitution d’un besoin par un moyen et donc, double subterfuge!
Nos envies et désirs sont reliés à nos besoins en ce qu’ils portent notre attention sur des objets ou des projets comme moyens préférentiels de les rencontrer et tant mieux alors si ces choses et ces actions sont accessibles et ne font de mal à personne. Mais les objets de nos désirs sont loin d’être des besoins en soi. Ils sont des risques de faire dévier par mirage notre énergie vitale, de nous ‘désaxer’ et de nous entraîner à pervertir ou aliéner la satisfaction de nombre de besoins. Par contre, ils peuvent nous servir de signaux, nous invitant à creuser plus loin que l’objet pour découvrir la faille et nous orienter vers un choix plus juste.

‘CRACS’

Consommer en ‘CRACS’ c’est consommer en citoyen responsable, actif, critique et solidaire.
Quelle est la place de la consommation? Elle nous propose des biens et des services à acheter comme autant de moyens de satisfaire nos besoins ou de nous en détourner. Que la société de consommation et la publicité créent de nouveaux besoins est une ineptie si on se réfère au concept des besoins vitaux. Cette idée produit même une illusion supplémentaire. Ce que produisent les organismes marchands, sont juste de nouveaux objets de désirs sur lesquels jeter ou non notre dévolu comme moyens plus appropriés que ceux que nous utilisons déjà pour satisfaire certains besoins. A moins que ces biens et services ne soient ouvertement vendus comme des substituts (offerts à la place d’un besoin sans pour autant le satisfaire. Par exemple, on remplace un manque d’estime de soi par un produit de beauté, un manque de sécurité ou d’importance par une voiture, un sentiment d’appartenance par un vêtement griffé…). Quand nous prenons l’ombre pour la proie, c’est notre vie qui est dans un piège.

Apprendre à distinguer besoin, moyens de satisfaction, désir ou envie, signaux de manque et symptômes de problèmes relatifs aux besoins, et confronter ces distinctions aux faits, c’est nous mettre dans les mains des outils de discernement pour notre consommation.

Un pari à gagner

Nos besoins vitaux sont contraignants parce qu’ils exigent d’être satisfaits. Ils nous obligent à trouver un équilibre de moyens à renouveler pour arriver à les rencontrer tous en alternance. Ils sont encore plus douloureusement contraignants s’ils sont ignorés ou méconnus puisqu’il y a des points de non-retour (pollutions de l’eau, de l’air… qui rend la vie impossible). Nos désirs recèlent une énergie vitale puissante puisqu’ils nous mobilisent vers l’action. S’ils nous usent quand on les oriente vers des objets de substitution, ils peuvent aussi nous libérer quand ils nous poussent à rencontrer davantage de besoins à moindre frais (financiers, humains, écologiques…) en choisissant les moyens appropriés de façon créative.

Enfin, les adultes ont à préparer les enfants à vivre dans le monde tel qu’il est et tel qu’il deviendra. En dépit de l’hypothèse que chacun fait certainement au mieux, les habitudes de vie des adultes, leur manque d’information, de présence, de ressources, de qualités pédagogiques font que les enfants sont nombreux à avoir mal appris à connaître leurs besoins vitaux, à ne pas identifier utilement leurs signaux de manque et à y répondre inadéquatement.

Fleur de l’âge

Qu’entend-on par jeunes? La tranche d’âge où les personnes ne sont plus considérées comme des enfants et pas encore comme des adultes, entre plus ou moins 12 et 18 ans. L’adolescence est une période de transition variable au cours des époques et des cultures. Les enfants sont pris en charge par ceux qui ont acquis la possibilité de s’occuper de leurs besoins. Ils dépendent largement des adultes pour satisfaire leurs besoins. La responsabilité d’un adulte est de satisfaire ses besoins et ensuite de lui enseigner comment les identifier et comment agir pour les satisfaire en employant les moyens appropriés, et aussi de lui apprendre comment résoudre les problèmes qui surviennent dans cette tâche. Enfin, les adultes ont à préparer les enfants à vivre dans le monde tel qu’il est et tel qu’il deviendra. En dépit de l’hypothèse que chacun fait certainement au mieux, les habitudes de vie des adultes, leur manque d’information, de présence, de ressources, de qualités pédagogiques font que les enfants sont nombreux à avoir mal appris à connaître leurs besoins vitaux, à ne pas identifier utilement leurs signaux de manque et à y répondre inadéquatement.
Finaliser l’apprentissage de ce qui permet de rencontrer ses besoins, de prendre en charge ceux des petits et de vivre dans le monde, cela fait partie des tâches de maturation des adolescents.

Enjeux initiatiques d’hier et d’aujourd’hui

Dans toutes les sociétés traditionnelles, la puberté était marquée par des rituels de passage entourant une période de recyclage de l’enfance. Il y avait aussi une initiation pragmatique et symbolique relative à ce qu’il faut assumer sur le plan social et culturel pour avoir sa place parmi les adultes de la communauté. La complexification de nos sociétés modernes fait qu’il est difficile d’apprendre au cours de l’enfance ce qu’il est nécessaire de savoir et de savoir faire pour vivre dans le monde tel qu’il est. Cette période doit donc se prolonger au-delà de la maturation physique. Les personnes qui accompagnent le processus sont de moins en moins reconnues comme telles et leur impact a tendance à se diluer. L’enjeu est pourtant toujours aussi important: il s’agit de l’émancipation de l’individu pour qu’il devienne autonome, c’est-à-dire qu’il vive selon ses propres choix, en se donnant ses propres normes pour s’occuper de sa vie personnelle en vivant avec les autres.

Recycler

Les adultes du secteur Jeunesse sont ces accompagnants recycleurs-initiateurs modernes mais contrairement à ceux des sociétés traditionnelles, ils ne savent pas expliquer eux-mêmes le monde tel qu’il est dans sa complexité et ils savent que le contexte dans lequel vont vivre ces jeunes sera différent de celui dans lequel ils ont évolué jusqu’ici. Leur tâche est d’autant plus ingrate. Ils sont chargés de stimuler et de catalyser le recyclage initiatique car recycler c’est avant tout régénérer ce qui est devenu inutile, c’est donc aussi se séparer du passé et résoudre les conflits intérieurs qui en ont découlé. C’est une tâche initiatique parce qu’il s’agit d’un processus qui révèle un individu à lui-même et lui permet d’appartenir à un groupe nouveau, de changer d’état, de prendre autrement sa place dans le monde.

Vaillance sous l’orage

A travers les mutations, les besoins vitaux restent une référence de base et peuvent servir pour évaluer à quel prix ces besoins sont satisfaits selon que l’on met tel ou tel moyen en œuvre, à l’échelle de l’individu ou de la communauté.

L’éducation à la consommation en Communauté française de Belgique

Un cours d’éducation des consommateurs est inscrit aux programmes de l’enseignement officiel pour le 2e degré professionnel ‘services sociaux’ et le 2e degré technique de qualification, option ‘techniques sociales’. Dans l’enseignement libre secondaire, il est au programme des options ‘services sociaux’ (2e et 3e degrés professionnels et techniques). Pour aider les enseignants à construire leurs cours, un guide d’éducation des jeunes consommateurs, a été réalisé par le Service éducation des jeunes consommateurs (EJC) du CRIOC (Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs).
Chaque année, la Commission européenne organise un ‘ Concours européen du jeune consommateur’ dans chaque Etat-membre. En Belgique, celui-ci est mis en œuvre par le service EJC du Crioc, dont l’objectif est, par cette activité, ‘d’amener les jeunes à construire leurs attitudes et aptitudes en matière de consommation, afin de poser des actes avisés et critiques, autonomes et responsables, à la recherche d’une qualité de vie optimale.’ Informations: [L]http.www.oivo-crioc.org/concours[/L].
Les services EJC du Crioc, de même que d’autres organismes comme le GAS (Groupe d’Action Surendettement du Luxembourg) sont à la disposition des enseignants volontaires.
Cependant, qu’est-ce qui empêche encore aujourd’hui la Belgique (contrairement à de nombreux autres Etats-membres) d’envisager la mise sur pied d’une éducation systématique à la consommation conformément au point D de la résolution 533 relative à la ‘Charte de protection du consommateur’ ratifiée en 1973 par l’assemblée consultative du Conseil de l’Europe?

Les besoins vitaux des jeunes sont les mêmes que ceux des adultes mais les jeunes doivent accomplir d’autres tâches de développement. Ils vivent leur jeunesse à une autre époque que celle des adultes et sont confrontés à d’autres changements de société. Les jeunes se retrouvent aussi devant une autre offre de consommation. Il est donc normal qu’ils cherchent à satisfaire leurs besoins à leur façon.
Leur changement d’attitude envers eux-mêmes marquera inévitablement les choix qu’ils poseront s’ils deviennent conscients de leurs besoins vitaux. Ils auront dès lors davantage de prise sur leur vie et pourront mieux se situer collectivement. C’est cela que nous voulons viser en les amenant à relier leur réflexion sur la vie et le monde à leurs besoins fondamentaux et à leurs ressources inventives. Pour amener un changement, cela ne va pas sans mal. La crise est souvent salutaire. Elle oblige l’être humain à rassembler davantage d’informations sur la situation et à s’aligner sur l’essence de l’énergie vitale qu’il va toucher en lui, sur ce qui lui procure le ressort de passer outre et d’aller s’établir sur une plus grande stabilité. Accueillir les crises, aller à leur rencontre aux côtés des jeunes, c’est le boulot du secteur jeunesse.
Point de repère pour l’énonciation des besoins vitaux, la liste établie par Marge Reddington – accompagnée d’exemples de signaux de manque qui indiquent de façon précoce, tardive ou symptomatique qu’il s’agit de s’occuper de ce besoin – est disponible en français sous forme de tableau distribué en Belgique par l’Association belge de symbolisation (7 €). Tél.: 087-46 21 80 ou au RéAJC asbl. Cette liste a été construite en accord avec les références conceptuelles présentées dans cet article (bibliographie sur demande aux mêmes endroits).

Les droits des jeunes consommateurs

Jeunes et consommation quelle régulation? est le dernier volet du cahier. Il est présenté par Pierre Dejemeppe , conseiller auprès du Ministre de l’Economie pour les questions de consommation.
Pierre Dejemeppe et Jacques Laffineur ont publié: ‘Le statut juridique du consommateur mineur d’âge’, Louvain-la-Neuve, Collection droit et consommation, Centre de droit de la consommation, 1997. Ce document est en cours d’actualisation.
Dans son exposé lors de la Table ronde, Pierre Dejemeppe part d’un constat rapporté par de nombreuses associations et par des parents: les jeunes sont confrontés, dans le domaine de la consommation, à des situations qui sont spécifiques, alors qu’aujourd’hui, il y a peu ou pas de protection spécifique du jeune consommateur. Pourquoi protéger le jeune et quel est le sens de la régulation, sont les questions auxquelles s’attache l’auteur en illustrant sa réflexion sur bases d’exemples.

Charte

La dernière partie du cahier est consacrée aux cinq ateliers qui invitaient les participants de la Table ronde à réfléchir de manière concrète à partir des exposés présentés ci-dessus. Chaque groupe devait, en fin de séance, résumer ses préoccupations en deux points qui seront réunis dans un projet de charte de protection des jeunes consommateurs.
Cette charte devrait proposer des résolutions simples, pratiques et facilement applicables qui pourront leur permettre au quotidien de faire évoluer les choses dans le bon sens, pour un mieux-être, et de soutenir les jeunes dans leur résistance à la tyrannie de la surconsommation. Elle pourrait servir de base de réflexion et d’action pour les mandataires politiques, en particulier les législateurs.
Voici les deux points apportés par chaque atelier qui constituent le projet de charte de protection des jeunes consommateurs:

Atelier les jeunes et l’argent

Que les parents et la famille au sens large acceptent de parler de l’argent sans tabou et de s’interroger sur la valeur de l’argent selon le budget de la famille.
Interpeller les pouvoirs publics et agir pour que l’école retrouve son rôle privilégié de centre de réflexion et de formation des jeunes à la consommation.

Atelier les jeunes et la publicité

Les différents acteurs de la société, chacun à son niveau, doivent veiller à être cohérents dans leurs discours et leurs actions quant aux messages qu’ils envoient aux jeunes.
Il ne faut pas rester passif face au martèlement et à l’agression de la publicité. Que chacun manifeste son désaccord et son opposition publiquement; le cumul des voix et des actions finira par être entendu.

Atelier les jeunes et la santé

Aider le jeune à accepter de ne pas être parfait et à développer son apprentissage de la responsabilité et son esprit critique.
Comprendre ce qu’il y a derrière les statistiques pour découvrir la réalité des jeunes.

Atelier les jeunes et les besoins vitaux

Apprendre à décoder les signaux de manque pour identifier le besoin vital et le différencier des envies.
S’informer et prendre conscience de la nécessité de satisfaire adéquatement ses besoins vitaux.

Atelier le droit des jeunes consommateurs

Faire pression pour faire respecter la disposition du pacte scolaire qui stipule que toute propagande politique et toute activité commerciale sont interdites au sein de l’école.
Savoir et faire savoir qu’un mineur qui a contracté une dette (même pour satisfaire ses besoins vitaux), sera contraint de la payer à sa majorité.
Sylvie Bourguignon , d’après ‘Table ronde. Les jeunes et la consommation, le bien-être à quel prix’?

Cette Table ronde est une initiative
– de la Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes asbl, rue Traversière 8, 1210 Bruxelles. Tél.: 02-218 31 03. Fax: 02-219 86 65. Courriel: info@coj.be. Site: [L]http.www.coj.be[/L]
– du Réseau-Association des jeunes consommateurs – RéAJC asbl, Carrefour 19, rue du Marteau 19, 1000 Bruxelles. Tél.: 02-219 30 97. Fax: 02-223 15 93. Courriel: reajc@skynet.be. Site: [L]http.www.reajc.be[/L]